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instants philosophie

Images et miroir, structure et contenus

14 Mai 2016, 09:03am

Publié par pascal doyelle

Remarquons ceci ; les religions ne sont pas irréprochables dans l’histoire mais au moins elles précisaient bien ; oh méfiez-vous, tout n’est pas désirable et il est un hiatus entre vous et le monde donné naturel, et un hiatus entre votre conscience et votre corps, et un hiatus entre l’idéologie du groupe, de tout groupe, toute mafia et la vraie volonté, la vraie intentionnalité. On n’a pas compris.

Certes par les religions notre présence au monde avait un sens mais un sens tout autre que celui de céder à n’importe quoi ; et c’est le sens d’être au monde selon l’humanisme et l’universel qui fut balayé par une autre sorte de « sensdelavie » ; c’est le monde du 18éme qui a lancé le principe ; la nature humaine est légitime dans ce monde çi et n’a de réglage que son propre désir et ses propres décisions ; insensiblement on est passé des limites universelles à l’absence de limites ; puisqu’il n’était rien qui soit suffisamment discernable dans la conscience de chacun qui puisse atteindre et entourer cette conscience, et pour qu’elle puisse se réguler, et au-delà du principe kantien de régulation, il fallait être saisi de l’altérité même de cette structure de conscience ; et non de considérer qu’elle puisse être nous-mêmes si naturellement et si spontanément et si de fait étant « nature humaine » pleinement exercée en quelque sens que ce soit.

Pour que le total-sens, la réalisation sans limitation devienne le principe même de l’humain, il fallait que s’incruste au-dedans le Fantasme ; le fantasme de réalisation impitoyable de « soi », d’un moi fantasmé, imaginé, d’un désir valant en et pour lui-même ; comme si, tout naturellement, le monde attendait ou admettait dans sa structure même d’être régenté par notre envie.

Si cette structure de conscience est notre conscience, elle se donne comme naturellement ou effectivement produite dans et par le monde, la nature, l’humanisation, la personne humaine ; elle fait sens et ce sens est ou serait attendu par la réalité. On a confondu ; qu’il soit tout à fait impératif que nous soyons nous-mêmes (et non plus une représentation abstraite, qu’elle soit relative aux religions ou à tel idéologie de tel groupe humain), et que nous puissions poursuivre le rêve artificiel de la réalisation de « soi ».

On a donc investi (en énergie, industries, mass médiatisations, imaginaires et récits, psychologisations diverses et à foison, etc) infiniment dans l’élaboration du rêve de « soi » ; l’appel fut énorme pour s’engouffrer dans la production de la personnalisation (serait-elle industriellement produite, produite en série, que ce soit par la mass médiatisation ou la micro médiatisation, hyper technologique). L’appel relayé partout et investissant chaque partition de la réalité humaine. Par quoi donc la personnalisation, qui suit et poursuit l’humanisation (installée dans l’histoire par la révolution, dont on s’aperçoit quand même qu’elle est l’unique, la seule et unique révolution, le marxisme faisant quasiment office de ruse de l’histoire et instaurant l’objectivité et l’universel occidentale, européen, partout sur la planète, objectivité et universalité marxiste qui se convertit, plus ou moins, assez aisément à un capitalisme ou un libéralisme, plus ou moins contraint et étatique),

La personnalisation donc qui devait poursuivre l’humanisation, que la révolution s’engage plus profondément dans et par la personne de chacun, la personnalisation a ouvert également un gouffre d’absorption totale ; une dévoration intégrale de la réalité, et comme elle est soutenue par le fantasme, la vision fantasmatique de la réalité, c’est le réel même que l’on ne perçoit absolument plus puisque dès le début on s’est extrait de ce réel.

Le faire-sens des religions se tenait sous conditions ; le faire-sens de l’humanisme et de la raison également ; et il s’agissait de conditions tout à fait dures et exigeantes ; qui ne correspondent plus à ce que ici et maintenant nous attendrions, mais il faut voir si en refusant ces conditions de religion et d’humanisme (soit donc la valeur de l’humanisation par rapport à l’égoïsme et l’égocentrisme), ça n’est pas justement le refus de limitations qui gêneraient simplement nos pures envies mal dégrossies et que par ce biais d’une révolte contre l’Etat ou Dieu ou ce que l’on voudra, on n’a pas tout bonnement sacrifié à l’autel de notre fantasme ; ce qui revient à ceci d’échanger l’exigence (certes incompréhensibles dorénavant) pour le dit fantasme en tant qu’exigence ; de sorte que le plus avantageux, la facilité, se révèle être encore plus tyrannique et en un autre sens encore plus troublant ; le fantasme, en ceci qu’il pénètre plus avant dans le psychique, pour ainsi dire, serait lui-même une plus grande concrétisation encore de la transformation humaine et donc cette fois, par le fantasme, de la transformation rendue individualisée.

