Le centre du réel
et l’impossibilité imaginaire
Premièrement décidant donc de continuer de prendre au sérieux tout ce qui fut dit, annoncé, énoncé. L’ensemble de toutes les expériences de structure sont ainsi admises dans les performances existentielles (cad totales) qu’elles manifestent (étant totales, ce qui veut dire structurelles, elles occupent et plus véritablement créent l’historicité même).
Dieu, la pensée universelle, le sujet (christique et cartésien), le réel (et la révolution et concrétisation de toutes les intentionnalisations).
Et donc usant de l’historicité comme validité de ces explorations en tant que devenir effectivement réel, deuxièmement,
et troisièmement considérant que le véritable devenir navigue de signes en signes, ou d’ensemble de signifiants en ensemble de signifiants.
Rappelons la difficulté de lecture a pour but, technique pour ainsi dire, de pousser chaque fois l’arc de conscience hors de ses gonds (puisque sinon quiconque livré à soi seul tourne en rond).
Depuis que la source du réel humain fut porté au jour, chacun croit de ce qu’il se dispose de sa liberté, ne former qu’un, une unité, une réalisation de par lui-même ; de sorte qu’il risque fort de poursuivre de sa hargne la structure-sujet ; et ainsi tellement faussement assuré d’être « soi », on niera dieu, l’universel, l’égalité, autrui, la réalité, et le tout, cad l’unité de cette liberté qui ne se comprend pas, s’enroulera dans l’irréalité. L’irréalité est la foi en soi seul. Descartes met à jour l’unité de la liberté mais prend bien soin de la lier à l’ouverture la plus grande possible (et le plus grand possible est l’atteinte toujours repoussée de la perfection, ce qui veut dire de la perfectibilité infinie). Dit autrement la liberté, véritable, est et n’existe que ré-articulée à plus grand que soi ; ce qu’elle ne comprend pas spontanément (puisqu’elle est se-sait libre, elle se croit-une) ; elle ne saisit pas spontanément que son être de liberté est un rapport et donc ne s’offre que d’un réel tout à fait autre ; et il n’est d’autre de cette liberté que dieu, la pensée universelle, le sujet et le réel.
Et non ces promesses déterminées selon le monde, la vie vécue, le donné et le perçu, le corps ou la fausse solidité psychologique d’un moi-même.
On n’éprouvera pas, jamais, quelque absolu que ce soit, parce que le réel est un rapport et que l’absolu sera encore-un-autre-tissage. Et non une acquisition. Notre personne rêve l’être comme un accomplissement, une récompense, une hyper satisfaction, une jouissance, mais c’est une projection (de notre désir, rêve, attente, substitut du bien-être du corps, image réfractée de notre être imaginé).
Et précisément dieu, la pensée, le sujet et le réel inversent littéralement le désir en exigence, la facilité en difficulté, l’immédiateté en médiateté active. La liberté qui se prend pour elle-même se perd dans l’irréalité (ou la suite débridée des signifiants liés, prisonniers de l’imaginaire) ; la liberté réelle œuvre les réalités via le réel, et la dureté de la liaison cohérente des signifiants (qui trouvent là un autre-maître que l’imaginaire, lequel incline au corps satisfait, repu, tandis que l’autre-maître nous rend à nous-même, au délicat usage de la liberté éclairée).
Or cependant, si l’absolu ne nous viendra jamais, comme un hyperbolique épanouissement, cela veut dire que ici et maintenant l’activité divine, ou idéelle ou christique ou digne du sujet réel cartésien ou kantien ou hégélien ou husserlien ou sartrien ou lacanien (etc), cette activité surabondée et cette démultiplication de l’existence s’est réellement propagée et implantée, non seulement en quelques-uns mais par leur ouï-dire en chacun suffisamment motivé pour s’y introduire.
