Le mouvement ou la mort
La réalité existe-t-elle ? Oui évidemment.
Mais elle est prise dans une forme.
A - Soit donc que tout ce qui nous apparaît n’existe que dans un champ intentionnel ; ce qui veut dire que l’on reçoit quantité d’informations, de perceptions du vivant, de l’animal vivant que l’on est, mais que tout ce matériel est repris dans un champ articulé par des signes qui permettent de plus percevoir et lorsque l’on comprend cette récupération (ce qui ne tarde pas, enfin au bout de centaines de milliers d’années) on en représente le monde dans une méta organisation, une collectivité, un langage et un ensemble de signes communs. Puis vient que l’on s’aperçoit que nous produisons ces contenus (et qu’ils n’existent pas en eux-mêmes, reçus du monde sacré) ; la variabilité des contenus doit alors être régulée ; par dieu, la pensée, le christique et le sujet, la révolution (l’État est à cette fin, absolument) et le réel (le devenir monde de l’individualité humaine qui prend la suite de l’humanisation universelle, que cette dernière soit libérale (le désir) ou communiste (le besoin, en ce sens le communisme a servi, historiquement, à déployer la « raison » ou l’occident, comme on veut, un peu partout même dans les territoires non accessibles pour x raisons au libéralisme, et ce sous la couverture du besoin universel plutôt qu’en tant que désir individué).
Si nous produisons les contenus (des champs intentionnels) qu’est-ce qui permet cette inventivité ? Ça ne sera pas un contenu mais une structure (qui, quels que soient les contenus demeure stable et identique à elle-même ; ce qui veut dire vide, formelle, autre). L’activité de conscience.
B - De même il est ici supposé que la forme de la réalité se désigne comme présent. Le présent est l’agissement qui produit ou déroule les réalités, partout. Le présent est le réel de la réalité. Le fait d’exister, brut, admis comme instanciant le réel même. On ne sait pas ce qu’est le présent ; c’est d’abord le présent entre le passé et le futur, mais c’est surtout l’exister, en tant qu’acte.
Au sens où l’être est, bien sûr, mais pris-dans la forme du présent.
Et c’est alors qu’il faut décider ; ce qui existe vraiment est-ce la réalité ou le réel ? Le composé ou la forme ?
Et si c’est le réel alors le réel est mouvement brut et ce qui existe vraiment est le mouvement.
L’arc de conscience dans l’arc du présent.
La question qui se pose est donc ; en quoi « croit-on » ?
Au mouvement (qui visiblement est tout originellement) ou aux choses déterminées ?
Il n’est pas du tout de prétendre affirmer ceci ou cela ; on se laisse guider selon.
De tout ce qui est,
soit ne seront conservés aucun souvenir, aucune information, tout se disperse dans le vide glacial
(tout est fini)
soit il existe une mémorisation, une structure qui recueille l’expérience accumulée
(mais alors on est face à un processus infinitisé)
Si on choisit le vide intersidéral, alors la structure, telle que décrite ici, est admise encore effective, est réelle et ordonne la réalité telle que donnée là, mais fonctionnellement ; le présent de structure déploie toutes les réalités, l’exister déploie tout l’être, l’ensemble des choses, des êtres, des mondes humains, des individualités, bref tout et dans l’arc de présent l’arc de conscience rend possible, de par son champ intentionnel (de perceptions récoltées du vivant que l’on est accolées aux signes, il est des signes par et pour un sujet), rend possible tous les mondes humains particuliers et ensuite l’émergence de l’activité de conscience (via dieu comme Intention, la pensée comme intentionnalisation universelle, forcément, et le sujet comme actualisation en chaque corps de cette intentionnalité, Descartes).
Un univers incandescent qui brûlerait totalement tout le possible et puis s’effondrerait indéfiniment dans la nuit glacial est non seulement une réalité absurde (dépourvue de sens) mais surtout idiot.
Il faut supposer un devenir infini qui n’abolit pas la réalisation, ni celle de cet univers ni celle de nos efforts et ce devenir non fini (qui ne se termine pas lorsque toute la réalité est exprimée) est désignée comme dimensionnel. C’est ce que portèrent en fait la plupart des philosophies, systèmes, croyances, religions, inspirations ou illuminations (en esthétique, poétique, littérature, etc).
