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instants philosophie

Le Je : interstice antérieur

31 Juillet 2021, 08:41am

Publié par pascal doyelle

Dès que « cela » qui produit les contenus apparaît dans le champ de sa perception, cela se dit dieu, la pensée, le christique, le sujet ou le réel, ou l’humanité de la révolution ciblée comme telle et non de par telle ou telle identité ; alors la structure (de conscience) affleure.

Ça n’est pas une « idée » mais une structure réelle qui sort du sol, et ce sol est le réel, qui jusqu’alors se prenait comme monde(s). Elle s’instancie comme une structure qui ne varie pas et s’étant repérée comme telle quantité de contenus commencent de se multiplier. Jusque chacun soit à lui-même sa propre apparition ; évidemment depuis toujours chacun se-sait, mais depuis peu chacun sait qu’il se sait, ou donc peut développer une tactique, une stratégie (qui n’existait pas auparavant ; n’était pas autorisée ou ne pouvait même s’envisager).

Il faut que ce mouvement cette sortie du cercle survienne pour qu’elle devienne la forme même.

- sitôt que dieu est un et tout-autre (que tout et donc non identifiable par une partie ou une qualité du monde),

- une fois que la pensée se signe comme cohérence en elles-mêmes des intentionnalités (les idées),

- lorsque les autres je sont tenus comme égaux d’avec l’unique je (le christ) et donc égaux entre eux (de sorte que l’ampleur de toute intention se propage à toutes et chacune des consciences),

- si le sujet se tient dans sa propre vue et se suspend on ne sait comment ni où (en lui-même, par quoi il existe effectivement ici même et maintenant),

alors la structure du réel s’impose comme Bord de ce qui est ; et ce bord est son exister. L’exister est le bord du monde (qui n’a sans doute pas de « bord » en tant qu’univers ; son bord est interne à toute cette surface externe exposée, d’exposition, et l’être effet de l’exister qui est cause).

À partir de l’élaboration structurelle ; par la philosophie, les sciences et plus surprenant la politique et la révolution ; il devint possible d’inventer un monde humanisé puis personnalisé.

Si on admet une logique méta, qui passe par-dessus les historicités, c’est afin de sortir du monde donné, de la détermination, de la pluralité des systèmes (qui se contre-disent, comme le remarque Kant), des objets de désirs, des images recyclées (qui notamment récupèrent les années soixante et laissent chacun d’entrer dans la « modernité » par diverses sortes de révoltes qui font office de motivation, et dorénavant souvent motivations industriellement produites ; l’adolescence captée par de fausses vraies révoltes, ou originalités ou narcissisme, etc).

Le monde humain fabriqué depuis 2 siècles est à la fois la réalisation de l’humanisation et de la personnalisation et un piège historique fondamental. Par quoi on ne parvient pas, plus, à dépasser la réalité qui s’impose comme monde humanisé et personnalisé, lequel monde actuel réalise, rend réel, concrétise, impose absolument la seule formulation possible d’un monde « humain », sauf qu’il s’entretient continuellement dans l’incapacité de susciter de nouvelles perspectives ; ce monde humain consiste à dévorer le monde.

Et parfois ou souvent aboutit à épuiser le vivant que l’on est, lors même que tout s’emploie afin de sustenter ce corps, de démultiplier ses désirs, de maximiser ses affects ; tout ce dont est fait le piège ; étant entendu que l’économie est l’idéologie du corps, ou donc de l’arc de conscience pris dans et en tant que corps ; celui-ci offrant une substantivité, un substrat donné là qui unifie les intentionnalisations, au lieu que le je ou la pensée ou dieu ou le réel imposent leur logique immense : nous voici donc résolus à tel petit intérêt.

Jamais aucune religion ni quasiment aucune philosophie n’a poussé aux désirs et aux intérêts du monde, à ce semblant de ‘débauche de tout’ qui nous paraît si commune, cette ivresse, cet excès, ce surmenage. Puisque dans les religions ou les philosophies (ou les éthiques) il s’agit toujours d’interposer la gestion au moins des intentions ou des intentionnalités, face aux accès, excès immédiats, et si possible, outre la gestion, l’invention de nouveaux systèmes, intentionnels, puisque l’on se fonde non sur des idées, mais sur une structure ; laquelle s’impose comme universelle. Ce qui régule ipso facto les intentions, les intentionnalités ; la régulation ou la création des rapports compte-tenu de la logique du rapport possible, de la plus grande activité non selon le monde mais selon l’intention (ce que privilégie dieu, la pensée, le sujet et le réel, au lieu que le monde humain donné, le moi tombent dans l’immédiateté et ne maintiennent que péniblement l’architecture de structure).

De cela donc que notre conception d’immédiateté de la liberté ne supporte plus l’altérité et l’exigence (que lient dieu, la pensée, le sujet et le réel), lors même que l’on s’oblige de simuler une exigence, laquelle se glisse en fin de compte comme imaginaire (emplie de facilités et d’images), et non s’architecture comme intention ; dans l’imaginaire on y suppose un signifié des signifiants, et ce signifié imaginé est un mélange de corps et d’esprit, qui ne vérité tire vers le corps.

De là que Descartes commence par découpler l’esprit du corps. Puisqu’il comprenait la spécificité de notre corps comme passion et par passion l’intentionnalisation du corps (il n’est pas pour nous, êtres humains, de corps donné là, mais seulement un corps pris dans le champ intentionnel).

Par-dessous ou par-dessus tout contenu il y a un arc de conscience.

Il n’y a pas trente-six manières d’être conscience-de. Partout, quel que soit le langage, la société humaine, la civilisation, la personnalisation il n’est qu’une seule forme de conscience.

Croire que la conscience, cette forme en structure, se modifie de par quelque contenu que ce soit est absurde. Et c’est justement de dénoyauter cette structure de tout contenu en quoi consiste penser. Les philosophies, les systèmes développent avant tout des systèmes intentionnels ; ce qui ne consiste pas à apprendre le système par cœur, mais à penser, à reproduire et produire son intentionnalisation propre ; la formulation même de « la vérité » (quelle qu’elle soit) revient à postuler non pas tel discours, tel corpus, mais la capacité de signifier une mise en forme de la réalité, qui ne soit pas contradictoire d’avec notre être, cad notre structure. Aussi toutes les expérimentations, toutes les formulations, tous les contenus sont requis ; parce que l’ensemble de tous les discours s’attachent à délimiter la forme active de cet être. Et cet être n’existe qu’activement.

Son activité est son être, et sitôt qu’il sort de tout monde particulier, holistique, cyclique, communautaire, tout monde humain clos, il produit l’historicité, il invente le développement réel. L’arc intentionnel est instantanément en contact avec le réel brut (et prend position divine, métaphysique ou ontologique ; il crée ces catégories) et immédiatement avec le monde, le donné, le vécu, le corps, la perception, qu’il modifie concrètement.

Non en tant qu’effets, mais en tant que cause ; il médiatise la structure même de la conscience, de chaque conscience (et donc dieu s’adresse à chacun, la pensée doit être pensée, le christique vous convertit, Descartes vous l’imitez, de sa simple lecture, la révolution s’impose à tous, ou ensuite l’existentialisme est une révélation, sur la terrifiante présence du réel brut) et ces mouvements rendent possible que chaque conscience soit non pas le centre mais le lieu de l’expérimentation en propre (n’appartenant à rien que sa dépendance à dieu, à la vérité, l’universelle égalité de tous en jésus, à la liberté, cartésienne et révolutionnaire, au réel donné « là »). soit donc le lieu d’un saisissement. Par quoi l’arc de conscience n’est pas du tout du subjectif mais de l’hyper objectif.

Ainsi la pensée inaugure que la vérité existe indépendamment de tout groupe et de toute représentation et de toute subjectivité ou immédiateté ; sans cette évidence monolithique d’une altérite du Vrai, pas de sciences.

La restructuration du rapport tel qu’ici et maintenant permet de dénouer la structure réelle. En somme tout a corniste à découpler la vérité et le réel ; même si il s’agissait au débit d’acquérir la vérité comme principe en soi, il vint qu’il y a vérité parce qu’il y a réel, et non pas de la vérité on en déduirait le réel. Mais cela veut dire que la source de la vérité n’est pas l’auto-cohérence du discours lui-même mais son rapport au donné et au donné ‘là’ qui plus est ; étant entendu qu’il ne s’agit pas seulement du là immédiat de la perception, mais de la position existentielle du je, son instanciation dans le réel-même, l’actualité de la présence, la motivation et la mobilité de la, des capacités et la puissance, cad la potentialité de l’intentionnalité que l’on peut mener ; ce qui suppose l’intégrité et l’intégralité de l’activité de conscience ; que l’on veuille vraiment la vérité, et ce vraiment librement. Pour elles-mêmes : pour la vérité et pour la liberté. Ce qui veut dire parce que l’on a compris, intégré, admis, s’est pénétré du principe que le Rapport est plus grand que lui-même ; il n’est pas seulement plus grand que moi ou que quoi que ce soit dans le monde (de sorte qu’il est vain de l’identifier à tel ceci ou cela), il est plus grand que lui-même.

Ceci est la structure intime du rapport (et plus loin du réel), en quoi il est fondé de par son exigence même ; rétrogradant à vrai dire le bonheur ou la réalisation de soi ou de quoi que ce soit (ce qui se nomme humilité, pour le christique, ou abandon quant à la liberté, ou saisissement dans l’ex-stase).

Aucun contenu de conscience ne remonte dans la structure de conscience. Et nous existons donc à fleur de peau du rapport lui-même sans que jamais il nous soit possible de le tenir en dépendance d’une expression (bien que ce soit à partir de lui que se créent tous les champs, de perceptions mais aussi d’expression) nous existons, dit autrement, sur le Bord du réel, et ce instantanément (ce qui signifie antérieurement à toute constitution, identité, contenu, mais tout autant et cela nous concerne encore plus, nous implique absolument, nous existons au Bout de notre existence.

L’humilité est la finalité, et la fin de l’épisode terrestre ; à savoir que rien n’existe sans le Père (même si c’est « par le Fils », ça n’est jamais sans le Père, qui seul veut, cad intentionnalise). Seul moyen de se hisser au niveau, si l’on peut dire, de l’inconcevable Intention, du Grand Rapport qui inclut tous les rapports, certes (les ayant créés) mais également qui rend possible qu’il soit lui-même en devenir ; étant entendu que le christ est la seconde personne (intention) divine et qu’il nous nomme « ses frères », créant la troisième ; le saint-esprit. Que l’on tombe dans un abîme de stupéfaction (comment cela a-t-il pu être pensé?) ou que l’on croit ou se convertit, à chacun de voir.

L’abandon est la consistance même de la liberté, au contraire de ce que l’on entend habituellement ; ce par quoi la liberté se sait comme n’étant pas subjective mais structurelle ; c’est par là qu’elle se joint à l’égalité ; il s’agit d’abandonner le moi, et non pas de la haïr, de le juger selon une excellence dont il se jouerait lui-même, réinstallant un « autre-moi », de sa superbe morale, mais techniquement d’un je d’origine, un je dont la capacité resterait intacte et toujours accessible (rendant possible que l’on crée de l’intention, de l’intentionnalité) et ce à partir d’un point stratégique formel, blanc, neutre, vide, libre, détaché et investi à la fois et dont l’investissement se mesure à son détachement, à son ampleur ou à l’amplitude de son angle (de conscience, d’intention, d’universalisation, de réel), ou l’inverse (ils basculent l’un par l’autre).

Le détachement est la forme positive de la perspective pascalienne du « le moi haïssable », qui s’oppose frontalement à Descartes, lequel est celui qui met en jeu, sur la table le sujet tel quel ; et si détachement est la première partie (Eckhart par ex), il faut l’entendre, donc, positivement ; comme investissement. C’est le point qui surnage en psychanalyse lorsque le moi parvient à réintégrer on ne sait comment le Regard (qui le clouait sur place, il faisait ‘du surplace’, coincé) et par laquelle réintégration le moi peut se sentir soulagé, en quelque manière libéré, un regard extérieur capable de lui « pardonner » son état de faiblesse, de petitesse, d’inachèvement, son inégalité par rapport à sa propre vue (il se sur ou mésestime) ; ce que, soit dit en passant, opérait le christique … c’était déjà littéralement pré-vu.

La différence est celle-ci ; le christique ouvrait un champ immense de réel (dieu, pour le dire, et sa capacité, invraisemblable, à s’incarner dans la réalité ; la réalité supportant le divin et rendant la vie vécue, la subjectivité et l’objectivité possibles). Dans le cas du moi, psychanalysé, il libère sa vie vécue, pas plus, pas beaucoup plus donc il remplace dieu par le psychanalyste (son regard « bienveillant » ou celui psychélique de la pharmacopée diverse et variée) ou par la dépression, l’intentionnalité annulée à sa racine, à la base, antérieurement, l’asséchement de la source, de la vie vécue, de la réalité, du réel (la dépression est fondamentalement grave).

