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instants philosophie

Le monde désagréable des mois

16 Août 2014, 09:05am

Publié par pascal doyelle

Tout moi, toute personnalisation est une construction ; chacun n’est pas une identité éternelle ou destinale, mais n’est pas non plus seulement un conglomérat bricolé d’éléments épars ; il est vrai que tout moi est une sorte de bricolage absurde, mais en même temps tout moi se tient de son image-idée, ce qui signifie de son Sujet, tout moi se saisit (au deux sens) de son sujet ; de sorte que tout bricolé qu’il soit, le moi est une construction activiste ; il est la potentielle résolution du devenir ; à savoir ; comment un corps peut-il supporter cette puissance abominable du mécanisme de conscience ?

Ça n’est pas évident ; il se peut que le corps ne soit pas capable de supporter la puissance du mécanisme, qu’aucun corps ne puisse admettre la charge et l’exigence du sujet en un moi. Que le moi soit un sorte de moyen terme qui vise à acclimater la puissance en et par un corps, et il n’est pas dit que ce corps y suffise.

Bref.

Il se peut également que l’on soit incapable de relever le défi de cet être. Tout moi adorerait se lover dans son identité, toute monde humain se replie sur lui-même, tout groupe s’entretient entre soi, ignorant le reste du monde. Ce faisant ça n’est pas seulement la possibilité (de dépassement) qui est abandonnée ; le mécanisme n’existe que mouvementé. Figé, il continue de travailler mais à rebours. Il s’enfonce, s’effondre, se crève de sa propre morsure ; il se travaille en pure perte et démantibule le groupe, l’humanisation, la personnalisation.

Or cependant le mécanisme si il est bien automatiquement ce qu’il est, est réflexivité ; autrement dit il existe par nous mais nous existons nous-mêmes en sa structure ; nous nous apparaissons à nous-mêmes par sa réflexivité.

Ce décentrement est habituel renommé ipséité ; par la réflexivité se produit un être qui s’identifie lui-même ; la réflexivité est présentée comme le moyen de cette identité. Il n’est nullement question de nier cette identité et de prétendre que la réflexivité doit être substituée à l’identité, mais de présenter que la réflexivité est l’architecture qui tire cette identité « vers le haut » d’une part et vers le réel d’autre part.

Vers le haut désigne ce qui a pu passer pour de l’idéalisme, ou pour le sujet ou pour l’esprit, ou toute motion qui reste ouverte une fois énoncée et qui consiste précisément à ajouter aux finalités du monde donné là, une surfinalisation qui vise à dépasser les finalités du monde ; ce qui revient à relativiser par exemple le corps par rapport à l’esprit, ou les intérêts par l’universel, ou le donné là de ce moi par son image-idée qui le porte. Ce qui se retrace en notre historicité même. Laquelle est oubliée puisque dès l’apparition de l’instance de personnalisation, il y eut un raz de marée rendant tout étal à la vue de « cela » qui fut installé sur le sol même du monde unique ; le moi.

Le moi, étant assujetti, en rapport instantané au libre pur, et le libre faisant cercle avec lui-même, le moi aplanit et arase tout le sol au-devant de lui-même. Le moi ne peut pas se percevoir comme sujet et traite tout ce qui s’explorait comme réflexivités en objectalités ou objectivités. Ce qui aboutit à des séries de projections du moi, qui ne parvenant pas ou plus à se saisir par la réflexivité et le sujet (le sujet fondamental cartésien ou les grands sujets incompréhensibles), se perçoit en des formules dégradées, basses, réductrice, répétitives, perverties (des anciennes images réflexives recyclées bassement pour l’usage du moi ignorant le sujet).

Ce qui se configure comme grande rupture entre l’acculturation qui visait soit l’universalisation (antérieures à la révolution unique) soit ensuite le sujet et ses frasques fabuleuses, ses désordres étranges, ses superbes désirs impossibles, et d’autre part l’acculturation mondaine de possession du monde ; le monde des objectivismes et des objectalités et le monde des mois.

Littéralement il s’agit d’un grand renfermement sur et à partir et autour de la bassesse (qui devient aussi par ailleurs densité) des mois psychologiques ; ils sont de fait dépouillés de toute ambition universelle (l’universalisation est parvenue à son terme par la révolution unique et ses variations diverses) et dépouillés de toute l’ampleur du sujet, puisqu’ils sont des mois, cad de petites choses.

