Le centre externe
La question ; veut-on percevoir et éprouver et décider réellement tout ce qui est, tel que cela est, tel que cela nous est accessible, avant que de mourir ?
Et ce indépendamment d’affirmer que notre rayon de perception atteigne réellement cela même qui est, existe, parce que qu’est-ce que l’on en sait ?
On n’en sait rien, mais quand même on existe bien, là, tel quel, qui est difficilement explicable sans une hyperbole, une extrapolation, une poursuite de la logique qui s’instancie telle quelle.
Ou alors attendez les résultats des sciences, éventuels, hypothétiques et qui ne rentrent pas même dans leur programme initial. Ou encore cessez toute question et sacrifiez cette part de vous-même ; saut que ça n'est pas une partie mais la racine, la source, l'attachement lui-même.
On a vu pourquoi ; nous sommes un rapport (une pierre est cela qu’elle est, mais Pierre est ce qui fera de ce qu’il est, créant et se créant en tant que rapport à (soi) ou à soi si l’on préfère) et étant un rapport il est ouvert, ouverte comment (on commence d’y voir un peu) et sur quoi (on ne sait pas).
On suppose donc.
Mais l’inverse, ne pas se poser de questions, est intenable ; supprimer la question éteint le rapport lui-même et le remplace par un être, soit quelconque (une composition physico-chimique éventuelle, un conglomérat socio-culturel, etc), soit une entité imaginaire (la race, typiquement, l’identité de ceci ou cela, symboliquement parlant, homme ou femme par ex, ou même le moi qui croit qu’il est le moi qu’il se représente, alors qu’il est un rapport entraîné bien au-delà de ce lui-même).
Le rapport n’est pas un être, et on prétend ici que depuis le début (depuis le début) c’est justement le rapport qui est interrogé, examiné, analysé, visualisé, ciblé ; par dieu, l’universel - la vérité - la pensée, le christique - le sujet, le sujet- la révolution qui instaure un monde humanisé qui permet que se déploient des « mois », des personnalisations qui font suite à l’humanisation universelle (et ce jusqu’à ce que les mois oublient leur universalité au profit d’une sorte d’ego, quel qu’il soit).
Dieu, l’universel, le sujet, le réel sont des rapports ; puisque le réel existe selon la logique du possible, lequel est effectivement et réellement l’unité, et donc la non-unité, du monde, de ce qui est.
De là donc que l’on ne trouvera pas d’unité dans la réalité ; parce que l’unité est de structure (fonctionnelle ou dimensionnelle) et qu’elle consiste en un mouvement ; le présent est le représentant pour autant qu’on le constate, de ce mouvement ; tout est naît et se déroule à partir du présent qui pousse à être toutes les déterminations ; peut-être même existe-t-il une causalité effectuatrice dans le mouvement et sa manifestation ; il faudrait parvenir à remonter scientifiquement des déterminations à la génération des déterminations ; pourquoi par exemple un vivant tout au long de son évolution intègre-t-il à ce point son expérience ? Pourquoi le chat s’est-il perfectionné à ce point ? Comment la vie obtient-elle ses qualifications et comment l’expérience passe-t-elle dans l’adn ? Dans le système nerveux ? Il est, à notre sens, impossible que seule une sélection bio-chimique hasardeuse opère ; il existe un lien de perceptions et de mémorisation dans toute la détermination, même l’inerte et l’inorganique ; les choses ne sont pas des « choses » mais des champs en interaction avec tous les autres champs.
On abolit et abomine que la réalité relève de la causalité massive et froide et passive ; la réalité est auto-articulée (en plus d’être prise dans l’exister qui l’arc-ticule dans le présent, dont on ne sait pas « où » il va). Tout ce que l’on sait du vivant est identiquement instruit en tout donné ; la chora est le « lieu indéterminé » en lequel les choses se produisent au sens propre ; elles s’autoproduisent.
Bref.
