Sartre l’extériorité, Lacan l’intériorité
Sartre l’extériorité du moi, Lacan l’intériorité du moi. De sorte que nous voici jetés au dehors.
Sauf que l’un comme l’autre, l’époque oblige (l’une du marxisme, l’autre du structuralisme et pas pour rien) projettent le moi, l’humanité, la personnalisation sur l’extériorité du monde donné là, du corps vivant, de la sociétalité, de l’économie, de l’historicité, et de l’inconscient. Etc.
Etc parce que ce mouvement, général, global, relève de ce que l’on a nommé concrétisation. Étant donné que le je, le sujet, depuis Descartes (Descartes comme représentatif excellemment, puisqu’explicitement, de tous les sujets qui purent apparaître, avant ou ensuite, et manifeste ce je, Descartes qui, ce faisant, permet l’accélération, puisque le dit je entre dans le champ de la représentation, tout comme Pascal Blaise, nomme pour la première fois le « moi », le « moi de monsieur Descartes »)
que le je donc, exprimé, la liberté et l’action et la décision exposées, cherche impérativement, impérieusement à s’exprimer dans le monde, la vie, l’objectivité et la subjectivité et que donc on va concrétiser par la connaissance, les sciences, les mathématiques, ou la révolution ou les internationalisations individuelles.
Et ainsi Marx ou Freud ou sociologie ou sciences physiques, etc, se développent dans tous les sens possibles, portées par la multitude de libertés acquises en tant que conscience-de-soi. Qui ne disposent que d’un seul champ d’activités ; le monde donné là et la vie vécue de chacun. (qui s’auto acquiert par la révolution, préparée par évidemment les siècles d’acculturation).
Dans tous les champs d’objectivisation (sciences etc) mais aussi de subjectivisation, il convient de tenir bon la vérité, à savoir que le je (ou le réel) n’appartient ni à l’un ni à l’autre, puisqu’objectivités et subjectivités n’apparaissent que dans le champ du je, lequel est celui de la liberté (qui ne s’entend humainement, historiquement mais aussi personnellement) que d’autrui, mais vaut d’autant plus (par cette égalité de tous et de chacun) en tant que singulier et au rayon d’activité de liberté d’autant plus ample et qui appelle sa, ses réalisations, toutes ses réalisations.
Aussi la vie vécue de chacun devient son « essence », de par son existence. Il devait bien advenir un jour, un moment, un instant qu’il soit révélé… quoi ? On ne sait, sinon la vérité.
Parce que si « ce qui est » (génériquement parlant) est le réel, cad le présent (qui déroule tout ce qui est), alors la forme (le présent, l’arc de conscience, l’universel, le sujet, dieu) est cela même qui tient toutes les réalités et tous les réels ; la réalité (qui sera toute entière disparaissante, puisque les déterminations sont limitées ou finies comme dit autrefois, décèdent, si l’on veut) aboutit à cette formule de rapport (celle que l’on sait) ; à savoir le rapport à (soi), dans lequel le « soi » est le rapport et non une identité.
Le je se signale essentiellement de ceci que la liberté (qui est son propre rapport tel qu’il se montre à lui-même) assume à elle seule tout ce qui précède ; dieu, la pensée, le christique, l’acculturation gigantesque autour de la méditerranée et en Europe (et ailleurs) ; elle les assume mais ne les remplace pas ; structurellement parlant rien ne remplace ni dieu, ni la pensée, ni le sujet, ni le réel. Ils manifestent chacun la même structure, cad le rapport ou si l’on préfère la capacité du rapport (à chaque fois le plus grand possible, aussi apparaît-il vide ou formel ou indéterminé).
De cette logique de structure (l’arc de conscience est à lui-même le rapport même), chacun croit être en mesure de tirer de soi seul la capacité, la possibilité.
