Profondeur de l’angoisse
Avant d’avancer dans l’exceptionnalité de l’arc de conscience, on fera un petit détour dépressif par le gouffre invincible de la structure de notre réalité humaine ; ce qu’autrefois on nommait négativité (Hegel), ou néant (Heidegger) ou néantisation (Sartre) ou coupure (entre autres, Lacan, et Freud « castration », ce qui est tout à fait bizarre , mais bon il y a des raisons à cela).
Ensuite viendra le commencement du début de la sortie du marécage mortifère. Mais il faut bien saisir ce qui nous meut ; soit donc un mouvement.
On dresse donc l’architecture de ce qui, en acte, toujours en acte, s’élabore comme champ intentionnel, tel qu’un arc de conscience s’arc-boute dans l’arc du présent et par lequel il lui faut, à cet arc, se rendre réel. Ce qui veut dire entrer dans son propre champ (qui est habituellement occupé par des choses, des êtres, de la détermination limitée, la représentation du groupe autrefois, jusqu’à que naissent le christique et Socrate, à qui ils ne le pardonneront pas) et qu’il puisse, cet arc, en entrant dans sa propre possibilité, non plus user de mots mais de signes ; de sorte que l’architecture puisse lui apparaître et il nomme cela selon les signes ; dieu, pensée, sujet, réel.
(on sait que les juifs passèrent leur temps à refuser dieu, à reformer-un-groupe, de même que nos sociétés (qui sont dans le même-monde, de la révolution qui est unique, partout, avec variantes), nos sociétés veulent oublier, anéantir la structure révolutionnaire qui sinon créerait du structurel ; liberté ET égalité ; en lesquelles sociétés on réinstalle l’exclusivité ; ce ne sont pas les valeurs secondes en elles-mêmes qui posent problème mais qu’elles annulent la structure)
Dieu, on sait de qui il nous vient (ou à qui il s’est communiqué). La pensée court de Socrate à Plotin (le Un qui émane comme réalités) puis passe dans la théologie (qui « simule » la pensée de dieu, la pensée à propos de dieu et la pensée qui est celle de dieu). Le sujet commence de Descartes en passant par Kant, Hegel, Kierkegaard, Husserl, Nietzsche et Heidegger, puis Sartre jusque Lacan.
Ce qui creuse toute vie en existence, par quoi on a toujours cessé d’être un vivant. Secret que nous livre Lacan qu’il y a une chaîne de signifiants qui coupe le corps, du vivant, en deux, de telle sorte que l’on se tient toujours dans la conscience du/vers le corps (par quoi il y a un corps, pour nous et que nous ne sommes donc pas), et que cette coupure est à jamais éloignée puisque c’est par elle qu’il y a un « moi », et que ce moi ne peut s’annuler pour saisir la division qui le crée.
Dit autrement ; « on s’est vu » de l’extérieur et cette Autre (vue) est éloignée à jamais ; le « on » qui nous a « vu » est et n’est pas « notre » conscience, mais l’acte de conscience purement générique, et d’autant plus perturbante (et notamment non-situable ; il se peut par ex qu’un objet nous Voit, et nous jette dans l’épouvante ou l’angoisse).
« on est vu » est cela même qui nous tire du seul vivant et nous projette dans l’ex-sistant ; et non seulement cette extraction nous coupe de la vie, mais de plus cette conscience-autre est elle-même la plus absolue division possible pour cet arc de conscience ; toute conscience est en elle-même structurellement scindée, et cette scission n’est pas un épiphénomène ou accessoire, mais est la structure même du réel. Le réel est ce qui va plus loin que lui-même, est un rapport.
Mais peu importe parce que c’est le champ (de signes) que crée cette division qui vaut. La conscience générique qui nous Voit, deviendra, selon un plus ou un moins, l’acte en propre de conscience ; dénommé le-sujet. Soit donc le rapport plus grand.
