Le Je du Bord du monde
Il est tout à fait impossible de prouver objectivement un discours, par contre il faut amener les propositions dans le champ de chaque conscience, afin que celle-ci puisse vérifier dans son expérience même, dans l’immense champ de son expérimentation, les dites propositions et qu’elle puisse constater qu’elles les « voient ».
chaque conscience est un arc (intentionnel qui crée le dit champ intentionnel) et donc un rapport (entre signifiants ou entre signifiant et perception) ; ce qui entre dans le rapport est Vu (et doit être pensé, représenté, imaginé, ressenti, organisé, coordonné entre tous, etc).
Cette perception structurelle est le dernier et le seul champ de vérification ; et donc fait appel au consensus ; on peut contester Descartes (est-ce bien sûr?) mais on en passera par Descartes ; on peut ne pas croire au christ mais on en passera par le christique, puisqu’historiquement c’est ce qui eut lieu (on a vue pourquoi ; c’est le corps du christ, ce qui veut dire le corps de chacun jeté dans le monde, et ajouterons-nous le corps de chacun jeté dans le monde grec, unique, universel, donné « là »(selon donc l’être qu’est ce « là »). au point que la pensée, universelle, la connaissance (il faut soi-même penser pour penser … on ne peut pas faire autrement) ou le christique sont (devenus) l’historicité même. Hors cette historicité, on trouvera généralement des mondes humains particuliers cycliques et sacrés (qui se réservent une part du donné comme sacré, tandis que le divin existe séparément, en dehors).
Cette ‘démocratie’ pour ainsi dire du consensus nous indique, à chacun, que « ça passe par là », par Platon ou Kant ou Rimbaud ou Einstein ; ici et là il existe quantité de bifurcations, qu’il n’est pas du tout louable de condamner ou refermer ; c’est un ensemble sinueux et complexe.
Pourquoi tout cela, tout cet ensemble relève-t-il de consensus divers et variés et d’une orientation plus ou moins générale (malgré la richesse dont nous sommes issus, tous) ?
Parce que le réel est jugé par chacun du point où il existe ; ce faisant chacun valide ou non ; et crée de fait sa propre élaboration ; son expérience ; chaque je est en quelque sorte la « résolution potentielle ». et que les dites propositions ne sont pas des « idées », puisqu’une idée est elle-même un regroupement de signifiants (regroupant de signifiants, regroupant encore d’autres signifiants), et que ces signifiants sont des relations, des rapports et que le rapport final, pour chacun, est sa propre existence. Ce sont exclusivement les je qui tiennent l’horizon effectivement réel ; celui du monde donné là, de la vie vécue, du corps, mais aussi de l’historicité (et de la connaissance et des esthétiques et des éthiques, etc). Une pensée ne voit rien, tout ce qui est en nous ne naît que de la coupure signifiante, du rapport dru et sec du signe (dont le premier et en vérité le seul est ce rapport à (soi) qu’est l’arc de conscience, à l’image duquel tous les autres sont possibles, puisque ce rapport est formel), coupure qui coupe de haut en bas ce corps vivant et crée le champ intentionnel.
Il n’y a aucun ordre autre que celui-là ; celui des je. Étant entendu que la cohérence, cad la Cohérence, est toujours activée, actualisée, instanciée par et pour un arc de conscience ; ce qui ne retire rien à l’objectivité ou l’hyper objectivité des propositions, des expressions (esthétiques par ex), puisque tout cela ce sont autant de Possibilités. Des Possibilités au sens où on aime Picasso non seulement de ce qu’il fait voir, mais de la possibilité qui se manifeste parfois ici et là en telle ou telle œuvre ; et c’est cette possibilité, la continuité possible des traits, des couleurs, que l’on perçoit et surtout que l’on retient. C’est pour cette raison également qu’il existe une historicité ; parce que des possibilités du possible on n’en voit pas le bout. Ce qui est normal et logique étant donné que d’une possibilité on ne voit pas « toute la réalisation » ; sinon ce serait une chose donnée.
De même un mot, une phrase, les signifiants donc se continuent constamment et ne cessent pas ; puisqu’un signifiant c’est un rapport et qu’un rapport n’a pas seulement un être (déterminé) mais une existence, ou donc une temporalité, est le temps lui-même. Il y a des signifiants (et des êtres qui naissent et disparaissent, se composent et se décomposent) parce qu’il y a le temps et qu’ils sont le temps lui-même. Le temps est la racine continuelle de tout ce qui est, parce que tout ce qui est, existe et que l’exister est plus grand que tout être (déterminé).
On a vu l’exister est le possible (tout ce qui est possible existe, ça ne veut pas dire que tout l’imaginable existe ; une licorne est un cheval avec une corne, des parties de monde ; par contre le néant existe autant que l’être, le néant n’ayant rien à opposer à l’être, donc le possible est la Règle) ; et que notre être n’est pas un être, déterminé, mais un rapport et plus précisément le rapport du rapport à lui-même ; dire « je » c’est se signifier, mais se signifier en tant que je (et non seulement comme un tel ou une telle) ; donc le rapport se signifie lui-même, est donc purement formel et ainsi peut se permettre de créer les signifiants ; qui sont des rapports ; même les maths, le nombre est un rapport (de tout ceci avec lui-même compté comme un, dix est dix fois un ou dix comme unité, il est possible de tout signifier en tant que telle ou telle unité et donc de calculer ou mesurer).