Or c’est un rapport, ce qui veut dire qu’il est, au moins, double, et que l’autre côté, l’autre bout est ce vers quoi le rapport se dirige. Mais quel est l’autre bout ? Avant ou après ? On l’ignore structurellement. On peut cibler dieu, mais est-il en avant ou en tant que cause formelle ? Que le début et la fin soit insituables permet à vrai dire de définir l’arc de conscience comme mouvement et consistant en ce mouvement même ; ce qui exprime littéralement l’être de dieu, de la pensée, de la conscience et donc du réel. Quelle est la nature de ce mouvement ? L’être en tant que ces positions ne sont pas « de l’être » justement et nous sommes ainsi sur la piste, le chemin de ce qui excède (en quoi le réel ne peut que consister, puisqu’il doit, se doit d’être plus grand que lui-même et se supposer au plus extrême ; chaque présent engage au plus extrême).
Que chaque liberté ne comprenne pas que son être est un mouvement (et donc qu’il échappe au cycle de la satisfaction ou de l’insatisfaction), revient à chacun en tant que libre et susceptible de saisir « qu’il est saisi ». or qu’elle soit saisie paraît a priori absurde à la liberté… qui se croit maîtresse exclusive, par définition. Ça n’est pas du tout ce que l’on comprend ici par liberté ; liberté se dit de ce qui tient les rapports possibles, et s’offre toujours à une plus grande stratégie, et une plus grande stratégie que la sienne seule (auquel ce n’est qu’une petite tactique et non une stratégie). Ainsi la liberté est-elle dieu, la pensée universelle, le sujet et le réel.
Évidemment la « liberté » comme arbitraire et subjectivismes indique seulement les immédiatetés, et ne parvient pas à tenir le tissage de liens, de relations et de rapports, puisque désignant seulement les choses données et s’éteignant avec ces choses déjà disparaissantes. Les stratégies seules demeurent (et sont ce en quoi notre arc de conscience habite).
Pourquoi ? Parce qu’elle promet des rapports possibles, et que ces positions tiennent leur promesse. Et elles tiennent leur promesse parce qu’elles manifestent non pas un contenu (leur « promesses » qui se réaliseraient par invocation magique) mais une structure dont on dit, ici, qu’elle est La structure ; il n’y en a qu’une ; l’arc de conscience, qui est absolument commun à tous les peuples, tous les cultures, toutes les réalisations humaines.
Ou donc ; ça n’est pas un dispositif qui varierait d’un continent à l’autre, d’une langue à l’autre, et qui n’auraient de commun qu’un circuit de variétés, mais bien une seule et même structure, pareillement entre deux individus ; une seule et même activité de conscience, laquelle est strictement neutre et formelle, et dont l’activation se reconnaît elle-même ; l’intention comme dieu, l’intentionnalisation comme idées et systèmes d’idées, le point externe à toute vie qui devient vécue (christique), l’intégration de l’intention dans son propre champ (le christ est en-dehors, Descartes est en-dedans, présent à soi), de ce point du je à son heurt absolu au donné ‘là’ du réel et à l’empire de toutes ses intentionnalités, ses projets.
Rappelons ; il n’y a qu’une forme de conscience, mais à chaque fois chaque conscience est singulière ou si l’on préfère, elle est son rapport (une conscience se rapporte à soi puisqu’elle doit entrer dans son champ de perception qui est un champ d’intentionnalisation, elle se voit pour voir, elle tient à distance les réalités (et les découpes avec des signes) puisqu’elle est autre-que-soi (ce soi étant non une identité mais le rapport lui-même, le rapport est le soi). Ce qui ne retire rien à son unité formelle personnelle, individuée, singulière ; il n’est aucune manière d’objectiver cette unité, puisque c’est dans son champ (de rapports) que l’on produit les rapports descriptifs, explicatifs, expressifs, organisationnels (de société humaine ou de groupe), etc. Un discours qui tiendrait tout seul en suspension on ne sait où, n’a pas de réalité ni de sens.