Ou encore ; ça n’est pas la ligne de coupure des signifiants qui crée la conscience (tel que Lacan par son a priori anti-conscience le suppose) mais il y a une ligne de signifiants parce que la cervelle (ou dieu ou ce que l’on voudra) crée une conscience, une intentionnalité ou encore un rapport (de tous les rapports qui suivront).
Celui qui ne peut pas supporter ou intégrer la coupure mélange les signifiants et les perceptions (il hallucine, à tous les sens du terme). Celui qui intègre la coupure (bien que cela soit impossible, inacceptable, mais pourtant c’est la règle) se-perçoit, relativise ses perceptions, peut les exprimer, et les reformuler avec d’autres mots, et il n’est pas coagulé avec tels ou tels signifiants qui attirent comme des aimants et empêchent qu’il y ait de nouveaux désirs ; rappel que pour Lacan le désir est la concrétisation de la castration, de l’extériorité, du regard du point d’autrui ; le désir coincé est celui qui tourne en rond et se répète. Mai cette conscience qui intègre la coupure est de fait et par structure autre qu’elle-même ; il n’y a pas Pierre qui se sait (comme si la conscience était la fonction d’une identité) mais il y a Pierre parce qu’il est né, Pierre, dans le champ de cette conscience. Donc l’existence précède l’essence.
La terrible possibilité « d’être perçu » est ce qu’indique la nature absolument spécifique et très excessive de l’arc de conscience ; qui est rapport et dont l’autre terme manque toujours (que ce soit le terme initiale, le contenu ou le terme aboutissant) ; dans un rapport on ne sait pas « qui voit » ; l’arc de conscience est non situable (il n’est pourtant pas insituable puisqu’il est cela qui dispose les champs, et pour cela « il n’y a pas de hasard » en psychanalyse, et dans le reste du monde et des vies non plus, ceci sans tomber dans l’excès évidemment, nous percevons en tant que vivant quantité de phénomènes mais le ou les noyaux sont très cohérents ou concentrés).
Dit autrement ; on ne sait pas qui pense ou qui juge ou qui entre dans notre conscience-de ou qui perçoit ni quoi. Ce sont une bonne partie des perturbations que relève Sartre et Lacan conduit encore plus profondément la division.
Excepté selon le regard dé-tourné par dieu, la pensée, le sujet ou le réel qui ramènent dans le champ tout en n’y entrant pas… c’est pour cela que dieu, l’universel, le sujet ou le réel sont des opérateurs tout à fait formels et pas du tout concrets. Si on dit par ex que le sujet c’est « la volonté » on redescend d’un degré (Descartes danse d’un pied sur l’autre ; la volonté sceau de dieu en nous ou la pensée, comme dispositif général de volonté, image, imagination, sentiment, troisième corps, ça n’est pas décidable dans sa vision ; il faut obtenir l’activité de conscience intentionnelle, qui n’est ni image, ni langage, ni concept, etc, mais qui ouvre tous ces champs-là, dans lesquels tout (ce que l’on perçoit) apparaît).
Les mois, ceux des temps modernes, tournent en rond et il y a une « psychanalyse » qui s’invente et vient extraire ces mois de leur ‘moi-même’ fixé, de même qu’auparavant telle ou telle croyance ou foi ou engagement (on pense à la nation, au christianisme, à la révolution) venaient déjà tirer les mois hors de ce moi-même embourbé, pataugeant dans son bricolage, qui ne tient qu’à ceci d’imaginer sa satisfaction (laquelle satisfaction se démultiplie dans des objets, de désir, afin de faire tampon vis-à-vis de la jouissance, qui est l’horrible imaginaire de la satisfaction hallucinée, dévorante).
