L’arc dans le moi
L’arc-portant du moi
Il y eut ainsi rupture, absolue, totale, intégrale, autour de la méditerranée ; on nomme cela « occidentalisation » mais comme le mouvement intègre toute la méditerranée jusqu’au Proche-Orient, c’est uniquement par facilité d’appellation d’abord et ensuite parce qu’effectivement l’occidentalisation est la proie de l’altérité fondamentale (qui est aussi bien l’altérité de tout ce qui est ; l’univers, ou les univers si il y a lieu, est une monstruosité, une brutalité effarante).
Mais cette altérité est la vérité, cad la réalité même.
Les grecs et les monothéismes, le christique et l’européanisme, la révolution et la raison humaniste naturaliste réaliste individualiste sont les effets d’une découverte qui fut aussi une invention, une création ; parce que ce qui fut découvert (ayant été jusqu’alors re-couvert par les diverses cultures, peuples, mondes humains, particuliers, séparés, natifs) est une structure, l’arc de conscience, et qu’elle ne peut pas se montrer dans le monde, est non visible, étant ce par quoi il est du visible.
Si l’on s’en prend à la philosophie, elle découvre premièrement qu’existe la possibilité de pensée ; soit donc de produire des intentionnalisations à propos du monde donné « là » (le « là » signifiant l’être des grecs, et l’universel de la pensée assumant le monde, le donné) et de les produire « de son vivant » si l’on veut ; en ceci que pour penser il faut créer pour soi-même une pensée qui n’appartient plus au groupe, au langage, au donné, au corps, mais qu’il doit être expérimentée de visu ; la pensée, ce qui se nomme soi-même tel, est l’augmentation considérable de l’intentionnalisation à propos du monde, du vécu, du groupe, de la perception, en bref à propos de tout puisque la structure qui pointe au travers est celle antérieure à tous les phénomènes humains, toute la représentation, tous les mondes ; toucher à cette structure c’est modifier la totalité des effets ; les effets de cette structure, donc tout, y compris ce dont elle-même cette structure se considère réclamant une auto conception, et définissant sa position, sa position par rapport à ce qu’elle cible ; le « là » de toute chose et tout être, l’être, le réel.
On comprend donc que cette structure doit créer son propre repérage ; elle n’a rien du monde, ni de l’humain défini comme monde particulier, et la « pensée » tout comme l’esthétique ou la politique, éthique ou l’idéel, doivent reposer sur leur propre mouvement ; mais comme la structure n’est pas « en soi », mais se tient techniquement en tant que Bord du monde, le moindre de ses déplacements soulève telle ou telle partie du monde donné là ; son objectité (entendons par objectité non seulement l’objectivité, mais les tout autant les réalisations humanisantes qui s’inscrivent comme déploiement du possible de cette structure ; et ce jusqu’à la révolution, instituant le un par un de chaque arc de conscience, cad la liberté, la politique même) pourra emplir le monde, voire le déborder (et sous peine de le dévaster).
Ainsi le dieu Un tout-Autre, la pensée, puis le sujet puis l’altérité s’imposent comme exigence, exigence pure et brute. Tandis que constamment l’humain veut se refermer comme monde, comme langage, comme donné, comme groupe et finalisation selon les intérêts particuliers. Remarquons que le sujet n’est pas l’individualité ; l’individualité s’est fondée sur l’universel mais pour oublier aussi vite que possible cet universel, à quoi s’opposerait le sujet qui maintiendrait idéalement l’universel mais à sa manière kantienne extrêmement froid et sans contenu jusqu’au vertige. Sauf que le sujet n’est pas seulement selon l’universel ; le sujet est le singulier ; ce par quoi il excède même l’universel mais à condition, sous condition qu’il soit, que chacun soit amène de s’élaborer lui-même.
C’est ce qui fut recherché en tous sens par toute individualité ; que dans un moi se structure le sujet ; à savoir que le sujet est impossible ; c’est cette impossibilité même (qui crée qu’il y ait sujet, sinon ce serait une pierre ou une table) qui travaille, torture le moi (qu’il n’y ait pas satisfaction en quoi que ce soit de sa structure de sujet et en tant que cette structure doit se tenir elle-même comme insatisfaction, et que donc elle ne se soutienne pas, plus du corps ; tandis que tout le moi est architecturé sur ses finalités ployées, pliées vers le corps, vers le « bonheur » comme état du corps, ce qui se retrouve dans l’inquiétude psychanalytique).
Le christique, la pensée, le sujet, l’altérité (comme philosophies et acculturations) tendaient à supporter cette insatisfaction ; mais l’adaptation de la pensée en raison, de dieu en naturalisme, du sujet en moi ont cru admissible que, étant naturels et réalistes, les mois puissent effectivement rendre réel leur bonheur (puisque toutes les parties de la « nature humaine » trouverait, à n’ne point douter, leurs correspondances dans le monde ; ce qui évidemment est erroné). Aussi les mois deviennent-ils fous, décentrés, mais au mauvais sens ; ils subissent le décentrement que de toute manière le sujet (impossible) en eux enclenche. Qu’il y ait dans le moi un centre (décentré apr structure, sinon on ne serait pas « conscience ») insatisfait est pour le moi une obscurité incompréhensible, cad fondamentale ; puisque ce dé-centre de l’arc de conscience non seulement, si l’on peut dire, est fondamental mais est antérieur à toute représentation, signe, vécu, corps, langage, etc. aussi est-ce une incompréhension absolument outre mesure, hors de portée d’un moi ou d’un humanisme ou d’une raison qui croit que tout est donné dans le donné. Le Bord du monde donné n’appartient pas au monde.
