La conscience comme corps (esthétique II)
L’activité de conscience est donc l’intentionnalité purement fonctionnelle qui déploie, développe, engendre sa propre architecture. Comme ce déploiement est celui de rapports, ils ne sont saisis qu’en acte, et la philosophie ne peut être atteinte sans s’y investir, y investir son être (le lieu, l‘identité de cet être étant suspendue, on ne connait pas ce qu’il est, et étant en acte c’est son possible qui devient, rendant impossible sa définition). Autrement dit notre être ne rentre en aucun discours « objectif », tout discours objectif est mis à sa disposition et tout discours objectif est lui-même un effet, et entre dans l’intentionnalisation générale.
On a cru pouvoir détourner la philosophie en restreignant sa capacité en une identité, nommée, la caricaturant en l’établissement d’un discours normé, qui définirait ses objets, mais ce sont des ob-jets, des possibilités ; les idées sont des rapports (engageant notre être ; la scientificité est un sujet absent de ce fait, qui pose des objets tout court). Mais il est clair que l’on ne lit pas la philosophie sans y être ; ceci modifiant notre être, et par cela seul il est en devenir. Au contraire du sujet absent, cad du moi scientiste ou technologique qui s’en sort sans une égratignure, et les fameuses crises narcissiques, Galilée, Darwin, Freud, aboutissent finalement à conformer ou ensuite conforter un moi laissé à son seul être-là immédiat, construction bricolée, tandis que depuis le début la philosophie impose que l’on n’est pas le moi que l’on croit être ; on est la pensée pour les grecs ou la réflexivité sujet pour Descartes et bien plus ces sujets étranges qui suivirent Descartes jusqu'à Nietzsche ou Lacan.
Les textes philosophiques sont indéfinis ; ils ouvrent la possibilité (il n’en est qu’une seule structurelle , celle qui, vide, rend possibles toutes les autres possibilités lorsqu’elles en valent la peine, et reçoivent valeur de leur potentiel structurel) et cela d’autant que par les grecs (et Descartes et suite) ce qui est exposé, ce ne sont pas des idées ou des systèmes mais c’est notre être même ; au sortir des mondes particuliers (monde local-langage-groupe) l’articulation au réel, qui se rend réelle de par son être (elle est réflexivité formelle), l’articulation est unique dans un monde unique, autrement dit universelle.
Il n’est donc pas de contradictions entre les systèmes, mais chaque fois l’avancée vers la résolution potentielle, et ce non dans l’imaginaire ou la fuite, mais dans la remontée de cet être qui est (recouvert par les mondes particuliers ou plus exactement se cherchant au travers de ces mondes jusqu’à émerger et se dire, se représenter lui-même, comme pensée grecque et comme réflexivité cartésienne). Aussi la philosophie, qui exprime cet être qui se désigne enfin tel quel, résiste de fait à toute contradiction ; elle n’y est pas essentiellement mise en cause ; ça n’est pas son problème que d’établir un discours raisonnable tout plat, ça n'est pas son ob-jet (dynamique, en devenir, qui grimpe constamment sur ses précédentes réflexivités pour avancer).
Croire qu’il existe un discours objectif et que c’est ce qui est visé, c’est croire imposer un discours de « raison » aux animaux humains (et donc par ailleurs croire que la distinction animal-homme est une rupture). Alors que si notre être est ce qui a surgi, chacun est déjà cet être ; de fait (et les animaux sont déjà perception réelle). Toute conscience est à elle-même dans son désordre. L’ontologie plonge en et par chaque conscience. Il ne sert à rien d’imposer la « raison » (qui n’est pas la pensée) à une conscience ; ça n’a rigoureusement aucun sens. De fait la philosophie réclame pour être lu, d’être investie en tant que sujet. Sinon c’est peine perdue.
La conscience formelle de l'être formel
La philosophie avance sur le sol même de ce qui est ; là où notre être est posé (figuré par ex comme l’étendue cartésienne et le sujet suspendu). Aussi lorsque la pensée s’est conclue comme réflexivité individuée (chaque conscience est cartésienne, de fait, inutile de se battre contre), chaque conscience a commencée de dépouiller et explorer son donné « là ». Chaque conscience est devenue romantique, existentielle, ontologique, ou donc pour les mois dépressives, psychotique, névrotique, perverse, etc, ou entre autres amoureuse. C’est la même avancée qui « avance ». Et qui avance en et par chacun.
Etant purement fonctionnelle, mécanisme effarant, l’activité de conscience réflexive pousse à être ; elle fait être puisque la conscience est l’articulation d’une cervelle avec le donné là.
C’est donc au final le corps qui avance, la reconsidération du corps investi d’une conscience qui augmente sa surface, sa perception, sa possibilité ; elle est le levier qui (admettant tout de la cervelle, conscient langage, inconscient, etc) vise le « là ». Ainsi c’est notre corps qui devient en tant que l’activité de conscience le métabolise ; de même que le langage est devenu sous la puissance, le potentiel de l’intentionnalité qui l’a repris au groupe-monde local-langage).
On veut traiter les corps, mais en réalité ce qui se joue c’est l’architecture de chaque conscience. De même on croit qu’il s’agit dans un corps, du moi, de cette identité psychologique, animal-langage-inconscient (etc, cervelle, comportementalisme), alors qu’il est le sujet.
Esthétique cela doit donc être pris au sens entier ; ça se perçoit. Notre être est ce qui, impossiblement représentable, use tous les discours (les systèmes, les mondes, les personnalités) et perçoit par-dessus. En ce sens est esthétique toute la pensée et la philosophie ; qui veut manifester et exposer notre être en acte, le montrer et agir par la disposition de telle sorte que cet être s’oriente vers son expression, sa modification du donné et conséquemment sa modification de soi, de son corps percevant.
Ça n’est pas une idée qui est atteinte, mais l’augmentation de notre être en sa plus grande ampleur ; à partir du corps lui-même (et nous ne possédons rien d’autre que ce corps).