Il se trouve qu’en plus il existe, au moins, un être dont le champ se place en interaction tout à fait autre ; selon non plus une mémorisation acquise mais par une auto-mémorisation dite en conscience ; ce qui est mémorisé s’intègre non pas dans des adn mais dans un ensemble de signes systématiques (un langage, une mise en forme culturelle, une acculturation, une historicité, une personnalisation, un relationnel, etc). Lequel champ nouveau est doué de cette spécificité ; qu’il se tient actuellement de son activité … dans le présent il instancie une performance d’accumulations et de modification potentielle in-finie ; un signe, serait-il dans un ensemble, se reproduit et se produit distinctement ; et comme il est non de lui-même (comme une mémoire intégrée une fois) mais de et dans l’activité de conscience, il se recrée dans le rapport sus-dit.
Hypothèse. De même l’univers est une auto-composition dont on ne peut supposer son ordonnance a priori, peut-être (sauf si l’on croit en dieu, mais même alors d’autres perspectives s’ouvrent, de comprendre ce qu’est son intention et comment il intentionnalise, dieu), et dont on doit supposer que cette ordonnance se Voit ; dit autrement les processus physiques interagissent et se crée une ouverture qui agit et réagit à son action ; comment en serait-il autrement ?
Supposer qu’il existerait un « ordre » antérieur à tout qui prédéterminerait l’univers ? Mais où se rencontrerait cet ordre ? Si cet ordre ne précède pas la réalité alors il est « dedans » ; la réalité s’autodétermine. Son intelligence consiste précisément à se percevoir et c’est pour cela qu’il y a quelque chose comme « la réalité » ; comme « cela qui se perçoit » et agit et réagit à sa propre perceptions (laquelle réalité existe toujours dans son altérisation continuelle, l’altérité ne peut pas cesser, et en ce sens là elle pense, elle compute, elle estime et oriente et reprend et redevient peut-être dans et par son auto-expérimentation).
De même si il faut réinterroger toute l’historicité c’est bien parce que les précédents (tous) n’étaient pas de imbéciles ou des idiots mais ont pointé très précisément les articulations de ce rapport face, dans, par, pour le réel (quel qu’il soit ; dieu, l’être, le un, le bien, le sujet, le donné « là » qui existe).
Si on croit encore que notre être dépend de tel contenu, alors effectivement les contenus varient. Mais il est tenu ici que notre être n’est pas un être, n’est pas déterminé mais jeu entre les déterminations, et que par conséquent il n’est pas mais existe ; ce qui permet de recomprendre ce qui eut lieu en tant que ce rapport s’anime ; se pointe, se repère, se balise, se dresse comme une carte et l’historicité en constitue la cartographie des tracés de ces trajets ; les consciences élaborent, inventent, créent des trajets, personnels, qui se formulent comme tracés à la surface du réel, qu’est le réel plus précisément ; et il y a une surface parce que le réel a pour principe le possible ; si le réel était l’être il serait un ordre et non un devenir.
Les trajets sont tous profondément investis ; et non accessibles si on n’entre pas en rapport justement ; si on considère que dieu, l’être, l’universel, le sujet sont de vieilles notions, passez votre chemin, de même si on ne les existe pas ; les Idées de Platon donnent réellement à voir le monde, qui autrement n’est qu’opinions, ou imaginations ; dieu est réellement l’Intention brute, que l’on croit ou non à l’existence de dieu, il se trouve que de toute manière cela a joué pour nous un rôle fondamental, initiateur, initialisant une autre-historicité, cad en fait l’historicité elle-même, et non plus un monde cyclique et holiste.
Chaque trajet est constitué de tracés, et donc pour ce rapport, que chaque conscience existe, constitué de signes. Les signes n’apparaissent que perçus, et nous sommes des enfants trop gâtés. Les autres, les anciens, les précédents étaient plongés dans le malheur et la difficulté, un mal de dent c’était une épreuve. On s’est habitué à considérer la facilité du monde, et la spontanéité (pour parler plus précisément) d’être soi, d’être ce moi-même et tous ses objets mais également tous ces signes, ces longues chaînes attirantes de signes qui nous imaginent être (quantité de ceci et de cela). Mais dès lors on ne sait plus s’immerger dans les structures antérieures, puisque celle de sujet libre a pris tout son ampleur, absolument réelle ; et étant libres il nous revient et ne peut que revenir à nous seuls de re-trouver les structures antérieures, puisque sinon nous nous conviendrons tellement de notre image et cette spontanéité, cette facilité d’être un moi, une vie, un vécu, ces rencontres et ces amours qui figurent notre « destin » ; quelle destinée ??
