L’en-avant du re-tour
En-deçà de l’intentionnalité
On a voulu penser la réalité comme concept ; ce faisant on laissait la conscience en dehors, qui ciblait ce concept ; elle passait pour simple fonction ou n’ était pas même évoquée ; tout fasciné de la conceptualité ; survient Descartes qui origine la pensée ; il existe un sujet qui pense, c’est le sujet qui pense, pas la « pensée qui pense » comme tentera de le récupérer Hegel, après Schelling, Fichte qui voulurent identifier le dit sujet tel un universel-qui-se-sait ; ça n’est pas un universel qui se sait, mais un sujet, une structure qui se désigne, se signifie, comme structure, pas comme « pensée » et qui signifie en tant que corps, tel qu’il se produit comme autre.
Kant est bien plus lucide ; il veut explicitement dresser la forme de tout sujet tel quel ; or cependant il lui manque ce qui affleurait par Descartes ; que ce sujet est un Je ; certes Descartes accélérait surtout René ... au sens où c’est René qui désigne le sujet qu’il est en tant qu’il est « celui qui inaugure la nouvelle articulation au réel », en originant la pensée dans le sujet ; et il ne se préoccupait pas tant que cela que ce sujet devienne une forme universelle, ou celle du sujet transcendantal, mais plutôt qu’elle devienne en chacun, en chaque un et bien qu’il ne nomme en aucune manière un tel « sujet » … Puisque l’on n’en est pas déjà à positionner ; seul Sartre positionne un sujet, les autres supposent un représentant de sujet, la chose pensante, l’esprit hégélien, la Volonté nietzschéenne, etc. Mais si il ne le pense pas comme tel, Descartes l’existe et c’est la raison pour laquelle il décrit son parcours structurel ; doute-cogito-infini-étendue-corps. Mais peu importe parce que suite à Hegel, c’est le sujet, un par un, un à chaque fois, qui revient non seulement en force, mais de but en blanc ; il n’est que des sujets, des égos, stirnériens, et il n’est plus de pensée universelle, puisque Hegel a tout bu, tout avalé. Aussi faiblard soit-il le stirnérien est de plein fouet celui là seul qui existe et qui dit je, et rien d’autre.
Le sujet va creuser l’impossible ; que la forme « sujet » soit réellement antérieure à toute pensée qui serait une pensée réductible au conscient, à l’objet, la loi, l’universalisation du donné, de l’immédiat et n’est plus même l’universel comme si ce dernier était un universel sujet, un cadre transcendantal "qui dit je" et dont la présentation "accompagne toute représentation" ; la raison est l’objectivité qui pense légitimement ces objets, mais qui ne peut conceptualiser adéquatement le sujet qui précisément est la structure qui institutionnalise, entre autres, la raison. Ne pas penser adéquatement c’est laisser libre jeu à l’irrationalité ; penser adéquatement c’est remettre à nouveau l’hyper objectivité philosophique, qui à vrai dire n’a jamais déchu ; Hegel, Nietzsche ou H, Sartre et Lacan ne baissent absolument pas les bras ; ils cherchent dans la plus grand extrémité, l’extrémité à laquelle nous sommes parvenus par-dessus ou antérieurement à dieu, ou à la pensée, et cherchent la cohérence et non l‘incohérence ; Nietzsche, quand bien même signifierait-il comme il l’entend et il ne l’entend pas autrement qu’en cohérence, se doit se produire une pensée du donné, organisée, et la Volonté est elle-même une assignation très concertée, et qu’elle soit dite Autre, puisqu’il s’agit précisément de positionner une Volonté hors de l’humanisation ; c’est que cette cohérence est selon cette altérité qui est supposée, à juste titre, du donné « là » ; le « là » par N et H se dresse dans sa non-humanité, qu’elle soit surhumaine ou inhumaine.
Il faut prendre fondamentalement au sérieux les déplacements ontologiques ; dieu, la pensée, le sujet et ses allées et venues innombrables (puisque si l’ontologique ou plus exactement le métaphysique, qui était relatif à sa concentration dans le Discours, de la pensée ou de la pensée de dieu ou sur dieu, le métaphysique s’est concentré dans le sujet, puisque le sujet est « ce qui origine la pensée », ce qui existe antérieurement à la pensée, comme on le voit par Kant, et que donc le sujet peut s’affecter de nombreuses situations, points, attirances),
et donc les déplacements de N et de H, de Sartre et de Lacan sont réellement et effectivement le lieu ou la structure en lesquels on existe ; de même que Platon ou St Thomas signifient leur lieu actuel et à la pointe (et qui demeure, mine de rien, à la pointe) sur le Bord (il n’y en a qu’un et il est « physiquement » le Bord de la réalité, du monde ou du corps). On a de fait et structurellement basculé sur le Bord depuis la méditerranée ; de même que les autres civilisations expérimentaient aussi telle ou telle version du Bord, sauf que la méditerranée nous intime que c’est ici et pas ailleurs, tout est ici même ; dieu lui-même est ce qui intervient et réforme le monde, par l’être humain élu ; il ne garantit pas un ordre du monde, il intervient dans le monde afin d’y ajouter et de le modifier, par l’être humain, élu ; il y introduit le réel qui n’y est pas.