Donc le sujet contient aussi bien l’objectivité que la subjectivité ; nous sommes passés antérieurement à la pensée, l’humanisation ou la personnalisation, la mise en forme culturelle (des sociétés particulières) ou l’acculturation (de la société humaine universelle qui coure depuis 3500 ans, nation juive, société grecque, empire romain, empire, royauté puis révolution et État français).
Sartre et Lacan, l’un comme l’autre, héritage de Descartes, de l’esprit français, de l’esprit qui réside en France (soyons clair, il fallait bien que cela arrive, par les juifs, en Grèce ou en France, aussi bien celui de la révolution, seule et unique, puisque de révolution il n’en est qu’une possible, plus ses variantes, et qui spécifiquement lie la liberté, anglo-saxonne par ex, et l’égalité, l’égalité formulant la régulation seule possible de la liberté de chacun, et de ce fait upgradant, élevant la liberté à son règne très exact ; les libertés alors s’activent compte-tenu et intégrant l’altérité, autrui, et ne peut plus seulement exprimer sa « subjectivité » ou son arbitraire, mais possédant en propre l’universel qu’implique l’égalité, autrement dit on n’écrit plus, on ne s’exprime plus, on ne parle plus, on ne décide plus uniquement à partir de la liberté mais de la formule liberté-égalité).
Et donc nous voici par Sartre et Lacan projetés tout entier (il n’y a pas de reste) sur l’extériorité ; étant entendu que l’identité du moi est dépecée par Lacan, qui va bien plus loin que Freud, et donc se voit dans l’engouement d’étendre à la philosophie, histoire, religion, langage, etc, la structure de l’inconscient.
On prétend ici que si tout est lié, c’est que la conscience de Sartre et le sujet inconscient de Lacan n’existent que du pli, en quoi consiste l’arc de conscience qui produit un champ intentionnel, lequel implique le signifiant ; le signe qui découpe la réalité (le monde et l’organise, politiquement par ex, le donné et la connaissance, le vécu et le corps, depuis le christique, qui est fait pour cela ou qui nous imprime sur cette voie absolue parce que formelle). Ainsi découpant la réalité celle-ci existe pour nous ; c’est parce que séparés que nous avons un corps, une vie, le monde, le donné, le temps, etc.
Mais l’un comme l’autre, reniant le sujet (qu’ils jugent, à tort, idéaliste ou irréel ou illusoire) jettent tout le moi, tout le je (constamment ramené au conscient) dans cette extériorité donnée là, et c’est pour cela que Lacan par son « intériorité » est un psychanalyste ou sur-psychanalyste (delà qu’il ait essaimé partout et rassemblé au-delà du champ psychanalytique, et interrogé quantité de philosophies et religions), par son « intériorité » donc explore l’empreinte du moi ou l’empreinte, réelle, dont se tire (en courant) le moi.
Il s’en tire en courant, en interposant les « désirs » (les pulsions mais élaborées et réinvesties par l’arc de conscience, par et dans le champ intentionnel, qui n’est pas le champ conscient)
les désirs contre la « jouissance » (cad la satisfaction hallucinée du corps en tant que vivant, mais jouissance dont évidemment aucun animal ne subit la puissance ; pour qu’elle soit hallucinée il faut que le plaisir s’intentionnalise, se rêve, se surdétermine, ou donc s’imagine ;
lorsque le moi rencontre des difficultés avec ses désirs, de toute sorte, il est attiré du côté de la jouissance (qui menace et parfois paralyse le moi, en dépression, et provoque une proximité d’avec le réel, cad d’avec la séparation opérée par le signifiant, lui-même à proximité de l’hallucinante jouissance, approcher de la jouissance afin de sublimer le désir, c’est la grande difficulté qui rend possible le je dans le moi ; autant dire que c’est d’une grande difficulté ; de petits désirs communs ou immédiats ou satisfaits à peu de frais, ne mènent pas loin).