Dit autrement ; d’un premier point de vue on constate et tente d’expliciter ou d’expliquer ce qui eut lieu (depuis dieu, l’universel, le sujet et le réel), se bornant de poursuivre la logique et son historicité. En second point de vue on admet que cette explicitation est fonctionnelle et expose effectivement le mécanisme de l’arc de conscience dans un réel unique et exclusif, le présent. En troisième lieu on se convainc (tel quel) que cette fonctionnalité du réel est dimensionnelle ; que donc seul existe le présent et comme pourtour de tout ce qui est, de tout univers ; ou donc l’unité est autour de la réalité et non pas centrale, de sorte que ce qui arrive dans la réalité aboutit, se dirige, va vers le Bord qui entoure tout ce qui est. Le contenu (la réalité) modifie la forme (le réel).
Il serait à vrai dire bizarre que le fait même d’exister, le présent, ne soit qu’un vague effet (insituable) ; on présente ici que ce présent est l’acte lui-même, le grand rapport des rapports, le pli de l’ensemble de tous les plis qui constituent la réalité ; il n’y a pas lieu de séparer la cause de sa manifestation purique par ailleurs la manifestation remonte vers le Bord qui seul est l’unité, le centre extérieur.
Fonctionnalité ou dimensionnalité permettent d’étirer la logique de l’intentionnalité, mais également de percevoir quelque chose du réel, dans cette station fondamentalement étrange qu’un présent il y a (ou que la réalité devient).
Aussi revient-on constamment sur l’historicité, puisque l’on considère que les expériences passées sont des explorations de la même structure ; l’arc de conscience modifie les contenus mais aucun contenu ne transforme l’arc de conscience, qui est seul identique à lui-même (étant formel).
L’articulation (de l’arc de conscience) a toujours eu affaire avec l’absolu, et c’est peu à peu que l’on s’est avancé dans le cercle interne du réel ; lequel cercle, on l’a dit, est externe, autour de la réalité, du monde, du vécu. Au centre il n’y a rien ; il n’est que des déterminations plus ou moins, sans jamais parvenir à l’indétermination totale, à l’indistinction ; il y a toujours du distingué, des vibrations par exemple, parce que le réel est le mouvement et se perçoit dans la perspective du réel absolu, cad du Bord. L’être n’est que dans la vue de l’exister. Il n’y a pas de substrat indépendant de la vue à-venir, c’est l’à-venir qui vient vers le monde, et c’est donc nous-même qui venons vers nous-même.
De là l’étrange manipulation christique par exemple (mais cela s’entend aussi de l’universel de la pensée) ; c’est le point le plus éloigné qui est la vérité. Et ce contre toute intuition immédiate qui vous fait prendre pour vrai ce qui est réel et le réel sous l’auspice de la réalité donnée là ; et donc tout cela méritera d’être crucifié, mis à mort, dépouillé, nu. Tout cela n’est pas vous, n’est pas vous-même, l’exister c’est autre chose autrement. Par quoi on en déduira, un jour, que l’au-delà n’est pas un autre (même) monde (à quoi servirait-il?).
Rappelons que le but est de définir ou à tout le moins délimiter cela même qui se situe au Bord.
Soit donc l’extrémité du monde ou de ce qui est ; par quoi c’est ce bord qui oriente, fait être, existe la direction de la réalité par le réel (de cette réalité, le présent est la forme de ce qui est, et l’actualisation est la forme du moi, et auparavant de l’humain, lorsqu’il s’agissait de la régulation selon le groupe, la conscience et organisation collective, tribu, royaume, empire).