Rappelons que le mouvement a pour finalité non pas de (seulement) réaliser le possible mais d’agrandir la réalisation du possible et cela n’est admissible que si le mouvement est en mesure de se reprendre lui-même ; ce qui est rapport ne tient ni dans le début ni dans le terme mais dans le rapport lui-même, qui pourra de cette manière reprendre le début et modifier la fin qui modifiera à nouveau le début. Le kaléidoscope est constamment autre que lui-même ; tout regard modifie le donné. Ce que l’on dira plus loin ; le singulier, l’infini, est la règle.
Hypothétiquement, il ne s’agit pas d’une mémorisation, mais d’un ouvrage. Si le présent est le réel alors le présent est la dimension. L’univers, le temps, l’espace, les choses et les êtres s’exposent sur l’horizon de l’unique présent. Le rpésent est la colonne de la réalité.
Dans la réalité tout s’effiloche tôt ou tard, et il paraît impossible de saisir quelque substance réelle et solide (il n’y a pas de « matérialité » qui serait au fondement, et l’énergie est indistincte) ou consistante (pour ce qui est de la pensée ; il n’y a pas d’idée ou de système qui tiendraient de par eux-mêmes). Le seul réel qui tienne tout au long est l’actualité, cad le présent. L’actualisation constante et continuée seule existe. De même de tout ce que l’on réalise, ne demeure que l’arc de conscience ; tout le reste subit des transformations et finalement des dégradations irrémédiables.
Et donc n’existent à proprement parler que ces deux formes de réel ; l’arc de conscience dans l’arc du présent ; l’arc du présent produit toutes les réalités, l’arc de conscience contient toutes les réalisations humaines ; il n’existe d’arc de conscience que dans l’actualité du réel, le présent évidemment ; la « sensation d’éternité » est due au rapport que l’on existe, et qui dessine un « nous-même » ; un espace-temps séparé pour ainsi dire ; même si le rapport de conscience est un court-circuit temporel ; on perçoit, mémorise selon tels signes et reporte cette vision et ces signes qui tracent un laps de temps ramené ; le signe, le rapport enjambe la durée.
Ceci veut dire non pas que le temps soit invincible mais que le temps est pris dans le présent. Ou donc dans l’acte. Tout est action, et l’arc de conscience est une sur-activité, un activisme ; le présent est un mouvement, et tout est rapport, toute actualisation est ainsi absolument, cad formellement, singulière ; il n’y a pas deux points superposables dans tout ce qui est ; pourquoi ?
De même nous utilisons pas une sorte de « connaissance directe » des choses, réalités, êtres, mais le champ donné dans l’actualité (et il doit ainsi re/construire les réalités via l’organisation des signes). Ainsi nous sommes activité ; tout monde humain est construit, toute personnalité est acquise ; dès que nous exprimons, nous créons. On ne peut pas ne pas créer … ce que Hegel nommait dialectique c’est ce positionnement ; dès que ceci est manifesté, nous sommes déjà passés au cela qui suit ; parce que nous posons tel objet dans un horizon (qui permet par rétroaction de définir cet objet) et c’est cet horizon qui deviendra lui-même objet (dans l’horizon suivant).
Remarque ; si la forme qu’est le réel ou qu’est la conscience se donne telle qu’elle existe, étant formelle on peut éventuellement supposer qu’il s’agit là de deux variations qui n’épuisent pas la structure de cette structure-sujet, de cette forme « Réel ».
à moins de supposer l’inverse ; à savoir que le rapport, étant tout à fait formel, ne possède aucune variation. Il n’y a qu’un seul dieu ou si l’on préfère qu’un seul exister ou qu’une seule conscience ; ce qui répond tout à fait logiquement à l’idée que « conscience » signifie rapport à (soi) du rapport lui-même (il n’y a aucune latitude possible ; on est rapport à soi et donc conscience, ou pas). Ligne de réflexion qui engage encore plus excessivement que cet exister, cette existence sont absolument cruciaux. Il n’y a pas trente-six manières d’être conscience ; un extra-terrestre, aussi différent soit-il, existe de la « même conscience ». Nous sommes au antipodes de la logique de la différenciation (il n’existerait que des différences) ; au prix de laquelle si l’on est égyptien, on Est égyptien ; ce qui est absurde.
C’est qu’il existe donc une distinction ; très classique ; les choses déterminées et les choses indéterminées, qui, de cela, ne sont plus des « choses ». Ce que l’on désignait autrefois comme le fini et l’infini. Tout ce qui est déterminé est fini, limité, localisé, composé et donc emporté dans une décomposition, tôt ou tard. De même que notre vécu. De tout vécu il n’existe qu’une seule continuité ; l’arc de conscience de chacun.