Lorsque Lacan invoque la capacité du sujet de se délivrer c’est lorsque celui-ci abandonne toute image de soi, toute identité, et que cette identité ne s’offre plus comme une norme mais comme une possibilité et c’est là que joue à plein le réel ; cette possibilité, sans norme, est celle qui a pu intégrer la logique du sujet. Lorsque le pouvoir être est également le devoir être ; ce que visait Nietzsche mais comme il se passait de l’universel et du sujet (ne s’abandonnant, encore, qu’en la Volonté, l’énergie, la positivité, l’affirmation de l’affirmation) il lui était quasi impossible d’élaborer une logique de la liberté qui soit tout aussi bien universel.

Le laisser-être de la psychanalyse, laisse être l’être… il ne laisse pas s’imposer ceci ou cela, mais le déroulement de l’être, en l’occurrence de ce que l’on est et que le moi, le coinçage du moi empêtrait, empêchait, mais s’il laisse devenir le désir (qui se caricaturait, se haïssait ou se vomissait ou s’obsessionnait ou s’angoissait, bref ne se reconnaissait pas) c’est à condition d’élévation ; le je sait que quelque objet que ce soit (du désir) il ne viendra pas, plus dévorer le moi, puisque le moi si il ne sait pas ou ne connaît pas à proprement parler le sujet, il se ressent, l’adopte, y adhère ; le je est en ce moi, cet ex-moi (ou plutôt cet ex-seulement-moi), comme le regard dégagé qui non seulement s’acquiert lui-même mais rend possible d’autres désirs (« que le désir continue de s’écrire » là où jusqu’alors, avant la cure, la « guérison » le désir bafouillait ou se répétait ou se normait, en prétendant par exemple se pré-voir, alors que justement il doit suivre les aléas, les ouvertures, les imprévisibilités, etc, du monde, de la vie, d’autrui, et de soi-même) ; et notamment d’autres désirs que ceux imprimés par l’autre, et ces substituts de l’autre que viennent préempter les industries, les images, la publicité, la pression ou l’omniprésence sociétale.

De là que l’invention, la création, découverte cartésienne délivre, littéralement, le je du carcan (certes pensé, intellectif, intellectuel, empli de connaissances) scolastique ou téhlogique ; rendant le je à la conscience ou la conscience au je ; puisque le je est hyper-objectif et non pas subjectif ; c’est plutôt le je qui admettra la subjectivité comme tel, puisque assigné, à ceci ou cela, il ne l’est plus, il se tient en retrait, à revers, à rebours, antérieurement, intouchable dans sa capacité, laquelle doit mais aussi peut dès lors se prouver, se chercher, s’explorer, aborder au monde, mais aussi au vécu, à la perception, qui ne sont plus régulés de l’extérieur mais de l’interne du je ; là où l’interne du je touche l’externe « qu’une réalité il y a » et un corps, un donné là, et quantité de champs de perceptions (qui viendront historiquement emplir le possible).

Tout ce qui revient à dire que le sujet, et tel qu’il existe pour nous et nous est accessible en tant que le je, est mouvement ; qu’il ne peut être saisi, défini, fixé, identifié, déterminé, objectivé, et qu’il ne peut se re-tenir d’un regard-autre, ni sociétal (qui cache toujours des groupes de domination, qui soumettent votre regard, cad votre intention aux leurs) ni selon le moi (le chosifiant psychologiquement ou l’engluant psychiquement, selon l’inconscient gelé par son passé, et dans l’impossibilité d’aborder actuellement le vécu, autrui, le désir ou de nouveaux objets imprévisibles).

Autre précision ; le regard est l’enjeu maximal, puisque sauf si il est libéré, on ne sait jamais « où » il est. Cet objet me fait de l’œil, cette image est plus vraie que moi, ces mots m’ont encerclé ; on ne sait pas qui regarde (ce dont la vie, les autres, les dominations ou le passé hérité ou pesant se font les choux gras, se nourrissent). Mais libéré cela veut dire qu’il est « nulle part » ; on peut être certain qu’il n’appartient plus à qui ou quoi que ce soit. Ainsi il est faux de dire que le sanhédrin, l’église, l’état possèdent la vérité ; ce sont eux qui appartiennent à la vérité, au réel, au peuple, au christique, à dieu … ça n’est pas du tout la même chose (ou dit autrement, du point des institutions il faut, c’est impératif, tuer les prophètes…).

C’est en ce sens que Lacan fustige « la science » qui sous couvert d’objectivité, impose une vérité (or pour Lacan il n’est de vérité que du sujet, ce qui veut dire que dans la science le moi se ment, ce qui vaut aussi bien pour tout « objet », comme si son désir étant mu par l’objet, tel objet, alors que ‘désir’ est un universel). Plus s’imposent les objectivités (dont la psychologie scientifique lorsqu’elle prétend prendre la place, occuper le sujet) plus nous nous emplissons d’angoisse et d’angoisse absolue ; est niée notre « subjectivité », lourdement ou subtilement. L’objectivisme éteint l’intentionnalité. L’objectivité veut se substituer au regard ; un monde d’objets séparés ou enchaînés par des lois (l’objectivisme c’est Platon sans Platon, c’est Descartes, le sujet mais évidé, abstrait, le néant qui absorbe). Dans l’objectivité c’est l’objet qui « est » le regard même, et qui supprime qu’il y ait une vue, une vision, un champ mouvant intentionnel.

Mouvement que seul le je perçoit ; cet interstice illimité antérieur à toute volition, imagination, pensée, désir, et antérieur à toute perception, est ce qui rend possible (tout le reste, qui paraît dans un champ intentionnel de signifiants, cad de rapports et de rapports sur un horizon mais aussi, dés lors, autour d’un « je ») mais ce je ne peut pas paraître dans son propre champ et c’est donc cela même qu’il cherche constamment à signifier. Il le reçoit mais en tant que signifiant (vide) de son sujet et ne peut pas le signifier en tant que contenu, déterminé, substantiel, ontique (relatif aux étants) ; il sera donc ontologique, ce qui veut dire logique. Le je est le logos en tant que le logos n’est pas le cosmos (ordonné et fixé) ou la métaphysique (le discours ou la pensée et l’universel ou les lois) mais l’ontologie qui avance en tant que structure, en tant que mouvement. C’est le mouvement qui est structure ; pourquoi serait-il mouvement sans structure ? C’est justement parce qu’il est organisation en lui-même comme forme qui se meut, qu’elle se meut.

C’est pour cela que l’univers réalise quelque « réel » inconnu qui est le sujet même de tout ce qui est ; ce qui « est » est pris dans l’exister qui se manifeste afin de se modifier (seul un sujet, cad un rapport, peut modifier son « être » qui n’est pas un être mais un mouvement).

Et le réel qui se crée comme je, obtient une face cartésienne et une face pascalienne ; l’investissement et le détachement. Ce qui vient, apparaît, se dialectise spontanément tel quel. L’affirmation du sujet et le silence des espaces infinis. L’un est plus accommodant que l’autre qui est violent. La violence divine de Pascal et la lucidité passionnée de Descartes. Le On heideggerien (versus le Sens de l'Etre) ou la motivation nietzschéenne (versus le nihilisme).

Sartre traque la distraction et veut à tout prix imposer l’investissement et sa dureté, et Lacan poursuit patiemment l’entracte, la suspension qui ouvre sur la positivité de la motivation étrange qui vient-en-plus (ce qui veut dire par dessus le moi et son image imaginaire). Et inversement Lacan et Sartre en exposant, exhibant les voies diverses, les intentionnalisations, la diversité des récits (dont « la vie » donnée à voir et à entendre, vécue selon des millions de versions différentes, déborde) assèchent les affects, les faux fuyants, les faire-semblants, les pseudo-désirs, les objets illusoires, et se laisse venir l’intention interne, celle qui existe antérieurement à tout ce qui vient ensuite, qui ne pense plus se résoudre dans les effets et les miroirs d’effets (quantité infini de miroirs de notre humanité), mais laisse venir la Cause, celle qui ne peut pas se représenter dans le monde, ni même nous venir du dehors, quand bien même autrui, puisqu’il faut d’abord savoir « comment il nous a aimé » avant de « s’aimer les uns les autres ».

Or il est dit que les uns-les autres offre le « comme je vous ai aimés » en une certaine forme, mais on ne saisit pas encore vraiment pourquoi ou comment (lors même que l’on a compris l’égalité des rapports, qui démultiplie ceux-ci ; ça n’est pas la seule raison).

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La vue inouïe de ses effets

24 Juillet 2021, 08:35am

Publié par pascal doyelle

Il faut bien mesurer les niveaux, les degrés, les différenciations qui eurent lieu, les distinctions qui au fur et à mesure et les uns lisant les autres, mesurer « ce qui est arrivé » et s’apercevoir qu’il y eut progression de la réflexion, de la réflexivité, du retour sur cet-être que l’on est, et qui n’est pas une idée mais un être, et qui n’est pas non plus un « être » mais un réel qui existe, ce qui veut dire qui ex-siste : et donc peut sur sa structure se regarder exister.

 

Descartes, de la métaphysique universelle abstraite à la structure ontologique ici et maintenant.

Descartes ne disposait pas deux substances, l’esprit et le corps, mais disposait une seule ; la troisième (qu’il n’a jamais dénommée telle, puisque pour lui elle était première). La première en son mystère ; dieu ne crée pas d’un côté la pensée et de l’autre le corps, mais l’homme. Cette unité.

Sans doute aucun Descartes au début investit totalement la distinction ; il s’agit de montrer en quel sens penche pour nous, existant, la balance. Mais il se détache de la métaphysique (théologie et scolastique et universel rationnel).

 

Pour lui ça n’est pas l’universel qui unifie, mais le sujet ; et le sujet existe ici même comme un. Il est dans le cartésianisme la volonté d’instancier l’homme dans son unité, y compris le passionnel. C’est pour cela qu’il introduit dans la philosophie non plus de traiter les immédiatetés comme des dégradations (de l’universel), mais dans et comme unité du sujet humain ; le passionnel est le moment radical de l’investissement d’un esprit-corps (ou qui deviendra chez d’autres un corps-esprit, l’un supplantant l’autre). Cette mise en avant de la consistance, de la constitution de notre être, doit se comprendre selon cette formule ; que l’activité de conscience pousse le corps au-delà (de son essence de vivant). Et donc il insiste fondamentalement sur les passions (qu’il réhabilite et impose en tant que fondement de notre existence, s’opposant à la jusqu’alors « passivité » des passions, de même que dans la connaissance il dissout les « qualités » aristotéliciennes, imposant cette fois la mathématisation de la réalité d’un part et la méta compréhension du je d’autre part, ce qui s’ensuivra, y compris dans la contradiction, Nietzsche ou Lacan, puisque l’on ne peut échapper à la structure de conscience, quels que soient les contenus ou les interprétations).

 

Corps-vivant et sujet-pensée s’incluent l’un dans l’autre.

Puisque le corps est amené dans la vue intentionnelle du je. Dans l’apparaitre lui-même. Et que s’effacent la différence corps-esprit, dans le rapport détermination-indétermination.

 

Ce projet était pourtant très clairement sur les rails ; la conscience n’est pas comme le pilote dans le navire (dixit). Et l’unité de la troisième substance est la seule unité réelle (l’autre, celle corps-pensée, étant une facilité, pour le dire rapidement ou, si l’on préfère, une distinction qui permet d’instruire le sujet en tant que tel ; la pensée s’inscrit à partir de et par la volonté, laquelle, on l’a dit, est un rapport et donc n’appartient pas, ne s’appartient pas même à elle-même (et cartésiennement se tient de l’in-finie, cad la volonté, encore, de dieu cette fois) ; de là que la volonté requiert à elle-même un programme, une programmation, une instruction vers soi ; il ne s’agit plus de bien penser mais d’apprendre à bien penser selon une autre dimension ; de mener la stratégie qui rend accessible l’utilisation non seulement de la pensée, mais à des fins qui sont (et seront, historiquement réalisées ; plutôt que l’acceptation des nécessités, le bien de l’humanité, la médecine et les techniques, le travail facilité, etc) des fins donc de fait externes à l’agent intellectif, à l’universel théologique et/ou métaphysique ; il veut réorienter mais un sujet ; le sujet n’est pas du tout une idée (ou un intellect actif, opposé aux passions passives, pour ainsi dire) mais un être, un ontos, un existant. Il est une positivité de la vie, réaffirmée (lettres et Passions de l’âme).

Dont Descartes ne peut valider l’ensemble du mouvement, et pour cause c’est ce qui occupera la philosophie durant les siècles suivants, puisque le sujet qui n’est pas le subjectif, contient toutes les capacités et spécifiquement la capacité, ontologique, de se signifier et de signifier le « lieu » où il existe (l’étendue pour Descartes, ou l’infini divin, la phénoménalité du monde pour Kant et son transcendantalisme nouménal, l’historicité pour Hegel et le ressort négatif de l’activité de conscience, etc).

Il existe un être, spécifique, qui ne peut pas du tout se ramener à l’universel abstrait et si il s’engage dans le concret même alors il faut trouver dans le « là » existant l’articulation significative. Descartes désigne un point de position (d’articulation, ici l’arc de conscience dans l’arc du présent) ; cette désignation est absolue (originelle et originale) mais le point lui-même est en glissement tout au long de l’historicité qui suivra, suivant l’angle de pénétration du transcendant en l’immanent.