Il y a un Bord à la réalité, qui n’est perceptible nulle part dans le monde, le donné et qui est le présent ; le présent est le bord du monde, et tout autant de la vie, du vécu ; de même que l’arc de conscience consiste en une actualité qui dresse soudainement le champ intentionnel, par lequel nous existons pour nous-même (nous ne percevons pas seulement l’horizon, nous nous percevons à partir de l’horizon).
Dans cet extrémité, cet extrémisme du réel (dont le principe est le possible et qui donc se précipite dès l’abord au plus loin et au plus brutal et au plus difficile, sinon on ne voit pas pourquoi il existerait une existence, un réel ; sinon pour accomplir l’impossible, justement, et afin que le réel soit plus grand que lui-même), dans cet extrémisme nous voici jeté comme dans un à-venir infini.
Sauf que l’on meurt. Ce qui est évidemment contradictoire.
C’est que la forme de conscience est un rapport et qu’il ne peut pas imaginer, envisager que ce rapport cesse. Il se nierait lui-même intégralement.
répétons ; peu importe le choix élu (que le monde ait un sens et que le présent soit dimensionnel, ou que le monde n’en ait pas, et soit idiot, parce que dans ce dernier cas la logique qui préside à l’accomplissement de cela qui existe se pose ainsi ; soit vous entendez éprouver intégralement tout le possible, soit vous vous admettez le donné immédiat (sans plus d’interrogation, sinon à l’intérieur de cet acquis, qui n’est nullement négligeable mais qui n’élève pas outre mesure votre propre actualisation ; Pierre est content d’être Pierre, voila tout).
Il s‘agit donc de parcourir au plus loin possible ou au plus concret possible ; on estime que dieu, l’universel, le sujet ou le réel se déplacent vitesse grand V du plus lointain au plus concret. Dieu, l’universel, le sujet ou le réel permettent de percevoir plus et de mieux saisir notre intention ; on ne peut pas mieux que d’amener vers la précision de la perception (et cela consiste à ajouter des signes) et de l’intention (ce qui veut dire définir ce que l’on veut vraiment, instruire la vérité jusque dans cela que l’on oriente).
Deux remarques ; si on doit ajouter des signes (au langage commun) il faut puiser dans non plus l’expérience ou l’accumulation d’expériences collectivisées qui sont de fait systématisées), mais dans la perception sans a priori et même originale, originelle, voire même énervée, excèdée, hystérique, sortie des gonds, de chacun. En ceci nous n’avons accès au monde donné là que via cette incertitude du sujet (dieu et les prophètes, la pensée et les philosophes et chacun son système original, les œuvres, le sujet, etc).
Deuxièmement, on ne peut pas compter sur la « volonté » (je fais le mal que je ne veux pas et ne fais pas le bien que je veux) mais il s’agit de motiver ou sur-motiver le conscient par ruse ou par conviction, de telle sorte que le conscient puisse atteindre l’arc de conscience lequel est calé sur le corps, sur la perception du corps vu du dehors à partir de l’autre conscience, ce qui veut dire l’Autre-conscience, la conscience en tant qu’autre (autre que tout, puisqu’elle est un rapport et que au moins un bout est échappé) ; ce qui serait très difficile sans l’expérience qui précisément nous montre que la réalité « ça n’est pas ça », ça n’est pas ce que l’on veut, ce que l’on veut ressort d’une autre logique et on est bien incapable de discerner en quoi et comment. Or donc c’est justement cela même qui doit être appréhendé depuis le début, depuis que l’on se demande ce que veut dieu, ce que la pensée organise, ce que le christique nous expose, ce que Descartes et suivants poursuivent, dans leurs analyses.