Mais on voit bien en ce cas, que l’on glisse bien près du bord du gouffre ; la structure mentale tenait par l’expression d’une ampleur limitative ; par laquelle aucune réalité donnée dans le monde, dans le écu ou le corps ne pouvait prétendre à occuper tout le réel ; la pensée, dieu, l’humanisation, l’universel (de même que le dieu abstrait tout Un et Autre réduisait qu’il puisse être pris pour un dieu parmi d’autre ou que le divin lui-même puisse se disperser, parce que se dispersant le divin s’empruntait de telle ou telle partie du monde, tandis que par le Un le divin, le sacré est strictement délimité et comme on sait jaloux) ; de là que, basculant du côté du fantasme, on commence à nouveau à remplir le monde, le vécu et le corps de représentations faciles et d’idolâtries ; de même que le moi s’envahit de magies et de fantômes intérieurs, d’images de soi qui renvoient à d’autres images encore et que plus jamais il ne se saisisse comme étant le miroir lui-même.

Parce que quand bien même le miroir présenté dans les religions et les universalisations ne soit pas explicite, il gardait la structure de conscience dans sa tension réelle, tandis qu’incorporé dans la réalité il se confond ou voudrait se figer en image et comme ça n’est pas suffisant il va démultiplier tellement d’images qu’il perdra de plus en plus qu’il soit le miroir lui-même, serait-il insituable. L’’égoisme, l’égocentrisme, l’égologie teint précisément de son manque et non de son excès ; plus on désire, moins on existe.

Non pas plus on désire « moins on est » (ce soi-même, cette identité, ce corps, cette satisfaction) mais plus on désire moins on existe ; autrement dit dieu, la pensée, le sujet, l’humanisme (en fait dans son projet fondamental ; la révolution et on sait comme la révolution fut en soi, en elle même sur-désirable pour un nombre formidable d’êtres humains durant un siècle et plus), ne produisent pas un état tout fait mais bien qu’ils promettent, renvoient en plus et virtuellement un réel, un réel de réalisation, à venir, ou hors champ ou extraordinairement exigeant, et bien sûr c’est ici qu’il faut repérer les éthiques ontologiques ; les créateurs, les inventeurs, les découvreurs se sont produits eux-mêmes en des éthiques profondes et extrêmes, c’est un extrémisme qui suit et poursuit l’activisme qu’est la structure, grecque et chrétienne et cartésienne et révolutionnaire ; ce qui se crée ne se crée pas sans exigence, sans règles, sans délimitation de ce qui est la réalité et de ce qui est réel.

Ou donc l’exigence ou l’éthique (ontologique, non pas l’une quelconque morale, mais la forte ampleur de la tension vers le réel, vers la réalité, par le corps çi-devant ) sont immanquables ; ils s’imposent structurellement à toute conscience-de (sinon il n’y aurait pas de conscience-de) ; et lorsque le fantasme généralisé remplace le miroir par les images dans le miroir (oubliant celui-ci), le fantasme s’impose lui-même comme exigence ; ce qui est insupportable, invivable, rigoureusement inhumain.

En ceci que l’humain ne se définit pas seul, mais dans le contrepoint (de ce que l’on voudra ; dieu, la pensée, le sujet, la révolution et l’humanisme, la création, le grand sujet exigeant et impérieux, etc) ; ne se perçoit que dans le contrepoint du miroir qui seul peut approximativement orchestrer les images. Et par approximativement il faut comprendre ; virtuellement.

