Déplacement du centre du monde
Passage du contenu total à la forme unique de tous les contenus
Ce que l’on nomme occidentalisation n’est pas « l’occident » mais le processus, procédé, découverte et invention (à la fois) de la structure antérieure à tout monde humain, toute représentation, toute image ou signe, toute pensée et antérieure à l’universel lui-même (sous-entendu : la structure antérieure n’est pas moindre mais plus cohérente que l’universel qui aboutit à un discours cohérent, mais tout à fait extérieur, aussi indispensable soit-il (il est hors de question de l’abandonner en quelque sens que ce soit) ce discours universel ne parvient pas à atteindre la dite structure ; cad l’arc de conscience de chacun ; l’arc ne conscience n’est pas le conscient, il est plus que cela. L’arc de conscience est antérieur et réclame un autre système que celui de l’universel (de la métaphysique), il demande un système ontologique et c’est bien à cette exigence qu’est parvenu la réflexion, la réflection (qui ne se satisfait plus des images ou idées dans le miroir, mais veut le miroir lui-même). Et l’engagement par le biais du miroir est acté depuis Descartes.
Descartes ne pose pas le sujet pour introduire au discours métaphysique (dont il n’a rien à faire), mais use de tous les repérages à sa disposition (y compris les anciennes propositions métaphysiques, mais explore également tous les domaines et les expériences afin d’élaborer la pensée, réfléchie, de ce qui n’a jamais été supposé ni du monde, ni du sujet humain) pour sup-poser le sujet seul réel antérieur à tout.
L’occidentalisation ne consiste pas à découvrir un super-contenu qui remplacerait tous les autres, mais à mettre au jour, porter au devant la structure, le mécanisme, la tension qui préexiste à tous les contenus, mondes humains, langages, images ; autrement dit on pense, imagine, désire, et finalement perçoit à partir et par ce micro système extrêmement simple et immédiat (et même instantané comme on verra), et il est simple et immédiat parce que cette tension s’utilise afin de court-circuiter la cervelle et toutes les données déjà inscrites ; la tension, l’attention-à permet de répondre immédiatement à telle ou telle situation, de danger évidemment mais toutes situations qui réclame ici et maintenant une gestion, une réorganisation manifeste, une prévision inattendue et qui ne peut pas en passer par la génétique ou les mémorisations de toute sorte (qui sont disponibles mais déjà déterminée).
La tension qui sort de la cervelle vers le réel s’utilise afin d’augmenter considérablement et très précisément l’acuité du réel lui-même ; et si les animaux portent une attention soutenue au donné tel que là, au milieu, il revient aux êtres humains de produire une représentation de ce monde dans un monde second ou secondaire et d’en former une mise en forme culturelle et partagée, mais qui plus est l’occidentalisation est non plus une mise en forme culturelle mais une acculturation généralisée ; autrement dit l’occidentalisation est la mise en avant de la structure seule, telle quelle, débarrassée de la mise en forme culturelle (du langage et du groupe et donc de tout monde humain déterminé) ; au lieu de compter sur le groupe comme mémoration de toutes les possibilités d’un monde, l’acculturation réalise ce fait monumentale et hyper léger : chacun est à soi-même un mini monde perçu et chacun est doté d’une auto mémorisation (qui se sépare du groupe) lui permettant de s’y retrouver.
La tension de l’attention est ajoutée ; elle vient en plus de tous les systèmes que l’on voudra découvrir (génétique, neuronal, langagier, socio-éco, psy, etc). On conserve toutes les mémorisations mais s’y ajoute une dimension ; celle qui n’appartient à aucun passé (aucune mémorisation acquise) et qui se crée dans l’actualité, et qui réclame de chacun que chaque’un puisse s’y accéder (se convertir soit à la pensée et l’universel, soit au christique et ensuite au sujet-citoyen-moi personnalisé ; s’y convertir de son vivant, actuellement, en connaissance de cause) ; ce qui existe est ici-même et ici-et-maintenant ; l’être est ici-même totalement actualisé (il n’y a rien en dehors et on peut en saisir tout l’ensemble en une fois ; selon la logique des grecs « on en se laissera pas faire par quoi que ce soit d’extérieur »), le christ est ici et maintenant le regard qui vous tire de votre vie, le sujet est le réflexe interne qui vous expose sur le monde (l’étendue) tel un point de renouvellement formel absolu, l’altérité vous immerge, immerge ce point dans le réel comme Autre (Nietzsche, Heidegger, Sartre, Lacan). Soit donc l’extensivité grecque, l’intensité christique et cartésienne, la densité de l’altérité.