 

La solution, si l’on veut, du problème est absolument aberrante ; l’unité de notre être n’est pas selon l’être de l’esprit d’un côté et l’être du corps de l’autre. Mais dans et par l’activité, qui seule existe.

 

Ça n’est pas la pensée en soi ou le corps en soi, qui sont des fictions, des imaginations, idées-choses que l’on métaphorise et de laquelle sont supposées une solidité, une consistance, alors que n’existe que l’apparaître. L’apparaître est ce par quoi cette pensée et ce corps s’atteignent eux-mêmes. Dans le champ de l’apparaître ce qui est cause peut devenir son propre effet ; n’étant pas déterminé en soi mais en signes, il est incomparablement plus facile de modifier les chaînes de signes que quelque autre mémorisation que ce soit ; si l’essence est ce champ tout exposé et quand bien même s’organise-t-il en systèmes, et puisqu’il est, en tant que signes, pris dans le rapport (intentionnel de conscience, qui ramène la perception à un ensemble et tout ensemble à un horizon), il peut, ce système de signes, prendre conscience de soi, comme conscience, et entrer dans l’horizon de son propre champ (dit autrement il sort de l’horizon du milieu, pour entrer dans le monde donné là).

 

« Conscience » veut dire « qui sait le rapport qu’il est », comme rapport. Il n’y a aucune autre identité; toute identité, déterminée, s’efface et tombe dans le monde (telle ou telle partie) et disparaît (le monde est destiné à se disperser).

Aussi doit-il toujours s’adresser, au sens d’adressage, comme en informatique, de point de tenue, s’adresser à un signe vide, neutre, formel, possible ; que ce soit le mana, dieu, l’universel ou le sujet ; soit l’intention elle-même qui se/signifie, la vérité (universelle) et la liberté (de chacun, douée de sa propre contra-diction l’égalité, sans laquelle la liberté tombe dans l’immédiateté de sa seule volonté).

Soit dit en passant cette « conscience » qui sait son rapport (et donc peut produire quantité de rapports seconds, dans le rapport et le contenu de ces rapports est avant tout le rapport initial lui-même, capable de tout signifier par ailleurs dans le monde, le donné, la vie vécue, la perception, etc), cette « conscience » est considérée ici comme étant l’exemplaire au moins de ce que le Rapport, le Grand Rapport est ; le grand Rapport est qualifié, ici, de Sujet ; puisque l’on admet seulement non pas la perfection (qui achevé est morte), mais la perfectibilité ; ce qui est absolument parfait c’est ce qui est capable de devenir, c’est ce dont le devenir est l’essence, la nature même ; et seul un sujet peut réaliser cette perfectibilité puisqu’un sujet ne se termine pas dans le rapport de ceci ou cela ; il est le rapport-même, qui est indéfiniment ou infiniment rapport à ‘soi’. Ou d’un autre point de vue, il est le Grand Possible, le possible plus grand que lui-même ; seul un sujet se modifie. Il ne modifie pas ceci ou cela (auquel cas il serait terminé, perdu, figé à un moment ou l’autre), il ‘se’ modifie.

Cette auto-modification courre tout le long de toute la (ou les) réalité(s). La réalité ou les réalités ne mesurent pas l’auto mouvement, mais sont les effets renouvelés de la cause absolu ; les rapports (dont sont constituées les réalités) se modifient selon le Grand Rapport et son devenir formel absolue, la Cause (en tant que, pour nous, elle prend le nom de sujet ; c’est notre façon de la signifier, mais on ignore si cette désignation est exacte ou plutôt on devine qu’elle est de toute manière insuffisante ; la cause outrepasse absolument tout, bien qu’elle se donne, en autres, en tant que sujet).

Remarquons, tant que nous y sommes qu’en tout cela on présuppose que le réel est le mouvement et que les réalités sont relatives, au mouvement, des effets de la cause, qui s’auto-modifie et dont c’est le but, la structure, la finalité constamment actuelle. Donc nous sommes selon le monde, mais nous existons selon le présent, le mouvement, l’exister. L’ensemble de tout ce qui apparaît est stable... momentanément ; la structure-sujet (dieu, le un universel, le mouvement brut, ou donc le sujet comme logique) modifie les effets dont il est la cause et cause qui se modifie elle-même dans la Vue inouïe de ces effets. La structure est mouvement dont il faut saisir le cadre (ou dont il faut être saisi, plus exactement ; on ne s’auto-affirme pas, ça n’a pas de sens) ; l’exister, le présent, est cela qui déroule la réalité, les mondes, les univers peut-être.

 

La résolution de la distinction cartésienne (que l’on tient pour acquise ; nous ne sommes pas notre corps, nous avons un corps) doit être pensée selon une logique d’ajout. Il y a le vivant, puis un de ces vivants déploie un système en plus ; l’activité de conscience. Qui est une forme, une forme vide. Laquelle, étant vide, peut tout à fait admettre en elle toute espèce d’information (au sens général) et reprendre sous quelque forme que ce soit les informations du vivant, de la perception, de son expérience ou de son auto-expérimentation, y compris de sa présence à elle-même, dont évidemment elle tient le se-savoir (qui n’est pas une connaissance, toute l’ampleur de Descartes et l’ambition des suivants, Kant, Hegel, Husserl, Sartre, Lacan y compris, sera de parfaire ce savoir-même ; explorer, techniquement, via des perspectives et des concepts nouveaux, non métaphysiques, la dimension, in-finie, du sujet, lequel est rapport).

Il fallut donc se pourvoir d’un horizon effectivement réel sur lequel est planté le je ; il était impossible de revenir à l’être, ni à l’universel seul, ni au monde donné là (les objectivités des sciences, qui sont toutes partielles, la matérialité ou l’inconscient), il fallait découvrir la nature de ce je, son incrustation dans le réel et la réalité, et enfin sa capacité même ; le devenir brut tel qu’il est en cause et effets, absolument existant, se tenant au bout de l’Existence de chacun et au Bord de toute réalité.

Cette volonté et cet impératif, historique, de lier la raison et la passion dans le sujet du je.

Historique ce qui veut dire qui commande l’historicité même, à savoir que le je du sujet (le sujet étant la structure maîtresse de ce que l’on nomme « réel »), ce je a pour effet cela qui nous concerne fort ; le moi, sur lequel est bâti la société humaine (et son idéologie ; l’économie, celle du corps, et donc de ses échanges, par quoi le désir s’échange dans ses objets, selon des flux, l’argent, cet universel, ce nombre, fonctionnant comme mesure des échanges, mesure bien pire qu’imaginaire ; irréelle, fantasmatique).

Ou ; il n’y a aucune raison pour que l’argent, ou l’économie donc, soit le seuil organisateur du monde humain. La raison d’être de l’économie comme idéologie est cette bizarre compréhension du corps en tant que moi, du moi en tant que corps (fantasmé) ; soit donc l’intentionnalisation, le principe-sujet plié par des finalités orientées vers-le-bas (puisque nous sommes sortis depuis quelques temps des nécessités vitales et que nous nous maintenons pourtant la tête sous l’eau … en remplaçant la survie initiale par de pseudo-nécessités ; l’économie laisse accroire de sa « naturalité », description de lois « naturelles » et ne développe pas du tout un système de lois, de prescription, de lois humanisées).

Mais pour cela il faudrait inclure le moi, la version immédiate du je (ou qui se veut telle, de croire en son être « naturel ») ; lors même que l’on ne peut pas s’en passer ; la question n’est pas de remplacer mais d’ajouter un étage qui permettent non d’annuler ce qui est, selon l’être, mais de réorienter, dans l’actualité et l’intention, selon l’exister et la conscience accrue de cette Actualisation) le moi dont la logique intentionnelle est semblablement alourdie exclusivement comme « donné-là » tel quel, comme tactiques diverses, et non comme liberté et donc stratégie, voire grande stratégie. Inclure le moi c’est tel le christianisme qui veut originellement que chacun relativise son unité immédiate via autrui ; autrui devient ou devait s’imposer d’évidence comme ré-intégration de mon unité (en quoi se gouvernait alors une grande stratégie, élevant les petites tactiques des intérêts du monde).

De même que l’égalité devait réguler la liberté, mais aussi la liberté par ceci découvrir sa vraie dimension ; toue « maxime » ne peut être suivie qu’universellement. En ce sens l’égalité est première (le christique) et la liberté viendra bien plus tard (Descartes) et donc déjà élevée, cette liberté, par l’égalité, qui lui offre sa mesure. « Comme je vous ai aimés ». Sauf qu’il ne s’agit pas seulement de règles générales ; il s’agit de l’unité, de l’intention même qui guide votre conscience ; que voulez-vous vraiment ? Jusqu’où peut-on vouloir l’intention que l’on veut ? Tout cela réclame une instruction, une in-formation, une préprogrammation pour ainsi dire. Et on ignore par où acquérir ce savoir ; il faut que la deuxième personne de la trinité vienne à nous ou qu’un peuple décide de lier liberté et égalité ou qu’une partie des moi-mêmes des années soixante tout à coup programment de se « libérer » (chacun en a hérité d’une manière ou d’une autre, et non univoquement puisque cela touchait autrement qu’à des « identités » ou des idées ou seulement des corps, etc ; rien qui soit « dans » le monde, mais avant le monde). Soit donc des Faits massifs.

Et ce à quoi œuvre la philosophie, structurer l’activité de conscience, l’activité intentionnelle, depuis Descartes quant au sujet, de même depuis le début quant à « ce que l’on pense », dont on s’aperçoit avec stupeur que l’on en produit les contenus. Mais l’exigence du dieu juif entendait éduquer tout aussi bien son peuple, le conduire sur la vraie intention.

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La nudité du corps intentionnel

17 Juillet 2021, 09:13am

Publié par pascal doyelle

La structure du sujet a remplacé la pensée. Ou donc, si par la pensée, effectivement, il se révèle un nombre considérablement de rapports possibles (qui ne l’étaient pas auparavant), il s’impose que par le sujet il se produit encore plus de rapports sur une pus grande étendue et en une plus grande profondeur.

Depuis le christique qui initie l’historicité qui est la nôtre, toute la pensée fut reprise par la nouvelle invention structurelle, fut reprise par le je. Il faut comprendre que la théologie est la pensée telle qu’elle se tient dans la vue de dieu.

On sait bien que ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne tellement pas que ça n’est pas du tout le message christique lui-même, qui ne privilégie pas la loi et l’universel mais le sujet et le je. Son Corps.

Que le christ soit un Corps n’est évidemment pas du tout un hasard. C’est qu’il s’agit de son organisation ou de son énergétique ou de sa volonté ou donc finalement, regroupons le concept qui correspond à tout ce que l’on pourrait qualifier ; il s’agit de son intentionnalité ; qui est structurelle, originelle ; il y a un champ de perception parce qu’un champ intentionnel.

C’est en ce sens que l’énergétique, du sujet et quel que soit son qualificatif (puissance, libido, désir), doit d’elle-même se motiver ; l’énergie n’est pas une « décharge » pulsionnelle, mais une motivation, et donc la raison de cette motivation. Si on penche vers le désir ou la libido, on se place dans la causalité (et le passé). Si on penche vers la liberté, le sujet ou l’intention ce sera vers le futur, non encore réalisé.

On croit se libérer en s’entretenant du désir mais en vérité tout désir aboutit au monde, et on finit par désirer ce que l’on trouve. C’est uniquement la machine à fantasme (sexuel et non sexuel, surtout non sexuel, le premier étant simplement l’initialisation du système fantasmatique) qui recycle constamment le désir et nous fait croire que oui « il se réalisera » le désir enchanté, qui n’est que le désir diversement enchaîné, et au final qui sera lié aux puissances de ce monde, et tout d’abord aux autres (rivalité et émulation dans le mal, par quoi le mal emploie de fausses vraies bonnes raisons pour arriver à ses fins ; tomber vers le bas, ce qui peut sembler comique mais tout à fait essentiel) : lors même que tout le monde déchante terriblement (même si l’on peut aboutir cependant à des déplacements plus raisonnables ou objectifs ou même élevés, sur cette déception même, prenons garde de s’y tromper, de mentir, de céder sur le « vrai désir », en quoi la « vrai » donne la mesure et non pas le « désir »). Le désir ne parvient pas du tout à créer une stratégie ; une stratégie est bien autrement difficile que de s’obnubiler d’un objet trouvé.

Le stratégique met en jeu la totalité des enjeux possibles. Et ce en partant du plus haut.

C’est bien pour cela que les véritables stratégies, qui furent historiques, ne sont pas instituées d’une individualité humaine, mais d’une « entité » ; dieu, le christ, Socrate (grand absent-présent) ou la pensée (au début la réflexion, créée, sur les mots, un par un), la révolution (qui requiert un peuple entier) ; ensuite viennent les créations et les inventions (de la pensée ou esthétiques, etc).

