L'invention de la pensée (la réflexivité systématique)
La philosophie est ainsi ce qui prend en charge ce qui arrive à l’humain, lorsque les mondes particuliers s’avèrent insuffisants (en leur synthèse immédiate qui admet son monde localisé et accepte la parole comme telle) ; le dépassement en et par la réflexivité qui commence d’apparaitre esthétiquement, éthiquement, politiquement et idéellement. Il fallait une théorie qui puisse rendre compte de ce surgissement ; la philosophie est la réflexion sur la réflexivité.
De là qu’elle s’intéresse aussi soudainement à tous les dépassements ; elle se mêle du beau, du vrai, du bien ; mais elle développe également son propre champ ; elle ramène toute la réflexivité en ces diverses compostions et poursuit sa propre fin ; le savoir.
Puisque le savoir n’est pas distinct des sciences à ce moment, qu’il fait office de science en ce début, il serait possible de caricaturer la philosophie comme intellectuelle (et promotionnant et déployant l’idéel), mais à condition, déjà, qu’elle soit en même temps intellective (statuant sur « ce qui est » du point de vue de la réflexivité) ; auparavant il était une vérité, (tenue pour telle dans chaque groupe humain), il est maintenant posé au préalable « il y a de la vérité », mais on ne sait pas quelle elle est. Or néanmoins il est Certain qu’il y a de la vérité ; laquelle vérité s’affirme comme principe fondamental (et non plus comme contenu).
Mais malgré l’extension de l‘intellectualité (d’un savoir-science) en l‘intellectif (le fondement de ce qui est, connu métaphysiquement, ou pour mieux dire ontologiquement ; on déléguera métaphysique à l’ordre du discours, de la pensée, et ontologique à la précision de « cela » qu’est ce-qui-est, sa caractérisation en propre ; de sorte qu’il est deux réels ontologiques, l’être et le sujet cartésien), la philosophie est en elle-même, plus que cette théorie : elle est la pensée entendant par là qu’elle se finalise à partir de rien ; elle fait sortir de terre son être.
Et puisqu'elle prend en charge de révéler ce qui arrive à l'humain, elle manifeste l'être de l'homme en tant que formel (il y a de la vérité et non pas une vérité).
La réflexivité est en effet absolument vide et sans rien ; elle ne peut compter sur le groupe, le langage, l’immédiateté, le corps et la perception ; elle doit donc élaborer sa propre compréhension. Elle doit se finaliser et découvrir son but. Il serait faux de croire qu’elle se limite à présenter la nature intellectuelle, ni même intellective de notre être ; son programme complet consiste à faire-être cet être de la réflexivité, qui n’a ni nom, ni mot et encore moins de phrases qui l’énoncent ; elle doit l’inscrire comme être réel et effectivement actif.
En cela la philosophie n’est pas du tout essentiellement idées ou système d’idées, mais présence active qui s’élabore et qui se fait-être en même temps que se dire, que se signifier. C’est un être, solide et existant dans les faits, qui se construit et se consolide de son mouvement même. Il est clair que ce qui parait n’existait pas auparavant et qu’ensuite se surprenant lui-même, il est.
Ce qui apparait est une structure qui se met en place et utilise les idées mais également toutes sortes de signes qui puissent indiquer les points et les retours de réflexivité ; son attention aux élaborations qui se remarquent de dépasser l’emploi d’un monde particulier pour subvenir enfin au monde général, au monde universel. C’est donc un être agissant dans le monde (unique cette fois) qui réemploie ce monde unique afin d’en élaborer ses activités de réflexivité.
Antérieurement
Un tel monde (l’être) et son être adéquat (la réflexivité) ne s’étaient pas réalisés antérieurement ; ou plus exactement ils étaient tenus sous le boisseau par un groupe-langage-monde local. Lequel clôturait la réflexivité dite synthétique en retour vers le groupe et la parole faisant office de vérité (stricte, comme contenu et non comme principe). Evidement lors même que réflexivité synthétique, il s’élaborait des réflexivités (éthiques, esthétiques, idéelles, d’humanisation et de personnalisation, etc) mais comme éléments limités ; par les grecs le réflexif se veut lui-même et se sait tel. il le sait dés le début et instantanément de par soi, puisqu’étant réflexif il serait incompréhensible qu’il ne se sache pas lui-même, d’où sa certitude, quand bien même était-il vide et seulement formel ; cela n’influe aucunement sur son être d’être dépourvu de vérités ou de se contredire, et si la vérité comme technologie est si insistante ça n’est pas seulement pour effectivement détenir telle ou telle vérité, mais afin que la construction de cet être puisse se repérer elle-même dans et sur le nouveau monde découvert par le surgissement du réflexif ; que cet être puisse s’élaborer en dur et solidement.
De sorte qu’il ne faut pas seulement lire telle ou telle vérité, mais ce que telle ou telle vérité inaugure de présences au monde, au donné, au vécu ; c’est même là les raisons d’être de l’esthétique, de l’éthique, du politique ou de l’idéel ; que monde-vécu-donné puissent être recomposés par et dans cet être réflexif. Qu’il se compose donc par ex un corps adéquat ; un corps universel susceptible de recevoir les nouvelles quantités de perceptions, de ressentis, de possibilités qu’ouvrent la pensée. Etant entendu que la pensée excède le pensable, la théorie, mais qu’elle est elle-même présence au monde, au donné là et au vécu.
Et évidemment présences très précises … sinon on ne voit pas qu’elle serait réflexive ; la réflexivité est retour-sur et donc ne se retourne pas sur « rien », elle est prise en compte de tel élément (donné, perçu, parlé, etc). La caricature d’après laquelle la philosophie ne penserait rien (ou du bavardage), est une absurdité ; c’est seulement une mésinterprétation rétroactive (on juge de cela qui fut en fonction de ce que l’on est, là à tel moment, alors que ce que l’on est actuellement, est « ce qui fut » tel que devenu ; sans la pensée antérieure et l’élaboration réflexive, on ne serait pas). La réflexivité, de fait et au départ de toute son intention, re-prend tel donné, monde ou tel vécu ; elle ajoute un autre devenir. Elle est le monde voulu systématiquement.