On essaie donc de penser sérieusement. Ce qui est. Ça ne veut pas dire que tous les autres se sont perdus, et ça ne signifie pas que l’on ne dérive pas, ici et là. Parce que l’on part du principe que personne ne s’est perdu et que par ailleurs même les erreurs conduisent à leurs raisons propres. Tout a ses raisons mais ce sont des causalités de liberté pure et brute et non pas des causalités mondaines. Comme le dit Descartes : dieu est celui qui prévoit les libertés. Il prévoit les libertés… il suppose par là qu’il existe un système de liberté pure et que c’est cette liberté qui constitue la cohérence même.
A prendre au pied de la lettre. Que l’on croit en dieu ou pas, c’est la logique qui est abordée et de fait la même que reprennent Kant ou Sartre, et au fond tout le monde sauf que l’on ne parvient pas à distinguer liberté et conscient, excepté Sartre qui voit apparaitre un large cercle étrange de perception. Ce large cercle suppose ceci ; sans doute aucun l’arc de conscience est pris-dans le langage, mais tout autant cet arc se sert du langage (pour signifier telle ou telle perception, situation, intention qui n’était évidemment pas « prévue » contenue dans une nasse de réflexes tout fait ; pour la raison que si le langage existe c’est non pas afin de faire-système (il fait-système afin de se converser mémorisé ; ce qui n’est pas systématique se perd et se dissout), mais le langage afin de signifier les réalités ; sans cette fonction il ne sert à rien ; signifier, réguler les réalités mais lorsque chacun se l’approprie tout autant à dérugler la réalité ; les grecs dérégulent la réalité commune et la re-régulent pour ainsi dire par la raison (ou la déraison), laquelle explore ni plus ni moins que le champ tel que donné là en dehors de tout groupe humain, de tout monde particulier, et tâche, autant que possible, d’en élaborer la perception (c’est en ce sens que les Idées qui ne sont accessibles qu’individuellement, seul l’individu accède à l’universel, les idées nous montrent réellement le monde, et sans elles, rien n’est perçu, ce sera juste appris et commun dans le monde et le langage partagé et non expérimenté en conscience.
Le langage est donc certes un système (comme tout ce qui dure, sinon cela s’effondre) mais au travers de ce système est un moyen, gigantesque, d’exploration de soi et du donné tel quel ; du donné tel que les langages (maths par ex) nous l’obtiennent, à partir du langage (général) que chacun peut ré-utiliser ; et ce qui se crée ce ne sont nullement des mini-systèmes qui se déduiraient (on ne sait comment) du système-langage général mais ce qui se crée ce sont des systèmes individués parce que se situant dans le champ perceptif, au service duquel existe le langage. Et donc une esthétique, une poétique, une éthique sont des expérimentations auxquelles accèdent les sujets ; aucune traduction n’est possible en quelque registre que ce soit … Aucune traduction.
Ce qui veut dire que cela agit là où cela agit, point. Et cela agit dans l’articulation agissante elle-même et que celle-ci est non remplaçable. Elle se tient sur l’unique plan réel : il n’y en a qu’un ; rien ne s’y substitue et aucune représentation, discours n’y accède ; pour y accéder il faut se tenir un pied sur le Bord. Le Bord n’existe que pour l’arc de conscience, qui s’y précède ; ce qui est impossible, mais néanmoins réalisable et réalisé. Le plus clair appui que l’on ait obtenu, outre les expériences mystiques (Eckhart par ex) ou théorétique ou intellective, c’est celle existentielle qui « perçoit » le réel. Que l’exister est « là », effectivement « là ». La manière de s’y précéder.
On ne peut influer sur la transformation, la modification ontologique, sinon selon l’engagement disait Sartre (restreignant de plus en plus celui-ci à l’orientation politique, à la philosophie indépassable de son temps, disait-il, le marxisme) ; la vérité est que l’engagement cette fois nommé strictement ontologique remonte à bien plus loin et bien plus profondément que la politique revient à dire que l’ontologique est antérieurement à la politique, à l’éthique, aux esthétiques et poétiques, antérieur à l’idéel (science et objectivités) ; se tourner vers la pensée, grecque, est ontologique ; se convertir au christique qui nous récupère un corps un et autre, est ontologique ; le suspendre par la cervelle hors du monde est cartésiennement ontologique ; se vouloir malgré que la volonté soit autre, est nietzschéennement ontologique (la volonté, libre, est forcément autre, sinon elle appartiendrait au monde). De ce que nous ayons pu être en mesure de creuser antérieurement rend possible que tous ces domaines réfléchis existent ; politique, éthique, esthétiques, idéel s’adressent à des sujets ; non pas à des « sujets » tels qu’idéalement on y songe, mais à la « structure en forme de sujet » ; au sens où celle-ci est la clef ; l’arc de conscience (du sujet) est la clef, le présent est la porte (et l’autre clef pour autre chose, si le présent est la dimension).
