De la liberté comme désastre
De ce que l’on ait inventé le Sujet, il n’en finit pas. Il n’en finit pas puisqu’il est un Réel.
Il apparait un peu partout et diversement. C’est qu’auparavant il était recouvert par les constructions sociétales ; et quoi que l’on en dise (de l’aliénation etc) c’est le sujet, ce Réel, qui appert.
Ce qui se signale par le remplacement de l’être de l’homme comme raison, tel qu’il était prévu par la rationalité et l’humanisme antérieur et postérieur à la révolution (il n’y eut qu’une seule révolution valide, celle qui installât un monde nouveau), de l’homme comme raison par l’homme comme liberté.
Laquelle s’utilise généralement selon une immédiateté ; chacun est apte, théoriquement, à gérer ou inventer son donné. Use-t-on en cela de la raison ? Apparemment très peu ; elle n’est qu’un encadrement, constitutionnel, ou un moyen plus ou moins perfectionné de réaliser certaines finalités qui n’ont en elles-mêmes d’autre fondation que celle du monde, donné, là, inerte ontologiquement.
Or pourtant la liberté doit être considérée comme étant elle-même une structure ; et une structure rationnelle. Autrement dit, ruse en somme, elle pousse à recomposer le donné, partout où elle s’active (et elle s’active en chacun et elle s’active en toute personnalisation, en toute relationnalité, en tout échange, etc) selon une structuralité qui possède, a priori, en elle-même la puissance rationnelle en propre.
Mais la compréhension jusqu’alors pensable de la rationalité comptait surtout sur un contenu de raison ; lequel serait idéalement partagé entre tous, (de l’esthétique à la morale, en passant par la sociétalité et l’Etat universel, etc). Or il est apparut que la liberté se déchainant est devenue à part entière la validation de tout contenu (quel qu’il soit, et serait-il même non plus de raison, mais de nécessités, de contingences, d’imaginations, d’objets, etc). Tout contenu est validé puisque toute liberté est à elle-même sa propre unité (puisque chacun est libre face à soi) et qu’elle admet ainsi la validité de n’importe quel désir. Immédiatement.
Mais immédiatement sous la forme qui est déjà médiatisée puisque l’on n’est pas libre « en soi » ; toute liberté s’ajoute à elle-même, par définition. Aussi même les finalités immédiates, qui viennent combler le vide de la structure libre de l’homme, sont transformées.
De manière générale, il y eut donc une constitution universelle de chacune en tant que libre et il était sous entendu que le contenu de cette liberté serait un partage universel de la raison ; ou version historique du bonheur.
Ça ne fut pas vraiment le cas ; la liberté étant pour-elle-même, (chacun existe pour soi et est seul juge), cette forme Une remplace tout autre regard et peu à peu s’impose par-delà et au-delà non seulement des traditions (encore maintenues longtemps) mais aussi au-delà des idéologies (qui s’effondrent les unes sur les autres), au-delà des morales, et au-delà en fait de toute donnée humaine ; que cela prenne la formulation des échanges et de l’ultra libéralisme, par exemple, n’est pas étonnant. Le libre est intégralement la forme pure qui est, si l’on veut qui Est.
Est, au sens où elle structure toute réalité puisqu’elle est la structure même. (Nous n’appartenons à aucun monde, nous n’appartenons à rien qui soit). De ce que cela puisse imposer la mort et la destruction est déjà compris dans cette définition même ; puisque ça ne tient à rien du tout qui soit du monde.