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instants philosophie

Paramètres du réel

31 Octobre 2015, 09:54am

Publié par pascal doyelle

C’est alors la pure et brutale verticalité qui s’est dressée de toute sa hauteur et s’est imposée traversant l’humain.

La pensée, ce que de ce côté-çi nous nommons la pensée, par commodité étant entendu qu’ailleurs la pensée est toute aussi active, doit être caractérisée comme suit ; au lieu d’organiser le passage vers l’absolu au-delà, hors du monde, autre que le donné là, la pensée est ce qui admet une fois pour toute que l’absolu est très précisément « là », ici même, ici et maintenant, et que l’on peut en tenir une cohérence, constatable et rigoureusement désignée.

Au lieu que la pensée selon l’absolu veut définir les chemins spiritualisés qui élèveront l’âme jusqu’à rejoindre « ce qui est » hors de notre champ, la pensée selon le Un (qui le tient entièrement ici même) veut désarticuler notre arc de cercle qui tombe « là », dans le réel. Et analysant cet-être que nous sommes, recréer sa structure et ce faisant, puisque c’est ici même que cela se creuse, non seulement observe et décrit, mais crée, produit son architecture, puisque si elle suit l’arc qui tombe vers le réel, elle s’y ajoute et crée l’architecture de cette structure ; de descendre l’absolu vers le « là » et selon le Un, oblige à le créer, et il faut alors admettre que ramener l’absolu comme Un signifie que le Un est non complet et qu’il est, lui, le Un, ce qui, purement formel, obtient de lui-même qu’il se change, se modifie, se structure en plus, s’organise du dedans (pourtant sans dedans), et que la structure s’architecture.

Ou donc ; non pas que le un soit incomplet mais sa nature même est formelle (soit l’arc de conscience vers le réel, et le réel n’est rien d’autre que le présent, et le présent est cela-même qui, en qui et par qui tout le reste se réfléchit ; la réflexivité qu’est cet-être (l’arc de conscience) s’instancie dans la réflexivité qu’est, intégralement, le réel, entrainant toutes les réalités à la suite.

On a recherché, d’autres cultures, avec une extrême rigueur et des pensées ardues les répercutions de l’absolu ici bas ; son instruction, ce qu’il pouvait nous enseigner et tout ceci avec quantité d’effets, dont le dernier régime connu fut celui du Un judaïque (et originellement peut-être l’hindouisme), le Un du Dieu-Autre, purement autre et purement élevé, au sens d’abstrait, ce qui veut dire libre au sens de dépouillé de toute détermination donnée, de tout vécu, de tout monde (au point de créer un peuple par sa parole, son intentionnalisation même, peuple sans terre, sans territoire, sans enracinement dans une localisation).

Ceci étant acquis, il fallut non pas du tout passer à un autre régime, mais continuer la recherche de l’absolu en en modifiant le registre ; au lieu de poursuivre l’absolu dans l’extérieure présence absence, il fallut le décider comme étant ici et maintenant ; on a donc assisté et admis et subi et voulu et décidé la découpe de notre être ici même, en présence, au présent, effectivement existant, et ce via, outre mille pensées qui surgirent autour de la méditerranée, deux grands axes ; le grec et le christique (ou par ailleurs l’islam, qui joue non pas du corps sujet individué crucifié mais de la communauté et tente, voudrait, espère opérer une réflexivité interne de la communauté sur elle-même, de la présence, de l’accessibilité de la communauté).

Les grecs et le christique s’obligent à enclencher dans l’actualité l’articulation de notre être et ce quel que soit par ailleurs les mille et un systèmes philosophiques d’une part et les versions plus ou moins orthodoxes des églises ; peu importe parce que ce qui tente de se transmettre (que l’on caractérise comme découverte/invention de la structure de réflexivité ou comme révélation pour le croyant) est une élaboration qui s’est extraite elle-même de toute détermination (de tout monde donné humain, hors de tous les langages, de toutes les immédiatetés, etc, y compris hors de son propre monde, grec ou juif ou gréco romain ou méditerranéen), une élaboration fondée sur sa propre pro-expérimentation de structure, acquérant son caractère formel pur et simple et brut.

De sorte que les acquisitions structurelles grecques, christiques ou chrétiennes ou arabes (détour de la pensée grecque et néoplatonicienne par et dans les philosophes arabes, qui surajoutent de formidables réinstructions de l’attention à exister) seront reprises, exportées continuellement puisque ce qui joue, alors, ce ne sont pas des systèmes ou des idées mais une structure qui suit sa propre ligne d’extraction de tout monde, de tout langage, et doit créer son cheminement dans et par le réel lui-même ; toute la réflexivité est accumulatrice en ceci que c’est, au moins depuis les grecs, la même structure qui épuise les pensées, les pensées étant à chaque fois des machines intentionnalisatrices dont la fonction est de trier, d’organiser, mais avant tout de produire, de créer des intentionnalités vers le monde (la politique), le donné (l’idéel et la science, la connaissance), le vécu (et le psychique et l’individuel, le christique et la naissance-mort), et le corps (et toutes ses éthiques de distinctions et de différenciations, du christianisme à Nietzsche, de Montaigne à Artaud). Et structure qui veut créer les prédispositions, la pré-disposition même de l’arc de conscience, d’attention, vers le réel, vers le présent ; de s’en prendre à l’actuelle point de présence (qui se réduplique partout et antérieurement à tout).