C’est très simple : très simple. Chacun est sur la surface du réel une boucle qui n’est pas un bouclage. La boucle ne se referme pas, jamais, elle est ouverte à jamais puisqu’elle est attentive, à ce qui se passe, à ce qui arrive et sa finalité de structure consiste à répondre le plus précisément possible à tel événement, à ces événements qui de toute manière n’étaient pas prévus ni prévisibles dans tel monde humain ordonné, lequel suivait ses rituels, ses mises en formes culturelles, etc ; et donc la boucle nue et sans rien est structurellement insatisfaite ; rien ne peut la combler, sinon elle disparait ou plus exactement si elle n’était pas indéterminée elle ne serait pas en mesure de coller à et décoller de quelque détermination que ce soit, déterminations qu’elle se permet de faire défiler indéfiniment, et étant capable de toutes les déterminations, même non mémorisées, elle est aussi capable de les inventer ; d’inventer de nouvelles formulations de déterminations ; par l’imagination individualisée, qui a cessé d’imager selon le groupe en des formes rituelles, et par la raison, la pensée, qui requiert l’expérience et y compris l’expérience d’un discours cohérent, qui s’éprouve ici même et ne s’imagine pas en un au-delà ; la pensée est la restructuration du langage par et pour l‘expérience individuée ; on pense ce que l’on perçoit et on perçoit ce que l’on pense ; le système de penser devient actif individuellement.
L’individuation du processus ne s’est pas arrêtée à la raison, à la pensée ; il est devenu, s’est incrusté jusque dans le corps même de chacun ; c’est son but, sa finalité, son effectivité, sa logique même ; et donc du discours métaphysique (qui était ainsi la restructuration du langage commun dans et par l’expérimenté individué, la perception de chacun, la nouvelle mémorisation accélérée que fut la pensée grecque, par ex et exemplairement, mais toutes les Pensées furent une telle accélération, la grecque se distingue de ceci qu’elle prononce l’être ; autrement dit tout ce qui est, est « là » ; pas ailleurs ni au-delà, et ce qui est « là » existe formellement intégralement, il n’y a pas d’au-delà qui rendrait impossible la cohérence, il faut donc chercher, exiger la cohérence totale de tout, c’est le principe grec découvert et affirmé). Du discours métaphysique on est passé au discours ontologique ; d’abord le christique et ensuite Descartes (qui à la fois découvre et invente la formulation, qui ne crée pas la structure, qui était instanciée, mise en œuvre par quantité de héros et de créateurs du temps, mais Descartes qui manifeste et montre cet-être là ; il n’impose une « idée » ou un système mais présente et représente cet-être, cette structure réelle, dont chaque’un peut faire l’expérience ; c’est bien pour cela que ça se présente comme Méthode et récit existentiel).
A savoir que Descartes montre que la pensée elle-même que l’on tenait pour l’horizon en soi, est originée dans un système antérieur ; et c’est ce système antérieur qui déroute tout le monde, et ce par quoi on peut dès lors commencer de décrire le réel tel quel ; et c’est cette description qui est en jeu lors de toutes les philosophies et pensées postérieures ; Kant continue Descartes et Hegel rassemble toutes les phénoménologies (de l’historicité d’une part et du savoir d’autre part) à partir du point aveugle du micro système antérieur ; Husserl, Sartre et Lacan entreront bien plus loin dans ce micro système et qui commencera donc d’être décrit en lui-même ; on lit tout ceci comme si on devait y retrouver une description de l’être, ou de prolégomènes qui conduiraient « éventuellement » à l’être (de type kantien qui place l’être dans l’en soi dont on n’a aucune idée), alors que ces descriptions aboutissent à cerner la structure même telle qu’elle a lieu effectivement ; on est au-delà ou en-deçà des idées ou des systèmes et on est entré dans la structure même de l’attention à exister.
La structure manifestée par Descartes est celle-là qui va s’imposer comme réel dans l’historicité ; via la révolution ; la révolution est l’inscription dans le monde humain de la structure qui s’organise selon les deux principes liberté et égalité ; jamais l’un sans l’autre, sinon la densité formelle commence de tomber dans l’égalitarisme ou dans le libertarisme (des cités européennes grecques on aboutit à l’empire romain des USA ou l’empire ex-Urss).
Chacun hérite donc de la forme même de l’arc de conscience, tel quel sans groupe humain ; évidemment le groupe humain est seulement repoussé, il reviendra sans cesse sous différentes formes, et le plus souvent contraignantes voire totalitaires.
Cet héritage de structure doit, littéralement, se transformer tel le Saint-Esprit du christique ; le christ sépare chacun de tous les autres (puisqu’il est, lui, celui-là seul et unique auquel on a affaire) mais ré-unit tous ces chacuns, un par un, en esprit, en seconde main, par et dans une seconde articulation, un contrat en quelque sorte ; parce qu’une réunion qui serait une union, une fusion, est absurde ; elle annulerait qu’il y ait séparation de chacun un par un, et que toute la richesse est précisément que chacun soit « à lui-même » (via le christ, ou Descartes ou le sujet ou le citoyen, ou le moi) et que ce un-par-un s’ajoute, en plus, à la réalité de sorte que celle-ci s’augmente du réel : le schéma : réel/réalités, forme/contenus, structure/données et donné.