La jouissance, horrible, c’est celle qui sera écartée, oubliée, refoulée, par la capacité de désirs différenciés et c’est aussi et à l’origine celle qui est supposée au regard, au sens où LE regard qui vous Voit, vous le supposez absorbant une infinie satisfaction (tandis que vous vous contentez de petits désirs et petits objets qui occupent le temps en somme, avant de mourir, ou qui découpent la jouissance horrible afin de supporter l’intention dévoratrice). C’est ainsi que les objets ou tel autrui ou tel signe s’empare par imminence de l’horreur et oubli de sa possibilité. Si le regard est isolé dans un-objet il disparaît. La jouissance c’est le pour-soi/en-soi de Sartre, ce par quoi il désigne dieu.
Alors qu’en vérité dieu ne jouit pas ; il est l’anti-jouissance ; il montre qu’il y a autre chose et autrement ; que l’arc de conscience dans un vivant est destiné à porter plus loin et ailleurs ce vivant et non soumis à son immédiateté (qui ne réalise que son cercle de possibilités ou, pour nous, humains, la sorte douloureuse de mélange vivant/intentionnalité qui comme tel s’écroule, si ce mélange est livré à lui-même) et cette autre Possibilité n’est pas de ce monde, ni de ce corps. Rappelons que si nous créons un champ intentionnel de signes (qui découpent les choses, les êtres, le corps, que nous ‘ayons’ un corps que nous ne sommes donc pas, un vécu ou autrui ou des œuvres et des inventions et des réalisations) alors la jouissance est le mélange de corps, vivant, et de structure, intentionnelle ; « comme si » ça ne faisait qu’Un … Mais ça ne fait pas Un, ça ne fait jamais Un, parce que la structure même « qu’un réel il y a » veut dire qu’il devient, et s’il devient il n’Est pas. Il ex-siste.
Dans la confusion du un qui jouit, il n’existe plus de sujet. Or de dieu à Lacan il y a un sujet. C’est pour cela que Lacan ne dit pas « le Un est », il dit « y-a-d’l’un ». C’est une logique (qui crée des uns) et pas une ontologie (basée sur le Un monolithique). Et Lacan, pas plus que Sartre ne voient pas que dieu, la pensée, le christique et le sujet, tout comme le réel tel qu’il fonctionne (à tout le moins) créent des uns et non pas accaparent le Un pour eux-mêmes. Sinon pourquoi dieu aurait-il créé le monde ? Pourquoi la vie des êtres individués ? Pourquoi la révolution des sujets ? Depuis le début ça crée quantité de uns.
Il ne faut pas mécomprendre ; dieu n’est pas une réponse toute faite, pour les juifs, mais une exigence et le christique est la recherche (absolue et formelle) de l’intention véritable (sous condition d’élévation continuelle). C’est envers et contre nous-même que la structure lutte afin d’établir ou rétablir le sens de l’existence (que le possible, cad l’arc formel et le regard soit encore actualisable et non pas recouvert et étouffé dans le monde, le vécu ou le corps).
Or celui qui est un (ce qui veut dire qui est un rapport, parce que seul un rapport est un, tout sinon est composé, cad multiple, un vivant déjà n’est plus seulement composé mais une unité, sa « peau »), ce qui est un, donc, ne jouit pas. Dieu n’est pas un « gros quelque chose » et le sujet n’est pas une « chose » (une chose qui pense n’est pas une chose, de fait). La jouissance est le piège en lequel nous tombons parce qu’il se crée sous chacun de nos pas. Mélange du corps imaginé (halluciné) et « plein », repus, satisfait, un corps « merveilleux », une « surhumanité », un « idéal de contrôle » ou un imaginaire publicitaire ou une icône, jadis Marilyn. Pour que la structure remplace en nous cet « idéal » du corps imaginé, il faut une puissante motivation qui réoriente véritablement l’intentionnalité. Qui cherche le sens de la non-satisfaction.
Et pour cause qu’il s’agit d’autre chose que du jouir, dieu, la pensée, le sujet et le réel bâtissent la structure du réel antérieurement à, au-dessus de et au-delà des réalités, des réalisations, des vies vécues, des corps, des perceptions immédiates ; il y a tout cela parce qu’il y a un champ et la suréminente élaboration du champ se nomme dieu, la pensée, le sujet et le réel. Du moins l’a-t-on jusqu’à présent désigné tel.
