Le devenir humain planté comme un clou
La pensée mythologique consiste à prendre en une fois tout ce qui vient et à en élaborer une synthèse. Pour cette raison elle aboutit à chaque fois à construire un monde particulier. Il est localisé. Il a saisi ceci et cela qui apparait dans son monde, et en formule quantité de règles. Comme il admet sans distance « ce qui arrive » en ce monde, il crée une distance suprême dans l’architecture complète de son monde (jusqu’à s’élever très haut dans l’abstraction de et pour et par ce monde là). Il est en une fois et donc est langage-groupe-monde donné « là » ; le langage est au centre mais aussi les échanges et aussi l’apparaitre de ce monde ; c’est un seul et même flux qui se parle-échange-perçoit. Comme nous existons nous dans la séparation (et non la synthèse) et donc dans un seul monde unique (non particulier) nous ne comprenons plus un tel monde mythologique ; puisque nous ne le vivons plus.
La réflexivité est ce qui est venu rompre la synthèse ; il est donc un dépassement du langage, du groupe et du donné là (le monde particulier ou le corps ou l’échange de choses-ayant-sens, etc).
La discipline qui réfléchit sur la réflexivité se nomme elle-même philosophie mais la réflexivité existe en d’autres domaines et s’étend considérablement et notamment elle produit la réflexivité chrétienne qui prend en charge qu’il existe une (hypothétique) conscience dernière qui les rassemblent en elle-même (chacune) et toutes (par delà les divisions qu’imposent le monde, et le monde ne peut qu’imposer des divisions, tandis qu’en esprit il faut les dépasser et réunir les consciences en tant que consciences).
L’universel grec est le sommet de ce qui est pensable universellement ; la dernière conscience indéfiniment réelle est effectivement « ce qui reprend notre être au-delà de tout ce qu’il peut ».
Sinon on ne voit pas pourquoi ces deux réflexivités se seraient imposées.
Si l’on veut faire naitre la « pensée moderne » hors du champs des deux réflexivités, on se rabat sur les pauvres définitions du « sujet » moderne (hors philosophie) d’une part et d’autre part sur les sciences ; sans s’apercevoir que les sciences n’existent que parce que philosophiquement l’idéal de connaissance est fondé et que d’autre part le sujet n’existe que de sa dé-couverte de soi, laquelle est portée par la dernière conscience (celle qui survit aux monde, donné, vécu, immédiateté, désirs, image de soi, etc).
Sciences et sujet (le moi, la subjectivité) qui paraissent former tout notre horizon, relèvent en réalité d’anciennes positions prises ; et il ne se peut pas que sciences et sujet puissent continuer la lancée sans que soient comprises les réflexivités en question. Les sciences et le moi psychologique aboutissent à un enfermement ; or ça n’est ainsi que le devenir s’est intentionnalisé.
Le devenir du moi est stagnant (il est voué à la mort, évidemment de fait, mais mentalement il est mort), et les possibilités des sciences referment tout sur la seule détermination.
Ce qui signifie que l’ancienne ambition ne consistait pas à se satisfaire du résultat immédiat, des sciences ou du moi (le moi, la personnalité est un effet constatable). Elle poursuivait, contenait un système formel en développement.
Les acquis de ce système sont utilisés afin de figer le déploiement ; tous les mondes humains de ce monde (rendu) unique sont fixés dans l’acquis de la démocratie libérale (plus ou moins libérale et selon cent modalités ou encore en d’autres caricatures), alors que l’essence de la démocratie n’est probablement pas encore réellement réalisée.
Autrement dit l’essence de la démocratie n’est pas d’être libérale à toute force ; cela en est une variation ; de même que l’Etat n’a d’essence réelle, d’idée véritable que celle de la démocratie. Démocratie est l’idée des idées.