Déjà le sujet prend une dimension historique puisqu’il est la cause de l’historicité. Il initie. Mais le sujet s’impose comme architecture de l’activité de conscience, intentionnelle, à laquelle nous devons tout (rien n’apparaîtrait sinon pour-nous, pas de corps, pas de vie vécue, pas de communauté, nous ne serions que des vivants parmi les autres, mais nous voici Existants). Et se hausse de fait au maximum de sa capacité.

 

La pensée universelle a pour point d’aboutissement le sujet et une fois la pensée exposée dans son entièreté, il revient au sujet d’assurer la poursuite, de même que Hegel ayant tout rassemblé dans le Savoir absolu, la place est dégagée afin que se poursuive l’analyse de « cela qui pense » et cela qui pense est nommé sujet.

Il est d’une autre nature que la pensée, puisqu’il l’initie d’une part (elle n’est pas sans lui) et qu’il sera capable de la concrétiser dans le monde, ce qui veut dire aussi dans la vie vécue et bine sûr relationnelle (y compris dans les échanges, économiques ou politiques).

Tous cela c’est ce qui eut lieu ; le sujet fut analysé par Descartes, Kant et Hegel (et les allemands idéalistes, recherchant la nature de cet absolu, qui depuis Descartes n’est plus dans les cieux mais ici même et donc requérant aussi la question de cet ici-même, qui à tout le moins porte cet absolu sujet et qui à l’autre bout s’imposant comme ici-même absolu) mais aussi par Husserl, Kierkegaard (etc), Nietzsche et Heidegger, et enfin analysé au sens strict par Sartre et Lacan (l’un selon l’externe, Sartre, et l’autre selon l’interne, qui n’est pas l’intériorité, Lacan).

Le déroulement historique fut total, quasi parfait et probablement complet ; non pas parfait selon une logique roide et fixée, mais selon une logique spécifique celle du possible, ce qui prend en compte les aléas et intègre diverses subjectivités, puisque le raz de marée de la structure prend l’humanité antérieurement à toutes les déterminations ;

sans doute aucun le champ intentionnel se nourrit à foison de la perception naturelle, du vivant (du reste des balbutiements de langage, au minimum, sont présents chez quelques vivants), mais il les reprend, ces données, dans une actualisation, ce qui veut dire un champ actuel d’échanges, avec la communauté mais aussi avec-soi (ce qui est l’apport fondamental qui actualise encore plus l’actualité ; n’attendant plus exclusivement l’aval de la communauté, mais faisant feu de tout bois, chacun abordant sa propre expérimentation de la réalité, du monde, du vécu, du corps, d’où l’importance du corps, dit crucifié, parce qu’il est ce par quoi passe la perception brute, naturelle, et en l’occurrence le flux de l’humanisation et de l’inhumain, de la souffrance mais aussi de la condamnation, de la haine).

 

Descartes lance donc la réflexion, la réflexivité (le retour sur) non plus sur l’unité en lui-même du discours mais évidemment sa non-clôture, puisque dès lors le discours est ouvert sur ou par le sujet, voire produit par celui-ci ; en quoi, donc, le sujet qui est de fait existant de par soi, puisqu’existant pour lui-même (ce qui désigne un rapport qu’aucun rapport ne peut rompre ; la raison peut l’engranger, mais comme sujet, cad ne possédant pas en elle-même cette raison la capacité de le dévorer, de le soumettre ; raison oui, mais d’un sujet et on voit bien, alors, que si le sujet existe, et se marque de son rapport qu’il est, il devient, ipso facto, absolu ; ce qui existe en rapport est plus grand que ce qui est fixé, déterminé. C’est la problématique hégélienne ; qu’est-ce que la pensée qui pense sinon l’ensemble de toutes les pensées ? C’est curieux que l’on ne puisse pas définir la-pensée, comme si tout tournait autour « si spontanément », alors que c’est une construction, mais qui construit ?

Et si il y a un « qui » constructeur, il faut bien élaborer la pensée (universelle) de ce « qui », qui, définitivement, sera présenté comme « encore plus universel ». Ce que l’on nomme rapport. Et si, deuxième palier, ce sujet est constructeur, c’est au sens de créateur ; il crée la possibilité qu’il contient en lui-même dans sa nature même, de produire de nouveaux rapports dans le milieu, le rayonnement, le déploiement même du rapport qu’il est (qui en tant que tel n’est pas mais existe).

Dès lors si le sujet est le rapport (absolu, puisque de toute manière un tel rapport est absolument ; il n’est pas le rapport d’un ceci avec un cela, les choses, ni même un rapport du ceci avec lui-même, le nombre désigne un tel rapport, mais le rapport s’entend fondamentalement du rapport lui-même avec lui-même, ce qui se nomme conscience), un rapport absolu absorbe tous les possibles ; le marxisme croit unifier le sujet sous un seul nom, le prolétariat, et cette classe est véritablement réelle, et soumise à une très distincte dénomination, mais l’universel n’est rien sans sujets ; inversement le libéralisme s’égare en caractérisant l’individualité en tant que moi (décomposable et avant tout en objets de désir, pour faire court), repoussant hors champ, cad hors de toute possibilité, le sujet, devenu inatteignable de par la complexion s’enfonçant dans l’immédiateté du moi supposé, du moi imaginé (puisque dans la vie réelle, le moi ne peut pas tenir l’idéal auquel il prétend se consacrer) ; inatteignable le sujet dont se tient en vérité de structure le dit moi (il n’y a un moi que par ou pour son sujet).

Et ceci est fondamental, puisque reconnaître que l’on n’est pas le moi que l’on est dont on espérait un sujet, veut dire non que le sujet n’est pas mais qu’il est d’une autre nature, d’une autre complexité et qu’il se devait à lui-même. De sa vie infinie.

Infinie, mais dont on ignore la nature, la réalité, le réel, l’instanciation. On a seulement ici et là divers aperçus.

Rimbaud désespère du je, et vent debout contre le christianisme. Mais comme il est saisi indépassablement par le je, lors même qu’il dénigre la religion, il actualise si précisément la déflagration de la transformation du je vers le sujet qu’il s’agit absolument parlant de cette structure qui fourmille de partout dans le texte des illuminations et dans le récit d’une Saison. La scission est à ce point intime, et aussi bien extime (au bord du moi et au bord du monde ou de l’historicité, dont quantité de poésies sont emplies) qu’elle lui sera insupportable.

Pratiquer l’univoque regard, l’intentionnalité fondée sur et par elle seule, est de fait totalement impossible ; si notre être est un rapport ou si tout ce que nous sommes, tout ce qui apparaît, vient naître dans un champ intentionnel (sinon nous ne serions pas, nous ne serions pas pour-nous-même, et donc pas ne serions pas du tout) alors s’impose l’exigence du plus grand rapport possible.

Mais celui-ci n’est pas et ne peut pas s’intégrer à un contenu de conscience, toujours déterminé, et donc ne peut pas tenir dans, à l’intérieur de cette conscience ; c’est seulement de s’instancier d’en haut, non d’un plus grand contenu mais d’un plus grand rapport ; que ce soit dieu, la pensée et l’universel, le sujet et la révolution, la liberté, la vérité, ou tel domaine admis en lui-même, la poésie par ex.

 

Le plan absolument exact du plus grand rapport est désigné ici comme le-réel. Une fois tirée toute la pensée et posé le sujet tel que là, il reste à comprendre en quelle sorte de plan se dessine et peut se dessiner un tel « sujet ».

Le sens, la finalité s’institue comme organisation du sujet ; sa capacité à accepter et à intégrer le rapport dans son ampleur ou son amplitude la plus grande et la signification de cette « grandeur », de ce rayon d’action, d’activité. Et corollairement de l’effet envahissant le corps. L’extase, la transcendance du corps. Dont on sait, si l’on prend initialement au sérieux, l’introduction christique, que ça ne sera pas si simple.

Reprenons la logique ; rien n’est là pour rien, rien ne s’est manifesté sans raison. Le tout étant évidemment de ne pas réduire ces raisons à leur version immédiate. Élaborer le système suffisamment élevé des raisons du devenir est précisément ce qui occupe toute la philosophie. Chaque raison, système, discours allégué de cohérence, ayant à charge d’accumuler et d’investir notre intentionnalité, de plus précise transparence possible.

De là donc qu’il faille à chaque fois redistribuer le transcendant. Le plan de coupe du transcendant sur le plan de la réalité nous donne le réel même.

De même inversement la motivation à être, l’insondable décision d’être, ou donc l’intention d’exister et d’exister tel ou tel, relève de la cartographie du je. Intention d’exister qui est, absolument, ce qui est en jeu par Rimbaud.

De ce que le je peut ou non encaisser la Possibilité d’exister, plus ou moins, ce qui veut dire selon le plus ou selon le moins ; entendant par là que l’on ne peut pas assurer longuement la plus haute performance ; c’est beaucoup, beaucoup plus étendue que notre actuelle conscience, intention, volition, perceptions, sentiment de « soi ».

Il s’agit donc de décrire l’implication du je (selon sa verticalité) dans le plan du réel tel que donné là, et en tant que cette implication est précisément la redistribution du transcendant ; présupposant, donc, que le transcendant est justement ce qui est intégré ou non ou plus ou moins, par cet accès délibéré au réel qu’est un je, cad un rapport de rapports et fondamentalement définissant la conscience comme cela qui est à soi-même le rapport tel quel ; vide, formel ou nu comme un corps ; c’est de cela dont il est question, la nudité du corps intentionnel.

Il est très clair que ce corps intentionnel est celui exposé christiquement. Ou le vivant, le corps vivant tel qu’exposé par le regard ; aucun être vivant ne se perçoit du dehors, ne se perçoit à partir du Bord, à partir de l’horizon. Aussi sommes-nous des existants et non des vivants seulement. Ou le regard d’autrui ou l’Autre lacanien, qui est et n’est pas autrui, qui est tel l’altérité contenue dans les signifiants en tant que ceux-ci exhibent, exposent, découpent, perçoivent votre être du dehors, le-regard-qui-voit (celui qui crée et tisse les rapports) et auquel on ne peut pas échapper, sauf, ajoute-t-on, en élevant le débat, en transportant le regard dans la structure absolument en-dehors ; dieu, la pensée, le sujet ou le réel.

Par ceux-là seulement le regard est réinvesti, ne se permettant plus une auto-valorisation, une pure affirmation arbitraire qui l’entraînerait finalement dans l’irréalisme, l’irréalité de contenus au bout du compte immédiats. Il n’est réinvesti qu’à condition, que sous conditions, sous condition d’élévation (de sorte qu’il ‘supporte’ le regard de dieu, l’Intention, l’universel et la rigueur de la pensée et des objectivités, du sujet et de la révolution qui change l’homme, de fait, historiquement, et du réel qui rend concret le je dans un moi, ce qui réclame une véritable intentionnalisation et ce dans le corps même, face à autrui, par le monde donné là, etc).

Il revient à ce je, jusqu’alors honni et soumis à un regard étranger, mais soudainement libéré de ce que signent dieu, la pensée, le sujet, la révolution, les esthétiques, ou le réel. Non pas dans l’affirmation de soi (voie la plus directe vers la folie ou le dégoût, dont Rimbaud est manifestement le plus exemplaire, ou Nietzsche si l’on préfère, ou toute espèce de glissement dans l’imaginaire, le sens imaginé de l’Être heideggerien par ex).

Il revient donc à ce je d’admettre qu’il n’est pas du tout dévolu à un arbitraire ou une particularité ou une subjectivité ou un contenu, toujours quelconque, mais acté par la structure du sujet ; lequel sujet est la plus grande cohérence possible (que nous connaissions).

Qu’il n’existe pas que de la détermination ou des réalités, mais une dimension intentionnelle et structurelle et que c’est elle qui devient ; les choses, le monde, les représentations ou les images ou les systèmes, les constructions objectives (toujours partielles sinon erronées), les idéologies ou les images du moi n’en sont que les effets.

 

On dégage donc la surface dimensionnelle qui prélude à tous les effets (l’arc de conscience dans l’arc du présent, le feuilletage qu’inaugure le mouvement dès l’origine ; il est à l’origine un mouvement qui crée de la détermination).

Et cette surface équivaut, au plus prés, au plus concret, à la surface nue du corps tel qu’il paraît selon l’intentionnel, dans le champ de perception créé, ouvert par l’arc de conscience, en tant que de ce corps « il est écrit ».

Sans doute aucun l’Intention formelle divine qui crée tout ce qui est (et donc lui-même, dieu, n’est pas), la surface blanche de la pensée (universelle), l’amour du christ (que nous ne comprenons toujours pas) ou le sujet neutre et sans plus rien cartésien (qui a tout externalisé excepté l’externe mouvement qui expose tout). Mais justement que l’on en soit au corps même, ce qui veut dire au « moi », est le sens de l’historicité. C’est là que tout (et tout ce qui précède) se joue.