Le réel pour Lacan est cette coupure, ‘dans’ le corps, et le vivant opéré à vif et dont la plaie reste ouverte, plus ou moins recouverte et de façon plus ou moins acceptable ; un vivant, un corps ne comprend pas du tout ce que l’arc de conscience lui provoque, impose, cet écartèlement d’être perçu du dehors, et c’est l’angoisse plus que fondamentale.et comme il s’agit d’une perception externe, ce que l’on va voir, elle est vraiment externe ; on ne comprend pas ce que la perception de l’autre conscience nous veut.
Il ne faut pas seulement imaginer que cette autre conscience qui nous-voit est tel autrui ou tel autre ; c’est en partie « ce que l’on imagine que l’autre conscience voit » ou le Voir de l’Autre Conscience ; de sorte que pour illustrer on pourrait dire que dieu est l’accommodement de cette altérité, son relatif apaisement (bien que l’on ne puisse pas voir dieu sans mourir, ou qu’il soit Exigence) et c’est pour cela également que l’on est addict aux images, à la captation d’image, comme si on endossait le temps d’une image, d’un récit, d’un film l’Autre Conscience ; mais ça ne dure qu’un moment et qu’il faut ainsi renouveler.
Lacan a affaire à la même structure que Sartre (puisqu’il n’y en a qu’une ; il n’est pas trente-six manières d’avoir conscience-de, des contenus en nombre indéfini mais l’arc, lui, est exactement le même, pour quiconque) et à cette intériorisation impossible du regard (cad de l’intentionnel) ; que notre être soit un arc de conscience et qu’il ouvre le champ là au-devant, veut dire que nous sommes intégralement jeté dans le monde, parmi les autres et donc pour Lacan sous l’observance des signifiants, des signes qui orientent une « conscience » (qui n’appartient à personne).
Il n’y a rien qui résiste à cette déperdition de soi ; parce qu’il n’y a pas de «soi ». Lacan voudrait bien que toute la philosophie prône une identité mais si il lisait mieux (ou si il admettait son biais de lecture plutôt), il comprendrait bien que précisément la philosophie en passe toujours via une articulation autre, par exemple et par principe « la vérité » (comme principe, pas comme contenu) dont Lacan pourra faire lui-même usage dans son registre propre (celle que l’on ne peut que mi-dire). Mais pourtant de son point de vue toute proposition est comme un remplissage du hiatus ; il y a le fou qui se prend pour le roi, et le roi n’est pas moins fou qui se prend, lui aussi, pour le roi.
C’est le garçon de café qui se prend pour un garçon de café.
Si on aboutit au cœur du cœur de tout (de toute l’aventure humaine) c’est que le centre, le regard déjeté, ke regard Autre (il est forcément Autre, sinon il ne serait pas un regard) c’est ce que l’on veut toujours combler (en tout sens). Sauf que l’on n’y parvient jamais et que cette in-finité de l’arc de conscience est ce qui est à la fois maintenu et accommodé par dieu, la pensée, le sujet et le réel. Chacun sait bien que dieu, la pensée, le sujet et le réel on ne les possède pas ; ils nous détiennent. Ils tournent le regard (destructeur)
Sinon, si on croit que l’on sait ce que dieu ou la pensée ou le sujet ou le réel sont, alors ce seront seulement des images, des semblants, des faux dieux, des identités inertes, mortes, notre imaginaire ou notre folie. Dieu, la pensée, le sujet et le réel sont ‘vers-le-haut’. Si on ne se soumet pas à leur exigence on ne comprend pas que le réel est hors de lui-même ; on croit que le contenu que l’on pense, imagine, désire, touche est « la réalité ». dire qu’il y a un réel de la réalité c’est précisément amener qu’il n’est pas là. Personne n’a jamais vu le réel, c’est juste une position, mais c’est la position (plus grand que quelque partie que ce soit) à partir de laquelle il y a des choses et des êtres.