N et H paramètrent, re-paramètrent selon l’interne et l’externe en vue de l'altérité du donné tel que "là", puisque dans les deux cas nous sommes au-dehors, dans le donné « là », et pareillement Sartre en décrivant tout l’externe de notre être et Lacan tout l’interne, l’interne et l’externe de la structure. Ce qui demande que l’on repense l’originel, qui ne peut plus tenir au-delà dans le Un universel ou le Un intentionnel de dieu (ou les deux à la fois) ; et qu’il faut entendre interne et externe comme annulant ou outrepassant l’intériorité et l’extériorité (cela même que nient N et H, reniant la démocratie, humanisme, liberté, sujet, pensée supposée platonicienne etc et ce moi humain et donc l’humain lui-même, qu’outrepassent Sartre et Lacan, soit sapant la base concrète de l’humanisation, mais pour une structure antérieure) ; ou soit donc par exemple dépassant la volonté humaine (et la liberté et subjectivité et toute spiritualité, et toute psychologisation, etc) et dépassant l’objectivité, la raison, l’universalisation et démocratique, etc. N et H re-pensent comme ils le disent, littéralement, selon une autre hyper objectivité (ils ne sont pas sans savoir ce qu’ils font … puisqu’ils le réalisent vraiment) et re-pensent l’humain comme débordé par le Bord et le Bord en l’occurrence est l’altérité du « là » ; interne et externe ; comme on se situe dans l’altérité (de tout ce qui est) interne ne signifie pas intériorité (N et H démontent soit par la Volonté soit par Etre et temps l’intériorité et jusqu’aux profondes motivations toute éjectées, projetées dans le « là » du donné ; nihilisme ou dépassement embrigadent l’angoisse et la satisfaction à la racine même, telle qu’ils la saisissent).
On voit par ceci que la pensée, la pensée qui eut lieu effectivement et qui peut sembler suffisamment absurde et irraisonnée, se révèle en fait extrêmement ourdie par elle-même et positionner bien précisément ce dont elle est l’opératrice ; aussi surréels soient la Volonté ou l’Etre (N et H), ça signifie, et ça signifie très rigoureusement et il se peut même que ça vise radicalement le Dehors, le « là », du monde, de cet univers effarant, de cette réalité Bordée par le Réel, par une forme (et recherchant constamment une restructuration du temps, remarquons le). Et aussi décalés soient Sartre et Lacan c’est réellement du Bord le plus proche (sans partir dans une ontologie mirobolante) qu’ils observent et décrivent et montrent et démontent.
Passant outre la circonvolution de N et H, les français s’installent dans l’historicité, à nouveau ; Sartre et Lacan ne cèdent rien sur l’hyper objectivité et usent rigoureusement de la réflexivité, comme retour de l’attention (attention à l’exister, autrefois à l’être, ou ensuite à dieu ou encore au sujet) et entreprennent un démontage précisément du sujet … le Sujet … S’attaquer à la description fondamentalement bien plus stricte du sujet ça n’est pas le nier ; parce que le sujet est l’opérateur du réel ; qu’il soit la pensée, dieu, le christique, le sujet cartésienne et suivants ou l’altérité même, le sujet est l’opérateur de la réelle anthropologie de structure qui s’est extraite de tout monde donné là humain, particulier.
Définissant que l’on produit des contenus, des vérités, des mondes humains, des intentionnalités, mais qu’est-ce qui produit « des contenus » et qui n’est donc pas lui-même contenus mais contenant ?
Husserl certes dessine l’intentionnalisation mais supportée encore par ses contenus, qu’en est-il si il est effectivement une structure antérieure à l’intentionnalisation ? Qu’est-ce sinon continuer de remonter de la pensée au sujet, du sujet à l‘intentionnalité, de l’intentionnalité à la structure.