Le feuilletage du moi est sa recherche constante de valorisation (dix mille signes s’adressent quotidiennement et splittent son être ; fournissant ses désirs ; et cette valorisation paraît sous le regard externe invisible que l’on ne peut pas réintégrer ; il n’est de valeur que d’un regard au dehors, de là l’exploration sartrienne puis lacanienne de l’autre point qui ordonne le moi-même)

et qui viennent se loger comme surfaces du corps, parce que facettes du moi, subissant les variations de la découpe des signes, et le moi, qui ne dispose pas de son je (lequel n’est accessible que dans les versions élevées du sujet, dieu, la pensée, le sujet, le réel, sources d’autres splittages, d’autres découpages, bien plus amples et conséquent et non pas morcelant) le moi donc n’a pour référence, substrat, base, substance que son corps comme surface, exposé et nu, ce qui veut dire perçu.

Et le système idéologique de ce substrat du corps comme fondement de la conscience (ce qui est spontané mais absurde) se nomme « économie », telle qu’idéologiquement elle fut et est encore quasi totalement émise, lançant ses préconisations systématiquement non pensées, non réfléchies (elle se donne pour science alors qu’elle est un système).

On comprend bien que dès l’abord de ce corps en lequel, nu, « il est écrit », et donc à l’origine même on frise la division, irrémédiable, la folie ou la « distraction », l’inessentialité, l’irréalité ou l’arbitraire livré à lui-même, enchaîné, et qu’à l’inverse - le plus grand écart  - de la plus grande hyper objectivité accessible est absolument nécessaire et réclamé, bien que nous n’en voulions pas du tout, tout entier il nous révulse, comme dieu les juifs, mais sans lui nous ne serions pas et sans lui il nous est impossible de sortir de ce mauvais pas. Le mauvais pas se refermerait sur nos corps. L’autre surface du corps, inaccessible, perdue.

Dieu, la pensée, le sujet, le réel nous disent en quel sens ça existe.

Ou donc le rapport (qu’est le mouvement d’arc de conscience ou du présent, qui vient d’en-avant) nous informe. Ce faisant il rend conforme la réalité. Il présuppose la meilleure version du corps, sa disposition atomique si l’on veut, l’autre surface qui naît de et dans le champ intentionnel. La ‘libération’ comme devenir absolu, ce qui veut dire formel, n’a de sens que dans et par un corps.

En ceci le corps est par quoi seul il nous est possible de comprendre à quel niveau, en quel degré la réalité est attachée, liée au réel, la détermination à la structure ; toute autre considération qui exposerait des réalités naturelles ou des réalisations humaines pourrait tout aussi bien être saisi de manière extérieure et abstraite et étrangère et pris dans telle ou telle causalité (puisque toutes ces réalités et réalisations ne nous apparaissent que dans des intentionnalités, des représentations, des systèmes de signifiants), mais le corps non.

Il s’agit d’Adam et Ève évidemment, du corps christique, de la troisième substance cartésienne et finalement de l’articulation lacanienne logée au centre (excentré) du vivant (qui en souffre, dans l’incompréhension psychique totale, inconscient, la plus complète ; le signifiant vient le percevoir du dehors, le coupe ; ce qu’aucun être vivant ne peut supporter).

Inversement cela implique que ce corps vivant soumis à la structure intentionnelle, se décuple. Sa sur-capacité.

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Structures de l’impossible

10 Juillet 2021, 08:54am

Publié par pascal doyelle

On a vu que Rimbaud tient la position fondamentale ; l’affirmation vide du je et ce en tant qu’il renouvelle le monde mais aussi la vie, la vie de tous mais aussi de chacun. Et ce bien consciemment.

C’est dit explicitement et le plus difficile est d’accorder confiance et donc son attention-même à ce qui est Dit. C’est dit explicitement et on ne le voit pas. Pareillement on ne voit pas ce que dit le christ, ou Descartes ou Robespierre. Etc.

Et Rimbaud, de son ambition, de l’ampleur de son ambition, en fut déçu, considérablement, parce que ça n’a renouvelé ni le monde, ni la vie, ou alors seulement par contrecoup et sous la remarque qu’en plus l’apport de la vérité (de structure) a démultiplié le monde et la vie au plus bas, au plus bas niveau ; bref ça retombe.

Qui fait l’ange fait la bête, je ne veux pas ce que je fais et je fais ce que je ne veux pas (St Paul mais c’était également partagé dès la méditerranée, dans les éthiques diverses).

Le principe Rimbaud est bizarre.

Il fut annoncé il y a deux mille ans que « ça n’est pas ici-bas ». Alors à quoi bon, pourquoi croire dénicher dans le monde donné et la vie vécue ce qui annoncialement n’est pas de l’ordre, de la nature du monde ou du vécu. Ce qui détermine la pensée ou la réalité, ne peut pas être de même nature que la pensée ou la réalité ; ou alors il faut postuler quant à la pensée que celle-ci existe « en elle-même ». en ce que l’acte, l’activité de conscience serait incluse dans « la pensée ». ce qui n’a pas de sens. Ce que l’on désigne comme « pensée » est en fait et en réalité et en vérité une activité de conscience-de. Et donc la structure « conscience-de » passe devant, devient la scène sur laquelle la pensée mais aussi tout le reste, se déroule. Imagination, sentiment et identité de soi, le moi, et initialement la perception (n’apparaissent que les datas signifiés dans et par un champ intentionnel).

Ce qui existe (de son exister même) n’est pas dans le monde. Il est autour ou hors ou en plus ou sera au-delà du monde.

Le principe que le réel est non pas ceci ou cela, mais dieu, l’être, le un, le sujet, la révolution décuplent les rapports possibles (qui ne sont plus liés par un rapport déterminé).

Ce qui veut dire que l’on doit en user afin de perfectionner le monde (et la vie) mais non pas qu’il faille désirer retrouver dans le monde le Un qui est autour du monde. Le Un qui entoure la vie, la vie vécue (mais également la vie tout court, le vivant ; ce qui est déterminé n’étant en aucune manière séparé, ou abandonné, de l’indéterminé ; la détermination se déploie dans la transcendance ; ou dit autrement re/Créera le monde et la vie).

 

- soit l’absolu ne se réalisera pas, jamais, dans le monde (mais peut-être au-delà ou plus exactement dans le renouvellement de tout ce qui est ; dans non pas « l’autre monde » mais ce même monde et cette même vie en tant que surdimensionnés ; la création étant renouvelée ; ce que le christique annonce explicitement, même si l’on ne comprend rien du tout ; le christ par qui, précédemment en tant que verbe est celui par qui tout fut créé, par le Père)

- soit l’absolu ne s’y réalisera pas selon l’apparence, l’apparaître, la densité ou la concrétisation du monde ou de la vie. Sous-entendu il y a en plus du monde, de la vie vécue, une autre dimension qui doit être, sera, est, a toujours été précisée, définie, délimitée selon une orientation, une signification élaborée, une indication signalétique ; orientation au sens de la boussole ; dit autrement dans la réalité ou la vie vécue il existe un angle de perception, qui doit être signalisé par des signes, afin de diriger la perception et qu’entre dans le champ les positions du réel, du possible et de l’impossible, de la structure même de l’impossible (cela même que cartographie, littéralement, Rimbaud, et ce au travers de deux grands paramètres, très calculés, l’enfer et l’illumination) ; celui qu’il faut trouver et qui n’existe que de venir à jour en l’arc de conscience ; c’est celui caché dans les textes de Rimbaud, mais évidemment entre autres, entre dix mille autres, cent mille autres prises de signes (esthétiques par ex).

Ou les deux. La reCréation et l’angle de signification.

Ça n’existe cet angle nulle part ailleurs qu’en cet arc.

Nb ; Rimbaud est excessivement conscient de ce qu’il fait… véritablement calculateur. C’est même cette acuité, cette lucidité qui est la-plus-stupéfiante. Il dit explicitement ce qu’il a fait, ce qu’il écrit, ce qu’il en juge. Toute l’exposition en est remplie, d’annotations qui deviennent le texte même, le récit ; ces annotations sont l’objet, gigantesque, du récit, des deux récits ; celui du passé et celui du futur, de l’avenir ; de l’origine mythologique et de la finalité et l’avenir cosmogonique du monde et du je ; les deux réglages se retrouvant spécifiquement à la fois en enfer et en l’illumination, en lecture croisée.

Et si on s’étonne du mélange insensé, il faut se rappeler qu’il s’agit d’exposer un je tout entier ; non pas un moi, mais un je (il est infiniment éloigné du lyrisme, ça n’est pas du tout ce genre de mesquinerie qui l’intéresse).

 

Cet angle est généré par un arc de conscience (non pas « par la subjectivité » d’un arc de conscience puisque l’on a vu que l’arc est antérieur à la subjectivité, objectivité et que l’on a nommé cette antériorité comme structure, ou champ, intentionnel) ; et on n’y atteint que dans et par l’actualité, ce que l’on a désigné comme conversion (le tomber amoureux, au plus simple, la foi ou la révolution ou le sujet, ou la pensée universelle, etc).

De même ce ne sont pas les signes qui commanditent l’arc de conscience (même si les signes, les langages, les textes mémorisent évidemment les activités, les liaisons), mais l’arc de conscience, qui, dans l’actualité (d’un inattendu, d’un danger, d’une intuition, d’une possibilité) décide, entraperçoit, calcule, signifie en bref un ajout qui inter-vient dans le langage, le texte, la représentation (et au minimum de telle sorte qu’un moi, quel qu’il soit, est toujours en-plus de l’humanisation en cours autour de lui, que ce soit vers l’immédiateté, la subjectivité (et la subjectivité absolue lacanienne, celle du sujet-inconscient, qui trame-à-part), ou dans l’autre sens du Rapport de tous les rapports ou de l’organisation des rapports entre eux (un système) ou du basculement des signes vis-à-vis du réel ou de la réalité).

L’actualisation veut donc dire la plus entière possible actualisation de « ce qui est » ou donc ici de ce qui Ex-siste.

C’est la carte de cette dimension qui est donc abordée.

 

Rimbaud déçu, de même que la société civile post révolutionnaire va envahir le cadre universel général, individuel et remplir l’universel, la liberté, l’égalité d’intérêts du monde et de chacun; Robespierre ou Saint-Just rêvaient d’un « homme nouveau ». Même déception au final. Tout cela revient au christique, qui nous explique, factuellement si l’on peut dire, la destination du structurel, de l’arc de conscience et sa portée, son rayon d’action, d’activité dans le monde ; Rimbaud désespère, mais le christ sait ; l’esprit est plus grand que la réalité ; le réel est immanquable, il n’y a que ceux qui se croient en enfer qui y sont (Rimbaud « je me crois en enfer, donc j’y suis », en une formule cartésienne ironique sans doute ; mais aucun énoncé de Rimbaud n’est doté d’un seul sens ; raisonné dérèglement de tous les sens, doit s’entendre également « de toutes les significations », il est très clair que c’est écrit selon cette logique de l’excès en quoi un signe attrape beaucoup d’autres, puisque la signification, réelle, n’est pas le signifié, qui serait fixé, mais le signifiant, qui courre partout.

Et Rimbaud s’en aperçoit parce qu’il veut ici même l’actualisation, en invoquant le réel pur, brut dans le malheur, et le pur réel dans l’idéel, « l’inouï ». Ce qui signifie le possible absolu, cad l’impossible.

Et après tout le christique est archétypiquement le sujet originel, le un tout-seul, qui soulève le monde, les autres, la réalité, tout. Et qui fut « déçu » lui aussi, sauf qu’évidemment il le savait, ou en tous cas son Père.

On ne s’étonne pas suffisamment qu’une telle initialisation, christique, de tout ce qui fut civilisationnel se soit imposé totalement et dans tous les sens. Que cette initialisation soit une révélation (si l’on croit), ou une invention pure, absolue, ce qui veut dire formelle.

Le je est forcément formel puisqu’il est un rapport, celui qui lance tous les autres ; et qui a lancé auparavant les autres mondes humains, particuliers. Mais cette fois comme c’est la structure elle-même qui se montre, alors cette structure, comme vraiment réelle (et non pas comme une idée entre autres idées), ne peut se présenter dans le champ de vision que telle quelle. Mais étant indéterminée elle ne trouve qu’au fur et à mesure les signifiants dont elle est le signifié, signifié qui de par sa nature non déterminée, offre quantité de variations et qui étant indéterminé seul peut progresser (la seule direction de choses déterminées étant la disparition, la décomposition).

L’étonnement a en vue la récupération de toutes les variations de position qui permirent d’identifier un parcours à propos du réel ; sur la surface du réel le je se déplace et pointe ses positions, stratégiques (les tactiques se réservant aux jeux indéfiniment diversifiés qui fourmillent selon les intérêts du monde, de la satisfaction plus ou moins immédiate ; ainsi dieu, la pensée, le sujet et le réel sont des configurations, étendues à toutes les intentions et toutes les intentionnalisations, et ne sont pas de l’ordre de la satisfaction, c’est bien pour cela que durant deux siècles se sont armées des tas de théories envers et contre dieu, l’universel, le sujet et bien sur le réel, l’humanisation et l’individualisation glissant dans le fantasmatique, le non régulé, la pullulation des signifiants, ou des désirs, et passant d’une idée de soi à une image de moi-même).