Cette inscription dans le moi (outre l’attirance fatale qui peut en résulter, on ne compte plus les poètes ou écrivains qui se perdent en cours de route) de l’élaboration veut dire ceci ; le désir vient des pulsions et les pulsions sont hallucinées et ce qui est halluciné c’est le corps ; ou donc la Séparation dont on parle est celle qui coupe le corps vivant en deux, ce qu’il ne supporte pas du tout, et génère une « illusion de soi », sauf que cette illusion devient réelle, effective et opérante…
Puisque si ce corps s’hallucine c’est non en raison du langage, par ex, mais de l’arc de conscience (il est impossible de déduire ou dériver l’arc de conscience à partir du langage, ou comme auparavant de la « pensée », comme si « conscience » naissait, on ne sait comment de la pensée). Pris dans l’arc de conscience le corps vivant hallucine, c’est invincible mais parvenu à un équilibre, conservant à la fois la jouissance (terrible et immobile et inexprimable et incoercible) et la réalité (via les désirs qui approchent_distancient l’objet, qu’une psychanalyse tente de décoincer, de dénouer, desserrer afin que le moi puisse désirer un peu autrement ou un peu plus).
Et cette élaboration, si elle est requise pour nos mois modernes (qui doivent organiser leur être, extrêmement contraints de par leur richesse même, impliquant un minimum de cohérence, d’expression, de décision, et donc de désirs et d’objets), cette élaboration se retrouve également à l’autre bout du moi ; à savoir que dieu, la pensée, le sujet ou le réel doivent, devraient être son ‘soucis’.
Or le moi préfère, apparemment, réguler son être via les objets (de désir)… et ce faisant acculer en quelque sorte la jouissance (terrible), ce qui ne manque pas, à rebours et par toute puissance de la jouissance (qui est irréelle, hallucination) qui ne manque pas d’incruster l’angoisse toujours plus profondément, ce qui pousse à encore plus d’objets (ou d’images, etc) vainement désirés ; déceptifs, voire dépressifs puisque le manque (de désirs) vient à manquer (supprimant l’intentionnalité à la source même).
C’est donc que le moi veut annuler la séparation (dans la con-fusion de l’objet réel-irréel, rêvé, ; imaginé, et donc, aussi, produit industriellement dans la société du désir libérale, au contraire de la société des besoins communiste), tandis que dieu, la pensée, le sujet, le réel élaborent, tissent, organisent la séparation, ordonnent le mouvement comme mouvement.
Rappelons ; ce positionnement restrictif, second du moi ne renie pas les tactiques du moi (ou de l’humanisation, ou de la personnalisation, non seulement il faut bien vivre, mais surtout vivre au mieux, et en un maximum de liberté et égalité et de justice, sinon dans la nécessité on ne peut pas penser, réfléchir, exister, on survit) on ne renie pas les tactiques du moi mais sous condition de tenir dans et par et pour une stratégie englobant les tactiques limitées (au point que nos mois sont perclus de petitesses éreintantes, qui se multiplient dans toute l’immédiateté, qui envahissent et étouffent le je dans le moi tandis qu’il s’ébat dans ses richesses, qui ne font en elles-mêmes aucun doute, sinon d »puiser les ressources disponibles et de sacrifier au fantasme). Beaucoup de mois supplémentent leur vie par une existence, la révolution ou la poésie (ou aussi la religion ou la spiritualité ou la pensée), mais dans tous les cas un approfondissement existentiel et donc approfondissement ontologique ; supplémentent au point de presque basculer dans le point existentiel qui dans leur soudaine actualité, qui leur vient on ne sait de où, permet de soupçonner ou d’intuitionner ou même de voir, de percevoir (qu’est-ce que les esthétiques ou les littératures) qu’en cette actualisation se joue vraiment « ce qui existe », puisqu’alors ces mois devenus des je, ne serait-ce que par instants, ex-sistent d’un possible illuminant le monde et la vie vécue.
Ils se soutiennent évidemment de ceci qu’ils ne sont pas seuls, et qu’au minimum « il y en eut d’autres ».