La difficulté est de comprendre le sujet un par un et singulièrement ; et il n’est que Sartre qui mène jusqu’au bout la singularité très explicitement là où elle agit ; durant son existence, durant son exister. Pas même comme si le moi était la forme concrète du sujet, mais bien de ceci que tout moi est une nécessité de déterminations ou plus exactement une construction en tant que reprise de ces nécessités, mais que le sujet, lui, est précisément ce que l’on fait de soi de ce que la vie a fait de nous. Soit donc les décisions, les orientations, les directions prises au cours d’une existence. Ces orientations, et désorientations, et réorientations, distorsions soudaines ou étendues, les relances de la machinerie qu'est le moi, ayant à se comploter, toutes comprises, dessinent une actualisation de l’acte ; chaque conscience est une série d’actes, de décisions, non sous la forme très classique de la volonté, mais sous la formulation bien plus considérable de l‘intentionnalisation.
L’intentionnalité husserlienne change tout ; bien qu’il soit lui-même encore attaché à produire de l’universel vers l’universel. Mais Husserl signifie la racine du réel ; en tant que la conscience nait dans l’altérité, et, lui, dénomme cette altérité le transcendantal ; signifiant par là que ça n’est pas du monde mais au-dessus du monde, qui est « au-dessus du monde, du donné, du vécu, des représentations, et des intentionnalisations » et tire à soi, vers l'élévation de l'universel ; ce point si rigoureusement autre est le point, déjà, d’attirance qui extrait toutes les données et tous les donnés, vers le un ou à tout le moins vers l’universalisation, dont on a pu supposer qu’elle menait au Un comme universel. Il croit que les intentionnalisations vont se regrouper dans et par Un universel, et peu à peu cela nous permettra de nous saisir du noyau de sens qui oriente tous les sens ou mieux qui ordonne tous les sens, et tous les sens qui organisent les intentionnalisations et intentionnalisations qui permettent de calculer, de penser, de percevoir ; par dénivellation en quelque sorte.
La pensée qui se déploie après Husserl est l’inverse ; elle suppose non pas une finalité à venir ou un Un universel au-delà, mais donc suppose un Un antérieur, soit une Volonté soit une structuration (l’Etre de H, dont il croit qu’il vient dans et par l’immédiateté et une immédiateté bien spéciale ; le langage ou un peuple élu, investi, et essence du peuple qui ignore et nie par ex l’individualité ou la démocratie ou la raison : l’Etre est en nous rendu mortifère en ceci qu’il dispose des affects noirs, angoisse et être pour la mort, etc, ce qui est le but de Etre et temps ; répertorier les immédiatetés de l’Etre qui marquent notre être-même, comme quoi celui-ci appartient à l’Etre, cad à l'esprit d'un peuple, on voit la différence absolue d'avec Sartre, qui cependant tombe dans l'universel marxiste).
Donc on en vient à reculer plus encore et creuser en deçà de l’intentionnalisation, coupant ainsi les ponts vers le Un universel, quel qu’il soit supposable, et donc supposant à rebours ; supposant à rebours que l’intentionnalité est effet elle-même d’un être donné là, et qui serait peut-être la Volonté de N ou l’Etre de H, ou quelque immédiateté, tel le langage, ou la cervelle dans ses neurones, mais plus subtilement que l’intentionnalité est causée par un être qui soit de structure sartrienne ou lacanienne.
Mais ce qui peut signifier également non pas d’un donné.
Introduction donc d’une causalité instantanée
Il est une causalité de l’intentionnalité mais qui ne tient pas dans le donné, et on a vu ne tient pas dans le Un universel, pas dans le Un réservé à l’universel ; l’intentionnalisation de toute manière agit bien en-deçà de l’universalisation ; elle transforme tout en signes, en directions, en possibilités de signifiances, un geste est un signe (la femme sartrienne qui abandonne sa main à cet homme, « comme sans y penser », et pourtant le geste est « prévu » initialement, il fait sens, il se dirige vers et par le corps, tout comme Lacan délimite en tous sens les surfaces tordues du corps), et cette causalité, qui n’est pas du monde, installe une causalité de structure ; la conscience, cet arc est ce qui re-vient sans cesse, nu et sans rien, surgit de la cervelle vers le réel, comme position indépendamment du donné, de la détermination ;acte de conscience dans l’acte qu’est le présent.
L’être donné là dont est causée l’intentionnalité (ce que suppose structuralement Heidegger qui connait Husserl, évidemment, et qui veut rechercher les conditions antérieures et Nietzsche qui la suppose comme Volonté, cad Autre), cet être donné donc est en fait le donné « là », mais le donné en tant que « là » et non tel donné, tel monde, tel langage. Le « là » est cette structure qui génère constamment de l’intentionnalité, soit donc un arc embouti au présent ; l’intentionnalité ne tient pas seulement parce qu’elle projette des intentionnalisations (vers un hypothétique universel ou même un Un universel et qui se renouvelle sans cesse en universalisant), mais l’intentionnalité tient parce qu’elle se produit en avant à partir d’un être, d’une structure qui est faite pour cela.
