La philo se dote d’un objet : l’Etre.
Il est sensé regrouper l’ensemble du pensable.
Tout ce qui est doit être pensable.
Parce que si ça n’est pas pensable, à quoi peut-on se référer ?
Si ça n’est pas pensable, nous n’avons accès à rien : on ne sait si ceci sur cela est vérifiable ou pas. Tout s’arrête avant même de commencer.
Que tout soit pensable, ne signifie pas que tout puisse être pensé immédiatement, ni que cela soit possible réellement un jour.
Mais si on ne pose pas mille approximations, si on ne les exprime pas, ces demi-erreurs, il sera impossible de les corriger, de s’approcher au fur et à mesure plus intensément.
Et si approximations il y a, c’est que dés le début on tient le bon bout : c’est sur ce bon bout que l’on réagit et que l’on trouve une nouvelle action : parce qu’il est exprimé, il tient tout à l’extérieur, qui ne correspond déjà plus au sentiment intérieur que l’on a de l’Etre.
Donc nécessité de considérer que le pensable est. Qu’il est exact. Qu’il y a nécessité de ne pas s’y reconnaître, enfin pas exactement sur cette pourtant exactitude.
Nécessité d’exprimer le pensable, pour que l’on sache chaque fois où l’on en est. Mais afin de confronter l’Etre décrit, et le sentiment, l’imagination, l’expérience, le projet que l’on a de l’Etre.
L’Etre qu’il soit réel ou pas, en tant qu’objet effectif, rencontrable, n’a pas d’importance : on ne contredit pas la philo en affirmant l’inexistence de son objet. De son Objet absolu.
Puisqu’ici l’objet « Etre » est fait office de révélateur. Il faut fermer l’objet pour se rendre compte que ceci et cela n’y entre pas et que pourtant ça le devrait : l’Etre est un pur opérateur.
Il opère le langage, dans l’expression qui se doit à elle-même d’être exacte ou juste. Exacte ou juste vis-à-vis de ce que l’on voit.
Il est donc requis une énorme attention à ce qui se passe, à ce qui arrive, à ce qui est. Au détail ou aux ensembles ; il est question d’entrer dans une attention mathématique selon le langage de ce qui est perçu, ressenti, projeté, imaginé : si je dis l’homme est animal raisonnable, est-ce que ça correspond à ce que analytiquement et synthétiquement je puis appréhender en moi ?
En moi mais aussi, de ce fait, autour de moi, résumant et abstrayant l’expérience en tout ce que je puis lui soutirer.
Il faut bien refourguer tout ceci de manière relativement ordonnée en un objet, pensé, qui me le rende : que je puisse me l’exprimer. Et la cohérence s’applique avant tout en ce que je puis m’y retrouver : si je puis créer cet objet qui contient le maximum de mon expérience de tout, je puis aussi avancer en ceci : percevoir ce que je ne sais pas. Ressentir ce que je ne sais pas ressentir. Projeter autre chose qu’habituellement.
Ça met en marche une machine ; de me le montrer, (le monde, le réel , moi en ce monde, les autres , etc.) en quelques mots, principes, concepts … ça me décale.
Je suis décalé, et ma cervelle recommence à remarquer d’autres réalités, d’autres questions. Parce que tout part du principe : que je ne conçois pas du tout ce qui est tel que cela est et ni ne conçois tout ce qui est : il me manque plein de détails et d’ensembles.
C’est la différence ou la somme des différences entre l’Etre et l’expérimenté qui constitue la base de mon action prochaine de retotaliser.
Cette retotalisation s’effectue toujours et pour chacun …
Mais pas de façon consciente : ça n’est pas une volonté marquée et distincte, séparée : c’est un calcul global plus ou moins précis (sur tel point) ou vague (la plupart du temps) : c’est un sentiment d’accomplir ceci ou de manquer cela ; sans aucune planification en lui-même, et sans aucune liaison avec l’ensemble dans lequel ceci est vécu : c’est comme si on se vivait soi, sans être prendre aucunement en considération que l’on est, par ex, citoyen de tel Etat.
Il en manquerait une partie, de notre calcul : on aurait un calcul limité de soi.
Est-ce ce que l’on veut ?
Est-ce que l’on peut même désirer un tel calcul ?
Non : on bouche les trous avec des raisons : la politique c’est chiant ; les femmes (ou les hommes) sont égocentriques (ou égoïstes) ; la philo est inutile ; l’art contemporain est débile : etc.
La philo nous place donc dans cette condition : étendre le plus grand calcul possible.
Et ce via cet Objet qu’est l’Etre en tant que comptabilisant la somme des expériences, par expression (de tout) et par différence d’avec ce qui n’entre pas dans le tout mais qui devrait y trouver son addition, multiplication, soustraction.