Ce qui se montre et ce qui se cache
C’est donc l’abandon de l’ancienne ambition qui nous conduit dans le trou du cul du monde, pour ainsi dire, doté de l’impossibilité d’en sortir.
On veut dire par là que l’on aura beau chercher les mille et une raisons qui conduisent l‘humain, si l’on ne sort pas du donné là, du monde, de la détermination, de la causalité, du en fin de compte scientisme généralisé, on n’extraira du chapeau que des accumulations qui s’empileront sur la même structure sans parvenir à remodeler cette structure même.
Expliquons. Sciences et objectalités (les pensées ou les idéologies ou les techniques, y compris psychologiques, ou les technologies, en dur, etc, ou donc la marchandisation intégrale ou le libéralisme naturaliste, qui considère que notre réalité humaine est « naturellement » telle qu’elle est là dans le donné, et donc les économismes divers qui rament indécrottablement à penser l’économie, puisque originellement l’économie se fonde prétendument sur un donné naturaliste de la nature humaine … elle n’en sortira pas par ce côté là) se produisent d’une certaine position, ; celui du sujet (cartésien) mais en tant qu’il se nie ; qui ne retient de Descartes que la scientificité (et abandonne le Grand Sujet et sa pensée hyper objective, ultra réelle, son intensité, par laquelle Descartes remplace l’extensivité de la pensée métaphysique grecque, vers la pensée ontologique, ayant affaire à notre-être ici et maintenant, en chacun ici-même). Il vaudrait mieux dire alors que cette position se produit de Kant qui refoule le Grand Sujet hors du monde et hors de toute connaissance ; ce qui est absurde.
Kant croit que Descartes démontre un objet métaphysique, alors que Descartes montre un être réel réflexif … Kant croit que Descartes élabore un discours, alors que Descartes crée notre être (ou expose cet être qui se crée, en train de se créer, en acte, d’où la description in vivo de la méthode ; le moyen d’inventer l’être que l’on est, en le montrant dans sa puissance, littéralement ; dans sa suspension, son attentionnalité inversée, sa virtualité, son grand être potentiel).
Ce faisant Kant avance néanmoins sur le même chemin que Descartes … parce qu’il n’y a pas alors de stagnation ; une fois lancé, le chemin se crée lui-même et tandis que l’on croit le réguler en réalité on l’accélère … Descartes ne propose pas des « idées » mais montre une structure réelle agissante, qui agira, contre vents et marées, qui agira en tant que Kant ou Hegel (qui relativise tout en un point de négativité pure, au point que même tout retour ou toute réaction seront déjà encore pris dans l’avancée ontologique.
Bref. Ce que Descartes montre ; l’avancée ontologique d’un être qui installe son être réflexif sur l’étendue du monde ; ce qui redéfinit l’être comme tel ; comme monde-étendue-donné là. Et dont le sujet forme l’articulation très exactement « là », réelle et transposable pour quiconque (ce qui est en fait réalisé par tout le monde, chacun, et universellement ; Descartes est le roc sur lequel les vagues se brisent, parce qu’il expose un être réel et que l’on ne peut pas biffer cet être par des idées ou des idéologies, cet être est Réel). Etendue d’un côté, sujet articulé de l’autre ; il suffit alors de plier, re-plier le second sur l’étendue ; le sujet est le re-pli de l’étendue sur elle-même.
Des objectivismes ou des objectalités qui ne conservent que l’étendue (ou le donné, ou le monde, ou le moi dans un monde, etc), ils ne suffiront pas du tout à prendre le sujet, puisque celui-ci est le bord du monde, la limite du donné, le repli qui articule. Remarquons que toutes objectalités ou les objectivismes sont absolument utiles et continuent eux-mêmes le travail du sujet … que l’objectivisme absente le sujet ou que le moi l’ignore, peu importe, ce sera de toute manière le sujet qui travaille le monde, le donné, le corps, le moi, l’humain et l’humanisation, la représentation et le langage, etc, tout ce que l’on voudra.
Tout ce qui est produit est produit du seul point de vue réel, celui du sujet ; lequel n’est rien du tout, pure structure vide et formelle mais qui comme telle est bien au-delà et se nourrit de tous les objectivismes et objectalités.
De même ce seul-point du sujet seul réel, est tout autant ce qui anime furieusement, les grands sujets ; ceux qui démantibulent l’humanisation ou dépècent la représentation de l’humain, ou crèvent leur propre moi, ou abiment, jettent leur corps dans les abysses, ceux qui tentent de remonter dans, à l’intérieur de, de suivre la torsion de notre être. Lequel loin, très loin d’être raisonnable selon la raison aplatie ou naturel selon les humanismes de bon aloi, lequel être est une abomination, est un Effroyable.
Notre être est littéralement et dans tous les sens, in-compréhensible.
Parce que c’est lui qui comprend.
Il n’est pas incompréhensible par la négative et s’en désespérerait,
il est incompréhensible par une raison positive ; parce qu’il est « cela qui comprend »… Et cette positivité en vérité est encore plus redoutable ; parce que sinon il suffirait de désespérer, ce qui est très commun, alors que puisque l’effectivité en est positive, elle nous exige de la comprendre.
Le déchainement des objectivismes et des objectalités (rappelons que l’objectalité est tout autant que le moi soit capable d’un objet, ou incapable et donc dans le marasme le plus dégradant ou terrifiant, mais aussi la projection de son être de moi dans et par des images idées, qui ne sont pas et ne parviennent pas à devenir des idées images, et qui tombent dans les choses naturelles d’une part, et dans les objets produits, d’autre part, dans le donné là, étant dans l’impossibilité de s’admettre comme sujet, lequel est de toute manière impossible, sauf qu’il peut faire-avec-lui-même comme dit Lacan J )
Le déchainement d’un tel monde dépenaillé, qui s’épuise et mortifère (pour la conscience-de) et mortel littéralement dans ses catastrophes annoncées, n’a d’autre ressort que l’avancée de la puissance de structure de notre être, qui ne sait pas, ne parvient pas à se-saisir de lui-même, parce que précisément il est impossible de s’en saisir, il faut en être-saisi…
Passivement. Et ceci est la puissance, la puissance est ce qui s’autorise d’être saisie, stupéfaite et terrassée. La puissance est d’en être capable. Parce que « puissance » ne signifie pas pouvoir, mais potentialité. Le potentiel est la dimension qui se tient encore au-dessus du virtuel, lequel virtuel est au-dessus du possible, et le possible au-dessus de la réalisation ; or les mois et les non-sujets (de la science) ne s’existent pas même dans la réalisation, mais dans la … réalité, la réalisation morte.