S’introduire dans l’articulation de l’hyper volonté, de la véritable intention (christique ou cartésienne), de la connaissance idéelle (de l’être, du bien, de la pensée, du un, de la substance, etc), du passage entre la conscience et le réel, peut être éprouvé et c’est même cela, cette intervention d’outre-espace et outre-temps, pour ainsi dire, qui constitue le réel de la réalité, l’existence de la vie vécue (à preuve ; la grande expérience du moi, de cette synthèse hâtive de soi ou donc de ce bricolage vite fait qu’est le moi, c’est le tomber-amoureux, et le passage de ma conscience dans, vers, par le point-autre d’autrui).
Que le tissage demeure infiniment tout ce qu’il peut être et que ce devenir soit précisément non-fini, veut dire que le réel et le principe du réel est le possible ; le possible est cela qui devient, cela qui trouve en lui-même la capacité de devenir ; le possible doit se rassembler pour augmenter sa capacité. Mais non pas hors du signifiant et de la cohérence.
Dieu (le repli hors de tout, de tout le donné, qui tient toute réalité dans sa Vue)
la pensée universelle (qui n’a pas de fin, de terme),
le christique et le doublement, puis triplement du divin que sont le père, le fils et le saint-esprit (la communauté des croyants),
le sujet en suspension in-finie qui sans cesse se perçoit et se percevra,
le réel qui continuellement s’obtient au principe de devenir concrètement ce qu’il se voit, de lui-même, devenir (autrement dit qui « avance à vue », qui est réalité afin de se percevoir et se percevant déjà se transformant, se métamorphosant du dedans et du dehors, du grand dedans et du gigantesque dehors).
C’est fondamentalement ce que veut dire Nietzsche avec sa Volonté-autre, ou la capacité d’agir non en vue du résultat (ou de l’efficacité) ni du plaisir ou de la satisfaction (serait-ce le bonheur extatique, éternel, infini ou ce que l’on voudra) ; l’agir nietzschéen est, littéralement, une effusion. De même et ça n’est pas un hasard, que le Un de Plotin produit, crée la réalité par excès, par audace, par surabondance de la plénitude déjà actée de son être.
Acquérir le point qui simplement étant enfin tout ce qu’il est, commence d’exister, relève bien évidemment d’une éthique. Laquelle se constitue de la confluence de toutes celles qui furent recherchées ; accrocher dans et par l’arc de conscience au potentiel brut du réel, admis, par décision (mais la décision fait tout) comme élévation.
Récupérer les rapports élaborés, créer les rapports nouveaux, ordonner la cohérence, rassembler l’arc de conscience tel qu’il s’est créé et se crée historiquement.
La question est, en ce cas, comment rejoindre l’affirmation de soi qui en un sens se suffit à elle-même (et ne demande rien d’autre), mais cependant à condition d’agir. Sans agissement cette volonté-autre ou effusion ou surabondance ne signifient pas grand-chose ; elle ne se prouve rien à demeurer en soi-même, évidemment, et de toute manière n’a rien à prouver tout court ; mais son jeu est de jouer, cad en somme, au final et compte tenu de tout, son jeu est de créer. Le créé est l’agissement de ce qui déjà existant veut se rendre toujours plus Existant.
Et l’agissement n’est pas hors du signifiant ; de la cohérence des rapports. La subjectivité oui, mais le subjectivisme non, qui s’enroule dans le rêve de soi, pour s’effondrer d’irréalité (la version psychique de chacun, ou la version industrieuse qui prétend démultiplier indéfiniment le désir et donc les objets, produits et payés).