Ce qui se nomme sujet, comme singulier impossible, est précisément ce qu’explore depuis le début non seulement la philosophie mais toute esthétique et poétique, éthique et politique ; le tout assumant une éthique ontologique ; qui sans contredire Kant et l’universel, s’instancie comme sujet dans la singularité ontologique et existentielle ; soit donc ; comment programmer l’arc de conscience … qui ne se programme pas … qui se réoriente, se prédispose ; la prédisposition est justement ce que Nietzsche, Heidegger, Sartre et Lacan veulent installer dans leur exploration, création, dans et par leur technologie (technologies parce que sur cet être technique, cette technique ontologique, inventée par le monde donné là, qu’est l’arc de conscience articulé au réel).
Le sujet, dit impossible, n’est pas le sujet universel ; il n’y contredit pas (parce que sans l’universel il n’est pas de sujet réel ; il faut se respecter et respecter les autres sujets, sinon dans nos actes et nos intentionnalités on ne parvient pas à lever le niveau, on sort de la cohérence minimale, en deçà de laquelle il n’est plus que du brouillon et du fantasme), mais le sujet ontologique par delà l’universel c’est le créateur, l’inventeur, l’imaginal ; le créateur de formes, l’inventeur technologique, l’imaginal psychologique, voire psychique au sens de grande psychologie, et relationnel ; que l’on sache que tous soient alignés sur l’universel n’a pas appauvri l’humanisation puisque cela a permis la personnalisation … de même que chacun soit un moi n’a pas réduit le champ mais décuplées les possibilités. De même que la philosophie n’a pas écrasé par la pensée mais au contraire rendu possibles quantité de systèmes, d’éthiques, de politiques, de sciences, de droits.
Remonter dans l’architecture de l’arc de conscience est ce dont le moi ne peut pas se rendre compte ; il croit que « sa » conscience est la sienne … que son moi est ce qui limite sa conscience. Sauf à croire parfois qu’il fasse partie d’une « conscience globale » ou d’une unification ésotérique. Alors que son arc de conscience remonte via Jimi Hendrix, Rimbaud, Nietzsche et Descartes, le christique ou Aristote. C’est l’articulation telle qu’elle fut inventée, créée, explorée, et donc élaborée, architecturée et dont son arc est issu, né, porté.
L’arc-portant est la racine ; que le moi ne cherche qu’à résoudre sa propre détermination, enfermé dans son image (l’image et non le miroir lui-même, or la pensée, la réflexivité, le sujet permettent justement de restructurer pour notre conscience le miroir et non les images), cet enfermement le condamne. Au tourment indéfini. Il s’agitera d’une image à l’autre, d’un ensemble de déterminations à l’autre, d’un objet à l’autre contenu, sans se connaitre comme forme, structure et demeurera étranger à son devenir, à son historicité.
La vérité étant que toute l’intégralité de ce monde humain, selon son organisationnel propre, veut le convaincre par mille moyens de sa non originalité ; le monde humain s’ingénie à le clouer sur place, le figer, fixer sa forme dans tel ou tel ensemble de détermination. Dans le même temps ce moi, les mois tous ensemble, cherchent à utiliser ce paquet d’images extérieures afin de réintégrer son être ; ou donc d’intégrer dans ce corps la forme impossible de l’arc de conscience. Cet arc qui, rappel, né de la cervelle vers le donné là et le « là » du donné (la position de réel), est difficilement supporté par un corps, et pareillement l’humain ne supporte pas que tout contenu soit et en soit qu’une représentation ; une représentation toujours refermantes que les configurations explosent (dieu le un tout-Autre, le christique, la pensée et l’universel, le sujet et l’altérité et la singularité individuée) et desquelles elles exigent qu’elles adhèrent non à telle ou telle réalité close mais au réel non clos.
C’est une volonté pliée vers le monde qui a voulu s’inscrire comme rationalité réaliste naturaliste ; en ceci que la raison (du 18éme, celle qui ne garde de Kant que sa limitation de la métaphysique mais en voit pas qu’il voulut installer le transcendantal du sujet, en quoi il présentait que la philosophie était passée à un autre registre du réel, suivant en cela Descartes) va imposer partout que la pensée, la cohérence ne se définit que via la version d’adaptation de la réflexivité qui a transformé la pensée de structure en raison du donné ; le donné explique le donné et le moi n’est qu’un bricolage psychologique (un corps langage). Il est clair que la raison s’effectuant comme donné est en réalité la fixité de l’objectivité ; soit donc que certes l’objectivité est vraie et réelle mais en même temps elle est la production de consciences qui annulent qu’il existe de la conscience.
Il apparait ainsi que la philosophie ni la structure du sujet (impossible) ne s’effondrent hors du monde, mais tiennent le Bord lui-même ; et on n’a pas le choix, puisqu’il s’agit de la structure réelle antérieure à tout choix, ce qui veut dire « qui les rend tous possibles » et ce depuis que cette structure est apparue (dans l’historicité et comme historicité ; puisque ce qui existe structurellement retient, re-tient, tout déplacement de position sur le (même) Bord. Pareillement les mois, chaque moi, un par un, sont soumis à l’antériorité de la structure individuée ; c’est pour cela qu’il existe des mois, qu’ils aient à se coltiner la dureté. Nietzsche, Heidegger, Sartre, Lacan tiennent non pas une vague structure inefficace et irréelle, mais la dureté du réel, de même que les Grands Sujets éprouvent et nous montrent les cheminements impossibles (par-dessus l’universel et au travers que leur épreuve et extrémismes, vouloir encore au-delà de l’universel la singularité) et que les sujets (Descartes, Kant, Fichte, Hegel) délimitent l’attention qui précède, qui origine l’universel. Ils fixent l’invariant, l’hyper objectivité de l’arc structurel (comportant à la fois l’arc de conscience et l’arc du présent, ce creusement abyssal).