La déception du christ ou de Rimbaud, ou de chacun, n’est pas une raison de renoncer à l’Intention. L’intention, qui part du Bord du monde, de la vie vécue, du corps, est « en réserve ». Elle existe sous sa propre influence. L’intention ne s’adresse pas au monde, ça n’est pas le monde ou la vie que cela renouvelle.

Et là de deux choses l’une ; soit on considère que la réalité crée le présent et que dans cette matrice d’actualisation (en quoi consiste le présent) les réalités adviennent et puis un jour tout s’étiolera et disparaîtra et comme n’ayant jamais existé. Personne ne sera là pour se souvenir de quoi que ce soit. Le néant est la finalité de tout, même si c’est par le présent que les réalités (naturelles) et puis les réalisations (humaines en l’occurrence) adviennent.

Soit à l’inverse on considère que la vérité de la réalité est le mouvement et alors on accorde à celui-ci la qualification de réel ; ce qui est réel, ontologiquement, c’est le présent. Le présent n’est plus seulement la matrice résultante et fait passif général, mais est la capacité œuvrante et active ou hyper active. Et en ce cas il est continuel. Il ne cesse pas.

Son hyper activité n’est évidemment pas de l’ordre du monde, de la détermination, de la réalité ; pourquoi ce monde se doublerait-il d’un autre monde ?

Inversement il y a une réalité parce qu’il y a un mouvement ; la réalité, la détermination, dépend du mouvement. Si mouvement il y a et si seul il existe il est structuré. Les deux seules indications dont nous disposons sont le présent et l’arc de conscience. On ignore la potentialité du mouvement ; dont on a reconnu qu’il s’agissait non de la perfection mais de la perfectibilité ; seul ce qui perfectible est parfait, reposant donc, entre autres, sur la liberté de soi-même qui offre seul d’avancer plus loin (le parfait est inerte, mort, figé et donc forcément déterminé, composé ; seul le mouvement devient infiniment. De toute manière dès que le présent existe ou dont on constate l’existence, il est tout, il est l’essence même, la structure telle quelle, et le reste effets.

Soit donc il se perd dans l’extinction de sa vibration, soit il est ce qui dure.

Et dès lors il s’agit de pénétrer dans ce mouvement tel qu’il existe. Et on prétend ici que c’est ce que l’on a toujours tenté, approché ce mouvement en tant que rapport ; de toute façon il n’est aucune autre manière de penser, de se représenter, de se figurer quoi que ce soit ; le contenu de conscience, une pensée, n’est admise comme fixée que dans l’imagination ; dans le fait on la pense.

La pensée croit l’objectiver ; mais on sait qu’elle aboutit à l’un ou l’autre infini, qui ne peut être ramené à un donné déterminé.

Il faut donc avancer dans l’indicible, l’in-énonçable ; dans le non énonçable nous existons, ça nous est très commun et même consubstantiel ; on voudrait qu’il se marque, s’incruste dans telle chose, tel objet, telle idée ou système. Ou un nom, un nom propre ; Descartes ou Nietzsche, qui l’on veut. Ça s’incarne, et on est content. En vérité on projette sa conscience son intentionnalité, et on est couvert en quelque manière. Ce qui veut dire que l’on peut être la conscience que l’on est, puisque s’étant dédouané. Où est-ce ? C’est là-bas. Ça existe en « ça » (quel que soit le ça). On est tranquille. Lors même que Descartes ou Nietzsche ou le christique ne vous débarrassent pas du poids, du fardeau, de la difficulté. En vérité il faut souffrir comme Rimbaud, se suspendre par les cheveux comme Descartes ou mourir fou comme Nietzsche. Au choix (et il s’offre beaucoup de choix ; a-t-on le choix ? Est-ce que l’on n’a pas déjà choisi sa croix, comme on dit ? On pense que ça n’est pas une croix, un fardeau, mais en vérité, si.

Le névrosé heureux croit qu’il ne souffre pas ; il a passé un pacte, avec un objet (ou une série, etc), et en fait un pacte avec lui-même ; on n’en est pas aux « salauds » sartriens ; il ne faut pas exagérer mais c’est que Sartre est dans le monde, et l’histoire et donc la politique, comme un forcené ; il s’agit bien plutôt de psychologie ou de psychique en l’occurrence la psychanalyse est le psychique, en ceci que le réel y est le corps, et non une représentation, ou si l’on veut le signe du corps qui peut bien se signifier mais comme un signe vide, qui ne pénètre pas le corps), de la position existentielle individuelle, face à la souffrance, séparation, manque, mort, etc ; ni dans la mauvaise foi, sartrienne également. C’est plus complexe qu’un manque dans la conscience, c’est un point de retrait qui seul permet de prendre conscience (de tout le reste, mais qui lui-même s’échappe ; et si il se nomme et désigne c’est faussement, c’est une représentation).

On ne peut pas re-prendre la conscience que l’on a (eu) ; elle est dans le passé et inatteignable ; mais on peut interférer et cette interférence est effarante, et on ignore parça passe ; ça passe justement de ce que cette conscience interférée est différée et vient du futur, de l’avenir, au sens de sa future réalisation éventuelle, mais aussi et surtout au sens de Possibilité. Rimbaud ne fait que cela ; tenter de manifester la conscience possible, de Rimbaud et de tout le monde, et donc le possible du monde, du réel, le devenir réel de tout.

C’est pour cela que c’est très compliqué. Le texte est illisible, parce qu’il dit tout. Et il dit également le temps ; il intègre le temps (l’histoire et la vie vécue d’Arthur et le temps mental et le temps littéraire, évidemment, poétique, toute la poésie). Il a pour but de provoquer votre conscience. La vôtre. Il l’appelle.

Mais qu’est-ce que le christique ? Sinon le baptême de chacun (que l’on croit ou non, c’est un fait historique absolu). On continue de rejouer le même circuit, parce que c’est ce circuit par lequel l’arc de conscience apparaît (dans le champ de sa propre représentation à lui-même).

Croit-on vraiment alors qu’il s’agit du même monde mais autrement, de la même vie mais autrement ? Si la structure, cad le mouvement, du présent ou de l’arc de conscience (qui n’est pas fichu de se matérialiser, de se concrétiser, de se représenter dans un « objet », une théorie ou une identité) est le réel, et la réalité les effets, jusqu’où poursuivre cette distinction ? Comment désigner la différence du réel et de la réalité.

Heidegger qui n’admet pas le sujet, se livre, pieds et poings liés, à l’Être, mais n’ayant pas intégré dans son calcul le dit sujet, il ne peut que mécomprendre l’Être ainsi désigné ; il sera écrasant ; alors qu’il est, le réel, tout de subtilité infinitésimale, par chacun sujet cela se Voit, cela se Sait (du se-savoir cartésien), qui passe outre l’universel métaphysique, et donc Heidegger c’est juste de la métaphysique qu’il va tenter de réinstaller, une contre-métaphysique mais qui de cela s’ignore ou prétend s’ignorer comme métaphysique ; or « il y eut » veut dire qu’il ne pouvait en être autrement et que chaque époque était déjà au Bord au Bout d’elle-même ; lorsque le sujet trouve sa position, il est au Bout de la réalité, cad dans le réel, qui est le possible brut ; ou donc la plus grande distinction possible à ce moment-là. Le sujet est effectivement le plus grand réel, le plus grand possible possible.

Ce qui ne veut pas dire que le possible s’y limite. De sa nature même le possible ne se limite pas, mais il ne peut pas se passer des réalités ; déterminations et indétermination (qui est unique et exclusive, puisqu’indéterminée, tandis que les déterminations sont forcément indéfiniment multiples, puisque déterminées ; on affirmerait plutôt l’infinité de la détermination, puisque ça n’est plus cette « quantité » qu’est « l’infini » qui nous occupe mais des natures, des réels, des structures ; on peut dire que le présent est infini, puisqu’il est un mouvement, ou que l’arc de conscience est infini, puisqu’il est un rapport ; et le réel en général est l’infinité des infinis, ce que l’on nomme le possible brut, le réel est plus grand que lui-même ; c’est le tour de force du réel ; créer le moyen d’être plus grand, ce qui revient à sa logique même de Possible, le réel est le Possible ; tout le Possible est réel, mais alors le Possible est toujours possible, il ne cesse pas).

Soit vous ciblez le mouvement (et on n’y tient pas debout), soit vous vous absorbez dans ce qui est mû. Une chose. Ou plus précisément une détermination ; une image, un signifiant dont on imagine que le signifié est « solidement » un objet de désir, de volonté, de projet ou tout ce que l’on voudra, un truc, un machin qui vaut en soi ; c’est du reste ainsi que l’image Sartre ; un en soi brut. Massif. Le pour-soi essayant sans cesse de croire en un mélange réussi d’en soi et de pour soi (dieu, ce qui n’a pas de sens ; dieu n’obtient la qualité d’en soi que dans le discours théorique philosophique, et encore ; dans la religion dieu est l’anti-tout, celui qui échappe, à tout monde ou tout intérêt, puisqu’il est le grand et unique intérêt).

Sartre se limite à restructurer le je comme sujet

(universel, objectivant un ‘champ du sujet’, l’activité de conscience étant donné telle quelle, et éventuellement fourbissant un « moi »),

sujet qui incline vers l’universel et non pas l’individu ‘je’ ontologique (qui exige une dimension pour qu’on en rende compte) de là qu’il abonde Marx et l’historicité et le monde).

Il ne voit pas, évidemment, que le réel même est articulé (et non pas « en-soi », ce qui ne signifie rien du tout, c’est une imagination et non une analyse ; l’ensoïté de la réalité étant un mouvement… ou des mouvements dans l’unité, formelle, d’un mouvement gigantesque, constitutionnel, ontologique donc ; la réalité est déjà un regard, un champ d’exposition qui se perçoit et donc le regard, le nôtre, est encore autrement autre chose ; la position du regard et non le regard seul, position qui doit se paramétrée, cela même qui nous occupe) ;

et ainsi que l’arc de conscience est pris-dans l’arc du présent brut, de cette actualité et actualisation que Rimbaud attend et exige, tapant du pied. Attendant que le réel s’actualise enfin, mais c’est déjà le cas. Comment pourrait-il en être autrement ? On ne le voit tout simplement pas.

Et le recevant on ne le comprend pas, ne le perçoit pas ; on ne voit pas cela qu’il dit, ce dont il indique les signes, les signifiants. Puisque ce faisant il a bel et bien dressé la carte entière de son je. Incorporant, incarnant chacune de ses variations (et décrivant d’une logique heurtée, passant de l’un à l’autre, comme si c’était lui tout entièrement à chaque fois, déplaçant ses je comme pièces d’échec).

 

La dernière déclaration d’une Saison (Adieu) est un monument de certitude ; l’ensemble du piège paraît déjoué et le je acquiert une existence. Il n’est pas question de ramener ce déclaratif absolu, presque cette performativité, d’un côté ou de l’autre, puisque vraisemblablement Rimbaud cesse toute dépendance.

L'automne, déjà ! - Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, - loin des gens qui meurent sur les saisons.
L'automne. Notre barque élevée dans les brumes immobiles tourne vers le port de la misèrela cité énorme au ciel taché de feu et de boue. Ah ! les haillons pourris, le pain trempé de pluie, l'ivresse, les mille amours qui m'ont crucifié ! Elle ne finira donc point cette goule reine de millions d'âmes et de corps morts et qui seront jugés ! Je me revois la peau rongée par la boue et la peste, des vers plein les cheveux et les aisselles et encore de plus gros vers dans le coeur, étendu parmi des inconnus sans âge, sans sentiment... J'aurais pu y mourir... L'affreuse évocation ! J'exècre la misère.
Et
 je redoute l'hiver parce que c'est la saison du comfort !
- Quelquefois 
je vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie. Un grand vaisseau d'or, au-dessus de moi, agite ses pavillons multicolores sous les brises du matin. J'ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J'ai essayé d'inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J'ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! Une belle gloire d'artiste et de conteur emportée !
Moi! moi qui me suis dit 
mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre! Paysan !
Suis-je trompé ? la charité serait-elle soeur de la mort, pour moi ?
Enfin, 
je demanderai pardon pour m'être nourri de mensonge. Et allons.
Mais pas une main amie ! et où puiser le secours ?

___________

Oui l'heure nouvelle est au moins très-sévère.
Car je puis dire que la victoire m'est acquise: les grincements de dents, les sifflements de feu, les soupirs empestés se modèrent. Tous les souvenirs immondes s'effacent. Mes derniers regrets détalent, - des jalousies pour les mendiants, les brigands, les amis de la mort, les arriérés de toutes sortes. - Damnés, si je me vengeais !
Il faut être absolument moderne.
Point de cantiques : tenir le pas gagné.
 Dure nuit ! le sang séché fume sur ma face, et je n'ai rien derrière moi, que cet horrible arbrisseau !... Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d'hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul.
Cependant c'est la veille. Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et à l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.
Que parlais-je de main amie! Un bel avantage, c'est que
 je puis rire des vieilles amours mensongères, et frapper de honte ces couples menteurs, - j'ai vu l'enfer des femmes là-bas ; - et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps.