Il faut donc penser une communauté qui soit médié et non immédiate ; ça n’existe pas, il n’y a pas, n’y a jamais eu de communauté immédiate ; les mondes immédiats mayas ou égyptiens etc, étaient construits mais collaient tellement à eux-mêmes sans médiation que l’on croyait à ce monde ; nous ne croyons qu’à une seule dimension, la séparation, et donc à la ré-union qui n’effacera pas la séparation ; qui acceptera et énormisera le structurel : que chacun soit un centre actif indépendant enrichit le possible même et la révolution est, en dehors de tout a priori, la décentralisation du possible (qui n’est plus relatif à un roi ou à quelques uns ; nos rois du reste cherchaient, dans le meilleur des cas, à établir un contrat « mental » entre tous) ; décentralisation qui s’est réalisée par le libéralisme et que le communisme voulut étendre, mais on n’a toujours pas compris comment … apparemment en supposant une « nature humaine parfaite » et essayant de plier la réalité à cette universalisation idéaliste (le comble pour un matérialisme, qui donc laissait impensée la liberté et n’installait qu’une égalité abstraite noyée d’universel) ;
or on a vu que le réel système de l‘occidentalisation n’est pas l’universel ou la pensée seuls mais est la structure antérieure à l’universel ; l’occidentalisation vise plus loin, non parce qu’il y a finalité prescrite mais par et dans le jeu du mécanisme lui-même qui n’a nullement besoin d’une finalité autre que son mécanisme même ; la révolution n’impose pas la « raison » à chacun (laquelle ? on serait bien en peine de définir un quelconque corpus), donc c’est le procédé « cohérence » qui est en jeu et non quelque contenu relatif ; la forme « arc de conscience » n’est pas relative ; la cohérence st remise à chacun (de même que le christique par-donnait) mais à condition que chaque’un soit sa raison, ce qui signifie que chacun détienne ce procédé de cohérence et agisse en cohérence sans que cette dernière soit prescrite, abstraite et décidée on ne sait où par on ne sait qui ; le lieu de cohérence interne au sujet est réservée au sujet, mais à condition qu’il se considère lui-même comme sujet, séparé et autre, et assume finalement cette étrangeté : isolé, seul, sans rien mais unique intervention du réel pur et brut dans la réalité. A condition donc que chaque’un exerce sa cohérence laissée sa capacité ou à sa possibilité. Toutes les éthiques, esthétiques, poétiques, idéels ou philosophies nous exercent à cette cohérence qui existant en-avant de tout, antérieurement, couvre la totalité du champ du possible. Y compris ce corps et ce vécu et ce moi-même.
Rien ne contient un arc de conscience ; aucune représentation, aucun système de pensée ne s’y substitue, aucune identité ; ça ne signifie pas qu’il contienne tout, mais que tout le reste ne prend effet que de son ajout. De l’ajout de cet arc non pas de l’arc en général (ce qui n’a aucune signification, puisque arc désigne chaque’un) mais un par un ; pour une raison très précise que cela seul qui peut relancer quoi que ce soit ce sont les arcs individués, un par un. Tout autre désignation reviendrait à substituer à la forme un de ses contenus, au miroir /ses images, à l’intention /une de ses intentionnalités et donc à se couper déraisonnablement la source même. Après quoi plus rien ne serait possible ou après laquelle annulation tout irait en s’amoindrissant. Y compris dans la vie, le vécu le plus intime de chaque’un. On ne peut pas remplacer les sujets par quoi que ce soit. Les remplacer c’est annuler la source même ; ce qui veut dire annuler qu’il y ait quelque renouvellement du monde humain que ce soit ; se condamner, donc, à la répétition du même monde aux mêmes règles acquises, qui invinciblement finissent par tomber dans la dés-articulation, dans le gouffre de « cela qui ne s’articule plus » et qui ne peut plus que répéter le même monde ou s’enfoncer dans des motifs de plus en plus pauvres, ou avachis, ou immédiats, déterminés ; on croit progresser dans la détermination mais ça n’est pas la détermination qui vaut. Puisque l’arc de conscience antérieur à tout est l’articulation au réel même ; non à un contenu qui serait ‘le réel-même’ (dont on n’a aucune idée) mais à la position qu’un réel (autre) il y a.
