Le libre contenant la vérité
La philosophie révèle donc ce qui est tel que cela est : et ceci d’abord en tant qu’universalité. Elle se conjoint aisément avec la révélation chrétienne puisque l’une comme l’autre sont réflexives et usent du même être ; ne pas se laisser faire par ce qui est.
Ne pas se laisser faire par le langage (et le groupe), ne pas se laisser faire par les consciences prises dans les vécus ou dans le monde qui divise les consciences (de par les intéressements multiples et immédiats).
Il n’est rien en cela de « moralisateur » ou d’une morale à la petite semaine, ni d’une idéologie qui cacherait des intérêts mondains sous couvert d’un « idéalisme » au sens large. C’est uniquement à rebours que l’on pourrait juger selon cette négativité, étant entendu que l’on est alors déjà « libre dans un Etat », et doué d’un regard objectif, dit du sujet de la science, du sujet abstrait, et que l’on a déjà intégré le sujet né de l’acculturation généralisée (du processus de dernière conscience indéfinie et donc libre mais consciente de soi, (l’indéfinie conscience est le retour sur soi, vide, qui garantit non ceci ou cela, mais la conscience comme structurelle) non pas libre pour rien mais libre pour propager le libre, qui signifie la réflexivité, et non pas le corps).
Si l’on juge du sujet réel, du sujet réflexif qui est la conscience distante qu’il est, depuis les deux réflexivités, universelle grecque et chrétienne de la dernière conscience indéfinie, libératrice, si l’on en juge en fonction des parties du monde (les objectivités des sciences, les reconstructions de sciences humaines, l’inconscient ou les signes du langage, ou le langage lui-même trompeur, etc), alors on passe outre l’ambition menée depuis le début réflexif et on ne comprendra pas réellement ce qui est en jeu.
Pour comprendre le jeu il faut admettre les paramètres adéquats et ces paramètres la philosophie est seule à les produire, les exhiber, puisque la nature même de la philosophie est initialement l’étonnement de et pour la réflexivité ; pourquoi peut-on « comprendre » ? et cette « compréhension » n’est pas seulement l’élaboration des règles de la pensée : comme on peut voir que la philosophie dès le début se mêle de tout ; elle produit non pas une connaissance (limitée à un objet découpé) mais un savoir qui est réflexivement la mise sous tension et d’abord sur l’être.
Ce que l’on nomme « être », l’objet absolu qui contient tous les objets, est avant tout l’actualité totale de tout. Tout est absolument présent en une fois et selon la compréhensibilité (les choses sont pensées dans des idées) et la compréhensivité (les idées sont pensées dans l’Idée des idées, l’idée qui donne et l’organisation des idées et la raison d’être des idées ainsi que la compréhension qu’il y ait un tel « être qui pense »). L’être métaphysique est l’objet de pensée, puisque si l’on ne comprend pas ce que l’on dit, on n’existe pas.
On n’existe pas ou plutôt on existe dans le cercle restreint de son immédiateté, de ce qui est expérimenté plus ou moins en désordre (et si peu ordonné) et livré aux errements. Que quelques uns ont cru demeurer maître de l’expérience livrée telle quelle et en tirer une vie, cela n’est vraisemblable que de ceci ; ils étaient déjà libres, et ayant acquis cette liberté, mais ne le reconnaissant pas, ils ont pu croire qu’ils tenaient de l’expérience limitée individuelle seule, leur être. En fait leur être est tenu du libre et non de l’expérience. On peut vouloir se passer de la raison, mais cela à partir d’une raison acquise ; en soi l’expérience immédiate mène à l’expérience immédiate et c’est tout. De même on peut penser selon une objectivité (les sciences, humaine sou non, le marxisme telle idéologie, l’Etat séparé de l’Idée de démocratie, etc), mais ce sera surtout afin de réduire les autres consciences à n’être pas la conscience qu’ils sont.