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Je est un Autre

3 Juillet 2021, 08:11am

Publié par pascal doyelle

La Cause des effets

On a vu que l’on a reconnu dieu, non pas d’y croire ou non, ce qui ne nous revient pas ici, mais de ce que dieu est le signe formel, ce qui veut dire absolu, de l’Intention. En quoi l’intention étant en elle-même un rapport est entièrement vide (formelle) et qu’elle incline la réalité, les réalités, les vies vécues et les groupes humains en tant qu’intention (dieu produit la catégorie du divin, qui existe séparément et hors de toute partie du monde, de tout être donné là, et non pas tel le sacré qui se réserve, dans le monde, la vie, le temps, une partie du monde, de la vie, du temps, etc).

On a vu que l’on croit à l’universel, en tant qu’effectivement par l’universalisation, les idées, le monde apparaît et il apparaît même au-delà et par-dessus n’importe quel gouape humain (Socrate est sacrifié par le groupe) ; une « idée » est une intentionnalité qui découpe dans la masse de la réalité, indistincte (et donc non existante pour nous) des signes/perceptions, laissant surgir les perceptions qui autrement, non dites, non exprimées, n’apparaissent pas. Platon a raison, l’universel produit la perception du monde.

On a vu que l’on reconnaît le christique ; au sens (qu’il soit créé, produit ou révélé d’en haut est un autre problème, de croyance, et on ne peut rien dire pour ou contre en quelque manière que ce soit, hormis ceci que l’on admet pour dieu, l’universel ou le christique ou ensuite le sujet, qu’il existe une interruption de la réalité qui rompt la causalité, en amenant sur le devant la grande Cause absolue et formelle, qui n’appartient pas au monde, au donné, aux déterminations, que l’on nomme ici cette cause d’une part l’arc de conscience et l’intentionnalité, qui produit des champs de déterminations signifiés, pris dans un rapport qui se substitue, et d’autre part l’exister ou donc le présent qui actualise et qui ne répète pas, qui pousse à innover, ce que la « nature » provoque constamment) ; christique au sens donc que cette fois l’intention, divine, est incarnée dans et par un corps, ce qui implique que chacun devient, par le christique, al considération du christique, une intention (à laquelle n’est plus applicable la Loi, et le jugement, mais le pardon et l’amour, ou donc qui privilégie la relation (confiante) au fait (jugé).

Dieu, l’universel ou le christique libèrent. Il y a une différence de structure entre les mondes humains qui croient au donné tel que là (parlé, représenté, échangé, de contenus déterminés) et le non-monde qui suit, et qui croient, eux, que l’on produit des contenus qui représentent le donné tel que « là » (l’être est nommé et non plus tel monde, dieu hors du monde puis le divin séparé mais incarné dans un corps-unique, etc).

Ils sortent l’humain (collectivement ou individuellement) du donné, en imprimant dans le champ de perception le processus-même qui crée les champs de perceptions, et donc dieu, l’universel, le christique produisent de nouveaux champs, une nouvelle expression qui rend accessible le monde, le donné, la vie vécue, ou relationnelle, le collectif ou l’individuel, la perception ; qui sort du groupe pour revenir à chacun ; le monde donné là est celui inaccessible aux groupes mais ouvert aux sujets ; qu’il y ait donc un monde donné là (et « là » pour la pensée, soit donc l’être en dessous de toutes les représentations particulières) et qu’il y ait un sujet, selon son corps et sa perception, nu et sans rien (christique).

Ce mouvement dans le processus général qui consiste à prendre conscience de soi, de soi de la structure (et non de nous seulement). Dit autrement nous naissons par et dans la structure, l’arc de conscience ; or il se trouve que cette structure est une incarnation, au sens qu’elle fait-exister un sujet. La forme « sujet » (soit donc ce qui est en rapport à soi en tant que rapport) est originelle.

Aussi est-elle actée dans ces ‘conversions’ qui se réalisent dans ‘l’actualité’ précisément, puisque l’arc de conscience entre dans sa propre considération (et ne produit plus un monde collectif), ces conversions que sont dieu, la pensée, le christique, le sujet, la révolution (la conscience de soi de l’humanité en tant que formulé dans l’équation liberté-égalité).

On admet le sujet comme représentant qui synthétise ici et maintenant ; dieu ou l’universel recherchent des effets concrets, mais depuis le christique c’est chacun qui est en charge du réel, de la décision, de l’orientation ou de la désorientation du réel. La concrétisation est acquise dès lors.

La question, notre question, puisque toute l’élaboration a couru jusqu’au point du moi, notre question est celle du sujet ; étant entendu que le sujet en tant que moi-même se doit à une intentionnalité extrêmement serrée, tout à fait cohérente, au point qu’il se perd, le sujet, en tant que moi, dans la concrétisation et ne sait plus du tout en quoi et comment investir la capacité, la potentialité ; Nietzsche, Heidegger, Sartre et Lacan examinent ses possibilités de réalisation, de même que par ex Marx, ou la politique du 20éme, y compris le libéralisme ; où et comment investir et quoi ? Comment instancier les intentionnalités, l’intentionnalisation même ? Nietzsche retourne la réalité et de cibler la Volonté ou l’énergie comme autre, c’est penser une stratégie ; comment sinon ce qui existe en tant qu’intention peut-il se prendre soi comme finalité ??? La dérive vers l’altérité, la compréhension de l’intention comme une position autre, est techniquement pour ainsi dire quasi impérative (de même que l’on se tient du christique ou de dieu ou de la vérité, mais aussi de la liberté et de l’égalité ; afin de prévisualiser une stratégie).

Tout cet ensemble veut dire que ce qui compte ça n’est pas la réalité, déjà là, déjà donnée, mais le réel, cela qui n’est pas. Non que les réalités soient effacées, annulées, ignorées (comment cela se pourrait-il?) mais bien que l’attention doit au moins se réserver dans la possibilité et non pas dans l’acquis ; Rimbaud, dans son affirmation effarante, maximalise la Possibilité. Et c’est comme si tout basculait en trois fois historiques (dieu, l’universel, le christique) puis se cristallisait en révolution(s) et donc en sujet, qui n’est en vérité réellement accessible qu’à partir du moi concret ; tandis qu’autrefois l’organisation de ce qui est partait de la base de la pyramide vers le haut, cette fois la pyramide repose sur la pointe et toute la possibilité se déploie au-devant, ce qui créera précisément l’historicité.

La structure de base s’inscrit en tant que moi, dont la possibilité de produire (et de recevoir) des rapports est indéfinie (raison de ses gros problèmes psychiques et psychologiques et relationnels et d’unité de toutes ces intentionnalisations).

C’est l’inversion de tout, de tous ces mondes humains particuliers tels qu’ils se présentaient à eux-mêmes ; afin de s’auto-organiser comme monde, parole, partage, plus ou moins, échanges ritualisés (et non pas libéralisme), esthétiques traditionnelles et religieuses, corps selon des rôles précis, traités par et selon des signalisations (et non pas source, de plus en plus absolue, de signifiants) etc.

Dès lors cette liberté du signifiant, c’est la capacité pour toute conscience de produire, inventer, créer des signes. Et cette liberté réclame une méta-organisation dont la concrétisation sera purement la révolution ; qui affirme les libertés et la concertation généralisée sur chacun.

Concertation dont les deux proies, les deux objets, les deux nourritures seront le monde et la vie de chacun.

Proposons ceci que les mâchoires du rapport, en quoi consiste l’arc de conscience libéré de toute régulation communautaire, collective, extérieure, arc libéré intérieurement, ces mâchoires sont cela qui va dévorer le monde et la vie de chacun.

Littéralement.

La puissance, ce qui veut dire la potentialité, incluse dans l’arc lorsqu’il est venu lui-même sur le devant de la scène qui était occupée par tel monde humain cyclique, holiste, sacré, réglé (et même hyper réglé), lorsqu’il monte sur la scène il prend toute la scène ; il n’y a plus que lui et il est devenu la loi. Version arbitraire ou version cohérente. Et rien dans le monde ou le vivant ne peut s’opposer à la puissance. Tout ce qui est déterminé est livré à la dureté de la potentialité. Qui fracassera toute réalité en petits morceaux et anéantira tout être vivant.

Aussi bien le monde, la planète dite Terre, que le corps vivant de chacun.

Si la puissance ne se régule pas elle-même, rien ne le fera (sinon l’anéantissement).

 

On a interprété Descartes ou Kant comme des sortes de prolégomènes à la pensée, en tant qu’ils semblent introduire en philosophie l’analyse du sujet comme support, donné là, immédiat, vaguement organisé, à peine ébauché, propédeutique lui-même à la supposée consistance de la pensée, et ne tenant sa logique que de la raison, première, prochaine, à venir, celle que le dit sujet rend possible et en laquelle il disparaît sitôt que l’universel s’impose. Et de la sorte on dit que Descartes est métaphysicien par ex.

On a pris l’hypothèse inverse ; en analysant le sujet, le « support », le substrat de base (existant pour, voire part un plus grand que lui, la pensée) en analysant cet être spécifique donc on a pensé bien plus réellement et bien plus précisément que ne le proposait la pensée, la raison ou l’universel, qu’il est, lui, la structure active et même hyper active par qui et pour qui universel et pensée il y a.

 

En supposant le sujet on est entré dans le basculement qui a transformé la métaphysique en ontologie et l’ontologie non plus comme partie spéciale du discours philosophique (partie qui étudiait l’être en tant qu’être, cette idée), mais ontologie comme analyse de cet être-ci tel qu’il existe avant toute pensée et qu’alors apparaît cette évidence que le sujet est articulé et autre que lui-même et que c’est dans cette altérite, ce laps, cet écart que viennent se loger non seulement la pensée et l’universel, mais les esthétiques, les poétiques, les politiques et éthiques, les humanisations et les personnalisations, les corps et les champs de perception et d’expression.

Ainsi existe-t-il un être spécifique qui rend possibles diverses capacités, et qui, donc, lui-même, excède toutes et n’importe laquelle de ces facultés.

C’est ce blanc, ce vide, cette forme non connue, que l’on nomme arc de conscience.

Il est ce par quoi on connaît, on crée, on invente, parle, imagine, décide, veut brusquement ou en continuité, calcule, dessine, puisqu’il est un champ intentionnel qui permet d’affecter des signes à des perceptions. Non pas seulement aux perceptions, qui attendraient dans le donné là du monde d’être levées, mais à un nombre indéfini de perceptions, y compris celles qui ne sont pas, puisque l’arc, étant son propre fondement, créera les perceptions qu’il voudra ; ce qui eut lieu, partout, y compris pour les mois, et non seulement pour les civilisations ou les mondes humains.

C’est qu’il faut comprendre que l’on peut ajouter des champs de conscience, d’intentionnalisations, sur n’importe quel donné (et à la base pour la survie dans n’importe quelle situation mondaine naturelle, raison pour laquelle nous passons outre le principe du milieu identique à tel être vivant, telle espèce) ; et donc chacun peut tout aussi bien, et de toute manière, ajoutera un tel champ qui sera le sien. Il ne copiera pas son héritage (psychique, culturel, sociologique), il le réinventera. Le milieu propre à l’arc de conscience, les signes, est ouvert à toute modification (qu’ensuite ces modifications individuelles passent ou non dans la représentation générale est un autre problème).

Et les signes, l’ensemble des signes bascule alors soudainement comme signe du corps lui-même ; celui, le signe, qui s’exprime dans un geste, une intonation, un point de regard. Comment cette alchimie serait-elle réduite à la « connaissance » ou à l’universel constitué ?

Or pourtant même l’infinitésimal signe reste universel … puisqu’il est pris dans parce que par le rapport qu’est un arc de conscience.

Il est impossible de passer outre le rapport initial ; on ne peut pas dériver « avoir conscience » de quoi que ce soit ; et cette impossibilité est contenue dans la structure même de cette « conscience » ; qui est, à elle-même, un rapport lequel ne peut pas être dérivé ; sinon abstraitement.

Abstraitement parce que l’on peut substituer à tel rapport, à telle mise en rapport, un contenu supposé, mais décrété théoriquement par ailleurs et dans la présupposition d’une théorie extérieure, et qui correspondra peut-être à une effectivité bien concrète qui fut voulue, intentionnalisée, exprimée, mais le rapport lui-même échappera à toute extériorité en sa finalité ; la raison en est que l’on ne peut pas ne pas situer telle intentionnalité dans l’intentionnalité réelle qui désigne son horizon ; dit autrement de tel ceci on remontera à tel cela qui se suivra dans tel autre qui se poursuivra dans l’horizon, reculant à l’infini, puisque l’arc de conscience, ce rapport, est non-fini.

Et que le signifié terminal de tous les signifiants (et donc de leurs signifiés en enfilade), le signifié terminal est l’arc lui-même ; l’arc de conscience est ce rapport dans lequel rapport le « soi » est le rapport lui-même et non tel ou tel contenu, ni telle ou telle identité telle que représentée ou signifiée, mais qui peut pourtant, se désigner lui-même ; comme « je ».

Et donc il n’est, littéralement, perceptible que de lui-même ; rien ne peut s’y substituer, et encore ne se perçoit-il pas, mais uniquement et exclusivement se signifie, entrant dans l’énigme du rapport lui-même ; qu’est-ce donc que cela, qui est en tant que liaison ?