On n’ira pas jusqu’à dire que les mois, humains, humanisés et constamment humanisés par leurs médias, déluge d’image, au sens large, deviennent fous ou dépressifs ou malheureux ou obsessionnels ou addicts parce qu’ils ne croient plus en dieu, mais bien parce qu’ils ne croient plus en dieu, ni en la pensée et l’universel, ni au sujet, ni au réel (Ph K Dick).
En conséquence de quoi le regard (qui est au tréfonds de notre origine strictement individuelle d’abord, puisque c’est en raison d ‘un regard que nous sommes coupés, sous la castration, cad sortis de la croyance, de l’imagination d’une fusion, qui n’a pas de nom, qui est innommable) revient dans le moi intégralement soumis à l’Autre (ce que l’on nommait aussi jadis l’aliénation, non seulement marxiste mais hégélienne, jusqu’à ce que la-pensée qui est enfin devenue sujet (depuis Descartes) se sache comme système de tous les savoirs, et que ce qui se cachait c’était elle-même ; sauf que dans ce cas l’esprit dans le système est vide (et devenu vide pour nous qui lisons Hegel, qui a épuisé toutes les possibilités de la pensée) ;
alors que précisément il s’agit de comprendre que le sujet n’est pas vide du tout.
D’une part c’est un arc de conscience et d’autre part c’est le présent, originel, le présent originel.
C’est parce que nous sommes trop devenus ces sortes de « moi » que l’on comprend dieu, la pensée universelle, le sujet et le réel sous le régime de la paresse. Pour un moi il ne lui vient pas à l’esprit qu’il puisse exister autre chose que des choses et des êtres déterminés, il n’a aucune idée de quelque Architecture que ce soit, en conséquence il mène quantité de tactiques, diverses et variées et à propos de tout et n’importe quoi, mais aucune stratégie ; il se perd dans le brouillard de toutes sortes d’intentionnalisations qui lui paraissent toutes sans fondement.
C’est que si il est un « moi », le moi, c’est qu’il a intégré le regard (et c’est pour cela qu’il va commencer de développer des folies, des folies psychologiques ou psychiques) ; le regard qui était positionné comme dieu, la pensée, le christique, le sujet (ou la révolution, la nation, etc) s’est condensé dans l’exiguïté du moi ; et donc il explose le dit moi. Le regard peut se supposer comme dieu ou sujet (citoyen ou révolutionnaire) mais il ne peut pas s’entremêler du moi, du corps, de ses attachements, de ses immédiatetés ; un tel mélange produit du fantasme et ce regard absolument terrifiant (que le moi de toute manière de peut pas sup-porter). Au mieux il devient idiot, se rendant incapable de produire des intentionnalités qui ne soient pas infantilisantes. Il est absorbé par le regard qui absorbe, dans l’irréalité, dans l’irréel effrayant (Ph K Dick, ou les super héros, ou le flux continu des images, des séries, des objets, des petits désirs de toute sorte).
