L’épuisement des mois, l’épuisement d’un monde, entre en connivence avec le déni de l’universel ; les
individus largués dans un monde donné, là, un monde sans nom, issus pourtant, tous, de l’universel prononciation (celle de l’Etat, idéal, du citoyen et de l’individualité cultivée), eurent tôt
fait de renier l’universel, qui les accable pour tout dire, et dont ils ne perçoivent pas du tout les potentialités dans un tel monde donné, là.
L’universel était programmatiquement censé leur conférer une unité, certes, mais aussi un contenu … Le libéralisme
tendait à proposer comme contenu la naturalité des êtres et des choses, (ou des objets et des échanges) ; c’est qu’effectivement, si les individualités ne s’y attèlent pas, le monde, donné,
vient immédiatement remplir totalement leur monde sans nom.
De sorte que lorsqu’il se désigne lui-même, le moi, ainsi mal fagoté, se désigne du doigt ; « moi »,
« moi que je suis ». Son identité s’enfonce dans un « là » ; substrat indifférencié dont il tire constamment des différenciations. Des mythologies individuelles aux
rattrapages lyriques linguistiques, sans doute ces ensembles immédiats sont-ils constitutifs, mais constitutifs de l’image mondaine, à destination d’un monde, mondaine de soi ; au sens où,
oui on a un corps, et qu’il faut bien l’expliquer… en réalité ces explicitations psychiques de la justification qu’on y existe, n’aboutissent à aucune fondation ; puisque la fondation qu’un
sujet il y a, au revers d’un corps, est politique, c'est-à-dire constitutionnel (comme le prononce le mot lui-même). Hors cela, on s’enroule dans le descriptif ; pourquoi suis-je gêné ou
perturbé dans l’identité que je produis-au-monde ? En quoi cette identité là l’empêche-t-elle d’être (pleinement « moi-même ») ? Et évidemment pourquoi suis-je déporté si
singulièrement lorsqu’aux autres, à une autre personne, je m’adresse ? Qu’est-ce qui interface qui n’est pas l’interface souhaitée ? Mais quel souhait ai-je
vraiment ?
Le devenir individuel est singulier, cad bien étrange. Si l’on se reporte à l’unité formelle, il est que la
structure intentionnelle qui précise une unification ; laquelle est vide, sans contenu, absolument éthérée et fortement une. Sauf que ça n’est pas vivable ; ça possède comme clef en
somme uniquement l’universel ; soit l’universel politique, soit l’universel culturel (en tant que Je, il produit des signes à propos du monde, des autres, de soi, du corps, des perceptions,
des émotions, etc ; c’est le « à propos de » qui compte ; et qui amène sur le monde, une structure formelle qui rend les choses intéressantes ; la question est , pourquoi
sont-elles alors intéressantes ? Tandis que livrées à elles-mêmes, ces choses sont sans avenir du tout).
Si l’on s’en tient au moi, il propose une substance de soi, qu’il imagine, mais dont le contenu réel est dans le
monde, contenu tout dispersé, et dont il colmate plus ou moins adroitement les déchirures. Il peut bien se situer aux bords des choses, qu’il prend pour les bords du monde, et qui ne sont
que les incidences de son monde à lui, il ne découvrira que les limites d’une imagination, cad en fait d’une représentation rêvée de ceci ; qu’il est, qu’il existe.
L’ambiance de magie qui y règne, est investie, profondément, de cet ancienne formulation du donné, tel qu’il était
pris dans le langage, lorsque le langage était échangé de visu, dans une tribu sans écriture, oralement, et lorsqu’en présence (de chacun ou de l’autre) tout se magnifiait ou brulait de
l’expression, en mots, d’immédiatetés absolument senties ; l’unité du langage était alors le monde, le corps, le groupe.
Mais la disruption s’impose ; tout est brisé. Or le moi, puisqu’il se dit, s’acharne à trouver une unification
brûlante à ce monde brûlé. Psychologiquement il est poussé structuralement à se penser-en-une-fois. Il est ainsi la matière même structurale de qui le poursuit et qui n’est pas du tout
structural, mais structurel ; cad léger. Pour qu’il s’en convainc, il lui faudrait remonter jusqu’à son statut ; politique et culturel, en sa constitution même. Et au-delà en sa
constitution philosophique ou esthétique et culturelle de sujet intentionnel.