Quelque chose plutôt que rien
On l'a déjà dit, la question n’est pas « pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Parce que rien existe déjà, autant que ce qui est ; un néant infini (n’étant rien il est infini ou indéfini, qui est rien-du-tout et ne s'oppose en aucune manière à l'être), et un être potentiellement infini (qu’il y ait un ou mille univers). Et dans cet « être » (de manière générique et comme simple désignation générale) on a pu opérer une distinction ; l’être (à strictement parler) déposé par l’exister (plus grand que l’être toujours déterminé tandis que l’exister est indéterminé) l’être donc déposé par le présent qui déroule l’ensemble des réalités. La question du quelque-chose-plutôt-que-rien revient à ceci ; de tout l’être qui se déroule restera-t-il « quelque chose » ou rien ?
Puisque le néant existe effectivement , qu’il ne gène en rien qu’il y ait l’être (au sens générique) et puisque l’on a distingué dans l’être-générique, l’être à proprement parlé et l’exister, le présent déroulant l’ensemble de toutes les réalités (qu’il y ait ou non plusieurs univers ou un univers infini, tout indique que si le néant est infini, par concept pur, l’être l’est tout autant), alors, ceci étant tenu que le possible est le principe même de tout (ce qui est logique en soi, la « réalité » est forcément « le possible », le néant existe autant que l’être, l’être existe dans le présent, le présent actualise tout l’être et existe en soi comme dimension), face au déroulé du présent, au temps et puisqu’il est connu qu’un =jour tout équivaudra au néant glacé, mort, inerte de la dispersion, que restera-t-il de tout ceci qui en ce jour lointain aura disparu, sans mémoire aucune, plus aucune signe de quoi que ce soit ? Il est donc question de mémoire.
Rappelons que les choses, les êtres, les réalités sont comprises ici comme mémorisations du déroulé du présent. Une chose est ce qu’elle est et ces déterminations instruisent son «être » au sens strict de déterminé. Ce qui est toujours plu grand que toutes les déterminités, est le présent ; ce en quoi et par quoi tout est et existe ou a existé.
Et donc
Une idée n’a pas conscience d’elle-même. Le conscient n’est pas la conscience. Supposer que la connaissance se connait est absurde. Mais ramener le conscient à l’acte exclusif de conscience n’est pas éteindre l’objectivité ; c’est supposer que l’acte de conscience est suffisamment grand ou cohérent qu’il puisse admettre et même donc créer le conscient. Que donc la raison ou la science ou l’universel ou la pensée sont effectivement logés, comme quantité d’autres performances, dans le sujet.
Parce que si le conscient et donc la raison, ce que l’on désigne comme tel, depuis les grecs, et qui deviendra, un peu schématiquement, cette objectivité à laquelle se rapportait le sujet, suite à Descartes, si conscient et raison constituaient la substance même de la réalité, l’ensemble de toutes nos activités ne trouveraient pas preneur ; que fait la raison des centaines d’esthétiques extrêmement spécifiques et spécifiées, spécifiées au plus loin, au plus haut, au plus précisément perçu ? Peut-elle penser adéquatement la multiplicité d’une part (la détermination donnée) et la pluralité (la déterminité spécifiée par une cohérence en conscience) ?
Si l’arc de conscience existe avant le conscient et la raison, et qu’il existe après, et qu’il constitue la substance même de tout agissement et de toute réalisation, dans le monde, le donné, le vécu, alors il n’est pas substance mais rapport. Il n’est pas selon l’être, chosifié et fixé et figé, mais est selon l’exister ; il est activité, rapport. Et en tant que rapport il reprend tous les rapports donnés, et crée tous les rapports possibles.
Ce sujet-là nie absolument qu’il ne se définisse que de son ego, de son moi-même, de ce tourment aberrant qui s’enfonce considérablement dans la facilité. Le sujet ça n’est pas rien, ça n’est pas un vague composé d’éléments livrés au hasard de sa conception, biologique, au croisement d’un langage, il n’est pas un corps-langage. Et si on el signifie par « liberté » c’est au sens où en lui et par lui tous les rapports sont accédés. De là qu’il se prévoit dans le Rapport absolu, le Rapport qui aurait rapport à tous les autres rapports, dieu, l’être, le sujet et le réel.
Ceux qui veulent vous réduire à ce statut d’idiot, vont vous exploiter : ils vous ont déjà aliénés. Ils anéantiront dieu, la pensée et l’universel et l’être et la métaphysique et l’ontologie, cad le sujet, au nom de telle ou telle partie de monde, de vécu ou du corps, qu’ils pourront manipuler, et donc par cessera le réel. Rien que cela… Vous vous enfoncerez dans le fantasme. Ce qui veut dire dans la version fantasmatique de votre être, de votre vie, de votre existence. Vous n’êtes en vérité plus rien du tout.
Et donc nous voici dans la récupération profonde de notre historicité qui est tout autant et encore plus l’expérimentation, intégrale, de notre être, qui n’est pas un être mais une structure, autrement dit un rapport. On récupère, prend pour et par soi-même tous les rapports, les plus hauts possibles et admis tels quels, tels qu’ils se donnèrent, puisque c’est par cette élévation que nous existons. Le reste, tout le reste nous rabaisse. Dans le mépris et la honte de soi. On n’a pas honte ni ne se méprise, ici, et en aucun cas.