Elle échappe structurellement à toute espèce de tautologie, puisque désignée tout à faut autre déjà dès l’abord, étant un rapport, et donc ne se répète pas ; rien dans le réel ne se répète. Le singulier est la loi, ce dont est fait tout ce qui est. À condition que le signifiant soit architecturé ; et non pas laissé au subjectivisme (le rêve voudrait l’ignorer, le nier, mais l’imaginaire ne tient que si il n’arrache pas la structure organisationnelle du signifiant et cette organisation s’effectue en tant qu’actualité de conscience (un ordre vivant, cad existant, et non pas un ordre figé qui serait lui-même en réalité une projection imaginaire, de même Nietzsche ou Heidegger nous considérons ici qu’ils projettent en partie un imaginaire ontologique, même si, par ailleurs, et en eux-mêmes, ils manifestent une véritable présence actuelle ; mais ni la Volonté ni l’Être ne parviennent à rivaliser avec dieu, la pensée universelle, le sujet ou le réel ; puisque ces derniers sont formels et sans déterminations).
Sauf donc que dans les faits, le Un ou la Volonté pourront sembler de simples projetés, et répétant le moi, le désir, l’arbitraire ou telle et telle objectivité, ce qui veut dire telle ou telle objectivisation (puisque l’objectivité même, on n’en sait rien). Or l’exigence n’est pas l’image dans le miroir mais le miroir lui-même, ce qui est impossible (que le miroir se voit), aussi doit-il non se voir mais se signifier, par des signifiants ; rendant possible que « les » signifiants existent (il y a des signifiants parce que le miroir ne peut pas se voir mais doit se signifier ; et parce qu’il y a un sujet qui se signifie, qui se désigne, le rapport réel, seul réel que l’on connaisse est précisément le rapport dont le signifiant est le rapport lui-même (et non quelque identité, toujours imaginée) ; et sur ce modèle engendre tous les autres, et potentiellement tous les signifiants possibles, à-venir, créés ; il n’est nulle part un signifiant qui tiendrait tout seul abstraitement).
C’est bien de ceci que le je ou le rapport ne peut pas désespérer de lui-même, puisqu’il est en tant que potentialité brute, recherchant la pureté, la stricte observance de cette, par ailleurs, brutalité ontologique (l’exister même, le possible comme forme de « ce qui est », qui ne peut pas disparaître).
C’est bien pour cela que l’hypothèse « dieu » ou « vérité » ou « sujet » ou « réel » impriment quand à eux une altérité dont la marque est celle-ci que l’on ne comprend pas a priori ce que « cela » nous veut. Ce que « cela » nous veut, soit donc le possible pur et il vaudrait mieux dire le possible brut, est inscrit au cœur et comme antérieurement à tout. Cette antériorité est l’intériorité (ou inversement toute intériorité est en vérité issue de l’antériorité, ou du non-temps, du possible brut).
Simplement à supposer une altérité qui agirait par pur débordement, on risque fort de seulement l’imaginer. Aussi lorsque par contre dieu, la vérité, le sujet (de liberté et d’égalité), le réel s’imposent c’est de marquer historiquement ce qui eut lieu, ce qui aura lieu ; outrepassant en fait les volontés ou l’intention, déjà trop connues ; ces ultra-structures, historiques, apparaissent « on ne sait comment » (que ce soit par dieu ou l’universel ou le sujet ou le réel, ça vient d’ailleurs que du donné, et affectant la forme du donné, la forme de la réalité, soit donc venant du Réel même ; ou si l’on préfère, l’arc de conscience se-voit, lors même qu’on l’ignore explicitement, puisque cet arc est un rapport dont on ne repère qu’un bout, et à peine et en tous cas jamais l’autre-bout, l’autre-bout du signifiant. Et s’imposant comme architectures historiques, comme historicité en tant que catégorie fondamentale, puisque c’est par elle que l’on mesure l’arc de conscience, cad les architectures de rapports et de signifiants.