Remarquons bien ceci ; puisque notre unité n’est pas un être mais une structure, cad un rapport, on ne peut pas se stabiliser (sinon en rusant, en retordant la torsion, qu’implique que notre être n’est pas un être, une unité ou identité, mais un mouvement et donc tordu ; on nommera la ruse qui permet de viser qquand le bien ou ce qui en tiendra lieu, la dis-torsion, qui sera passablement compliquée mais en même temps très simple et évidente ; ce qui est introduit plutôt très véritablement à la nature du ‘rapport’ que l’on existe) ; on ne peut pas se fixer un Bien qui annulerait et couperait les liens avec toutes les autres intentionnalités et se consacrer à une stratégie qui dominerait les tactiques divers et variées, parce que le rapport n’entre pas dans une telle solidification ; je fais le mal que je ne veux pas et ne fais pas le bien que le je veux (mais cette maxime vaut pour tout ; indépendamment du bien ou du mal, je fais ceci qui m’ennuie et pas cela qui me passionne, parce que je me distrais, je suis distrait, dispersé et que je ne peux pas rassembler l’unité intentionnelle qui n’a pas et ne peut se représenter une dans la multiplicité, qui ouvre quantité de champ et dont aucun ne peut prétendre à la réunion de tous, et du reste … ça ne serait pas viable… et pas vivable ; l’arc de conscience est de fait et structurellement multitâches ; il ne peut pas se résoudre par l’unification (sinon il se fige), et donc la ruse qui le manœuvrera se doit d’être conséquente.
(dit autrement la conscience, cet arc, ce rapport n’est pas le conscient, qui se bâtit sur des contenus fortement organisé, et l’intentionnalité n’est pas la volonté ; l’intentionnalité est la finalité des finalités secondes ; que la raisonnabilité ou la rationalité ou l’empirisme qui supprime les problèmes croient colmater la brèche, et celle-ci crevassera chacun des mois par où ils ne l’attendent pas, chaque moi assailli par sa rupture interne dont on lui raconte « qu’il devra être heureux », puisque partie du monde donné il doit, normalement, obtenir sa résolution, sa réussite dans ce monde ; et limités à leur vie, ils s’y livrent pieds et poings et ne posséderont pas la ressource pour dépasser ce creusement ; le moi s’en prendra à lui-même, aux autres, afin que son être n’est pas un être, n’est pas du monde et ne peut acquérir sa complétude en une vie)
Que le moi se perde en tactiques n’importe comment, en se décrochant des grandes stratégies, n’est déjà pas sans effets. Mais que ce détournement plonge jusqu’au dedans du moi, au point de l’exporter hors de lui-même (ce que signifie « inconscient »), veut dire que, oui, effectivement, nous sommes intégralement construits, artificiels et qu’il n’y a aucune immédiateté ; il y a un inconscient (un corps vivant divisé) parce qu’un champ conscient et un champ conscient (raison, ordre, volonté) parce qu’un arc de conscience (signes et stratégies). Si on supprime la possibilité de l’arc, la troisième, tout se rabat vers le situé second et ensuite sur le premier. S’il est une vérité elle sera donc en avant, dans la possibilité et nullement selon l’être. On ne peut pas ignorer notre décision, notre liberté et la capacité de percevoir ce qui n’est pas mais qui existe et ne s’instruit que de ce que l’on veut.
On a vu que par « décision » et « volonté » on n’entendait pas celle consciente et ferme et délimitée ; ça ne s’applique que parfois et limitativement. Ce que l’on nomme décision et volonté appartient à l’intentionnalité ; à la longue et travaillée, ouvragée volonté, celle qui dure et qui s’applique non comme tactique seulement mais comme stratégie ; et formellement cette volonté qui s’applique, prolonge une existence et doit orienter selon une signification et une signification qui statue sur « ce qui est en jeu » ; à savoir qu’est-ce qui structure (au sens large) une vie ? En quoi consiste une existence ? Quelle est sa consistance ? (dont on comprend bien que pour la raisonnabilité il ne s’agit que d’un composé plus ou moins organisé, et que c’est l’inverse pour l’intention ; il s’agit d’une non-composition et plutôt que de supposer un être non-composé, on désigne un rapport, qui ne tient en aucune composition mais les rend toutes possibles, comme symptômes).
Il apparaît alors que Sartre et Lacan introduisent à la volition telle que réelle et effectivement concrète ; celle qui navigue dans les réalités et au dedans du moi, dans la personnalisation même, parmi les autres et au-dessus du monde en soi et le long de l’historicité que Sartre voudrait saisir à l’origine dia-lectique des conscience entre elles.