Ce que l’on expérimente, ce que l’on vit, ce que l’on éprouve, ce que l’on pense et ce que l’on récupère sont des rapports et on peut bien signifier dieu, l’être et l‘universel, le sujet et le réel comme des rapports.
Et comme nous sommes un rapport, rien, nulle part et en aucune manière, ne peut démettre un tel rapport. Il n’y a pas une identité qui entrerait en rapport avec elle-même via la conscience qu’elle a. c’est qu’elle soit un arc de conscience qui crée, phénoménologiquement et intentionnellement et dans le champ de perception spécifique qu’elle provoque, qu’il y ait un moi.
Si nous étions ceci ou cela il serait si aisé de nous en rabattre mais nous sommes un rapport, que rien ne peut combler mais que rien ne peut atteindre. A moins qu’il le veuille et qu’il adore ne pas se promettre et se moque des « anciennes idoles », sans s’apercevoir qu’il n’est rien et n’accède pas même au début de sa possibilité si il néglige son historicité, l’ensemble des rapports que son expérimentation a créé ; il se croit donné, là, comme une chose ignoble et aime les images ignobles et basses, il ne sait pas comment occuper ses journées et les consciences qui l’abaissent doivent le nourrir quotidiennement, puisque chaque jour il doit éviter le réel. Jour après jour.
Le rapport que nous sommes se crée donc dans l’apparition, la manifestation, le réel tel que donné « là » comme surface d’existence pour nous et surface d’exister pour le présent. Et pour cela le langage est seulement un moyen, qui n’est rien que rapports, ce qui veut dire signes et à partir du langage on peut re-signifier encore plus et par tous les bouts. Répétons : le langage nous utilise au sens où il nous entraine ici et là selon ses systèmes, mais aussi on utilise le langage afin de percevoir plus ; s’appuyant sur un signe on perçoit plus loin et ceux-ci servent de marquage du donné, du vécu et du corps. cela se conçoit bien pour le donné, plus difficilement pour le vécu et encore plus incompréhensiblement par le corps ; parce qu’évoquer le corps, c’est l’invoquer ; on ne fait pas le tour du corps par un signe, le corps qui formule une unité, laquelle ne rentre pas dans un contenu ; au contraire tout contenu simule l’unité du corps (mais n’y parvient pas ; il débordera toujours puisque sa surface est sustendue au-dehors, dans la perception ouverte sur cette autre surface qui couvre invisiblement et sans limite le dit corps).
L’arc de conscience, qui est une tension, devient si rapidement une structure (un ensemble ordonné ou désordonné plus ou moins de tensions), ça n’est certes pas afin de se recoudre, de se clore, de se simuler compactement, mais dans l’ouverture de la perception ou si l’on veut, du champ entier et interminable. Lorsque le champ se recourbe, c’est sur l’arc lui-même (sinon il resterait clos et ne répondrait aux inattendus et inattentions et diversités d’attentions) ; autrement dit il ne se referme pas, jamais et demeure suspendu dans l’attente pure et réelle. Cette rapidité est de structure ; parce qu’il s’agit d’un rapport il en crée une quantité indéfinie. C’est pour cela que ça ne s’arrête absolument pas au langage ; ça court partout, et non seulement à la surface du corps mais dans tous les mondes, les vécus, et tous les champs de perception (et il en existe une quantité phénoménale, au sens propre, dans la surface neutre du réel quantité de champs de perceptions sont posisbles ; les choses sont déterminées, mais la surface sur laquelle elles existent ne l’est pas). Aussi espérer trouver dans le « langage » élucubré en recel mystérieux de la vérité, est intéressant, comme beaucoup d’explorations et de connaissances, mais ça ne clouera pas le « là ». Le « là » est ouvert indéfiniment sur le monde, le donné, le vécu et le corps.
Et donc c’est cette ouverture (de structure, non refermable) qui impose tout l’enjeu ; par où et comment décide-t-on ? L’insondable décision d’être (Lacan). Et bien on ne sait pas, parce qu’il faut l’inventer et l’inventer objectivement et hyper objectivement tout autant que subjectivement ; la structure est le réel même tel qu’il s’opère, à vif. Il est quand même remarquable qu’à chaque fois on est absolument surpris. On ne sait pas ce qui va venir. On ne savait pas pour dieu, pour l’être et l‘universel, pour le christique et le sujet, pour l’existence et le réel. Mais pour quantité d’autres expériences on en ignorait tout, avant que cela paraisse. Croire que la réalité est déterminée, c’est ne pas avoir les yeux en face des trous.