L’intention fermement destructrice du fantasme, du principe qui ordonne la réalisation de l’humain depuis la révolution unique, consiste bien à rendre réel tout le possible ; or le réel ne se rend pas comme réalités. Et on voit bien par là qu’en même temps était nécessaire que l’on puisse agir, décider, construire, produire un monde effectivement réel, et en même temps qu’il ne fallait surtout s’imaginer que ce monde produit soit la seule part du réel qui soit accessible … C’est par excès de définition en somme que nous nous épuisons et épuisons à produire un monde qui doit satisfaire l’insatiable structure qui se prend pour une image alors qu’elle est le miroir de n’importe quelle image, de toutes les images, de tous les objets, de tous les désirs, de tous les corps.

Le fantasme, ce principe qui veut doubler la réalité, exige de nous que nous soyons entièrement réalisés et que cela nous satisfasse ; ce qui est incompréhensible. Ça n’a pas le moindre « sens » structurel, bien que cela passe pour étant le sensmêmedelavie. Que le fantasme se veuille entièrement c’est non seulement ce qui est idéalement imaginé, mais ce qui est appliqué au corps même ; ce qui change tout ; parce que sur le corps on ne repère rien qui soit cette réalisation ; sinon des signes extérieurs, des agrégats, des faire-valoir, des facilités encore, des ressemblances et qui marquent cruellement ce corps-çi. On nous a volé notre corps, cad tout, mais nous sommes largement complices ; parce que si nous ne livrions pas notre corps aux autres, nous serions dans l’obligation de le délivrer de tout.

Et délivrer de tout, ne signifie pas comme le moi ou l’identité l’imagine, céder de nouveau en une facilité, mais s’entame de l’extrême exigence du miroir insituable ; les grands sujets (soit donc les sujets impossibles qui se voulurent et s’arrachèrent les tripes, des idéalistes allemands ou des poètes de sang et d’os) le surent et payèrent le prix. De même les mois qui gigotent dans leur corps insoutenable ; le malaise intérieur court sur la peau, sur la surface la plus extrême, la seule qui soit ; impossible à contenir.

La séparation, le fil de séparation du corps, est aussi le miroir, indépendamment de toutes les images, mais qui doit passer au travers de quelques images, quelques récits ; le fil de séparation est également le bord du monde, soit donc le présent ; ce que l’on nommait jadis l’éternité ; l’absence de temps ; soit le présent.

Ou donc ; ce que l’on conçoit, pense dans l’instant peut s’inscrire dans le temps ou dans le présent ; si c’est dans le présent il sort du temps. Ce que l’on appelle sortir du temps, vers le présent, est de même structure que le miroir ; insituable (étant ce par quoi tout le reste se situe) ; incompréhensible ; insaisissable (ce par quoi on saisit) ; on ne peut pas l’objectiver, mais ne pas l’objectiver c’est comme, tout pareillement, l’impossibilité de désigner dans le monde le dieu Un tout Autre ; ce par quoi le dieu Un tout Autre ramène tout le sacré, le divin à une formule distincte de toute réalité ; elle ne peut pas se figurer mais donc peut se configurer, très approximativement ; cad virtuellement.

On ne dit pas que l’on croit en dieu, la pensée (l’Idée des idées), le sujet impossible (directement lié à l’infini par la volonté), la révolution (universaliste), l’altérité nietzschéenne, heideggérienne (parfois bel et bien délirante), on dit que c’est la Même structure (à charge de quiconque de croire en telle ou telle manifestation, c’est une autre question).

En un sens la difficulté interne au miroir de préciser ce qu’il signifie en lui-même, équivaut à la foi ; à la conversion ; sauf que de cette structure interne il se trouve qu’elle est en son genre une évidence indiscutable ; sauf à attendre de la structure qu’elle se donne comme se prête tel ou tel objet ou s’aperçoit telle chose dans le monde ; ce qui est aussi un fantasme parce que les choses on ne les atteint pas ; elles se dissolvent, tout se dissout ; il n’existe que le seul présent constant.

On voit par là que l’on croit atteindre les choses, ou même désirer des objets ; tout cela se réalise effectivement mais suspendu dans le relatif ; la matérialité est du relatif ; ou si l’on veut elle est constituée intégralement de relations, de rapports, de déterminations qui se distinguent ; et la matérialité est relative parce que ce qui est n’est pas l’être, l’être est le résultat de l’exister et l’exister est une forme. La matérialité n’est pas relative par rapport à un absolu tangible (en quelque sens inimaginable) mais relative par rapport à un caractère formel.

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