Le christique interroge au-delà du bien et vers ce qui prélude au bien ; de même qu’il n’attaque pas directement la volonté et le conscient mais la motivation (à exister). La philosophie aimerait substituer à la volonté velléitaire une connaissance, mais il existe exclusivement un savoir ; déjà, lire de la philosophie implique vous ayez déjà compris ; il ne s’agit jamais d’un positionnement moral, mais, dans ce registre, de la fondation de la morale, et donc c’est d’ontologie dont il est question. Notre être n’est pas stable et ne trouvera jamais dans le donné de quoi se satisfaire, mettre le doigt sur le hiatus, le différentiel, l’écart entre nous et tout le reste, veut dire que ce sera également entre nous et n’importe quel « nous-même » ; que nous ne soyons pas cela que nous sommes, introduit la capacité et la perspective de l’Autre.
Autant dire que se désigne par là que l’arc de conscience est un rapport qui ne « contrôle » pas l’autre bout ; une conscience ne sait jamais exactement qui regarde, ni même ce qui est vu. C’est le problème de l’intentionnalité qui perçoit ceci qui est signifié mais toute signification est sur fond de son horizon ; cad sur un déroulé de signes. Ça n’est pas seulement que ce déroulé soit celui commun, du langage ou de la représentation, c’est aussi que tout signe placé en avant génère son propre horizon ; au point même de n’obtenir de sens que de cet horizon. Le champ est structurellement mouvant. Et d’horizon en horizon on passe au moi lui-même, à sa condition sociale, à son milieu, bien sur, mais surtout à son donné vécu, à son passé, oui encore mais également et peut-être surtout à ce qu’il veut signifier, à l’horizon temporel de ce qu’il envisage comme sa destination, sa logique propre, son activité ou sa passivité et comment tout le mécanisme de son réel est bel et bien effectif et affecte son corps, son corps vivant. Il existe une boucle, un bouclage qui ne se termine jamais et positionne le corps, ce qui veut dire sa jouissance en psychanalyse.
C’est que si l’on existe comme rapport il faut bien que chacun se fixe sur son corps, selon une implantation tout à fait extérieure mais une extériorité qui ne peut être reprise, recousue, réécrite, qui s’écrira sans cesse tout au long de la vie (et lorsqu’elle se fige, elle devient invivable). Le corps en est soulevé dans un horizon. Pourquoi ? Parce que le rapport ne détient qu’une partie du rapport qu’il existe ; l’autre partie est en plus, l’autre part échappe et vient de son extériorité (sinon il ne s’articulerait pas dans le réel, dans la position du réel et incapable de saisir les signes dans leur altérité, il ne parlerait pas). Que le corps soit pris dans le regard externe (un peu mais pas trop, ce qui veut dire que le moi puisse résister à ce regard et acquérir le sien en sa part) permet que l’on puisse parler, signifier, et donc désirer, décider, élaborer un projet propre.
Mais cette articulation désarticule le corps, l’identité, le regard ; on ne peut plus se ressentir comme un vivant ; et on passe difficilement du vivant à l’existant (seul le christique peut se le permettre puisque lui a tout créé, sauf que si c’est par lui que tout fut créé, c’est le père qui influe, qui crée et sans qui rien ne serait, comme quoi la distance interne au rapport est in-finie).
On peut faire semblant mais on sait que non ; nous ne sommes pas. Cessant d’être, ce corps, on devient le signe du corps qui étant signe n’est pas du tout corps ; rendant possible que défile toutes les quantités de signes, de mots, de phrases et de capacité d’organiser du dehors. Il suffira alors d’au moins un signe pour échapper à la claudication du corps signifié (qui n’est plus de l’ordre du signifiant et qui donc happe les signes en définitive, dans le corps doté de sa propre inertie, de vivant mais qui est un poids pour les signes tels quels, et même si entre-temps, entre le début de sortie du corps par le regard et l’absorption dans l’état de corps, mort, on peut signifier, comme un moi, plus ou moins coincé ou allégé) ; d’au moins un signe donc pour recréer inversement l’extériorité ; dieu, la pensée, le sujet, la révolution, les domaines (esthétiques, etc), les œuvres permettent de détacher (selon un plus ou moins, puisque rien n’est figé) le regard en dehors de l’extériorité ; de détacher le regard mais momentanément ; il faut sans cesse relancer l’embrayage de l’altérité ; aussi que ce soit l’esthétique, la politique, la pensée, dieu il est impératif de re-vouloir, de réinscrire l’intentionnalisation spécifique et libératrice dans le corps, et ceci sans sombrer dans le subjectif (qui n’est qu’immédiateté) ou l’arbitraire qui ne supportent, ni l’un ni l’autre, le temps, la temporalité ; dans la temporalité seul ce qui est organisé (et donc réel dans le réel, dans l’effectivité) dure ; ce qui dure (et supporte le temps) c’est l’organisé.
