La Parole contre le Un
L’humain se tient du langage ; mais le langage, à sa source, est transmission, en vue de l’action coordonnée ; il est donc identification ; ce que je dis retentit dans l’oreille de l’autre ; je m’entends parler dans l’oreille de l’autre ; je me substitue à l’autre pour comprendre ce que je dis , au sens où il faut impérativement que l’énoncé soit transmis ; les règles de compréhension sont donc immédiatement partagées ; ce qui veut dire qu’elles sont « entre les deux » ; cet entre deux est à soi-même explicite, mais il n’apparait pas tel à chacun séparément ; dans l’acte de parler on saisit ce que l’on dit, mais non pas nécessairement et même rarement comme on le dit ; le code n’est pas explicite, les liens sous entendus ne sont pas présentés, le global est estimé à vue, la situation même est déjà-là et la parole vient s’y inclure, de même le corps, la manifestation complète des signes, nous y sommes en présence(s) et ces présences, diverses, n’entrent pas non plus dans le contenu transmis.
A l’inverse, l’hypothèse de rationalité tient en ceci ; ce qui est, tient dans ce qui est dit. Il n’y a pas, (il n’y aurait pas, nulle part et en aucune manière), de débordements, d’excès ou d’en-plus.
La rationalité est donc la rupture absolue dans la parole ; en tant que la rationalité définit un code explicite, qu’il doit être rigoureusement activé et entrer dans la composition même du message ; qu’il se transmet non en tant que la situation s’en offre le donné, mais en tant qu’il recompose la situation selon son code ; et non pas en ayant comme substrat l’identité naturelle de ce qui est dit en tant que cela est perçu, mais ayant en conscience la séparation radicale de tout.
La Parole est la formation de la totalité comme une, sa formalisation (le langage est un ensemble différentiel complet ou qui tend à la complétude ; tout énoncé est proposé en tant qu’il s’explicite dans et par l’ensemble de ce qui est énonçable) ; totalité une, mais une en tant que flux ; le flux est « ce qui s’échange » ; chacun alimente la totalisation toujours en cours.
La raison est l’imposition dans le flux de la parole, de quelques « Uns » ; toute prononciation y brise le flux et devient en soi une unité ; laquelle unité séparée dés lors réclame une définition ; cad la mise en transparence du code qui permet d’énoncer cette proposition.
Ce qui se nomme la raison ; la procédure de tout énoncé.
Mais si chacun est appelé à manœuvrer les unités séparées, chacun dans le même temps porte encore son être dans la Parole unificatrice immédiate ; la raison, la rationalité, la séparation de tout, est pour chacun extérieure ; la parole reléguée en chacun se nomme Inconscient. C’est le glissement perpétuel de toute intentionnalité explicite dans les replis de toute intention implicite. Compte tenu que l’implicite est continuellement en repli hors-de.