L'intensité et le nihilisme
On peut dire donc que lorsque la philo invoque dieu ou le sujet ou la pensée ou l’être, etc, elle ne les évoque pas (comme des miasmes brumeux ou des flocons inidentifiables), elle rapporte très exactement ce qui est par chacun (pourvu qu’il philosophe : on n’a rien sans rien ...) constatable.
Il se trouve qu’embarqués comme nous le sommes chacun dans notre moi, notre personne, à l’aboutissement de processus de personnalisation très concrets et absolument valides mais restreints et limitatifs, on conçoit difficilement autre chose qui puisse outrepasser le moi ou donc ce qui lui correspond intellectuellement ou pour mieux dire intellectivement ; ce qui lui correspond étant le sujet absent de la science. On ne pourrait plus dépasser le sujet absent de la science… Tout montre par ailleurs le contraire mais on est en panne de le penser…
Tel n’est pas le cas philosophiquement. En philosophie le sujet n’est pas absent mais investi et intensément. La philosophie est l’intensité maniée avec rigueur puisque intensité ne signifie pas quantité mais qualité et concentration ; ce que Nietzsche relève bien effectivement. Et le sujet philosophique est investi mais en sa qualité propre qui est de ne pas succomber au subjectivisme, qu’elle maintient pourtant tout autant, tout en absorbant n’importe quel objectivisme. Le sujet philosophique est celui qui porte à l’excès le total investissement qui expose jusqu’à son être même (à subir les foudres ou les affres de ce qui est). Et ce non par sacrifice mais parce que notre être n’existe que dans l’explosion et l’exposition.
C’est donc par frilosité que l’on s’entoure de théories objectivistes et de délires subjectifs, le philosophe non. Le nihilisme est précisément ceci ; que l’on n’a plus l’envie ou l'idée ou l’ouverture nécessaire à soupçonner le passage de notre être à l’ensemble de tout ce qui est ; on croit que cette ouverture est restreinte, limitée, pauvre, négative, faible, etc. On critique constamment, ce qui est bien, mais sans être en mesure d’assurer quelque certitude que ce soit ; alors que la pensée grecque, Descartes ou Nietzsche sont précisément d’affirmer instantanément que la vérité est et que l’on est libre.
De cette manière il devient impossible de comprendre adéquatement ce que les autres, les précédents, les très anciens ou les fougueux voulurent et pensèrent ; on se contente d’interprétations réductionnistes et qui ramènent très littéralement telle certitude à une idéologie ou une illusion ou un bavardage ou ce que l’on voudra. Ils ne sont juste plus capables d’admettre en eux la certitude qui fut, tant ils s’identifient à leur limitation sous la forme du moi (et toute espèce d’identités qui lui sont accolées, le corps, l’inconscient, la société, etc, ou de se situer en position dans le sujet absent de lui-même). Il devient en ce cas impossible de s’enflammer à nouveau et de souffler l’universel ou pousser le libre plus loin, tout se fige et stationne.
La philosophie anime donc du dedans la structure puissante de notre être, et c’est son articulation qui est essentiellement débordante de variations et de possibilités d’où les multiples pensées qui en désire les conditions, en décrivent les points d’ouverture, d’ouverture à « ce qui est tel que cela est », tout cela demeurant intensément vivant parce que pluriel. La certitude est à un autre niveau que celui immédiat de la pluralité des discours, elle est un système formel en seconde puissance, (au sens propre et figuré), et c’est donc cette articulation qui est décrite, élaborée, et qui avance au fur et à mesure de sa description, pensée, intensifiée. Cette capacité de vérités et de libertés;