Par exemple ; on va commencer à croire que le désir manifeste notre être, mais cela va nous condamner à une détermination absolument déformante de la structure et cependant les descriptions qui en seront données, du désir, en pensant exposer la crudité de cet être-de-désir manifesteront en vérité « comment l’intentionnalité se simule comme et en un corps » et ses objets. Ce sera la structure même qui observera, analysera, rassemblera toutes les possibilités de l’intentionnalité en un corps ; de même si prévaut la Volonté, comme force ; ça n’indiquera pas « la force » dont on ne sait pas du tout ce qu’elle pourrait signifier (sinon une figuration justement), mais toute la description commencera de décrire les volitions, les multiples cheminements de l’intentionnalité dans le monde, dans le monde de l’étrangeté, dans le monde rendu autre et selon les spirales de l’intentionnalité divergente ; par quoi elle conçoit, cette intentionnalité, qu’elle n’est pas assignée au conscient mais à l’arc de conscience ; bien plus étendue en son rayon d’activité et son rayonnement que ne l’est le conscient ; le conscient est la traduction 18émiste de la pensée en « raison raisonnable », de notre réalité en humanisation ; manière de transformer en personnalité (comme état) ce qui est un processus : la personnalisation en mouvement. Les objectivismes et les discours ou para-discours ne cessent de réifier les sujets.
Il est clair que l’on ne pouvait en rester à la saisie kantienne de la volonté et de l’intention ; tout ceci devait exploser et donc être renié. Mais cependant si on peut se défaire du conscient ou de l’universel, on ne peut pas abandonner l’arc structurel de conscience … puisqu’il est constitutif antérieurement à n’importe quelle pensée et image et perception et sensation ; et c’est lui qui se figurera et se recherchera via la Volonté ou le désir ou le langage, ou l’économisme et historicisme matérialiste, etc. Et ce mouvement d’une part afin d’examiner et de laisser remonter à la conscience que l’on a, les réalisations et les volitions qui sont déjà, mais aussi en cela que nouvellement acquise est la possibilité de créer, d’introduire dans le monde et dans l’humanisation de nouvelles possibilités et intentionnalisations, en remuant toutes les réalités, tous les corps, tous les vécus et cette étendue du mouvement, se montre partout et de toutes les manières accessibles.
C’est bien en cette logique que l’augmentation du monde humain qui convainquît tous et chacun, ne relevait pas unilatéralement d’une extension de l’universel (communiste exemplairement ou objectiviste ou étatiste) mais bien plus d’un déploiement individué, et donc non d’une extension mais d’une intensification, par lequel chacun décuplait son rayon d’action et d’activité ; cad décuplait l’intentionnalité du monde, du vécu, du donné et du corps. Et cette intensification ne prit pas ou ne reprit pas le chemin du christique mais tendu vers le donné là du monde, s’est inscrit renouvellement spectaculaire, en tant que densité ; puisqu’il ne s’agissait plus de se convertir par un-seul-corps-autre (le christ) mais d’investir ce corps-çi, de chacun, cette vie et de la désirer satisfaite, heureuse (ce qui ne vint jamais, sans renier en aucune manière les bienfaits obtenus) ; ce qui revient à dire de trafiquer ce corps, de le parcourir et de tisser en tous sens « des » possibilités telles qu’inaperçues jusqu’alors en quelque monde humain ou quelque pensée que ce soit et telles qu’inattendues par ce corps lui-même, intégralement bouleversé et outrepassé par la puissance de structure, jusqu’à possiblement l’éclatement de la coquille.
De là cet énorme engouement de toutes parts et cette diversité indéfinie des intentions, des projets, des entreprises, des organisations ; tout cela qui fut apparu depuis que, par la révolution, le Cadre général du réel fut inscrit dans l’historicité ; toutes ces réalisations qui ne s’étaient jamais manifestées nulle part en aucune manière ; toutes les possibilités qui se préparaient depuis des siècles et dont la forme, la formule se cristallisât par cet événement révolutionnaire. C’est le cadre Général institué par le système formel liberté-égalité qui autorise, permet tous les autres développements ; annuler le système formel liberté-égalité par une simplification libertariste ou communiste c’est réduire la possibilité et la tension et donc le possible ; le possible est dans les deux cas réduit, amoindri, voire écrasé et tombe alors l’historicité dans les immédiatetés du monde et pour les mois dans l’immédiateté de leurs vécus délaissés, absorbés par le détail du monde et du vécu, les intérêts de petites mains, les pauvres images faciles.
Il est clair que le Cadre Général, la révolution, celle de la liberté-égalité, considérée comme matrice du réel pur et brut, ne doit pas, ne peut être considérée comme acquise et figée ; elle est formelle (cela signifie que l’essence comme structure de l’historicité est révolutionnaire, de là que l’occidentalisation fut depuis le début des renouvellements incessants, à tout point de vue, politique, éthique, esthétique ou poétique, et selon l’humanisation et la personnalisation ; le champ absolu de l’expérimentation de la structure, du mécanisme de conscience se déployant et expérimentant).