Manquement de la dite raison
Il n’y aura jamais et en aucune manière une résolution ; une résolution de notre être. C’est de commencer de contrôler, maitriser cette irrésolution qu’introduit la pensée, qu’elle soit ancienne d’autres civilisations ou qu’elle prenne l’autre voie manigancée autour de la méditerranée ; pensée grecque, christique, cartésienne ou de l’altérité.
Déjà l’impérieuse pensée grecque par son radicalisme nous met sur la voie ; ça ne sera pas facile. Pourtant la pensée selon l’être, cette formule invisible, tente plus ou moins de nous le rendre sympathique ; mais on voit bien comme énormissime doit se surintentionnaliser l’être, jusqu’à Plotin et le Un au-delà de l’être, tournoiement sans faille. Au point que nous autres qui sommes engoncés dans la facture du moi, dans la formalisation de l’identité personnaliste, pouvons encore difficilement saisir ce que par la Pensée qui entoure tout l’existant et augmente de son point magnétique toutes les manifestations, on pourrait atteindre.
Non il nous faut la division ; celle que le ramener ici et maintenant exige ; la division sujet-objet ; ou son entrelacs commun, le désir. Dont on sait bien pourtant qu’alors c’est l’objet qui nous désire, que plus on croit s’écarter du moi par ses désirs, plus l’objet nous absorbe et nous pense. C’est une solidité irréelle qui nourrit ce que l’on nomme « désir ». L’objet du désir contiendrait une quelconque révélation.
Mais si notre être est la coupure radicale du sujet, qu’il soit d’abord le sujet de la pensée (qui parvenait à s’étendre de l’universelle intentionnalisation, la pensée) ou le sujet réflexif qui admettait sa coupure (et qui à partir de Descartes se sait méta, « après », après lui-même, observateur, et regard-autre sur lui-même ; transformant notre être, qui était humain, assigné à l’homme, créé de dieu, notre-être en cet-être, posé là, sur la surface du monde, l’étendue mathématisable),
il n’est plus question de désir à proprement parler ; la nature stricte et réelle de notre être est la séparation ; c’est cette séparation qui doit se légaliser, se penser, s’administrer ; sinon on continuera de désirer dans des objets (ou des discours clos, objectivistes) la puissance antérieure de la structure de cet-être ; or la puissance de cet-être ne se retrouvera en aucune chose ou autre être donné là dans le monde.
Si il ne peut pas se retrouver en quoi que ce soit, on comprend bien que les anciennes pensées, qui présagées que l’absolu est au-delà, reprennent une possibilité suffisamment cohérente. Mais la voie ouverte autour de la méditerranée, a, quant à elle, vraiment performé et s’est avancée sur le fil du réel. Rappelons que si l’on définit l’absolu comme étant ici et maintenant (christique) ou ici-même (grec), cela conduit à distinguer la réalité du réel, le monde de l’être (comme Idée des idées, grecque), les contenus de l’arc de conscience, la détermination de l’exister, et finalement l’être (comme donné là cette fois) de l’exister (à quoi aboutissent toutes les possibilités ouvertes par la métaphysique de la pensée, la variabilité de l’intentionnalisation et ouvertes par l’ontologie, la restructuration de la pensée en son origine de sujet impossible, cartésienne, qui cette fois décrit cet-être là sur le là déployé du monde).
Autrement dit on ne pourra réellement que suivre la voie ouverte du Un et non pas revenir à l’hors-réel de l’absolu. Et il se trouve que si la pensée, la philosophie découvre ce décalage que nous sommes pour nous-mêmes et pour tout ce qui est (nous sommes en plus dans le donné), cela dresse soudainement dans le donné là du monde, une anfractuosité ; laquelle pour être délimitée, située, définie peut-être, requiert tout ce langage en-plus que crée la philosophie afin de marquer son repérage sur, hors, en plus du donné (du monde, du groupe, du langage commun, etc). Chaque mot en plus repère différemment le chemin ; la philosophe est un stalker, et sa cartographie est mouvante, parce que c’est par, autour, vers le cheminement de chaque arc de conscience objectivement arcbouté sur, vers, par le réel (qui n’est pas la réalité) que se dessine le Bord du monde, de la réalité, mais aussi du vécu et du corps.
C’est ce cheminement dit ontologique ; en ceci qu’il touche à même notre structure et la re-configure instamment à chaque fois, par Platon ou Plotin ou Descartes ou Kant ou Nietzsche et Heidegger, etc, et ce non pas en colmatant selon telle ou telle détermination (expliquant le donné par le donné) mais reconfigure le rapport, la position de notre arc sur le réel, et que c’est ontologiquement la forme même de ce Réel, de cet être réel sur le réel, que cela trame, se trame dans la dimension même du réel, sur le côté, sur la limite du monde.
Avancer selon Plotin ou Descartes ou Heidegger, c’est avancer sur le fil qui sépare la réalité et le réel ; c’est modifier la pointe d’attention qui s’actualise à chaque fois. Or un moi, soit donc la formulation adéquate en laquelle nous sommes pris, peut difficilement se quitter ; substituer à ce qu’il croit être, une identité (qui est en fait un contenu de conscience), la pointe d’attention de l’arc de conscience qui n’est rien, qui est nue, rien non comme manque et défaut dans l’être (comme on peut l’interpréter si on demeure « qui l’on est », si l’on tient encore à « soi »), mais qui est dans le réel la seule forme réellement existante ; tout moi n’est en fait, si l’on se tient de la dimension, que sa forme de conscience vide et formelle.
Laquelle n’est donc pas sans rien et dépourvue ; toutes les consciences arcboutées qui furent sur la cartographie du réel, de Parménide à Lacan, explore le fil du réel. C’est de la reprise de ces explorations sur le fil que l’on peut advenir à la récupération de notre être réel, plutôt que de le laisser s’envenimer dans le donné là, le monde, le désir et son objet ou la détermination. Ça n’est pas la confrontation à la détermination qui empêche d’Exister, c’est l’absence de soulèvement par-dessus la détermination, qui croit qu’elle finalise, clôt la réalité alors que la réalité se poursuit par le réel, et qu’elle croit par ailleurs que toute transcendance sur la détermination revient à une illusion ou une facilité, sans s’apercevoir de la validité des descriptions philosophiques qui inscrivent la situation existentielle et au fondement ontologique de notre être ; traitant notre être comme une détermination, interprétant que la structure réellement existante d’arc de conscience soit « idées » ou représentations et non pas forme existant en elle-même.