Et c’est bien parce qu’elle ne dépend pas du bien et du mal que la liberté est structurellement la racine de tout ce qui est, pour peu que l’on se dégage de tout ce qui est (et la mesure de ce dégagement précède l’engagement ontologique possible, en proportion, et c’est in-finiment, puisque son caractère de forme est absolu, de même que la forme « présent » est absolue ; on ne se dégage jamais entièrement, l’idée même n’a pas de sens ; aussi le sujet, la structure ne forme de sujet doit-elle travailler radicalement et autre sans jamais « être » cette forme puisqu’il s’agit de l’exister et non de l’être). Plus vous serez sans-rien, plus vous existerez.
Et si elle ne dépend pas du bien et du mal, du vrai et du faux, du beau et du laid c’est parce qu’elle définit à chaque fois tout cela … et que donc elle est plus que bien, plus que vraie, plus que beau. La plus expressive mention de cette option absolue est christique ; il s’agit d’exister pour et par et en plus, vers le surdivin individué absolu, qui Vous regarde et que Vous regardez ; il est clair qu’aucune des réalisations grecques (pensée, esthétique, politique, etc) ne peut rivaliser avec la création instantané de votre conscience par une autre conscience… L’ampleur du christique est radicale, à la racine même ; les grecs libèrent la surintentionnalisation (en dehors et en plus de tout groupe humain), le christique affirme l’actualité et l’actualisation du suejt réel, le un antérieurement à qui il n’y a rien ; et qui se crée instantanément, en se produisant comme corps nu d’un reprouvé et condamné et humilié (on est loin du héros grec ou de la pensée qui vaut universellement).
Le christique n’invente pas du tout selon le bien ou le mal, mais la structure qui précède le bien et le mal ; c’est en ceci que le christ reprend bien en avant le dieu-un tout-autre ; de ceci que l’on est perçu par dieu, tandis qu’il faut prendre sur soi le regard christique ; être baptisé en somme. Ça ne peut pas demeurer un regard extérieur, mais ça ne peut pas non plus devenir un regard intérieur (on ne décide pas de sa conscience, la cohérence de conscience est réelle et vraie et non pas arbitraire, sinon elle n’est qu’un contenu et non l’installation de la forme de tout contenu) ; il faut toucher le point externe qui soit interne, interne et externe étant tout à fait autres qu’intérieur et extérieur) ; le christ, qui confère le regard interne (qui n’est plus intérieur, ni extérieur, et lorsque l’interne et l’externe s’intiment le Bord est signifié).
Mais plus vous serez hors de vous-même et hors de distance ; et ça ne se décide pas… pas consciemment, tout conscient manque de ce qu’il se fixe sur son objet, son contenu, sa représentation, son identité. Remarquons qu’il faut posséder tout cela, parce que le truc, le trucage, l’autre tour, le re-tour est en-plus ; si il n’était qu’un refus du monde, du vécu ou du corps, il ne serait pas libre, il appartiendrait de façon encore plus dégradée au monde (la détermination est toujours déjà réelle, il faut donc la signifier, et il faut de plus la signifier de la bonne manière, de la bonne logique, de la bonne configuration, dieu, pensée ou sujet ou figuration, naturalité, raison, humanité, et ceux-ci parce qu’ils rendent possible l’ultime re-tour de l’exister).