Évidemment ils ont quitté la plénitude, puisque l’être est abandonné et que dieu est mort. Tandis que la révolution est quand même sujette à caution, même pour Sartre (qui en recherche l’origine dia-lectique des consciences entre elles) et que Lacan s’en moque (il dit que « ça n viendra pas par là », pas par les années soixante en tout cas, qui démultiplie les objets a et enfonce de ce fait chacun dans le marécage des ‘désirs’, cette fétichisation conceptuelle).
Et cependant par plénitude il faut comprendre : état de celui qui sait qu’il n’est pas, qu’il n’est pas un lui-même (et donc sujet formel, je, et non pas moi, ni une identité, ni une essence) ni de l’ordre de la satisfaction et que ça ne lui arrivera pas « d’être ». Que c’est juste un fantasme, une imagination et non un concept. Les concepts se tiennent tous dans la vue du Bien, du Un, de dieu, de l’esprit hégélien, du sujet mais ne sont pas. Que donc dieu ou le Bien ou la pensée de la pensée ou le Un ou le sujet (et donc le réel) sont originels et non pas un résultat qui s’ingère et se digère. Que si il est une plénitude à vrai dire c’est celle du commence qui commence, tout le temps, tout le long du temps et ainsi antérieurement et en plus et par dessus le temps ; le commencement toujours envisageant les plus fortes stratégies possibles, ce qui veut dire les stratégies qui augmente la capacité de la stratégisation des réalités et des réalisations.
Les stratégies suréminentes (qui transforment la vie, le vivant en existence, en existant) sont donc l’ensemble des mesures, des règles, des instructions (la torah est une instruction venue d’en haut) qui initialisent (l’intention absolue et formelle de dieu), augmentent (l’universelle intentionnalisation grecque), intensifie (l’individualisation christique) et initient (la variante cartésienne du je ici même et non plus tout là-haut seulement) et concrétisent (depuis la révolution et les deux derniers siècles) que donc, absolument, cad formellement, non seulement l’arc de conscience intentionnalise, mais d’abord qu’il ne fait que cela (tout le reste n’apparaît que dans les champs intentionnels) et qu’enfin il se tient de cohérence ; il n’y a qu’un seul champ, qu’il soit fonctionnel ou fonctionnel et dimensionnel, pour ceux qui croient en dieu, en l’universel (Badiou par ex), en la révolution (et la liberté-égalité), en la dimensionnalité du sujet, du je, du réel comme suréminence ; et aucune de ces options n’est exclusive… tout est vrai et réel.
La satisfaction imaginaire et la plénitude imaginée (irréelles) sont pataudes et lourdes. La non-satisfaction (le rimbaldisme en somme, il en révèle tous les enjeux, c’est cela même qui le-rend-possible) est la découpe non pas seulement chirurgicale et douloureuse, mais créatrice… Par cela s’explique aussi le mystère du péché originel ; la seule raison de cette douleur est une possibilité plus grande ; nier la douleur c’est nier, également, la liberté ; dieu étant déjà parfait (au sens achevé) ne pouvait que vouloir un être encore plus parfait, encore plus libre, aussi dut-il lui-même s’élever, sur la croix, extrémité divine de l’angoisse, dans la capacité de retourner le regard en élévation ; en cette mise à jour fondamentale et ontologique de dieu et donc de nous, on l’oublie mais le christ est dieu lui-même, et ce récit (ou cette extrapolation pour ceux qui ne croient pas, peu importe puisque structurellement ils devront faire avec le même regard de structure) est de fait (un fait monumental historique total) la logique même de tout récit, de toute représentation, de toute pensée, et depuis le christique de toute intention (et champ intentionnel, ce qui eut lieu). C’est ce par quoi on ne cède pas au monde, au vécu et au relationnel ou au corps. Parce qu’en tout cela ce qui compte ne se rencontre pas et qu’il s’agit pourtant d’être plus grand à la fin qu’au début.