Recherche de la fondation du réel par lui-même
Jusqu’alors l’espèce humaine utilisait un mécanisme (l'activité de conscience) pour représenter le monde, en tant que mayas ou égyptien ou hindouiste. Mais il fallait bien que cela arrive ; c'est tombé sur les grecs (disons que ça s'est cristallisé par les grecs, mais ça ne leur appartient pas ; ça nait en fait autour de la méditerranée, Moyen-Orient compris ; des monothéismes aux gnoses post chrétiennes et chacun sait que la pensée chrétienne reprend totalement la pensée grecque, enfin presque ; la pensée chrétienne reprend la pensée grecque parce que l’une comme l’autre sont effecteurs de la réflexivité qui commence d’envahir toute l’humanisation ; une humanisation hors sol, sans territoire, sans peuple, qui compte chaque conscience une par une, séparés par le christ, le corps du christ et réunis par lui ; incorporation du Un abstrait et tout Autre qu’était le dieu juif, la formule Une). Il fallait bien que le mécanisme de conscience donc, tout à coup, prenne conscience de lui-même comme mécanisme ; ce qui donne les Idées ; les idées sont des intentionnalités (de conscience donc).
Cette distance ainsi introduite ne se perçoit pas spontanément ; on croit que les grecs proposent La Vérité ; alors qu’en fait ils proposent des systèmes ; des systèmes d’idées, ce qui veut dire d’intentionnalités ; par-dessus les groupes humains chaque système fait appel au jugement, à l‘élaboration intentionnelle dont chacun est capable ; le défilé des systèmes doit venir augmenter à chaque fois l’intention vivante de chaque arc de conscience, qui ne se clôt jamais et qui réclame constamment, continuellement une Formule ; l’être, comme surgissement de ce qui est déterminé et pensable, pour les grecs (de là que pour eux la perfection est la détermination, la clôture, la définition) ; ou dieu pour le monothéisme, en tant que dieu est la décision antérieure à tout monde et qui se communique de conscience à conscience et en tant que formule parfaitement vide , cad formelle, libère ; il libère les juifs et par le christ il libère chacun à partir et pour cet-autre-corps. Ce qui est fondamental.
Mais ça ne se limite pas aux idées (de la pensée antique, qui avancent très loin dans le forçage , dirait Badiou, de l’invention intentionnelle des idées jusqu’au Un plotinien, pour le dire).
En plus des idées c’est non seulement la pensée qui s’invente là, mais la réflexivité ; la réflexivité crée l’esthétique, l’éthique, la politique, les sciences antiques et donc grecques, l’humanisation, etc, et au sein de ces maelstroms complets chacun, il est en plus la philosophie qui réfléchit sur « ce qui arrive » ; la réflexion (philosophique) s’effectue sur un mouvement pluriel, la réflexivité, mais est elle-même prise comme invention ; elle ne réfléchit sur un donné dont elle formulerait le discours ; ce discours est lui-même absolument inventif et crée le chemin qu’il réfléchit ; il le crée et le décrit et décrit sa création.
Tout le pensable fut donc pensé, mais comme la réflexivité est plus étendue que la réflexion, il devenait tout à fait logique de rechercher la fondation de la pensée, en autre chose que la pensée ; soit donc en dieu ; la pensée chrétienne vient ajouter sa dimension à la pensée grecque ; et come cela ne suffit pas encore il viendra Descartes, Kant , Hegel pour avancer dans cette fondation ; et puis encore Husserl d’une part et Nietzsche d’autre part ; et enfin Sartre qui réduit la voilure de Heidegger et Lacan qui installe fabuleusement le vide, la forme au cœur du corps ; la ligne de séparation interne-externe.
Cette réflexivité est ce qui vient au premier plan (outre que la scientificité se développe, et le droit, et l’acculturation, etc) est ce qui vient avant la pensée elle-même ; Descartes, Kant, Hegel, Husserl, Nietzsche, Sartre, Lacan ; qui tous déportent l’attention à partir de la pensée (et compte tenu de la pensée, pas en dehors ; Nietzsche est hyper rationnel, de fait, il décrit avec sa théorie bizarre des mouvements réels), l’attention vers ce qui est antérieurement à la pensée ; et antérieurement il existe une structure, formelle et vide. De même Descartes apparemment « objectivement » propose une définition relativement nouvelle de la vérité, etc, ce genre de choses, mais en fait il invente hyper-objectivement (selon la même logique de travail de la philosophie depuis le début ; se placer au-dessus de la réalité à partir du réel) invente donc un nouveau sujet, une nouvelle structure, une nouvelle attention (et il le dit ; j’invente une suspension de notre être absolument originale), qui interroge, interpose entre soi et soi de la conscience. Ceci est la recherche de la fondation ; sur quoi se fonde que l’on puisse penser, que l’on puisse intentionnaliser ?