Pareillement notre être n’est pas limité par et dans la liberté, ce qui peut sembler absurde comme formulation, mais seulement libre on risque fort d’aboutir à la tautologie (de quelque contenu que ce soit), tandis que la vraie liberté tient en elle-même comme sa meilleure part l’égalité. L’égalité intégrée dans la conscience du sujet libre implique de remodeler bien plus précisément l’énonciation, l’argumentation, la représentation, l’expression, le relationnel, etc ; c’est bien cette logique que l’on a inventé, et plongeant ses racines jusqu’à l’antiquité ; qu’autrui soit implanté en chaque je ; de là que la littérature, poésie, arts et esthétiques nous vinrent, puisque le lien entre les consciences n’est plus seulement assuré par le groupe, la communauté, le langage à usage ou sacré, mais dans et par la reconstruction intériorisé d’autrui (non seulement le christique, dont c’est la loi, la foi en propre mais également la pensée rationnelle universelle, évidemment, ou le sujet cartésien qui fait-voir, en et pour chacun, le je tel qu’instancié et donc partagé, ce qui veut dire re-Créé en chacun).
Sartre croyait que la conscience désirait à la fois ressentir et se voir ressentir et que le cercle serait complet. Comme ces obsessionnels qui « croient croire », qui croient croire saisir la jouissance (dans le voyeurisme ou le fétiche ou la mise en scène ou transformant soi et autrui en objets vivants ; mais autrui et soi-même nous sommes des « choses innommables »).
On a raison de douter du cogito ; le je de départ n’est pas le je d’arrivée ; parce que l’arc de conscience n’est pas une identité (ni du moi ni d’essence) mais un mouvement ; qui se meut à propos de tout et aussi de n’importe quoi ; transformant, cependant ‘un minimum de rigueur) toute donnée en signe et donc en signes (puisque les signes avancent en système et systèmes) ; un minimum de rigueur puisque l’arc de conscience lance A et B vers C, et jamais au hasard. Et jamais au hasard en ceci que le C, même si il n’est pas strictement défini, quelque réelle possibilité du signe C est envisagée ; se trame donc sur l’horizon du monde, de lé vie vécue, du corps, de la représentation, de l’expression, de la perception, une (et donc des possibilités) en tant que C ; on invente C en positionnant le réel, toujours, mais la raison ou la pensée, mais également dieu ou le christique, le sujet ou la révolution (la poésie, l’humanisation, la personnalisation) ont permis d’élaborer des structures organisatrices, des cohérences.
Et ce puisque les réels correspondant à ces structures n’existent pas dans le monde, et dieu, la pensée et le monde (l’universel et le donné unique), le corps, la vie vécue et le sujet, la liberté et l’égalité ne tiennent qu’intentionnalisés et prenant appui dans les quatre positions du réel ; dieu, l’universel, le sujet et le réel ; qui permettent de caler leurs réels non présents dans le monde, l’immédiat et le corps qui n’est que seulement vivant, alors que par l’arc de conscience ce corps vivant se retrouve projeté en tant qu’existant puisque lançant un champ intentionnel qui se réalise, actuellement, se réal-ise et doit peiner, travailler, œuvrer, inventer et créer dans et par cette actualité qui, ainsi, découvre et invente et crée les présents successifs.
Mais cette actualité doit prendre sur elle-même, découvrir en elle-même l’exigence de dieu, le développement de la pensée universelle, la liberté du sujet (entendu comme élaboration d’une cohérence et non pas le gouffre de dissolution, organisationnelle, relationnelle, psychologique et psychique que nous subissons dans le subjectivisme déchaîné) ou la potentialité du réel. L‘imaginaire n’existe que soutenu, par une cohérence des signifiants (l’autre, le grand autre, le sujet, l’énonciation, le classicisme, le conscient lorsqu’il n’est pas figé, auquel cas il se réduit à une variation imaginaire) ; la croyance à une imagination débridée est uniquement idéologique, de même la croyance en un laisser-être du moi, du reste c’est la même idéologie. Il n’existe pas d’unité naturelle et spontanée ; l’unité est toujours articulation et donc effort et difficulté, puisque cette articulation doit être décidée et continuée, ce qui veut dire actualisée et arcboutée sur sa possibilité.
Actualisée et tout se décide, s’oriente, s’interroge par cette verticale inamovible, puisque tout tourne autour du présent.