Et ils se conçoivent, perçoivent, imaginent, désirent comme de petites choses. L’objectivité les représentent comme des objets et l’objectalité leur fixe leurs désirs dans des choses molles et inertes ; leurs corps. C’est l’entièreté de leur être mental qui est plié sur le donné là, et les mois ne conçoivent pas du tout que « ce qui est » relève d’autres ensembles que celui qui ramène tout ce qui est à leur détermination de moi.

Le problème est que si l’on n’est pas sujet, alors les autres pensent à votre place.

Soumis à l’objectivité (et scientisme et étatisme, perversion de la démocratie, marchent côte à côte) mais aussi abreuvés d’objectalité (des fonctions universelles de la famille, recyclées dans des affects égocentriques monumentaux, etc, aux débauches et aux facilités diverses les plus immédiates, les plus affaiblies, ce qui veut dire sans à-venir, qui s’effondrent dans le passage du temps et disparaissent), ils sont non pas sujets mais objets.

Et à commencer objets de leur propre désir. Qu’il faut mettre au singulier ; il n’est qu’un seul désir, celui d’être, mais le moi ne sait pas du tout quoi en faire, ni comment s’y prendre, aussi entame-t-il la faiblesse inégalable de parsemer son vécu de tas de désirs de toute sorte, qui s’affaissent et s’anéantissent dans le temps, rejouant sans cesse sa propre mort, son propre départ de toute vie. Comme tel c’est toujours la mort qu’il non pas veut précipiter, mais étant formuler par et pour le corps, il est logique que son principe soit la mort ou plus exactement l’anéantissement. Tout désir bizarrement conduit à et vers la mort, puisque de sujet il n’en existe pour le moi ; il ne voit plus du tout comment s’en sortir de sa vie.

Puisqu’il est clair que pour un sujet la vie ne suffit absolument pas.

Le moi c’est ce qui perd son existence, ce qui ploie sous la masse de son désir, lequel n’est pas du tout articulé à l’universel (comme autrefois lorsque l’universel n’était pas encore réalisé), et encore moins au sujet (auquel il ne comprend rien du tout, et que même lorsqu’il s’y intéresse le moi le mélange à l’universel, croit encore que les sujets sont sous-tendus par l’universel, alors que depuis Descartes ça n’est plus du tout de cela dont il s’agit, le retard est considérable, même intellectuellement).

Le moi n’est articulé qu’à son désir, mais cela signifie à son corps ; il le mirage, il l’emberlificote de tas de fantasmes, de pseudo explications de sa génération par ex (pourquoi est-il ce moi là ? de où vient-il ? Que signifie papa et maman, des choses dans ce genre, quand ça ne se varie pas en fantasmes sexuels, fantasmes du désir, du désir qu’a l’autre de « moi »). En quoi il dépend dans son désir même, qui parait-il devait être le plus proche de lui, il dépend d’être objet de l’autre, tout décentré est le moi ; ignorant le sujet, même lorsqu’il se croit désirant, en réalité c’est d’être l’objet de l’autre. Le moi de ce point de vue est un esclave, esclave d’une sorte de main mise constante de l’autre sur le sujet (que le moi n’est pas et donc qu’on lui dérobe constamment.

La conscience (qui n’est pas le conscient qui est marqué par le langage, et donc par les autres) est le refoulé du moi ; la structure de conscience n’est jamais où elle est montrée prétendument (c’est là le conscient) ; c’est tel ou tel contenu qui est montré ; la structure est toujours en recul, hors du montré, mais alors où est-elle ?

Tout cela est au fond une comédie ; chacun joue son moi, mais c’est très théâtral, puisque pour le moi il n’existe pas de sujet, et donc il lui est impossible de reprendre la main. Le sujet ou plus exactement la structure de conscience le surveille sans cesse, lui ordonne, lui imprime dans la chair et le moi veut incruster dans son corps les ordres de la conscience structurelle qu’il ignore. On lui imprime les ordres par les images soumises.

Remarquons ceci ; si le moi reprend son sujet, et que le sujet n’existe pas sans d’abord le soubassement de l’universel, alors les sujets seraient l’activisme universel anciennement révolutionnaire ; on n’est pas sujet sans exister l’universel même alors que le sujet est précisément ce qui dépasse l’universel, mais dépasse au sens de porter plus loin la réflexivité absolue (non au sens où il passerait à autre chose que l’universel, une sorte de super moi qui serait profondément débile pour le coup).

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