Par cela on voit que la question est ; sur quoi prend-on appui pour non seulement penser, mais pour être à ce point autre que ce que nous sommes ? autre que le monde, autre que le corps, autre que même les idées étant donné que nous prenons conscience, ou donc distance de tout cela et en réalité distance de tout ce qui est ; nous sommes à distance de tout ce qui Est ; cela veut dire que nous ne sommes pas dans l’être. Raison pour laquelle ensuite on a cru devoir admettre que du néant nous prenons position et que cela doit être bien douloureux parce que nous souffrons, nous souffrons de la douleur structurelle, celle que l’on n’explique pas, qui ne vient ni du corps, ni de la pensée, mais du dedans ; de la douleur absurde et incompréhensible, et radicalement insituable et innommable.
C’est la description, la pluri description, de cette structure qui est au centre de la philo ; c’est objectivement qu’il devait exister une réflexion (b) sur la réflexivité (a) ; il faut jouer des deux petites lettres, pour laisser comprendre que la réflexion est autre chose que la réflexivité, et que la réflexivité est-avant la réflexion ; que la question de la fondation est celle de la distance, de sa raison d’être, de sa finalité, et surtout de sa possibilité ; si on ne saisit pas ce sur quoi nous existons, qui nous permet d’exister à distance de l’être, de tout le donné là, on ne s’en sortira pas. On interchangera des solutions de remplacement, mais comme aucune n’accrochera la différence (entre nous et nous-mêmes, entre nous et quoi que ce soit) notre action, activité glissera à côté.
On pourra croire qu’il s’agit du langage, par ex, ou de la physiologie, ou de l’économie, mais ce seront toujours autant de symptômes qui échapperont au circuit réel de conscience structurelle. Tant que l’on n’a pas compris la fondation de la représentation en général, des idées ou pensées spécifiquement, on restera incapable de distancier notre être. C’est en ceci que la grande révolution fut celle de Hegel ; il a vu et compris grâce à Kant qui s’approche jusqu’au bord de notre être qu’il délimite par le nouménal, que la fondation est entièrement ici même ; le retournement est certes Descartes et puis Kant, mais le réel saut par-dessus le vide est hégélien ; que le vide se produise lui-même.
Ou, ce qui revient au même, que le formel engendre le formel ; ou encore si l’on préfère que l’arc de conscience s’engendre par le réel. Parce que la circonvolution continuera de se chercher ; Husserl, Nietzsche, Heidegger, Sartre, Lacan creusent le cheminement, et donc aussi l’engendrement ; puisque la réflexion, philosophique, est aussi elle-même non seulement réflexion passive sur notre être (lui offrant le copié-collé de la raison) mais cette réflexion s’entraine dans la réflexivité et augmente notre structure ; la philosophie travaille à même la structure ; augmente l’épaisseur du bord du réel (de même que l’esthétique, éthique, politique, poétique, idéel augmente la perception, l’humanisation, de même que la personnalisation augmente le corps, qui craque par tous les bouts, et ce à partir du même bord : il n’en est qu’un seul).
Que le formel engendre le formel est la position hégélienne, qui y parvient par l’entremise de Kant qui renvoie la détermination à elle-même ; il n’est plus de fondement intérieur à la détermination ; mais comme la philosophie est dans son principe structurel de saisir ici et maintenant tout ce qui est (sans reste au-delà), c’est donc que la détermination est générée par un formalisme ; le formalisme est impératif puisqu’il est une distance, sans laquelle aucune représentation ne serait possible.
Lorsque la réflexion sur la réflexivité atteint Descartes en réalité la réflexion devient elle-même intégralement réflexive ; en ce sens qu’elle conçoit que le cercle est ici même (par René donc, même si il introduit dieu dans le circuit, puisque la volonté est infinie elle est entièrement ici et maintenant) ; mais quelle sorte de monde, d’étendue, de réalité, de réel, d’univers peut contenir une structure étrange ? L’interrogation quant à cet-être étrange, que nous sommes ou par laquelle distance qu’il crée nous sommes, se restructure instantanément selon le temps, ou en fait si l’on va plus loin, selon l’exister ; elle devient intégralement réflexive mais elle ne le sait pas encore, bien qu’elle s’en doute … parce que la structure étant formelle est instantanée ; le réel est effectivement instantané, ce qui visiblement n’interdit pas du tout qu’il soit radicalement distancié par lui-même, de même que bien que Une notre structure soit divisée absolument en sa forme même et que sa forme même n’existe que de cette division.