Le réel comme interstice
Il ne s’agit pas de réunir l’ensemble des observations sous le christique ou dieu, ou la pensée et l’universel et l’être (le bien, le un, la pensée de la pensée, etc), ou sur le sujet ou la révolution ou le réel et le « là » du donné ;
mais inversement, tenant ces Accès pour ayant effectivement eu lieu, on cherche à rendre une compréhension, et une compréhension qui tentera de se passer des grandes idées abstraites (qui nous tirent vers la métaphysique, antérieure à Descartes) d’une part et d’autre part à resituer ces « idées » en tant que désignant des articulations ayant effectivement été actualisées dans la constatation du donné tel que «là », le réel, et dans la constatation de la spécificité de notre être, qui n’est pas un être (mais une articulation, on vient de le dire).
L’ambition de Descartes, Kant et Hegel et suivants (Husserl, Sartre, Lacan) entend précisément délimiter « ce qui agit vraiment » et tel que se réalisant, là, sous nos yeux. C’est en ceci que nous sommes passés de la métaphysique, grecque, et de la métaphysique, théologique, à Descartes, ce qui veut dire à une ontologie ici-même agissante, et qui donc se-sait, puisqu’elle existe-ici et qu’elle se-voit (et chacun se-voit et se-sait en lisant Descartes, chacun prononce le cogito, le dispositif cartésien ; Kant, Hegel, Husserl, Sartre, Lacan déplient ce dispositif repérée dans le champ actuel).
La finalité est de parvenir à naviguer dans l’arc de conscience, ce feuilletage, ce kaléidoscope qu’est l’arc de conscience, qui, étant un rapport, ne tient pas aux contenus (dont il se fascine) mais aux plis que sont les rapports ; ainsi en psychanalyse l’intentionnalité peut se dé-plier, jouer de la coupure initiale, de même que l’historicité nous montre les nappes qui créèrent, rendirent possible ce rapport que nous sommes devenus. De s’introduire dans l’arc de conscience, et précisément en tant qu’historicité qui se lit non comme contenus (systèmes ou idéologies ou objectivités) mais comme positions, positions sur le Bord de la réalité, soit donc cartographie de la structure du réel (tel qu’il a été expérimenté, sans augurer de tous ses possibles, qui peuvent être pluriels, au sens où antérieurement au dieu unique, à la pensée universelle, au sujet ou à la révolution, nous n’en avions pas idée ; c’est une fois advenus que ces accès révèlent même ce qui les précède).
C’est bien pour cela que l’on prend absolument au sérieux dieu ou le christique, la théologie, Platon ou Descartes, Rimbaud ou les Rolling stones, et qui que ce soit (doté d’une cohérence suffisante ou reconnue, en somme « démocratiquement » par notre tradition, le partage des vérités ou l’effet de réel) ; c’est qu’il n’existe qu’une seule structure de conscience, qui n’est pas dispersée au travers de contenus ; qui dessine un diagramme général, à la surface du réel l’arc de conscience dessine des trajets cartographiques.
Du rapport intentionnel
Puisque ce sont bien les explorations de l’arc de conscience, sur les lignes de crête du réel, qu’il découvre en jouant de son arc-boutant, sur le « là » initialement (l’être des grecs ; « qu’il y ait de l’être ») et sur le je en ce corps (le corps de chacun dans le corps unique et l’intention univoque du christique) qui n’est possible que de se supposer en un point-autre, en plus, hors le monde et la vie vécue (et créant du même coup que chacun ait une telle vie vécue ; ce qui est un fait, évidemment, mais qui devient, alors, catégorisable et définissable et donc hors du groupe, hors de l’ordre hiérarchique romain, hors des religions et des statuts figés ; ni homme, ni femme, ni esclave ni libre, ni riche ni pauvre et même ni juif ni gentil).
Descartes opérant la restructuration de ce point-autre, et s’y ajoute (il ne le contredit pas); Descartes dont on sait qu’il s’intègre en et par lui-même ; puisque découvrant sa liberté il faut, il fallait que ce point devienne « lui-même » le rapport ; le cogito-infini (un rapport n’ayant pas de fin, de terme, et son utilité consistant justement à redéfinir l’initial, le début par le terme, le final).