Marius Victorinus crée le concept de l’existence. Et il le crée afin (devenu chrétien) de situer l’être spécial du christ. Entrant en concurrence de l’ousia, de l’esse, essentia, de l’essence, de la substance, au fil du temps historique ; tout cela varie, mais le point difficile est la « substance » ; on ne sais pas trop ce que cela signifie ; « ce qu’il y a ‘sous’ les déterminations, une sorte de ‘sujet’, valant pour toutes choses et êtres, à chaque fois ; sur la substance s’accrochent les particuliers, les datas, les perceptions, les essences, les idées, les catégories, tout ceci existant plus ou moins selon les systèmes ; substance paraît tel l’être-là, assez incompréhensible, puisque la pensée ne peut pas penser la sub-stance dessous, sinon de la référer à dieu ou « l’être » en général.
Cette sorte de mélange rend tout assez peu clair ; par quoi dans la systématique, habituellement statique, la dynamique revient dans la pensée (comme le Un de qui tout procède et vers qui tout revient, par attirance, de même que le Un produit tout par « audace » ou débordement, ce qui est également un mélange et ne permet pas de comprendre ).
Or
Il faut bien voir que l’on ne pense plus, on ne pense plus dans le régime de la raison. On pense selon le registre du sujet. On essaie, depuis Descartes au moins, de délimiter l’activité du sujet. Et ce que cela signifie. Le sujet est beaucoup plus étendu que la pensée. Mettre en forme le sujet ça n’est pas du tout mettre en forme les objets (d’étude, d’intellection) de la raison.
Le sujet, dit autrement, n’est pas subjectif, mais bien plus objectif que la raison puisqu’il est ce par quoi il se produit de la raison. Un sujet plus objectif et plus cohérent (l’objet du discours rationnel ou autrefois métaphysique est plus limité et son ordonnance est extérieure ; ici il faut informer, instruire, éduquer l’attention, de la moindre à la plus ambitieuse intention, et donc concerne tout, toute l’activité).
Si il y a un sujet plus cohérent alors c’est sur la piste de cette plus grande cohérence que l’on est lancé. Dieu, la pensée, le christique, le sujet, le réel établissent l’avancée sur le seul et unique plan ; celui de l’activisme.
Ou encore ; ce qui arrive au jour par Descartes (continué par Kant, Hegel, Husserl, Sartre et Lacan et Kierkegaard, Nietzsche ou Heidegger à leur manière) c’est un rayon de compréhension plus grand que celui de la pensée, grecque, scolastique, métaphysique et ensuite évidement scientifique (puisqu’une science ne pense que son objet, tel ou tel et ne peut pas s’extrapoler et qu’à moins de prétendre supprimer toutes les questions qui n’obtiennent pas de réponses scientifiques, l’interrogation permettra toujours d’atteindre et d’acquérir une conscience accrue),
Ce qui arrive par Descartes est l’extension du rayon de compréhension (mais aussi du rayon d’action de chacun ce que promouvra la révolution, ajoutée de la régulation de cette action).
C’est quelque peu perdue que la philosophie ne parviendra plus à se relier à l’être ; puisque le poids réel du sujet indique bien que l’ici et maintenant doit obtenir de par lui-même et lui seul sa cohérence, quand bien même existerait dieu ; depuis le christique nous ne sommes plus assujettis à la loi (universelle) mais chacun recherche son propre cœur ; le centre intentionnel, l’intention vraie qui l’anime en tant que lui-même.
L’être et l’exister
L’invention du concept d’exister (Victorinus Marius, néoplatonicien chrétien) ne fut pas reprise telle quelle ou plus exactement dans toute son ampleur possible ; de sorte que l’on se retrouve avec un mélange ; à demi universalisable et à demi particulier, liés, on ne sait comment, dans l’être. L’être est à la fois l’intention de dieu (qui seul Est), mais aussi l’existence tel que « là ». Il est ainsi une inscription, engagement de dieu dans le tréfonds du donné là, dans le « là » de tout donné ; le « là » abyssal de l’être ; distingué ensuite intellectuellement ou intellectivement en essence-idée-pensée-esprit-universalité et donné-vie-matière-particulier, laissant le « là » sans pensée aucune.