Si l’arc de conscience n’est plus même signifié, si aucun signifiant n’y renvoie, disparaît la dimension mais également la fonction de structure.
Soit donc votre véritable intention (dieu, le christique, le sujet) ou la vérité (l’universel, la logique, la science, l’organisation de la vie, plutôt que la dispersion, ou de la société humaines, plutôt que la corruption, la décomposition), ou évidemment les différentes possibilités structurées, comme les esthétiques, éthiques.
Tout ceci, cette architecture de structures, est bien sûr noyé dans le déversement de déterminations, humaines, d’immédiatetés, d’objets (de production et d’objets de désir, qui contrairement au besoin communiste s’invente constamment), de signes et d’images qui prennent de fait l’apparence de monde. Mais c’est un monde artificiel et constructiviste ; il n’y a rien qui arrime l’arc de conscience au réel, sinon sa propre loi (celle de l’absolu, ailleurs, ou anciennement, pour nous, de dieu, de l’universel, du sujet et évidemment du réel même) ; et cette loi ne peut pas se rencontrer dans le donné, dans le monde (sinon autrefois les nécessités et les raretés, la dureté de la survie, ou de l’organisation sociétale stricte, qui devait se reproduire à l’identique sous peine de se perdre, de lâcher sa parole, ses échanges, son ordonnance transmise) ; ne se rencontrant pas dans le donné, elle ne rencontre pas d’opposition, organise un irréalisme généralisé, et réimagine constamment et se perd dans son labyrinthe.
Si elle ne suscite pas elle-même l’opposition à sa structure libre (ce qui se présentait autrefois dans l’externe de dieu, de la pensée, de la religion en général, du corps christique et de ce qu’il désigne dans le réel même, du sujet et de sa comparution devant lui-même « comme un autre ») elle se dissout dans ses contenus.
L’idée de soi du moi, le moi-même, s’oppose frontalement à son accès au sujet ; on interprète les absolues structures (y compris le plus simple universalité, la victoire en somme de la liberté anglo-saxonne à la liberté-égalité française, qui pourtant est le seul contrat social valide, puisqu’il assure à chacun un minimum du minimum et non l’abandon dans la faune sauvage de la rivalité), on les interprètes ramenées à la proportion, faiblardes, du moi, de la composition humaine, dissolvant lors même son objet prétendu, abolissant l’humain lui-même (sous l’influence des imaginaires allemands en particulier, qui n’ont jamais cessé de rêver l’absolu, de combler le manque au centre, de ne pas y admettre l’universel transparent ; ils ont, croient-ils, une identité, alors que les français ont l’identité oui mais universelle, c’est leur boulot, ils la produisent sans même le vouloir, savoir, comprendre, mais ils y arrivent). Le moi-même ne voit plus du tout qu’il ex-siste, il croit, dur comme fer, qu’il est, trompé en cela par son interprétation qui lui fait accroire « qu’il sera satisfait » et que cette satisfaction, véritable biais qui plie son intention et son attention, pèsera comme un corps réel (qui ne possède d’ontos qu’imaginaire et pas du tout réel) ; il n’a aucune appréhension, aperception autre que matérialiste, cad fantasmatique.
