les trois étendues
Puis le moi : de construction ; propre (dans son unification) , et emprunté (bricolé et manipulé et catégorisé et exposé et surveillé).
Et enfin le Sujet : qui naît là où il est. (pas plus , mais pas moins).
Le sujet et l'ontologie. Histoire de la philosophie. Psychanalyse Littérature.
Si il ne fait pas défiler la totalité de l’être, de ce qui est, sous ses yeux (sous le nez, langue, doigts, oreilles, prononciation des mots, systèmes et rythmes diversifiés, sensualités et possessions, etc), il perd son temps.
Alors il serait bien pratique qu’il y ait une sorte de raccourci magnifique (que l’on nommerait l’Etre comme machine absolue), et le moi peut tout à fait se considérer comme un tel système …
Pareillement de la machine-Etre, qui prétend raccourcir la réalité en un seul réel, le moi est comme le précipité, le condensé significatif ; et on y tient donc comme à la prunelle de ses yeux… parce qu’il est l’effecteur général des possibles et des acquisitions ; il gère tout cela ; il est la clef soupçonnée de tout l’à-venir, de tout « qui l’on est ».
Insituable certes , si l’on croit le penser en fonction d’un concept, c’est inutile ; son adaptabilité requiert une mollesse évasive … sa motivation même l’oblige à évoquer ses désirs, la dureté du réel le pousse à reculer au-devant ; à se para-vivre (en même temps qu’il se vit réellement). Il est un jeu complexe et pour chacun intime à l’intérieur de son moi.
Il ne peut pas oublier son unification en marche, (vers une réalisation), qui lui donne une clef pour ouvrir la réalité, qui est peut-être même LA clef ; bien que ne sachant pas du tout comment l’utiliser. La clef elle-même, celle dont chacun dispose pour soi, peut être très complexe en soi , et autoriser des tas de combinaisons … ou très subtile et difficile à mettre en œuvre… ou limitée et jamais susceptible de dénicher la moindre serrure viable… enfin toutes les clefs pensables sont imaginables…
Chacun a son univers, mais ce chacun débouche sur l’univers réel.
Ce qui est tout autre chose que l’individualité d’un univers « personnel » qui glisse dans la
bouillie, s’il n’était pas là, l’autre, le sujet, pour le tirer de ce mauvais pas, mauvais tour.
L’individualité ça voit le réel. Chaque sujet est une flèche tendue dans la grande extériorité, et au fond quiconque n’a affaire qu’à cela. Il n’est pas d’autre vue fondamentale pour quiconque : ce que l’on va décider, désirer, réaliser, imaginer, n’a de sens que dans la liaison à l’Extériorité. (Liaison que l’on ressent pourtant comme une confrontation…)
Et c’est pour cela que le sujet est à l’étroit en tout ordre humain.
La reconnaissance (hégélienne) est le pire cauchemar qui soit.
On n’existe pas dans le regard des autres. C’est une connerie. Cad une nécessité.
Il me la ferait belle que je sois dupe mentalement d’une nécessité instituée comme vérité.
Puisqu’il n’est de vérité que du sujet, et que le sujet n’est qu’extrêmement.
Si le sujet n’existe pas par-dessus les nécessités, à quoi sert-il ?
La loi individuelle philosophique consiste à penser, ou se rendre compte, que ce qui sera vécu ne sera pas nécessairement activé si l’on ne s’en soucie pas.
Mais ce qui est, n’est pas immédiatement monté en conscience.
Il n’est pas d’essence personnelle qui réaliserait notre identité : en cela il n’est pas de Sens individuel qui puisse nous mener. Or cependant cet a priori d’une signification qui nous serait intime et qui se réaliserait dans le vécu, est le fondement de toute personnalisation : est ce qui pousse sans cesse à synthétiser le divers, et le n’importe quoi, en une unité (du moi).
De par la philosophie il est un autre cheminement. Qui tend non plus à réaliser qui l’on est, mais à déployer notre être hors-champ. Hors du champ du monde des mois. Le moi n’existe que baigné dans le relationnel, mais son apparition, en tant qu’individualité déploie une tout autre orientation : une irrésolution extraordinaire.