C’est bien parce que notre-être est l’arc de conscience (qui ne tient à aucun contenu et se définit comme champ intentionnel) que l’on rassemble dieu, théologie, philosophie, poésie, mass-médiatisation, etc ; puisqu’il s’agit de la racine ou du plan étal du champ intentionnel, de son organisation, non seulement de champs diversifiés, mais organisé en lui-même par sa Position, sa position ontologique, face au réel donné « là », et donc, aussi, à la nature de ce « là » (dont on dit qu’il est le présent, et à terme l’exister) ; ce champ est intentionnel parce que sujet (et la notion qui fait le lien entre champ et sujet est le rapport, ce qui veut dire le possible, tout aussi bien).
Pourquoi « parce que sujet » ?
Le-dit champ ne s’installe pas de ses contenus, mais de son unité ; il y a un possible parce que le je se réfère au champ et le champ au je ; ce qui veut dire que la vision, la perception, l’imagination, la représentation, la pensée, les systèmes esthétiques, les systèmes idéologiques, etc, ne sont pas préemptés, étant donné que ça ne fonctionne pas d’un contenu à un autre (idéal globalement de la raison), mais d’un contenu à un je, d’un je à un contenu ; il existe un signifiant-je de remplacement, de remplacement de tout.
(ce qui veut dire que la « conscience » est un rapport à (soi) dans lequel rapport le « soi » est le rapport lui-même, ni plus ni moins, et c’est bien suffisant puisque ce rapport qui est sujet est le possible lui-même)
Le rapport n’est ni d’un côté ni de l’autre, et le signifiant n’est pas l’être ; le je-pense n’est pas le je-suis, qui est lui-même le signifiant « je pense » et non la pensée. Il s’agit d’un signifiant sans signifié, qui rend possible d’autres signifiants et donc de découper quantité de signifiés. Le rapport permet qu’une des faces soit inoccupée ; ou donc le signe est sous un horizon qui lui-même n’est pas signifié ; si cet horizon était un signifié, un contenu il serait placé sous un autre horizon, et cet horizon est aussi bien autrui, une autre-conscience ; il y a une autre-conscience parce que celle-ci, la mienne, est un rapport, qui la suppose, qui suppose autrui, qui suppose le grand autre ou qui se suppose soi (n’étant jamais identique à quelque « soi » que ce soit), et remplace, bouge, meut, déplace le positionnement lui-même ; c’est le lieu de position qui se tient d’unité et cette unité crée le rapport. Et ainsi une part du rapport est vide, cad formelle. Ou si l’on préfère, se tient du signifiant, qui coupe et dont la coupure est toujours déterminée, mais lui-même indéfini, ou renvoyant à lui-même, cad à rien mais un rien formel, désignant l’intentionnel, sans lequel il n’existe pas de signes, de possibilité que le signe soit ; aussi le père est l’intention et le fils les signifiants, par qui tout fut créé.
Le rapport c’est l’auto-désignement. Mais son auto-désignement, qui s’initie toujours d’un point-autre, n’est pas une subjectivité ; il est toujours assigné de cette altérité et de la plus grande objectivité (le rapport, dieu, la pensée, le sujet ou le réel sont assignés à la vérité, la liberté et l’égalité, au créé, au possible effectivement perçu, dans le « là » du donné monde, qui n’est pas « moi » ou telle communauté, etc, mais se tient du rapport lui-même comme seul lieu effectivement, formellement réel ; et tout cela nécessite des efforts, des répercutions intentionnelles qui se décident et se décident dans leur actualité ; un rapport n’existant qu’actif ; il ne se repose pas sur les contenus ; et un rapport existant toujours actuellement, l’actualisme, soit donc ‘qu’il y ait un présent’ ou si l’on veut, ici, que n’existe que le présent. Comme colonne.
Remarque ; on peut tout à fait ne pas croire ou admettre que la transcendance est cela même et, de plus, cela seul qui Existe ; le reste, qui n’est pas l’exister, en ce cas « est » (déterminé donc) ; l’exister, lui, est la forme des réalités, réalités qui sont effectivement réelles mais secondement (selon l’être) ; seul l’exister existe, et par exister on veut dire « le mouvement même », soit donc le possible ou le rapport.