Ainsi chacun, chaque je est situé au Bord du monde (et non pas perçoit l’horizon du monde mais se perçoit à partir de l’horizon, puisque chacun existe comme rapport, déjà autre que soi, autre que tout soi ; de même que tout vivant ne comprend par qu’il soit perçu par sa propre conscience, qui est Autre, de même le moi navigue ou passe des compromis avec le regard du je sur le moi qu’il est ou qu’il croit être).
Ce Bord du monde est non seulement l’horizon visible (potentiel, puisque l’univers est probablement infini) mais le présent ; le présent est le Bord effectivement réel de tout ce qui est ; le présent que l’on ne quitte jamais (sinon de mourir, évidemment, encore que…) ; et ceci nous jette dans la structure du réel ; non pas la structure de la réalité seulement mais du réel ; la verticale qui existe formellement, et d’autant que précisément l’exister est lui-même le fait structurel absolu ; qui déploie intégralement le long du présent la totalité du possible, de la réalité, des réalités, de la réal-isation, si l’on veut. On existe toujours au Bord mais également au Bout ; qu’il y ait un « réel » implique qu’il soit toujours à l’extrémité de lui-même, puisque de sa, de ses possibilités ; ainsi du je, ou de l’arc de conscience (ou du moi, quoi qu’il ne le veuille pas, puisque le moi fonctionne par identité et non pas possibilité, selon l’être rêvé et non selon la capacité existentielle).
L’arc et le je s’imposent irrémédiablement la difficulté ; que puis-je ?
Ce qui indique non les possibilités du monde , mais la possibilité structurelle de l’exister, le possible du possible lui-même, au sens où il faudra se conformer, s’organiser ou se pré-organiser afin qu’au sortir (ici ou dans l’autre version du monde) nous soyons plus grands en capacités. Par « préorganisation » il suffit de saisir que la philosophie ou la religion ou l’esthétique ou la politique depuis leur naissance même sont ce en quoi consiste la dite préorganisation. Qui paraissent « abstraites » mais c’est justement leur but, leur finalité ; prédisposer l’arc de conscience avant (ou après ou pendant) qu’il s’emplisse de contenus divers et variés. Dieu est absolument, cad formellement, cela même, exemplairement, qui pré-voit l’arc de conscience, dieu qui vient en-plus, soudainement ou selon un plan qui déroute totalement et ainsi, en l’occurrence, crée une nation, la nation du Livre. Ou, d’un autre temps, la Révolution même, l’idée-même, organisée, de la « Révolution », qui se travaille en tant que principes et applications, durant deux siècles à vrai dire.
Il faut donc comprendre que certes il est possible de développer raisonnements et systèmes, et que c’est même impératif que cela fasse cohérence sinon on ne comprend pas même ce que l’on dit, mais la dite cohérence est l’actualisation qui ouvre et rend possible tel ou tel champ intentionnel du sujet, du Sujet au sens absolument objectif, hyper objectif, cad structurel ; c’est ce structurel que ciblait Kant, qui voulait, à juste titre, remplacer le discours étal et unilatéral de la métaphysique (dont il voyait bien que Descartes avait court-circuité à la racine) et admettait devoir situer les notions dans un plan, dit transcendantal ; puisqu’il n’est pas question d’imposer une raison (toute faite) à une conscience mais que cette conscience-même est le véritable système ; notre être ne reçoit pas extérieurement une raison tout ordonnée, parce que si notre être est libre, et qu’il n’est pas un « être », alors le système réel est celui de la liberté ; ou donc du possible…
C’est bien là le sens seul réel, et donc absolument ouvert, et renouvelant constamment sa possibilité même. Or on ajoutera que le possible, qui n’est simplement d’agencer les parties du monde ou les contenus de conscience, c’est absolument parlant la création ; tout je crée.
Le je en tout moi, quel que soit ce dernier, crée ; et il n’y a même de « moi » que tenu par et selon un je, par ex devenant chrétien ou assumant sa citoyenneté (qui, on l’a vu, n’est pas évidente, puisque la révolution n’est certes pas achevée!) ou admettant en son corps la poésie (Rimbaud, adolescent par qui les phrases courent sur le corps, tout neuf, en vitesse infinie) et quantité d’autres possibilités. De manière générale le structurel articule bien plus rapidement le réel, que l’agencement des mois ou des sociétés humaines (qui doivent se coordonner en elles-mêmes évidemment, ce qui prend du temps, ce qui est le temps même ; la distance qu’introduit la réflexivité transcendantale, depuis Descartes jusque Lacan en passant par Sartre et les autres, c’est la distance temporelle ou, risquons, para-temporelle, qui ne s’emplit plus des contenus mais prévoit, pré-organise et donc court-circuite ou étend la temporalité ; on peut lire Rimbaud comme un précipité de temporalité, ou la révolution qui contient soudainement la structure, qui enthousiasmera quantité d’individualités, ou le christique qui exige une foi absolument eschatologique, dès le début, ou faut-il cité dieu « je suis celui qui est en cours d’exister ».
lorsque donc l’arc de conscience s’introduit lui-même dans son propre champ, il doit déployer une élaboration absolument spécifique et donc une certaine catégorie de « discours », qui passe en revue ou énumère ou invente et crée non tel ou tel contenu de monde ou de vie vécue, mais le possible même d’exister ; on le voit résolument avec le christique, qui nous parle, signifie à partir d’un point-autre, autre que la vie vécue et autre que le monde, puisque par lui vous vous jugerez et par lui le monde, qui a été fait, sera re-Créé.