On ne peut pas donc sans assumer cela même qui est, on n’accède pas l’exister sans tenir par-dessous tout l’être ou par devant tout l’être ; l’exister est en plus de l’être. La structure avant la détermination, la forme avant les contenus. Le plus étrange est donc que ce re-tour ‘en plus’ aboutit à l’antériorité, à exister antérieurement à tout l’être. Cibler un être en plus de l’être n’a pas grand sens ; cela réinstalle un cycle de représentation qui se prend du monde et quitter ce monde n’a pas grand sens non plus ; la seule sortie est celle qui précède le monde, le vécu ou le corps. Celle qui est déjà là, et il y a un monde, un vécu et un corps parce qu’elle est déjà là. Mais admettant une antériorité et jugeant qu’elle se situe toute là, on ne peut plus découper dans le monde et le vécu quelque partie que ce soit (qu’on installera contre le monde et le vécu) ; l’antériorité ne peut qu’admettre à son tour toute la réalité : de toute manière il n’en existe qu’une seule et on se situe depuis dieu, la pensée, le christique, le sujet, sur le Bord (de TOUS les mondes, tous les vécus, tous les corps). On doit assumer ce fait. On n’est plus, depuis longtemps, dans l’atermoiement, revenant à recommencer dans le vide toute conception, toute idéologie ; il s’agit d’assumer ce qui eut lieu et de le poursuivre ; par exemple la figuration naturalité-raison-humanisme a juste « oublié » la configuration dieu-pensée-sujet ; et se libérant, sans retenir les garde-fous structurels, la figuration réaliste a détruit le monde ; rien, absolument rien dans la naturalisme-rationnel-humaniste n’est en mesure de contrôler cet arc de structure absolu que dieu-la pensée-le sujet permettait de manœuvrer.
Au travers des tactiques limitées du réalisme rationaliste humaniste, et dans l’impossibilité d’élaborer une stratégie adéquate, à la mesure de la toute puissance de l’arc, fut ainsi libérée dans le monde une démesure littéralement incontrôlée. Réalisme-rationalisme-humanisme sont des fétus de paille dans la vague énormissime du réel brut qu’est l’arc de conscience. Par exemple le moi croit trouver la révélation dans l’objet de son désir, mais il suscite par ce désir une puissance bien plus lourde, et creusée du dedans, que n’importe quel objet limité ; s’il n’a pas commencé d’atteindre le sujet, il sera dévoré comme Rimbaud fut absorbé, écrasé par l’atteinte structurelle dont il connut l’intuitionnelle possibilité.
Sauf que donc on n’en a aucune idée, aucune image, aucune imagination, aucune sensation de quelque nature que ce soit. Donc il y a une autre passation … une interface indépendante, de tout état solide, pour ainsi dire, de toute réalité, tout monde, tout corps ; et c’est là que nous existons. Le reste du temps on peut bien être, et effectivement il n’est que de l’être, sauf le Bord – et le Bord on le voit dans l’inflexion d’un certain angle de vue.
Et il ne faut pas seulement croire qu’il se nomme, cet angle, dieu, la pensée, le sujet, l’altérité (ça ce sont les identifications acquises) mais comprendre que c’est de là que nous percevons. Autrement dit dieu, la pensée, le sujet et l’altérité c’est « cela » qui nous perçoit. C’est pour cette raison qu’existe la psychanalyse ; on est perçu, d’un point. Et lorsque nous entrons dans une œuvre ou une représentation ou une perception placée sur, de et par un horizon, c’est de ce point que l’on reçoit.
Ça n’est pas une entité sur le Bord ou un idéal ou une réalisation utopique dans l’histoire ou un bonheur surabondant ; c’est le point qui est-déjà actif et c’est ce point qui sera activé selon une révolution, une éthique (y compris mystique ou surhumaine ou y compris poétique, esthétique, puisque précisément ce qui est en jeu, l’enjeu formel de tout tient en ceci que jamais nous ne nous déplaçons sans déplacer ce point ; il n’y a rien, en nous, qui ne soit actif et agissant en dehors et séparément de ce point de perception. On aimerait isoler ce point formel et vaquer à ses occupations ou désirs (le désir cherche à canaliser le point ; le point amoureux est pour le moi sa Grande Expérience ontologique ; il se déplace soudainement dans le regard de l’autre et si ce regard fait défaut c’est entièrement et pris de court par le dehors qu’il s’effondre en tant que moi, le moi potentiel, appelé, attendu dans et par l’autre regard).
Mais on ne peut s’en distinguer parce que c’est de ce point que l’on distingue dans le monde, le vécu et le corps, et de ce point que l’on se distingue soi-même… et c’est le plus incompressible ; à savoir que l’arc de conscience n’est pas le conscient. Sartre précisait que le moi se tient dans le champ externe (alors que tout moi croit qu’il est au centre) et ne savait plus trop quoi en retirer de cet aperçu étrange sur le moi ; si tout est au-dehors, où sommes-nous ? Non pas seulement où est le moi. Il cherchera à le détourer à partir de ce point autre qu’il découvre et dé-couvre, met à nu, d’où cette formidable cruauté, lucidité, exigence et cette précision du détail, puisque c’est à partir d’un tel point que l’on peut percevoir… et c’est bien l’utilité ontologique et mondaine et dense que l’on récupère par l’acquisition d’un point-autre ; le dieu unique c’est celui là qui permet d’ouvrir tout le champ du réel de structure, l’être, l’idée, le un ce sont par ceux-là même que l’on va augmenter la réalité, les réalités du monde. C’est par le christique qui vous confère un corps avant que Descartes ne crée le point du re-tour, du nouveau tour d’un autre corps (ce qui revient à dire : l troisième substance inconnue).