Si on refuse la transcendance (quelle que soit l’acception qu’on lui donne, de dieu au réel dimensionnel, en passant par l’universel ou le sujet, dans ses variations potentielles) n’est-on pas alors délaissé dans précisément tout ce qui est et n’est que déterminé ? Or ce qui est déterminé est fini, limité ; il n’existe aucune chose non-finie, aucune chose infinie (l’être, cette idée, est brodée, imaginée à partir d’un mélange de contenu, déterminé, et de forme, l’intentionnalité par laquelle des idées sont) ; de là que toutes les versions de l’être, du un, du bien, etc, paraissent incompréhensibles, puisqu’à la fois infinies et finies, formelles et définies (selon tel ou tel aspect). Le but, la finalité, ici, étant d’éviter l’indétermination totale (qui serait tautologique et vide) et la détermination (qui de toute manière manque sa cible, redescendant la compréhension vers le monde ou le donné ou la chosification ou l’objectivité, qui est tout à fait adéquate en son ordre mais non pas pour penser l’indéterminé). Et cette indétermination est dite, ici, conscience-de ou exister. Désignant par là les formes réelles et actives qui ex-sistent (et non pas des « idées »).
C’est du reste pour cela que toutes les définitions de dieu, du sujet, de l’infini, de l’être, du Un, tombent et retombent dans la dissolution, sauf si un tel auteur a bien compris ce problème et s’est permis, s’est autorisé de renvoyer toujours plus infiniment l’infini ; comme Descartes et le je vers dieu, Plotin vers le Un, Platon vers le Bien (comme principe ordonnateur plus qu’en tant que simple idée), l’Esprit qui tourne infiniment dans la dialectique (et que l’on ne peut pas définir), etc.
Ces opérateurs nous ne les comprenons pas, ce sont eux qui, apparemment, nous comprennent. Le dispositif kantien permet de replacer les accès stratégiques. Ces opérateurs (dieu, le un, l’esprit, etc) produisent ; ils produisent et rendent possible que l’on produit tant et tant d’idées, de systèmes ; dit autrement les opérateurs rendent possible le possible, et ce jusqu’aux plus petites idées qui permettent de lire, de transcrire, de décrire, d’avancer dans la non seulement description mais d’abord la Perception des réalités (Platon a raison ; les idées montrent, exposent, manifestent le monde, le donné, tout comme le christique rend possible qu’il y ait des regards individuels, ou la révolution des personnes humaines re-connues comme telles, dans une Constitution).
Il s’agit ainsi d’une saisie du transcendant nonobstant ce qu’elle peut être en elle-même (qu’elle soit dieu, la pensée universelle, le sujet ou le réel, ou selon la conception de chacun) et donc de le proposer tel qu’il se tourne vers nous ; de situer là où elle s’introduit dans ce qui est et qui se lance comme mouvement réel (d’exister) contenant les réalités (l’être), et ce par son horizon de Bord, en tant que cause justement transcendante ; de sorte qu’il n’y a pas à chercher une unité d’essence, de détermination (comme si une-détermination pouvait contenir toutes les autres), mais l’unité du mouvement, que de fait on constate effectivement (tout passe et s’efface sauf le présent) ; que la réalité devient et que ce devenir est son réel.
Ou donc ; pourquoi cela qui est, devient-il et pourquoi l’exister prédomine sur l’être ? On a répondu ailleurs afin que le possible devienne de plus en plus possible ; il n’y a d’autre finalité au réel, cad au possible, que le possible lui-même, soit donc un plus grand possible.
L’unité des réalités ne peut pas être de la même nature que ces réalités ; donc il y a du transcendant et ce transcendant est d’une nature bizarre, énigmatique, étrange, mystérieuse ou mystique (au choix).
Rappelons ceci : il n’existe rien, hormis le possible même ; qu’il se tienne brutalement au tout début et puis en perfectibilité continuelle et continuée ensuite, veut dire que le mouvement seul existe et qu’il est la structure même du réel. Ou donc ; il n’existe aucune plus grande, plus estimable, plus valide finalité à « ce qui est » que de se créer toujours plus avant ; sans ce mouvement « ce qui est » redescend en sa capacité même, tombe dans la dispersion et ne sert à rien. C’est aussi pour cela que l’on peut supposer que la structure du réel est celle du rapport, seul ayant accès à la perfectibilité, admise comme seule « perfection » compréhensible ; une perfection figée n’ayant aucun sens, et si la perfectibilité ‘mouvementée’ est la structure, alors le mouvement est cela même qui existe, ex-siste et la structure, cad l’organisation de « ce qui est » est en tant que mouvement ; le mouvement est le début, le moyen et la fin (la fin infinie, puisque Possible pur).