On entre depuis lors, cad depuis que l’on a cessé d’attacher la liaison, le rapport avec tel contenu, tel sacré on entre dans la capacité en tant qu’elle a conscience de sa conscience, cad de la possibilité de tout rapport. Aussi bien rationnel et universel, ou esthétique ou éthique, politique, et clou du spectacle si l’on peut dire, capacité individuelle par le christique ; qui renvoie chacun à lui-même via cette « subjectivité » universelle qu’est le christ, dont on voit bien la difficulté qu’il y a de le caractériser comme « subjectif » ; il a fondé une civilisation, celle du soi-même, de l’individualité, de l’organisation politique de l’individualité et de la raison, de la prédisposition de soi (par soi-même, ce qui est absolument difficile) et de la disposition des choses.

Ou donc la civilisation qui sait multiplier les contenus sans tenir strictement à aucun sinon d’élaborer le méta ; ce que l’on nomme par exemple philosophie ou politique ou sujet, poétique, etc. La liberté pure, celle qui trouverait sa régulation à elle dans l’égalité, et puis éventuellement la fraternité, et qui, tenant le rapport lui-même (purement abstrait, mathématique par exemplarité, ou Autre, dieu, ou comme point hors du vivant, le christ, ou suspension au-delà des déterminations, suspension cartésienne donc) civilisation qui peut créer des rapports ou des quantités astronomiques de signifiants (subjectifs ou objectifs).

Ou donc il fallait pousser jusque tout au bout de notre être, soit donc de notre conscience afin d’en atteindre le bord ; de sorte qu’effectivement il y eut moyen d’user d’une imagination ontologique, qui prit deux noms ; Nietzsche et Heidegger.

Qui s’empruntent évidemment à ce contre quoi ils avancent ; le sujet et l’être. Respectivement. Le super sujet nietzschéen et le super être heideggerien.

Ce que l’on pourrait doubler par la réalité sartrienne et le moi lacanien.

Parce que contrairement à ce que l’on pourrait croire Sartre se tient du monde (d’autrui, de la perception, de l’historicité) et Lacan se tient du sujet.

Sartre énumère, passe en revue, cartographie le dehors du sujet (et bien sûr pour sa partie le sujet lui-même) et Lacan le dedans du sujet. Et ce dedans, en l’un comme en l’autre, est à l’extérieur ; on a vu que l’intérieur, l’intériorité véritable est celle qui se décidera au fur et à mesure durant une vie, par quoi cette vie, vivante, devient une existence. Une Existence ou une ex-sistence. Ça se décide dans l’actualité et la décision de soi (rappelons que même Lacan, qui n’admet pas la liberté au sens disons classique, cad cette version schématique ou caricaturale de la volonté consciente, qui n’était pas celle de Descartes ou Kant, même Lacan parle de l’insondable décision d’être, névrosé ou psychotique ou autre, puisque les mois eurent tôt fait d’inventer diverses formes de décalages).

On a reconnu qu’il s’agissait, cette décision, d’une conversion ; vous vous convertissez à ceci ou cela, et quel que cela soit, cela fait office d’ancrage ; un amour adolescent (ou adulte), dieu ou la révolution, la liberté ou la pensée ; bref ce que vous voulez, ce que vous pouvez dont même coincé et ligoté vous pourrait toujours tirer une capacité, un agissement, une position. Il n’y a aucun moi sans une structure de conscience et aucune structure de conscience échappe à l’articulation, ou l’articulé. Tout moi naît déjà lui-même d’une scission ; il n’existe pas avant la scission (qui n’est pas ce qui arriverait à un moi déjà là), il existe après et de la scission et à jamais ancré par et dans cette division. Aussi n’est-il plus un vivant, seulement, mais un existant. Autre.

C’est la mesure, la compréhension de cette altérité qu’il faut établir.

Autrefois la division n’était pas autre chose que dieu, la pensée, le christique, le sujet (ou la révolution et son corollaire la nation, la politique est structurellement la vérité, comme l’esthétique ou l’éthique romaine par ex). Cette fois la division chaque moi-même qui est devenu son propre horizon, doit être admise au dedans de ce moi ; on a vu que le mouvement historique général outre l’établissement des grandes divisions, configurations, est de s’incarner (initialement, puisque le christique ne survient pas ou ne se révèle pas pour rien), et si l’on préfère de se concrétiser.

Il est ainsi une division « par le bas » et non par seulement le haut (dieu, la pensée, l’universel, le sujet). C’est donc en et par ce-corps tel que divisé, scindé, déchiré de haut en bas.

Le malheur, le véritable malheur, serait de croire que c’est uniquement dans l’immédiateté de cet être que cela nous concerne ; la vérité est qu’il faut totalement récupérer toutes les formulations, et les formes, de la division qui furent, qui furent découvertes, inventées, créées, révélées ; dieu, la pensée, le sujet, le réel sont uniment la planification absolue (cad formelle) du réel.

Et il n’y a aucune raison de considérer que ce moi, qui est et n’est que par son sujet, soit exclu ou égaré ou perdu ou abandonné par dieu, la pensée, le sujet ou le réel ; le moi-même est la pointe la plus réelle qui se puisse. L’aboutissement.

Celui sur qui tout le reste repose.

De là qu’il fallut complètement exposer toute l’humanité, ce qui se nomme la mass et micro médiatisation, afin que cette humanité et donc cette personnalisation se juge et puisse réguler ou se fasciner de sa propre image qu’elle devienne rationnelle ou raisonnable ou mesurée ou folle. Elle est devenue folle, elle s’est perdue dans ses images, elle a pris pour réelles ces images de soi, et ceci jusqu’au plus intime de soi-même, du moi tel qu’en lui-même ; pas seulement en tant que telle religion ou comme nation ou comme idée communiste, ou autres généralités, mais en lui-même, en ses désirs. Ainsi de nous percevoir et de nous percevoir tous ensemble, exposés aux regards les uns des autres, devait unifier cette humanité, et c’est globalement ce qui eut lieu, de fait ; il fallait que s’y ajoute la conversion de chaque moi-même, soit donc à sa propre mesure, et non dans la fascination, infantile, des images de soi ; par quoi on croit ce que l’on voit, on croit que ce qui est vu sera ressenti et que la satisfaction viendra du donné là immédiat, une sorte de ben-être du corps, la finalisation de toute l’intentionnalité vers le bas, vers le corps, et non pas la tension, maintenue et certaine, du je … un moi n’est pas un je, quand bien même il n’existe aucun moi sans son je.

Donc c’est en ce sens que chacun sera, est déjà jugé, par lui-même.

Avez-vous suffisamment calculé votre je ? C’est la question. La plus fondamentale pour n’importe quel moi.

C’est dans ce dilemme généralisé et excessivement cruel que l’on souffre de ce moi que l’on est ; notre situation est, mentalement, très difficile et continuellement le poids pèse sur nos épaules, nous cloue sur place, nous détricote du dedans et du dehors, tout le dedans dehors et tout le dehors dedans.

Sacrifiez à dieu, la pensée, le sujet, la révolution ou le réel (ou l’esthétique ou l’éthique), à ce que vous voulez, mais sacrifiez. Le tomber-amoureux du moi est un sacrifice. Un abandon, une dépossession, une présence absente.

Le poète sait se sacrifier, il ne parle même, presque, que de cette perte.et évidemment de sa raison d’être, de la cause dont il est l’effet, l’effet qui démonte tous les petits effets négligeables (que l’on prend habituellement pour des finalités satisfaisantes), les petits effets sont des effets d’effets, le poète saisit mais bien plus véritablement est saisi, transi de la Cause.

Rappelons la logique du regard ; on ne sait pas qui regarde. Dieu par exemple permet de fixer le regard qui regarde et donc nous soumet à l’exigence. De même le poète se fie, se confie, s’abandonne à sa poésie qui est d’abord une technique, une technologie et une finalité, une logique, et une logique d’exister (il le clame suffisamment fort). Dans tous les cas élevés il s’agit de se soumettre. Parce que sinon cela veut dire que vous vous soumettrez mais selon de faibles intérêts (vos désirs ou les désirs que d’autres vous colleront ; de « nous sommes ce que nous ferons de ce que les autres et le monde ont fait de nous » Sartre, aux désirs tout venants ou aux désirs commandités du regard médiatisés ou objectivisés ; Lacan annoncera « il ne faut pas céder sur son désir », sous-entendu sur son vrai désir impossible, ne pas le monnayer, ne pas le remplacer, mais le faire-semblant revient continuellement).

Donc il faut choisir son maître.

Dieu est bien sur le plus fondamental parce que si l’on s’y prend comme il faut on ne se soumettra pas à une église … ou plus profondément on saura bien que telle église n’est qu’une pauvre chose humaine en comparaison de dieu, qui n’a aucun maître, nulle part et en aucun sens. De même l’universel est extrêmement exigeant mais il n’obéit à personne. Ou la poésie.

On voit que dans tous les cas le véritable enjeu est celui-ci ; qu’exigez-vous de vous-même ? À quel niveau placez-vous la barre, le joug ?

Remarquons que le christique vient à point, puisqu’il vous explique clairement que l’on faiblira, que l’on se perdra, égarera mais que l’on s’en fout. On s’en fout, parce que cet état de faiblesse ne manquera pas d’arriver, mais peu importe ; l’intention (christique) n’est pas le jugement et la loi (judaïque). L’intention est infinie. Et donc le pardon est la seule loi réelle.

Mais c’est une loi ; en ce que l’on ne peut pas tricher ; si tel est le cas on chasse de la réalité le réel ; on croit pouvoir arranger la réalité, et on cherchera toujours à faire avec, à mentir (Sartre pourchasse la mauvaise foi, supposant, on ne sait comment, une bonne foi, l’historicité imaginée du marxisme par ex). La mauvaise foi est une variante du péché ou de l’erreur ou de l’égarement ou du délire, de la folie, de l’aliénation. On est déjà perdu, mais le christique nous apprend que ça n’a pas d’importance.

Le christique, qui met en place l’intentionnalité individuelle (sous le regard du un tout-seul, crucifié, abandonné, et ceci que l’on y croit ou pas), nous apprend non seulement à interroger notre intention (que veux-tu vraiment ?) mais qu’il va falloir se confier à soi-même ; et ne pas faire semblant, ne pas se leurrer, examiner les conditions de validité de notre vie, de notre existence, de nos finalités, explicites et puis implicites et encore inconscientes. L’inquiétude quant à soi-même ou quant à son âme, puisque finalement c’est identique, est en ce sens originelle ; en vérité lorsque le moi-même, du 20éme, s’inquiète quant à sa propre vie, c’est une version réduite (mais concrète) de ce qui se jouait (spirituellement ou théologiquement) ; on pourrait dire que retiendra-t-on de sa propre vie ?

Non pas réussira-t-on ? Ou avons-nous été sincère, envers nous-même, notre « vrai désir » inconnu, comme dirait Lacan ? Mais quel est le trajet singulier de tous ces tracés particuliers que l’on a vécus, traversés, poursuivis, ou subis (après tout c’est la logique psychanalytique ou psychologique que de dénouer des causalités, qui existent vraiment, contrairement à ce que postulait Sartre).

Puisque nous ne sommes pas un être (mais un exister dans l’exister) et que dès toute formulation on se détermine, on détermine ce qui ne l’est pas, ce qui est indéterminé ; raison pour laquelle on peut passer d’une détermination à l’autre et que, donc, nous ne collons pas aux contenus, nous sommes dans, par et peut-être pour la forme invariable de tous les contenus variables ; sauf que l’on ajoute que l’invariabilité de la forme se meut, et qu’elle devient; étant tout à fait formelle on peut dire qu’elle seule devient ; ce qui est déterminé qui devient, disparaît. L’égarement, la faute, céder sur son désir, l’erreur, les illusions (également celles du doute-cogito) c’est ce par quoi l’on advient. Et le rétablissement de chacun dans sa conscience se découple de ces égarements, comme le tomber-amoureux de l’adolescent, la conscience de la mort ou les erreurs du cogito. Et on ne s’étonnera pas que l’on part, habituellement, du négatif ; or donc c’est de la positivité pure, et brute, dont il faut partir.

Brute, puisque la structure est cela même qui existe le plus. Le mouvement est cela qui devient. Il est brutalement l’originel tel que situé dans le possible, cad le présent. Rimbaud, ayant parcouru tout le remords, la malédiction, le mal-être envahissant, la mauvaiseté et la division en lui-même (Enfer, et bien d’autres stations, puisque son principe est d’incruster dix idées, images, registres en une phrase), retourne le principe et invoque l’absolue positivité de l’affirmation de « soi », un soi plus grand et surtout qui-renouvelle-le-monde. Le grand séparé prétend relier d’autres nouvelles réalités, renouveler l’être, sans sacré, et livré au divin. Je est forcément un autre, puisqu'il est un rapport et que l'on ne tient jamais le terme d'un rapport mais jamais non plus l'origine. Le mouvement (l'énergie entre autres figurations pour Rimbaud) est le rapport.

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