Ockham a pu tenter de redistribuer toute la pensée en la réorientant des universaux au singulier existant ; mais il n’est vraiment, dans son système, que l’individualité donné là (et non la pensée ou les catégories, etc, qui sont secondes, voire dérivées, querelle des universaux, etc). Le singulier mais non pas le réel donné « là » ; chaque singularité, mais en un sens très précis ; comme source des perceptions qui viendront alimenter les idées (ce qui deviendra l’empirisme, et autres). Il n’y a pas, en ce sens-là, de singularité ontologique du réel.
Le réel, l’existence sont posés par l’empirisme, mais non pas que le réel, l’existence relèvent d’un concept (le singulier relève de datas, et d’universalisations suivantes, serraient-elles logicistes) ; le réel, l’existence, l’exister, le concept de réel pur et brut, n’est accessible que selon le Présent ou l’Exister.
Il n’y a aucun autre concept de l’exister (de la racine de tout) que celui de présent ; celui de l’acte. On dira même que stipuler que dieu serait l’être (l’être suréminent, l’onto-théologie de Heidegger, l’être comme sommet de tous êtres, tandis que nous ne pensons que l’universalisation des choses et des êtres, etc), que dieu soit l’être est une imprécision, une approximation ou une abstraction.
Que si l’on tient à la fois l’exister et le présent et dieu de l’autre, alors il devient possible d’accéder à une plus grande précision conceptuelle du divin.
C’est bien pour cette raison que l’on voudrait éclairer le dedans du christique qui se présente à nous à ce point « autre et étrange » ; puisque l’acte de dieu se continue en et par l’incarnation ; que s’est-il passé ? Que l’on y croit ou non n’a aucune importance (et regarde chacun). Mais le mouvement brut qu’imprime le christique est la source de toute individualité ; Saint Paul inaugure le moi, la personnalité (celle qui vaut en et par elle-même et non pas d’une qualité quelconque ou exceptionnelle, le héros grec par exemple, ou le sujet, universel, que provoque la pensée, universelle ; le sujet christique est in-fini tel quel, aussi méprisé soit-il). Si le sujet n’est soudé à aucune qualité, alors quel est-il ?
Descartes jusqu’à Lacan commencent d’y répondre. C’est la question réelle la plus nette ; pourquoi le monde, l’étendue, l’univers, le réel produisent-ils un être spécifique qui existe comme rapport à soi comme rapport (bien loin des fixités que sont les essences ou les identités du moi, des mondes humains ou des langages, en un mot un rapport divin).
Évidemment l’exister est un concept étrange ; puisque, on l’a dit, ça ne peut pas être pensé comme figé, mais comme acte. Il faut penser le mouvement. Au sens où il est notre propre mouvement ; il faut se mouvoir pour y répondre (comme on philosophe qu’en pensant soi-même et non en récitant). On tient que la seule ontologie effective consiste justement à penser ce mouvement, ce qui n’est possible que si on le continue. On ne peut pas constituer la réflexion du mouvement sans se mouvoir ; raison pour laquelle ça n’a jamais cessé ; nous sommes passés des mondes cycliques au devenir historique, et si les mondes particuliers l’étaient, particuliers, le devenir, lui, est mondial. Puisque la forme (le rapport antérieur à tous les rapports) est passé au-devant, non seulement sur la scène mais devenu la scène elle-même (on ne voit rien sans cette mise en scène du réel sur lui-même, sur son uni-surface). Raison également qui impose un uni-devenir ; il n’y a pas trente-six manière de penser l’être, le sujet, l’intentionnalité, de même qu’il existe un seul
État moderne. Inutile de se voiler la face.
Ce qui vient avec Descartes, le sujet dit qu’il est et donc il existe. Ce dont il faut rendre compte dans son exister même, et en élaborer l’ontologie (Kantien et criticiste ou hégélienne et selon le Savoir et le devenir de tous les points de l’horizon, de l’esprit absolu, ou selon la phénoménologie de Husserl, l’ontologie de Sartre etc).
Les néoplatoniciens pensaient selon la dynamique du Un (lequel remplace l’être, le bien, la pensée de la pensée, l’essence, la substance et donc ressemble le plus à un pur mouvement, forcément dynamique) ; le Un débordait, se propageait et peu à peu jusqu’à la matérialité inerte formellement (forme faisant référence à l’essence, l’idée de telle série de choses, le chien pour tous les chiens de quelque race ou individuellement) et ainsi la forme tire la matérialité (qui n’est pas expliquée telle quelle, comme d’un chaos donné initialement) vers le un (dont toutes les formes-idées procèdent) ; le Un, la procession, les idées-formes, les réalités, la matérialité, tout est réel, bien que le chaos glisse constamment dans sa sorte de néant.
