le 20ème comme essence de l'homme
La révolution démocratique fût rendue nécessaire, ou se pressentait telle, de ce que l'unité humaine de base, l'individu, se devait de devenir autrement complexe et qu'il fallait en fourbir des individualités autonomes ou idéalement autonomes.
En cela la création de l'Homme, de l'être humain doué d'un statut reconnu et apte à choisir ou inventer ou décider, a abouti à l'invention totale et décisive d'un Moi, personnel, centre de son monde et auteur de son vécu. Toutes les autres lectures, sociologiques, qui voudrait que l'individualité subisse les contraintes de son milieu, ou psychologiques, pour lesquelles chacun est pris dans des filets tendus de bric et de broc, sont parfaitement vraies et justifiées ; nous sommes constamment, en tant que nous-mêmes, au carrefour de ce qui nous fût être. Tout vient à temps pour qui existe tel que là où il est ; on n'en a pas immédiatement la conscience voila tout et les lectures du réel se fragmentent très précisément et ont continuellement besoin d'être recomprises ; le réel est multiplement. Les lectures des sciences humaines s'adoptent d'un point de vue qui est celui du sujet (le sujet qui instrumente les sciences).
Qu'il nous ait inventé un Moi, l'homme en fût fort diverti. Il n'a même ensuite passé son temps qu'à cela ; parfaire l'immédiateté si nouvelle (dans l'histoire, d'avoir un Moi) de sorte qu'il s'y habituât. Qu'il puisse donc se former une représentation de soi (qui vient en ajout du statut, très abstrait lui-même). Du cinéma au rock, tout existe afin de prendre saisissement de soi, dans ce corps ci, avec ce visage là, exprimant tel désir ou remarquable de telle intention. Aucun de nos vécus n'aurait pu se développer sans les myriades de représentations, et qui sont autant d'accès au monde humain d'individualités complexes et argumentées. Et la myriade est réclamée de ce que, étant multiples et différents, il nous est nécessaire que l'on (se) multiplie les différenciations possibles. Et différent parce que si chacun est autonome, ça ne peut pas l'être abstraitement ; comme on aurait pu le croire en se situant uniquement abstraitement dans les droits et devoirs de tout chacun ; en fait ce statut doit se traduire comme personnalité ; cad mise en scène, mise en forme de son comportement, de ses fantaisies (fantaisies parce que le vécu ne peut pas seulement exister comme extérieur, il doit se dédoubler dans l'imaginaire, comme dans le fantasme), mise en forme de cette masse vécue qui ne peut seulement s'imposer de l'abstraction du droit ou de l'Etat.
Pour qu'il existe un statut actif de chacun, autonome, il faut que nous ayons une identité vécue complète : le droit n'existe que comme monde-pour quelqu'un, et ce quelqu'un, comme ce monde personnel, se devait de s'imaginer lui-même.
Ce faisant l'essence de l'homme fût créée. L'essence de l'homme se révèle non pas comme droits abstraits, mais comme vécu concret, certes, mais voulu, activement individualisé, non dépourvu de subjectivité mais au contraire fondé dans et par une subjectivité. Ainsi la personnalisation est la vérité et ce vers quoi tendent tous les êtres humains. Et ceci non pas malgré ou en dehors de l'universalité (que l'on caricature souvent comme rouleau compresseur), mais par et avec l'universalité.
En général ceux qui détestent la modernité et ses différenciations individuelles, réclament surtout que tous soient semblables à leur différence personnelle, à eux, et en jugent selon une universalité élitiste ; mais de fait nous avons inventé un moyen terme entre le génie culturel (supposé être doté d'une « infinie » personnalité, mais qui ne s'exerce que dans l'empire des signes), et l'individualité de base ; nous avons créé l'individu non pas « moyen », ce qui serait encore péjoratif, mais l'individualité concrète. Et c'est ce caractère concret de ce qui se présentait comme universel et abstrait, qui fonde entièrement une humanisation véritable.
Sans un statut reconnu de l'individualité humaine effective (et non plus seulement à fondement abstrait), aucune humanité n'est réalisable (elle est seulement pensable). Mais aussi ce qui peut être soit vécu, soit analysé comme tel concret, n'est pas livré au monde et à l'arbitraire et à l'immédiateté ; notre cinéma est Le cinéma, cad développe une véridicité radicale, et notre psychanalyse (inventée pour l'occasion) n'est pas une descente dans la fantaisie ou le subjectif sans conséquence ni effet, mais est une vérité fondatrice en soi. Rien n'est livré au n'importe quoi, en fait , tout est le développement de ce que l'essence de l'homme signifie (d'une conception abstraite passée à une réalisation déjà concrète).