L’être comme idée métaphysique est conservée au sein même de la réflexivité, mais elle est augmenté ; ou plutôt l’être lui-même est augmenté de ceci qu’il prend conscience de soi comme conscience et que cette forme entoure toute pensée (qui devient le pensable ; comme l’on voit suite à Descartes, que la pensée se pense soit comme empiriste (la pensée cherche ses causes dans le monde, le corps, l’image, etc, ou le langage), soit comme « mathématisée » (selon Leibniz ou selon Spinoza qui désirent inventer ou découvrir la pensée comme un objet absolu et non plus penser l’être, objet absolu, comme pensée ; il est une relativité de la métaphysique post cartésienne par rapport à elle-même, jusqu’à Hegel qui expose la pensée comme Autre pour une conscience éperdue qui ne sait plus où elle est).
Les deux erreurs
Mais l’être est conservé non pas comme métaphysiquement relativisé, mais comme ontologie ; on se saisit de l’être en cet être-çi. Le dit « sujet » (dont on ne sait pas ce qu’il est ni pour quoi). C’est interpréter selon la métaphysique le dit sujet que de croire qu’il est en somme l’esprit, la subjectivité idéelle (Hegel trouve absolument que ce sujet là, interprété métaphysiquement, est la subjectivité idéaliste ; en somme l’esprit qui se dit « je », la pensée en personne (et non plus la Pensée égale en son objet un et tout qu’était l’être métaphysique).
Le sujet, le dit sujet, est tout autre chose ; il n’est ni objectif, ni subjectif ; il est le un comme source. Et c’est en ce sens que l’on dit « ontologie ». Ça n’est plus la pensée en général qui parle de l’être comme un et tout, comme totalité, c’est un-être qui montre la logique de son être. Et cet être qui endosse le discours, la raison la fait sienne, la métaphysique et l’absorbe, ne montre pas son corps, son vitalisme, sa psychologie, sa subjectivité, son langage, etc ; il montre ce qui se révélera comme son « être » réel par Husserl entre autres. Son être qui n’appartient ni au corps, ni au langage, ni à la psychologie ou son individualité, mais qui n’est plus lui-même l’universalité métaphysique et ne parle pas selon la Vérité, mais selon le Libre.
C’est une ancienne manière que de comprendre l’advenue du libre comme relatif à la vérité (Badiou) ; une vérité qui ne serait pas le libre pur d’abord, ne signifie rien pour-nous. Elle est discréditée d’avance ; puisqu’elle ne pense pas suffisamment loin, et restreint pour-nous la vérité justement. Parce qu’il faut comprendre que c’est du point de vue du libre (qui avance dans « ce qui est » en passant du métaphysique à l’ontologie, à la logique de cet être-çi) que la vérité est bien plus grande que selon la vérité seulement métaphysique ; et ceci non par contradictions et opposition, mais parce que la métaphysique devient ontologique ; qu’en somme le libre n’est un « là » inerte ou du n’importe quoi, mais est structurellement absolument réflexif et donc engendre une plus grande articulation/désarticulation à « ce qui est ».
L’otologique est donc d’abord cet être-çi mais en tant que réflexif et non pas être-là, et expose tout selon son principe formel ; la vérité n’est pas une vérité, mais est la vérité comme principe. La pensée du sujet libre (dont l’essence est non pas le sujet mais le libre, cad un principe) selon le moi post moderne, comme on dit, soit donc une sorte de nihilisme (qui ne croit pas que la raison est, en quoi il a raison, sauf que la raison est depuis Descartes au moins la réflexivité dite à elle-même, la réflexivité englobant la raison et l’approfondissant), réduit considérablement le champ et du libre et de la vérité ; il renie tout, n’est plus métaphysique mais non plus ontologique.
Le post moderne ou le nihilisme croit que le sujet est un être-là ; alors qu’il est réflexif. Il peut bien tenter de situer le sujet (réduction de l’être-libre) ici ou là, dans le corps ou le désir, dans le langage ou la société, l’économisme ou le naturalisme, ça ne rentre pas. Il n’est nulle part de lieu qui contienne l’être-libre, cad le réflexif « ontologique qui intègre le métaphysique ». Lequel est né depuis Descartes quand même… Ce qui veut dire un retard de penser le donné qui interprète encore la conscience comme, si elle était un « conscient ».