Évidemment le dieu un unique et tout-autre échappe à cette inexplicabilité de la matérialité ; qu’il crée ; il est totalement hors de la création ; pure intention, pure volonté, pure décision, et donc encore plus « un » ; puisqu’une intention n’est pas composée, et logiquement contient toute la détermination.
Ici se tisse un lien, un rapport que la pensée ignore ; à savoir que par l’intention de dieu toute la création est la manifestation. Il n’y a plus de dualisme. Et il est la possibilité très certaine par contre, que la volonté, l’intention puisse engendrer l’altérité, l’autre que soi, autrui et évidemment chacun en tant qu’individuel, singulier. Un rapport passe son temps à créer l’altérité. La matérialité (déterminée) ne s’oppose plus à la pensée (autre détermination) ; l’intentionnalité divine est bien au-delà et pose d’autres stratégies ; que le réel ne se referme pas sur un déterminé mais soit transpercé de toute part (rien n’est non-créé) en une intention, cad un rapport. Ou, si l’on veut, que la réalité soit instanciée dans un mouvement ; le réel structurellement se-mouvant. Dont le mouvement est cela même qu’il faut penser. Et qui est cela même qui est, fut depuis le début, pensé, de là les étranges configurations de dieu, de l’être (du bien, de la pensée de la pensée ou du moteur, du un), du cœur du christique ou du sujet comme liberté ou de l’exister « là ».
Mais dès lors ne voit-on pas que l’on passe décidément de la dualité à une nouvelle planification, compréhension ; et ce du moindre grain de réalité à l’intention suréminente.
On ironise sur la propension à projeter notre volonté en toutes les réalités ; dieu serait une intention décuplée.
Or on suppose ici que si tout est devenir, alors tout est ‘intention’. Si cela devient c’est que quelque chose, quelque réel se passe et doit advenir. Ou alors ça devient « pour rien ». Au choix. Il y a un devenir qui concerne tout, bien antérieurement à la « pensée » et à quelque idée, et antériorité vers laquelle depuis le début nous remontons ; ce qu’adoreraient les néoplatoniciens, sauf que pour nous « remonter » veut dire tout autant avancer dans le présent-qui-bouge et si le présent bouge alors tout, toute la manifestation bouge ; kaléidoscopique. Sous la forme du Bord du monde, du donné, du vécu et du corps, lequel Bord est le présent, accompagnant continuement n’importe quel point de la réalité (il n’est aucun point de la réalité qui ne soit selon le présent).
S’impose donc, mais par la négative (et spécifiquement comme révolte ou contestation ou refus de l’ambition métaphysique ou ontologique de notre tradition philosophique, rejet de Platon, du christ, de l’idéalisme, du sujet, en vrac) s’impose l’évidence du donné immensément « là ». L’univers, celui des sciences, est littéralement un tel « là », mais sans plus aucune unité transcendante. Mais un tel univers gigantesque existe-t-il tel quel en lui-même ? Un tel univers démesuré passe donc pour un pur et simple gaspillage si rien n’en est conservé. Et il y eut diverses (embarrassantes parfois) figurations de cet invraisemblable donné « là », la volonté de Schopenhauer ou celle de Nietzsche, l’Être de H, des vitalismes, mais aussi des rêveries, des imaginations, des désespoirs ou des folies en tous sens.
Il n’y eut pas d’inscription logique de l’être tel que « là ».
Puisque la logique est constamment assignée à un « objet », roide, sec, sans profondeur (un rapport inerte donc). Alors que précisément il s’agit de comprendre ce qu’est non un objet mais un mouvement. La logique du mouvement. Lorsque cela seul qui existe est justement un mouvement ; le mouvement crée l’être, sous quelles conditions ?
C’est ce qu’il faut mettre au clair ou approcher à tout le moins (que le réel soit un mouvement et non un être, qui est une désignation objectivante, autrefois métaphysique ou rationaliste et réaliste ou scientifique ou souvent scientiste, ce qui n’est pas le même ; le scientisme consistant à supprimer des questions … et j’entends par là les logicismes divers et variés). Et dont on aura compris que par sujet ou logique du mouvement ou réel on ne désigne pas une moindre cohérence mais une plus étendue.