Mais si il existe effectivement des Créés impossibles à prévoir, que dire de « cela » qui en ouvre les possibilités ? Comprend-on l’étrangeté de la structure antérieure à ce qu’elle produit et ce qu’elle crée et rend possible, cad inscriptible dans la réalité et en l’occurrence dans le réel, dans la structure qu’est le réel, qu’existe le réel et qui ne tient que dans et par l’intentionnalité ; aucune œuvre n’est lisible en soi, il faut un sujet. Un tableau n’est qu’un tas de couleurs. Ce qui lui donne un sens, c’est une orientation, physique et lui-même, comme tableau s’utilise par une conscience pour être lu sur l’horizon du monde, du corps, de la perception ; autrement dit il existe une potentialité qui s’ouvre et se ferme en tant que structure du réel en et par chaque champ intentionnel. Nulle part ailleurs.
Et donc dans le présent se crée un champ intentionnel créé et porté par un arc de conscience et cet arc produit une surface sur laquelle elle crée, mais le Créé ce sont les possibilités. Il existe des tas de possibilités, selon le monde, la réalité, la détermination, les vécus, les corps, et la forme (présent/arc de conscience) et il existe un certain nombre de possibilités de structure. Ce qui est tenu ici par hypothèse est qu’en vérité ce nombre est non pas limité, mais strict. Ce qui est encore pire, si l’on veut.
Il n’y a pas trente-six possibilités structurelles ; il n’y en a qu’une. Sauf que comme ça n’est pas du tout du monde, ça ne doit pas être pensé, jugé, considéré comme une exclusivité impérative telle qu’on la pense, habituellement et naturellement, dans le monde. La seule possibilité structurelle c’est celle qui rend toutes les autres possibles. Et donc il faut le dire nous avons atteint la racine, la source, le principe même, l’antériorité de toute réalité (ici ou ailleurs), et ça n’est pas pour de faux…
(Ou si l’on préfère, si l’on est croyant, la source de ce qui est, soit donc l’Exister, est venu vers nous)
Remarquons bien ceci. Question de mémoire. Si l’on ne suppose pas que l’Exister est La Dimension, qu’il s’gait seulement du simple présent comme structure active, et donc hyper active (on ne peut pas moins). Alors tout ce qui se déroule, partout, est sans mémoire… Tout ce que vous faites mais aussi tout ce qui fut, sera, est, aboutit à rien, rien du tout. Ça se perd. Ça dure un moment et puis d’ici à plusieurs milliards d’années les galaxies seront éparpillées dans l’espace distendu et les soleils éteints et les planètes gelées et plus rien ni personne ne se souviendra de quoi que ce soit. Il faut le dire. L’utilité d’une telle interprétation ? Aucune.dit autrement, toute cette énergie, toute cette matière, ces galaxies, ces planètes avec des vivants et des gens là-dessus, disparaitront, et tout cela aura été une dépense somptuaire totalement oublié pour l’éternité du temps-néant qui suivra.
Chacun fait comme il veut. On peut choisir le néant de tout et donc le feu d’artifice momentané qui disparaitra en tout et partout. Pourquoi pas. Cela regarde chacun. Il est certain que tout ce qui est dans le temps s’anéantira avec le temps. Donc s’il se garde une mémoire, quelle qu’elle soit, ça n’est pas dans le temps. Ce qui revient à relativiser le temps ; par quoi le présent est la matrice bien au-delà de la simple structure du temps (qui n’est jamais que reconstitué par une conscience qui signifie, qui signifie le monde et le vécu, mais aussi le temps, les modifications ; on sait que des dinosaures il y eut parce que l’on en a repéré les signes, sinon tout serait oublié). Et la matrice antérieure au temps, soit donc ce dont on observe le signe absolu (qu’est le présent), est ici supposée hors norme, hors temps, hors monde, hors vécu.
Et c’est ce que l’on nomme le splittage du réel, ou plus précisément que le réel est cette division ; c’est parce que le réel est « en acte » et donc déjà autre-que-soi, qu’il y a un réel. On ne peut en aucune manière imaginer l’être comme une fixité éternelle, un Ordre tout constitué ; le réel est un acte, cad un rapport, et il est toujours constamment en acte. Ce qui est acte, perfection absolue (capable de toujours une plus grande perfection) ne va pas perdre cette insigne qualité, laquelle comme Acte est au-delà même d’elle-même, elle est toujours en plus, soit donc la Possibilité même du possible.
De même l’infini du néant rend possible l’infini de l’être, qui rend possible qu’en lui se déploie encore une infinité, et ainsi de suite ; si le réel ne sert pas à créer, rendre possible les infinités, à quoi sert-il ? à disparaitre à tout jamais pour rien, pour personne ?
On dira donc que la brutalité réelle de ce qui est, cet univers, cette vie, et la violence ontologique, notre isolement, notre douleur, notre angoisse, manifestent non pas un Ordre éternel, mais un Acte infini au sein de tous les infinis réels. Un acte en plus. Et la loi qui règne est le principe du possible mais son sens est la Possibilité des possibles et ceci vaut structurellement. Mais si l’on veut exprimer la signification de cette structure on peut avancer que le réel s’ajoute à lui-même ; que serait une réalité qui n’inventerait pas ? Mais si il s’invente, il continue de s’inventer et c’est bien en cela que consiste et la raison d’être de la liberté ontologique.