Ceci c’est supposer que si il n’est pas de Un universel ou de réunion au-delà (on ne sait où), il est antérieurement une cause dont tous les effets sont alors strictement en deçà et non pas au-delà et que donc la structure qui cause est antérieurement ; et il faut comprendre que les types de réunion que l’on a pu proposer, le Un, la pensée, dieu, le sujet, substantiel ou transcendantal, les altérités (comme Volonté et Etre de N et H) fonctionnent comme des opérateurs, des sujets, des prototypes de sujet ; et ce qui suppose dieu ou le Un décrit en réalité ce qui opère, ici et maintenant et c’est pour cela que la philosophie avance dans le réel ; sous couvert d’avancer masqué, comme disait l’autre, ceci parce que la structure elle-même ne peut pas paraitre et que se soulevant du Bord du monde, elle soulève le monde, mais aussi et d’abord se soulève elle-même ; puisque sa structure est l’Altérité et qu’elle ne s’effraie certes pas d’être autre qu’elle-même ; elle l’est nativement.
Si on peut et doit garder la vue structurelle (et en retenir ce qu’il faut en retenir, dieu, la pensée, le sujet, l'altérité), on ne peut seulement supposer que l’intentionnalisation soit exclusivement destinée à l’universalisation (qui mène vers l’universel platonicien, si l’on peut dire) ; il faut supposer que l’intentionnalisation se produit tout le temps, partout, constamment, que par ex un moi est structuré vers et par son sujet, qui n’a pas besoin d’apparaitre mais se tient constamment là, dans le « là », le présent ; c’est ce que propose Sartre ; c’est que l’intentionnalisation est antérieure à la raison, à la décision consciente et mesurée ; que l’intentionnalisation prélude à ce geste, signifie que l’intentionnalisation signifie sans signifier un signifié (la raison, le conscient solidifié, le moi, l'objet, etc) ; que donc il est non pas pour avancer un système intentionnalisé fort qui prendrait tout le sens, mais une intentionnalisation, un processus sans contenu particulier, pour qui le corps, le geste est le signifié, durant un temps, et que l’intentionnalisation est somme toute bien plus intense et extensive que l’intentionnalisation universalisante ; ce geste signifié est réellement tel ; il n’existe que de la propension vers l’avant de la réception du geste ; autrement dit on intentionnalise bien au-delà de la restriction « universalisante » ; l’universalisation est une cristallisation, durcissement d’intentionnalisations ; le processus réel est de signifier, dont l’universalisation est seconde ; soit donc non pas un signifié mais la signifiance, le mouvement de produire des signifiés, à la pelle, et quel que soit le médium, de signes ou de perceptions ou d’images ou de gestes ou de mots, et qui peut inventer de tels moyens nouveaux, esthétiques, éthiques, politiques, et y signifier d’autant plus.
Nietzsche a raison de vouloir reporter l’intention sur une autre sorte de Volonté (qui est Autre que la volonté classique ou que la raison), Freud et Lacan d’intégrer la raison et le conscient et ce que le moi dit de lui-même dans une « intention cachée » et que cette autre-intention se surface comme corps-autre, et Sartre d’essayer de montrer comme l’intentionnalisation est une structure mais massive et fondatrice et Autre, inscrite dans la logique de l’altérité et non pas appartenant à une « idée » ou une « essence », et structure qui a rendu possible qu’il y ait un corps, forcément autre, qui se produit en retour et en re-tour et un moi, et une humanisation, et une raison, et une pensée, et dieu ; parce qu’ils remontent à rebours, vers la structure (figurée diversement) qui ouvre la réalité parce qu’elle est le réel. Mais il est extrêmement clair que Sartre et Lacan analysent, découpent, décortiquent, se tiennent à l’os même de la dite structure et ne s’emberlificotent pas dans Volonté, Etre, et tas d’autres figurations ; on assiste par les français à une analytique, un dénuement, littéralement, une analytique froide, hyper objective, sans rien, radicale et autre.
Toute autre signifiance qui voudrait imposer un signifié (serait-ce même l’inconscient sans tenir compte de Lacan ou de Sartre) régresserait ; il n’y a pas de signifié par-dessous, par contre la signifiance est, et elle est tellement qu’elle Existe. Antérieurement. Que tout soit signifiance (et que l’être se tienne dedans, cad relatif) veut dire avant tout que la signifiance est la structure active, l’activisme même qu’est le réel. Signifiance n'est pas attachée autrement que par l'actualité, le présent ; elle s'écrit sur le corps, ce corps effectivement présent et se restructure sans cesse, corps qui consomme la réalité étant arcbouté, articulé non à la réalité mais au réel.