Des libertés dans tous les sens (non sens compris)
Il ne s'agit pas tant d'éthique, je crois (au sens de morale) ou alors d'éthique au sens strictement individuel ; à savoir que la grande révolution a consisté à passer d'une légalité morale (à fondement religieux ou communiste par ex) à une logique des libertés ; ce en quoi consiste le droit ... Le droit me parait en son essence même une logique (quasiment au sens propre ... sauf que l'élément de base n'est pas le Un ou l'identité a=a) ; et c'est cette logique dont à vrai dire on ne sait pas quoi faire ni comment la prendre ; en quel ensemble va-t-on englober le libre ? A passer donc du "ce qui n'est pas autorisé est interdit" à "ce qui n'est pas interdit est autorisé"
Imaginons que le libre inscrit dans le droit (qui tend à tout remplacer des codes de jadis ; d'où l'envahissement des règles de toute sorte) est un logiciel, un simple logiciel ; il ne comporte pas en lui-même ses "valeurs" (d'où la prolifération des dérapages individuels ; l'atomisme des sociétés, l'agressivité et l’augmentation des maladies mentales (oms), les délires privatifs (finances et autres), le consumérisme, etc). Le logiciel est abstrait et ne comporte rien ; il s'applique en fonction de ce dont on le nourrit ; le logiciel déroule sa puissance (qui est indéfinie, sinon l'appauvrissement des ressources ou l'épuisement humain ; ce que l'on constate tous les jours). On n'a pas réfléchit (ou si peu) quant aux finalités du logiciel (qui, mécaniquement, s'en fout ; d'où notre impuissance).
Il est donc vrai que la « société » (cad en somme les instances de pouvoir ; et pouvoirs au pluriel puisque il est apparemment de la nature d’un pouvoir d’entrer en connivence active avec tous ses confrères en pouvoir, pour ainsi dire, ils font cause commune spontanément et fondent l’aliénation) nomme « libre arbitre » la simple incohérence des êtres libres non intelligents (cad non reliés), et que cela profite aux pouvoirs. Non seulement parce que chacun est isolé et dans l’atomisme généralisé, mais parce qu’il n’est aux libertés pas de finalités définies explicitement ; aussi les libertés ou le système abstrait général des libertés emprunte-t-il diverses finalités exportées de çi de là. Le corps, la nature, l’homme générique, la psychologie du donné « là », les moralités anciennes, les rôles plus ou moins repris et bricolés selon les alternatives du moment, etc. Mais en aucun cas une pensée théorique et réelle de l’architecture des libertés entre elles ; à croire que la liberté est seulement d’accentuer le libre jeu de tendances, de désirs, de besoins, donnés « là » comme monde et ne porte aucune finalité.
Cette liberté faire-valoir, soit donc la définition abstraite de la liberté, ne creuse absolument pas sa nature, son être, son existence même. Elle est constatée ou vécue comme telle, sans plus, sans plus d’intelligence, de réflexivité.
L’irréflexion quant aux libertés est du même acabit que l’indifférence quant à l’universel ; on a posé historiquement au travers de la révolution unique (il n’y en eu qu’une, partout, plus ou moins elle-même achevée et poussée plus ou moins à ses limites ; la démocratie libérale) un état donné de l’universel identique à une liberté « là » constatée. Il n’est pas de dynamisme qui soit pensé du libre ou de l’universel.
La réflexion se déplace donc dans la folie ; chacun est amené à combler, nourrir, abreuver, l’être assoiffé de sa liberté ; est amené à penser, et chacun pense comme le libre logé absurdement en un corps, une identité, peut, est en mesure (faible mesure) de penser ; il utilise ce qu’il a à porter de main, les finalités immédiates ou basses ou faibles.
Les anciennes résolutions du problème central, unique, du libre, en tant que ce libre est un être (et non en tant qu’il est simple fonction de ... tout autre chose que lui-même), ne fonctionnent que relativement ; l’universel ou le devenir conscience s’éteignent aux porte même du libre réel, pur et simple (que chacun est).
De sorte qu’apparemment celui-ci n’a plus d’autre possibilité que de revenir au monde même tel que là et tel qu’il peut lui soulever ce monde, le porter et l’admettre et l’inventer à partir de ce « là » (qui n’est pas du tout négatif en soi , excepté que d’y stationner paralyse le devenir plus loin de la structure), et cependant lorsqu’il s’appesantit comme monde, donné ou vécu, il le travaille et cherche à disposer son être réel, son corps, sa personnalisation, etc, afin de se rendre capable de plus grand que lui ; soit le dénommé sujet ; celui qui reprend l’universel et le devenir conscience en propre, qui continue le devenir structurel, qui se constitue du réflexif.
On conçoit la liberté comme la possibilité de faire valoir notre individualité, (le vécu, le relationnel, le bonheur, etc) ou comme fonctionnalité (d'une psychologie, d'un moi, de physiologies, de désirs, de réalisation de soi, etc). Mais on ne conçoit pas le libre comme étant en lui-même une vérité, ce qui veut dire ; qui porte en soi son propre programme. De même l'universel fut réalisé ; Etat, droit, sciences, culture universaliste, etc ; mais abstraitement (cad hégéliennement). Le 20éme est en ce sens le "remplissage" du cadre abstrait ; sauf que l'universel est arrêté, figé, non continué et l'Etat est dépassé par (tout le reste) tout comme les libertés sont vides et cherchent leurs finalités ; et plus il se manifeste, s’exprime, se montre, s’expose nos contenus (d’où l’inflation monumentale des médias, du cinéma début 20éme à facebook) plus le libre se creuse de perdre tout contenu.
D'une part les libertés tournent comme des poulets sans tête à ne pas savoir en quoi s'investir (d'où la multiplication indéfinie des désirs ou des maladies ou difficultés mentales), et d'autre part il est également quantité de libertés qui se réalisent (comme éthiques, morales, politiques, idéel, esthétique, etc, du reste les mai68, de toute la planète, d'hier et d’aujourd’hui, se fondent en cet engouement des libertés). Or dans le devenir général du libre (c'est de cela dont il est question) on n'en a pas encore vu la fin ; le propre du libre est essentiellement qu'il se propage. Le libre n'est pas le "n'importe quoi" ou chacun de par soi ; il est, en essence, de devenir (et n'est pas un "état de chose" soumis aux sciences par ex).
De même que la philo a pensé (très exactement et pluriellement) les conditions de vérité (sans préjuger de quelque vérité que ce soit) de même elle est depuis Descartes à saisir les conditions du libre (puisque la philo est antérieurement à Descartes dominée par la vérité comme horizon et par le libre comme horizon après Descartes). De sorte que l'on peut lire "ce qui s'est passé" depuis Descartes (de Rimbaud à Nietzsche, de la psychanalyse aux sciences hu) comme conditions de cet être non évident, étrange, à peine existant qu'est le libre pur.