La singularité comme règle
Ce qui implique que tout est absolument singulier. Le réel est une machine singulière qui produit du singulier, des singuliers, toujours, constamment ; il n’y a que cela, la constitution même du réel est la singularité pure et brute, et vraiment brute, brutale, violente (prenant effets comme « absurde »). Il n’y a rien qui ne soit pas singulier ; c’est la brique ontologique absolue, formelle, du réel. C’est pour cela qu’il existe une réalité ; comment voulez-vous que la réalité, cad les réalités (il n’aura échappé à personne que « la » réalité ce sont les réalités, en nombre indéfini ou peut-être même infini, ce que l’on admet préférentiellement), comment voulez-vous que les réalités existent si elles ne sont pas toutes singulières ? Tout point est absolument distinct.
Et qu’il existe au moins un de ces réels qui est encore plus singulier ; l’arc de conscience ; il y a « conscience » parce que celle-ci double, triple, quadruple (...) le rapport. L’être d’un rapport est non défini. Est-ce que ce disant on évalue vraiment à quel degré, niveau d’exigence existe une réalité et un réel ? Chaque point se dresse absolument, et lors même que de point il n’en existe qu’un seul ; étant un rapport ce point unique, cet instant exclusif n’est pas limité à son ‘être’ (il n’en a pas) mais est le rapport qui tisse tous les rapports (raison pour laquelle on ne tient rien, fermement, dans la main ; il n’existe pas de consistance ; rien que le mouvement).
Et on ramène à vrai dire ce que l’on nommait infini à un tel rapport ; on a l’idée de l’infini parce que l’on existe comme rapport (il n’y a pas de contenu qui génère la conscience, comme par magie, mais c’est l’arc de conscience qui (se) représente des idées, images, mélodies, formes et couleurs, qui laissés à eux-mêmes sont seulement des ‘tas’ amorphes).
Saisi par le présent, on sait instantanément sa structure ; c’est elle qui vient avec qui l’on voudra (dieu, Aristote, le christ, Descartes, Rimbaud ou Nietzsche ou Beethoven ou Les Rolling Stones, qui animent le corps du dedans comme on sait).
C’est elle qui anéantit l’enfance en réintégrant, lors de l’adolescence, la conscience jusqu’alors déléguée au-dehors.
C’est l’impératif de la structure (de cohérence hyper active) qui nous détourne du monde jugé absurde ou stupide ; de par le rapport ultra-accéléré la structure exige bien plus qu’un monde donné là ; et donc, comme de logique, elle augmente totalement l’ensemble de tous les accès (qui restaient barrés pour les vivants); elle propage quantité de champs intentionnels, d’abord liés dans le groupe (les signes ne doivent pas se perdre) ; il faudra installer en chacun afin de pallier à la pression du groupe et que l’activité de champ de conscience se déploie à partir de quantité de centres, les sujets.
Il existe une capacité telle (ce qui existe comme rapport reçoit de par lui-même la pure et brutale exigence, un rapport est un rien en mouvement, cad une structure)
que la dureté de sa performance est justement cela même qu’il faut admettre, intégrer, incorporer, incarner (quel que soit le nom qu’on lui donne, dieu, pensée, sujet, etc),
et qu’il faut recevoir dans une configuration adéquate (sinon cela, cette puissance, s’investira n’importe comment et se déchaînera, violemment, ou vous anéantira, puisque vous désirerez une illusion, la structure de conscience étant outre mesure elle ne se trouve pas dans ces contenus miroitants, ni dans le monde, ni dans le vécu, et doit s’attacher à sa seule forme),
dureté et exigence parce que personne, aucun je, n’y résiste ;
la structure de conscience est la structure de la Possibilité même, de la potentialité, de la toute-puissance ; qui doit obéir à sa Règle, qui n’est en aucun cas « n’importe quoi », on se situe non dans dispersion et la vacuité et la velléité des immédiatetés mais dans l’acte de cohérence même, l’hyper objectivité, l’activisme accélérée ; il n’y a pas de « petit rapport », on reçoit toujours uniment le Grand Rapport ; c’est bien pour cela qu’est requis le christique pour l’initialiser ; le grand rapport descend ici même,
et nous la recevons lors même et au même degré que la souffrance qu’elle nous inflige, qu’elle nous impose, et qui risque toujours de nous anéantir.
« Personne ne peut contempler ma face sans mourir »