Et de créer ce dont elle est la description ; la structure elle-même, autrement dit comment notre être s’articule au réel, au réel donné « là », au présent et comment user de cette attention à exister qui nous pousse à un tel point de rupture ?

C’est dans l’arc de conscience vers le réel donné là, que nous sommes absolument formellement attentifs, que la révélation ou l’ex-stase se produisent. Aussi fallut-il élaborer des machines mentales qui piègent et qui créent cet arc vers le « là », extrêmement exigu, exigeant ; ça ne fut pas de découvrir l’objectivité, mais l’exposition, et la description de cette exposition, qui sera pourtant dite cohérente en ceci que si l’on pense cette articulation la dite pensée (ou l’esthétique ou l’éthique profonde ou la politique ou l’idéel) devront correspondre à l’hyper expérience de cette structure.

Or Descartes nous montre que cette structure n’est pas notre-être mais cet-être, donné « là », sur le monde, sur l’étendue (et l’étendue s’impose alors comme étant l’être, lui-même, dont notre présence est l’exister ; l’exister s’ajoute à l’être). Que cette pointe articulée au réel, l’attentionnalisme archi-grec, hyper-christique, méta-cartésien (et suivants), pro activiste des pensées de l’altérité (Nietzsche, Heidegger, Sartre, Lacan, etc), valent comme cheminement, comme créé, comme avancement, comme prolongation de l’instanciation, là où nous sommes, de notre exister.

Depuis que nous sommes sortis des mondes particuliers, de la logique qui laisse prévaloir le contenu (le soleil ou la profusion de la nature, ou le divin représentable, appartenant à un groupe, dans un langage, dans une immédiateté localisée, etc), il fallut élaborer l’archi-tecture de l’intentionnalisation ; puiser dans le présent l’expérience nouvelle et le renouvellement de l’attentionnalité qu’est notre conscience, qui s’est révélée comme « cette-conscience-autre ». On a cru un temps que cette réflexivité (de cet-être vers lui-même dans le « là » du donné, l’être ou le réel ou l’exister ou le présent) pouvait passer comme réflexion (du donné sur lui-même, de la nature humaine sur elle-même ou sur la nature tout court). Mais en réalité c’est un être-Autre qui nous a poussés, conduits, amenés et dont nous sommes les symptômes.

Et comme cet être-Autre est le Bord du monde, du donné, du vécu, du corps, c’est entièrement tout le donné qui est soulevé. On n’a pas tort de comprendre qu’il s’agisse là de raison, de naturalité et du moi et de l‘humain, mais l’arc est bien plus ample que ces figurations, et c’est pour cela qu’ils sont nés respectivement de la pensée, de dieu-le christ et du sujet, et pour cela que contre l’interprétation réaliste « raisonnable » des configurations dans les figurations aplaties et adaptées au monde donné vécu, se sont levés les proactivismes nietzschéens, heideggériens, sartriens et lacaniens ; parce que l’arc de l’attention à l’exister ne s’arrête pas au acquisitions, il soulève bien plus lointainement que le seul donné humanisé et psychologisé.

Cela veut dire que pour chacun il est une architecture bien plus extraordinaire que le simple vécu du moi-que-l’on-est (et dont toute l’intégralité de l’humanisme en cours voudrait nous convaincre, dont il est si intimement persuadé et toute l’intégration dont il est capable) et que par ailleurs la réflexivité elle-même (n’étant pas la réflexion) se visualise bien plus amplement et comme révolution interne à la structure de l’attention.

Pour s’apercevoir de la structure, il lui faut épuiser tout le monde possible, toute la représentation, (et tout le moi) jusqu’à ce que s’opère le Retournement. Il se peut qu’elle n’y parvienne pas. Toutes les structures dans la ou les réalités (s’il est plusieurs univers) ne se décident pas nécessairement à exister, auquel cas elles s’effondrent ; il est de la nature des structures de dépendre de leur décision.

Lorsque l’on finalise la structure par de pauvres mises en demeure (des finalisations intra mondaines et non arcboutées sur le Bord du monde), on épuise réellement et effectivement le monde. On prolonge et durcit la ligne de mort et reste dans l’incapacité de se créer un horizon (non nécessitariste) par-dessus celle-ci.

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