Autre évidence. Il se peut fort que la vie, vécue, s’emploie à abîmer intégralement toute attente, et tout votre espoir. Or pourtant cela impose, a contrario, que quelque réel plus grand, une plus grande intention était et demeure supposée, et ce malgré toute cette impuissance qui est la nôtre. Donc la transcendance existe. Et d’une nature autre, selon une exigence qui, de toute manière, ne peut pas se réaliser dans le monde (des choses finies, des déterminations), alors cette dilatation, cette extension, cette plus grande envergure, en plus de la réalité et de la vie vécue, réclame qu’elle règne. Pareillement il se peut que vous doutiez de la validité de cette grande intention première, mais alors il faut bien subir ce rétrécissement de votre capacité et son inanité ; cette réduction de votre possibilité vous suffira-t-elle ? Est-elle même vraiment envisageable ? Si entre vous-même et le monde ou la vie comme elle va, vous choisissez de prendre parti pour le monde ou les turpitudes de la vie vécue, que reste-t-il de vous ?
On a vu les étapes fondamentales ; l’intention (dieu), le réseau intentionnel (les idées), le je de l’égalité de tous (le christique), le je singulier (cartésien), la réal-isation effectivement organisée et vécue (la Constitution et l’individualité d’une vie et leur coordination hypothétiquement). Et il faut doubler ces acquis de ceci ; la transformation par chacun de sa vie vécue en Existence (entre l’avant et l’après d’une conversion, d’un décentrement, d’une altérité, d’une formulation qui autorise de poursuivre, d’avancer dans l’élaboration de ce décalage).
Ce qui signifie non plus suivre passivement pour ainsi dire la structure de la conscience, le champ intentionnel que l’on est déjà (qui passe d’un contenu à un autre, en se demandant si ce ne serait pas le bon, le bel et bien satisfaisant contenu, l’adéquation, le bonheur, la plénitude, la complétude) mais déplier cette structure de conscience, puisqu’aussi bien c’est ce qui eut effectivement lieu depuis le début (en quoi l’historicité est le feuilletage lui-même de cet arc de conscience qui se permet d’intercaler des signes, des signifiants, très étranges, mystérieux, de dieu à la révolution, de la pensée à Lacan en passant par toute sorte de systèmes de distinctions, esthétiques ou éthiques).
L’arc de conscience peut bien sembler étal, et se couler sur le donné là du monde, du corps ou du vécu (comme dans une communauté qui croit que la parole, échangée, est l’ensemble des choses et le monde même tel que perçu par tous) ; or précisément c’est l’inverse qui eut lieu ; dieu l’intentionnel vient initier le monde ; le christique et Descartes verticaliser et couper l’individualité ; et l’humanisme et le moi déplier le vécu. La structure s’impose et anime de mille facettes qui décuplent absolument le monde, tout le donné, le vécu et le corps ; la structure qui interrompt et s’introduit dans la perception (et les autres registres) transforme l’apparaître en kaléidoscope de visibilités, en systèmes de signifiants (y compris sur ce corps en tant que moi).Et l’unité qui opère se renforce, se tient toujours au plus près ; jusqu’à l’exposition de cette proximité par Sartre et Lacan.
Le champ intentionnel peut sembler un champ universel impersonnel, et il est en vérité une inépaisseur, mais il doit de par lui-même se déplier ; puisqu’étant un rapport il ne peut pas subir sa modification mais il en est l’acteur ; c’est son activité, son activisme qui le crée et ce faisant il remodèle à chaque fois les signifiants et donc redécoupe des signifiés ; et évidemment lui-même ; l’auto-signifiant du je (cad du rapport lui-même qui rend possible toutes les opérations) qui s’ajoute des fonctions pour ainsi dire ; et de la sorte augmente son propre possible (ce qui est le but absolu, formel, total, puisque si on intensifie la possibilité on augmente tout).