Le moi-même ne comprend plus, ne com-prend, plus-avec, autrement ni autre chose que la composition, la détermination (duquel il tient son « bonheur » parait-il, son rêve publicitaire, son m’as-tu-vu y compris, sa rivalité encore). Il n’y a, pour le moi-même, aucune porte de sortie ; il est coincé, comme un animal, puisque c’est à son corps, à la satisfaction de son corps (totalement perturbé et qui, en tant que simplement vivant animal, n’y comprend rien du tout et se dévore lui-même), à son corps qu’il se confie, qu’il a pu plier son intentionnalité vers le bas.
Abandonnée à elle-même l’intentionnalité ne rencontrera rien et doit se réguler de par soi. Elle alimentera au contraire la machine fantasmatique, l’addiction, la dépendance aux effets, ayant perdu de vue la cause, et donc n’agissant sur cette cause en elle-même ; or cela suppose ceci que la cause n’est vraiment cause que par et pour cette action sur elle-même ; or de cela elle est juste lâchée dans le monde, de même qu’elle éreinte chaque vécu, de chaque moi, d’une manière ou d’une autre. Elle épuise par le fantasmatique, l’image, la vie rêvée, l’objet magique, les désirs irrégulés, le naturalisme et le réalisme ; qui présupposant que notre être est un être et qu’il est du monde, trouvera dans ce monde la correspondance de ces volontés ou de ses désirs, et n’envisage jamais que la cause en nous est tellement puissante et hors monde, qu’elle peut très bien dévaster le monde, le donné, la réalité, la vie.
Or cependant et ayant vaincu, repoussé loin de nous cette attirance obnubilante du monde et de ses immédiatetés (de toute manière nous avons déjà tout vécu, tout entassé dans nos musées, tout écrit et tout dessiné, tout vécu et tout éprouvé, tout projeté et tout attendu du monde et de notre vie), ne reste que la structure ; cela par quoi l’arc du présent s’avance.
Le présent étant le contraire de l’impersistence, est donc ce par quoi la persistance/l’existence s’avance. Elle vient devant, de face, rigoureuse et inarrêtable.
Et ainsi puisque la vérité est le réel, que le réel est une forme, et que notre être n’est pas un être mais un arc, de structure, alors nous venons en face de nous-même. Le Bord est en avant, et ce qui n’est pas arrive, vient à exister. Et voilà que nous venons à la rencontre non de ce que nous serons mais de ce que nous pouvons (ici le devoir être est évidemment identique au pouvoir être).
On dit cela mais ça n’est pas tout à fait exact. Il se peut que l’on se trompe, s’égare, se perde. Mais le christique (qui est bien loin du rigorisme kantien, lequel déjà s’éloignait de la souplesse cartésienne) nous a fait comprendre que tout égarement est une capacité d’élévation ou de salvation, selon l’art et la manière de prendre ces erreurs ; et dépend de ce que l’on veut entendre. La durabilité dans le temps, dans la temporalité, soumise à la seule structure qui la surplombe ; celle du présent intentionnel, et au final du présent tout court, interne au temps lui-même.
De ce en quoi l’on croit d’une part et, en cette foi (dieu, l’universel, le sujet, la révolution qui fait office de réel ou le réel comme tel) de ‘comment’ l’on croit, ce qui veut dire avec quelle intensité ou quelle intégrité ; sachant que l’on n’est jamais totalement « honnête » puisque notre structure de rapport implique l’incertitude. Ce que toute identité (le moi-même, telle communauté, telle unité substantiellement conçue ou imaginée, puisque l’on a vu que l’être est uniquement une imagination, une substantialisation prêtée) ne peut que refuser lorsqu’elle n’en condamne l’aspect abstrait ou éthéré ou hypothétique ; le réel est abstrait, éthéré et hypothétique. C’est sa fonction ou sa dimension même. Et sachant que l’on ne peut pas vraiment vouloir selon la volonté idéalisée, mais qu’il est possible d’intentionnaliser, de guider, de discerner, de distinguer avec suffisamment de ruse et de dérouter notre intentionnalité qui tend à tomber dans ses contenus (qui s’imposent si immédiatement) afin qu’elle s’augmente, intensifie, concrétise sa structure intentionnelle comme telle ; la liberté est déjà toujours créatrice de contenus, de super-contenues (telle les vérités), et ne s’en vient pas sur le devant de la scène sans modifier le donné.