L’individualité voit, perçoit, ressent, imagine, crée, existe ailleurs et autrement.
L’individualité sent bien que son univers est mille fois plus vaste que le monde humain ; que n’importe quel monde humain de quelque peuple que ce soit. Que sa vision aboutit au réel pur. Que c’est de là qu’il est issu. Qu’il nait dans l’immanence absolue. Que son être réel appartient à l’extériorité.
Qu’il nourrit la pensée, l’art, la religion, l’humanisation, les peuples depuis toujours.
Une part de l’individualité veut mourir : enfin … disparaître exactement.
Etant entendu que selon n’importe quel pathos, il convient d’en désespérer.
(religions, poésie, littérature, myhthologies manifestent toutes les difficultés inhérentes)
(Puisque, n’étant pas, la question ne se poserait pas, et que, en somme, il vaut mieux un quelque chose qui existe (et qui peut contenir le refus éventuel comme l’approbation), plutôt que le rien du tout (qui n’autorise ni le refus ni l’approbation).
La philosophie, la première, décide de trouver dans le fait même d’être, le bien qu’il y a à être. C’est autre chose que de rechercher un sens.
C’est interroger bien plus cruellement. Puisque on n’interroge pas au-dessus de la racine d’être (où cela mène –t-il, éventuellement), mais à la racine même : y-a-t-il accointance entre mon être et l’être.
Autre point de vue : m’est-il possible de supporter cela ?
Ma capacité est-elle à la mesure de cette immense semi boucherie ?
En quoi mon désordre furieux peut-il s’accointer avec toute cette mélasse indistincte ?
Ceci est la question nietzschéenne : en quoi il reprend la même cruauté innommable.
Celle qui est supposée, ramassée par devers les rationalités philosophiques et offre une visée-vision bien plus acharnée de l’Etre.
A côté de laquelle, les figures justificatrices paraissent de seconde main : qui foisonnent de raisons d’y être, dans l’Etre. Raisons qui apparaissent de cette sorte, secondes : l’être est un bien : et le bien se continue ; comme ceci et comme cela : et la raison est l’appréciation, juste de ce que être est un bien, si l’on comprend réellement en quoi et pourquoi.
On résiste ou pas, oui, mais surtout on résiste de telle ou telle manière : par ex avec plus ou moins de mensonge sur la cruauté même qu’est l’être.
Nietzsche pas plus que les philosophes ne mentent quant à l’apparemment idiotie de tout ceci.
Rappelons la question décortiquée : en quoi l’être est-il un bien ? « Justifions que « être » est acceptable ». Cad acceptable d’un point de vue non pathologique, mais objectivement.
On peut se demander : qu’est-ce que l’être ? : et c’est ainsi poser la question en grande élégance : mais c’est que l’on veut y trouver une raison de supporter cela. D’être.
Et en somme il s’agit bien sûr de : peut-on admettre que la souffrance est ? mais aussi de ce que exister est, en soi, une réalité insupportable en elle-même : notre être répugne à l’exposition.
Ou si l’on veut : il répugne à s’exprimer. A exprimer non pas ceci ou cela, mais exprimer son être. Parce qu’il sent bien que c’est une impossibilité.
Cette infrastructure est recouverte. Par une idée-image de soi. (qui inclut une idée-image justifiée de cette acceptabilité d’être en général, hors-moi par quoi le moi colle à son monde, instaurant un lien).
La philo insiste donc sur la finalité à rebours ; une finalité, oui, mais au sens où : notre être est-il en accointance ? y-a-t-il un lien entre notre être et l’être ?
Une part de l’individualité veut mourir : enfin veut disparaître .
En fait n’avoir jamais été.
N’avoir jamais pris part à ce monde-ci.
Ne pas y être exposé.
Parce que c’est une passivité. Sans doute.
Mais aussi parce que c’est un monde de mort.