La pensée idiote qui suivit l'être-libre
La pensée idiote absolument qui suit de près la survenue de l’être-libre, comme seul fondement de toute réalité humaine, est celle du moi-même.
Par quoi chacun est ainsi cloué, à jamais, sur la croix de sa pauvre destinée, comme si celle-ci possédait un Sens en propre.
Il apparait donc que le Sujet (qui existe en et par un moi, et qui rend ce moi, et ce moi-même tout à fait nécessaire, mais non pas seul horizon d’une existence) en est le contrepoint, le seul qui puisse élever cette immédiateté désespérée et/ou béate.
On ne sait pas trop en quoi consiste un Sujet ; ça n’a jamais existé vraiment dans le monde. On en a réalisé ici et là quelques versions, mais toujours sous la pression de l’universel ; lorsque l’universel se positionnait comme horizon (historique) des révolutions à venir. Mais ces révolutions réalisées, le sujet ne conserve plus cet idéal de partage (du vrai, du bien et du beau, pour tous et par tous également) ; toute la surface du monde humain est creusé par mille verticalités que dressent tous les moi-mêmes livrés à eux-mêmes et qui tentent d’unifier (et par soi, de par eux-mêmes, de par leur propre être-libre, comme de bien logiquement ; le libre est à soi-même sa propre preuve, et valide tout et n’importe quoi de cette simple forme qu’il se sait et est, a priori, sa propre idée, cad le vérité).
L’universel (du droit à la personnalisation argumentée, organisée, en passant par l’Etat et la science et donc le professionnalisme par ex) se limite ainsi à un simple et abstrait encadrement dont le contenu seul vivant (et vite oublieux de son cadre universel) s’imposerait comme toutes ces immédiatetés qui emplissent les vécus. Rien de plus.
C’est la pure limitation de l’être-libre à sa formulation de moi-même, et le déni total qu’il y ait un Sujet (en ce moi) qui soit, lui, non plus formulation mais forme réelle. (Une « formulation » se dérive de la forme-même).
Cette absence d’universalité (réduit à l’encadrement abstrait) se remarque partout et partout se déploie, se duplique la formulation d’un « moi-même » entité vague et précise, psychologique et « sympathique », fantômes résurgents de l’amour comme finalité intégrale (ce qui ne signifie pas grand-chose politiquement ou historiquement, ce qui est le moins que l’on puisse dire…), tyrannie de l’horizon limité des moi-mêmes sur tout le spectre de la conscience de soi ; essayant ici ou là une conscience « écologique » ou « politique », qui ne mènent nulle part, puisque chacun est assujetti à l’immédiateté.
Et l’on considère tout ceci comme allant de soi. Puisque de fait tout l’horizon intentionnel de chacun est envahi par l’immédiateté, herbes folles qui poussent n’importe où pour n’importe quelle raison, ou désir ou envie ou décision. Si tout l’horizon est envahi à ce point, c’est que ça ne pense pas. Nulle part, ou si peu.
Ça ne pense tellement pas (le moi-même a horreur, déteste, voue une haine indescriptible à la pensée ; forcément puisqu’une tant qu’être-libre il croit être déjà sa propre idée, il n’a d’idée qu’une seule…), que depuis rien n’a remplacé à ce jour l’ancien universel, l’abstrait, celui-là le seul qui se soit réalisé, il y a deux siècles.