Si il vous faut défendre votre survie, votre liberté est réduite à rien, ou si on vous tient constamment dans la concurrence des libertés entre elles, mais non pas lorsque l’égalité vient aplanir la rivalité et la science, technique, pétrole ou acculturation en général permettent d’écarter la rareté et les nécessités. Et plus structurellement cet investissement de l’attention, cette intégrité de l’intention, non seulement sa pureté mais son caractère brut et la sorte d’unilatéralité qui n’entend pas plier, c’est celle qui sait intimement que, fondé sur le réel (soit donc le moins inconsistant qui soit, serait-il le mouvement même et justement parce qu’il est le mouvement), sait qu’il ne manquera pas ; de même que l’on ne peut sérieusement admettre la faillite de dieu, de la pensée, du christique ou du sujet ou de la révolution ; ce que Kant nommait principe et Hegel certitude interne du penser, qui ne peut pas sortir de son intériorité de savoir pour Hegel, même si il croit parfois que si. La volonté se laisse aller ici et là et la plupart du temps, mais pas le principe, pas la certitude.
La fausse indifférence
Ce qui se passe, ce qui arrive, ce qui est généralisé c’est le non questionnement ; si on se tient en dessous du questionnement, on évite le choix, la décision, l’angoisse, la possibilité même. Dès que l’on se pose la question, il faut répondre. Et s’engager dans le questionnement c’est un investissement dit formel ; qui met en jeu la structure, celle qui dispose de tout le reste (l’arc de conscience qui crée tous les champs en reprenant tout ce qui vient, l’absorbant et en en créant de nouveaux). Pareillement si l’on se ‘décide’, de l’insondable décision, pour la poésie c’est intégralement que l’arc qui surinvestit et choisit sa discipline, littéralement discipline, rigueur et intégrité (sinon on n’y parvient tout simplement pas ; le plus effort disponible ne vient pas si l’on ne s’y soumet pas).
Il faut constater que le christique voulut impliquer chacun, chacun, au plus loin, au plus haut, au plus élevé de lui-même. Et c’est ce qui se passe, réellement, dans le réel, on n’est pas une « conscience » sans exister ce rapport-même.
Il s’agit donc de la décision d’avant la décision, de la conviction d’avant la conviction, et au final (si on tente de synthétiser) de votre « véritable intention » ; celle qui se révèle tout au long et qui a transformé, possiblement votre vie en existence (ce dont rien ni personne ne peut juger, sinon vous-même, peut-être, ou le christique, au cas où). Votre intention véritable est cela qui vous permet de lire structurellement votre existence ; Rimbaud a lu sa vie comme une existence (et il n’a pas tenu très longtemps, puisque c’est très difficile d’imposer à un corps, un vivant, la structure qui, elle, n’est pas vivante selon la vie, ni d’un corps ; rappelons que vous avez un corps parce que vous ne l’êtes pas…)
Ou encore ; l’intention réelle est au centre mais le centre est le Bord (il faut suivre). Une unité centrale serait un concept séparé et non réel ; l’unité externe est elle le Bord tout à fait exact et précis ; soit donc le présent tel qu’ici même et maintenant.
Aussi cette extrapolation permet de comprendre que les trajets (dans le monde, la vie, le relationnel, les signes, les œuvres) créent les tracés, sur le Bord. Le Bord externe est la surface de la sphère. Que le centre soit exogène rend possible de comprendre pour quoi il y a une réalité, une vie, une pensée, un moi ou des mondes humains ; parce qu’ils créent le cercle externe (qui est le seul interne cohérent).
C’est pour cette raison que ce qui arrive, « ce qui arrive réellement » naît du bout du champ intentionnel (de conscience) ou au bout du champ existant (le présent) ; c’est ce qui est en-plus qui compte ; et cet en-plus ne s’acquiert que dans l’actualité, l’actualisation de l’exister.