Alors on perçoit de ce point là, tout le temps. On ne perçoit pas abstraitement et encore moins « naturellement » ; on est déjà dedans, de l’autre côté, dans le néant disait-on jusqu’à peu, et on présentera donc la surface tangible du réel brut sur laquelle l’arc de conscience tisse le monde, en tant que racine, en tant que source qui vient du devant ; le présent est le réel et le réel est donc au-devant.
Qu’il soit au-devant signifie donc qu’il existe très précisément à sa place exacte ; dans le champ perceptif et qui vient vers nous ; il est antérieurement ontologiquement et en-avant perceptivement. Il n’est pas du tout nécessaire que l’on soit libre selon l’atome, l’adn ou les systèmes (du langage, structuralistes, historico-etc) ; de toute manière en ces déterminations nous y sommes déterminés ; il suffit que l’on soit libre de percevoir. Ce qui est le cas. Atome, adn ou systèmes et s’y ajoute le champ perceptif créé là au-devant. Comme il repose sur lui-même, il part des constructions acquises (dans le déterminé, atome ou adn ou systèmes) et en dispose ; ils les redisposent dans le champ de perception, ce qui évidemment entraine des effets. Le champ perceptif dit autrement crée ses propres systèmes
(systèmes requis pour se mémoriser, sinon on ne retient rien du tout ; système est donc un acquis lui-même, un facilitateur et non un empêcheur, et de toute manière tout ce qui s’exécute systématiquement correspond à un fonctionnement, à ses propres requis expérimentés dans le monde ; rappelons que dans les mondes particuliers, sans objectivités ou sans hyper objectivités, métaphysiques ou ontologiques, le groupe est en lui-même une fonctionnalité et même plutôt la fonctionnalité ; il faut se transmettre et créer la mise en forme culturelle, nous ne sommes pas encore dans l’acculturation de la méditerranée, qui crée une a-culturation à partir de la perception de l’individu ; de ce qu’il constate dans le monde, le vécu ou le corps ; lorsqu’il pense c’est lui qui pense, pas le groupe et ça ne forme pas « groupe »).
Ces systèmes de perception cela implique que tout se ramène au corps, et évidemment un autre-corps ; un autre corps puisque sinon nous serions dans le monde et pas en face ; que nous acquérions une distance décide que ayons à tout reconstruire ; on reconstruit signe à signe ; d’abord en tant que groupe humain (qui communique et garde, préserve sa Parole, sinon tout s’effondre ; l’activité ne s’organise plus) et ensuite en acquérant un par un, individuellement, la réalité ; il est clair qu’il faut définir deux formes de réalité humaine dans l’un et l’autre cas
- lorsque le groupe décide la vérité comme contenu et monde d’une part
- d’autre part lorsque la vérité est un principe et l’activisme des sujets s’y propose séparément du groupe ; raison pour laquelle les uns inventent la culture, les mondes particuliers autour du langage comme trésor, et d’autres l’acculturation généralisée, les grecs pour le monde, le christique pour le corps et le vécu, soit donc l’utilisation du langage par les sujets arcboutés à l’horizon du monde et du corps : le monde est autre et chacun est le corps qu’il a : il existe un poids, une difficulté, un enjeu, une possibilité qui a transformé l’être en avoir et donc distancié, de là qu’il devient possible de modifier l’être par l’avoir, le réel par la pensée, puis ensuite de remonter antérieurement à la pensée en délimitant la structure de l’arc de conscience, qui n’est pas le conscient, laquelle structure est plantée dans le sol ; ce que par ex Descartes nomme l’étendue (du monde), Kant le phénoménal/nouménal, Hegel l’historicité (le temps, non pas le présent mais le temps comme dépliement), Heidegger l’Etre, Sartre l’ensoi, etc.
Ce en quoi notre être antérieur est c’est le réel ; et comme le réel (tel qu’il nous apparait) est le présent, nommer l’étendue comme réel c’est présupposer ceci que le réel est en lui-même articulé.