Les quatre branches de la corde, qui se nouent.
L’aventure n’est pas celle de la “pensée”. La pensée est une des étapes du devenir. On devrait plutôt désigner le devenir, l’historicité comme réflexivité ; retour sur notre être par cet être lui-même. Il se voit.
La philosophie consiste à élaborer un système qui correspond plus ou moins à une série de perceptions, intuitions, imaginations, représentations, intentions, etc ; si personne ne tente telle ou telle élaboration alors il devient impossible de réagir, d'agir, de coordonner puisque rien n'est exprimé. Il se trouve qu' ici et là des systèmes furent proposés, qui agirent. qui agirent dans la réalité, l’humanisation ou voire dans le réel ; cad qu'ils modifièrent effectivement le donné là, ou donc aussi bien le donné - le monde, la réalité, le vécu - que le "là" - la considération de la position du réel ; dieu, la pensée, le sujet, le réel au sens précis, permettent de situer le point-de-réel dans sa position, sa distance. Et ce indépendamment de la vérité (objective, certifiée, qui est en fait souvent relative, à un moment du développement scientifique, et de fait limité, puisqu’il ne convient pas qu’une science outrepasse son objet propre) indépendamment de la ‘vérité’ puisque chaque système vient à mesurer l’écart ; soit donc le rapport. Le rapport de l’arc de conscience au réel (ou de la pensée aux réalités, ou de la liberté au moi ou à la communauté, ou du moi lui-même à l’inconscient, etc). C’est bien en ceci que depuis le début ou dès le début les arcs de conscience ne se trompent pas ; ils établissent la distance entre eux et “ce qui est” au sens générique ; c’est en ceci qu’en ces systèmes on se reconnaît, aussi diversement sans doute. Et que même en ne s’y reconnaissant pas, on s’y repère ; on préfère Nietzsche à Platon ou Heidegger à Sartre, mais ça ne change rien à la position stratégique des uns et des autres.
Refuser qu’il y ait dieu, théologie, métaphysique, ontologie, existentialisme, ou quelque système que ce soit, c’est annuler la cervelle. C’est vivre sourd et aveugle, puisque l’on supprime de fait la capacité d’énonciation et donc de jugement ou de prise de conscience ; on se limite, très zététiquement sans doute aucun, au minimum, cad à rien (sinon validé par une obscure scientificité qui n’existe pas ou tellement partiellement et limitative qu’elle équivaut à rien). Répétons ; ce qui n’est pas exprimé (et exprimé en l’occurrence en une cohérence de système) empêche d’exister. Puisque l’on peut être certain que l’absolument réel reviendra sous une formulation qui se dissimulera comme tel (en se prétendant de telle ou telle idéomanie, souvent très quelconque).
dit autrement les systèmes permettent d’éclairer quantité de possibilités qui, suivant la zététique, seraient ‘cancelées’ ou donc annulées. ça n’est, ce scepticisme, en rien tolérable.
Les systèmes ne se trompent pas puisque c’est la position qui est à chaque fois expérimentée et lors même que ces systématiques créent cette expérimentation (de par leur invention-même) ; Aristote ou Spinoza créent la voie, puisque le principe de ce qui est c’est le Créer (il y a une réalité, qui devient, parce que quelque réel doit advenir constamment). “La” voie est plurielle puisque si le réel est rapport, il n’y a pas de sens unique, de sens exclusif et de toute manière “il est en cours” ; il n’existe de rapport (de réel) qu’actif.
Jusqu'à Descartes on a parié, à juste titre, sur la pensée en tant que raison, discours, grec, théologique, de sorte à repérer l'ensemble du territoire de toutes les notions accessibles ; à partir de Descartes on saisit que c'est un sujet qui pense ; viendront donc Kant, Hegel (deux phénoménologies), Husserl, Sartre, Lacan (qui positionnent le sujet et le réel, en tant que donné et là). Ce sujet s’est vu analysé au fur et à mesure, jusqu’à Lacan (Sartre tient le sujet dans l’externe, le monde, l'en soi, autrui, l’historicité, le regard, etc), Lacan dans cette intériorité étrange du “moi”, ce que chacun comprend spontanément depuis comme une évidence, et ce d’autant que la psychanalyse dépiaute le “moi” précisément. Soit donc l’arc de conscience en-un-corps-vivant ; le vivant entrant en panique du fait structurel d’un tel regard en ce corps.Et l’arc de conscience produisant du signifiant, lequel est un rapport, qui est cousu sur le gouffre du corps, scindé, divisé, et divisé de A à Z, de haut en bas, sans reste, sauf précisément l’ancre en
Et comme on a dit qu’il était, cet être, un rapport (et donc n’est pas un être), on peut tout aussi bien dire qu’il est Vu.
Le "rapport" est le concept dont on ne voit pas le bout, mais qui lui nous voit ; l’arc de conscience engrène instantanément des signes ; on ne voit pas le bout puisqu'il y en a deux, minimum, et qu'ainsi il s’échappe constamment ; ou donc il existe une suite indéfinie de signifiants (l’arrangement des mots, des signes, ou des nombres). et d'autant plus que la structure ne tient pas aux mots ou aux signes mais au rapport, ce qui implique qu'il peut s'en inventer continûment.
Il est Vu comme en dehors de lui-même (un vivant perçoit son monde, cad son milieu, et il se vit au centre, mais nous, nous ne percevons pas seulement l'horizon mais nous nous percevons à partir de l’horizon et nous percevons tout, et pas seulement nous, à partir de cet horizon.
L'horizon c'est le champ intentionnel qui est dressé ou qui se dresse par un arc intentionnel, dite "conscience". L’horizon à la fois fait-voir, les objets qu’il tient sous sa ligne, et lui-même est absent ; lorsqu’il devient visible c’est qu’il est alors soumis lui-même à un autre horizon, qui fait-voir sans apparaître ; de même que dans la métaphore et la métonymie (la condensation et le déplacement en psychanalyse). Ce qui est très difficile, par exemple Hegel pousse constamment tel horizon dans la dialectique, qui rend visible ce qui était invisible ; la pensée est l’ensemble du dépliement de tous les horizons, de tous les systèmes.
Et cet horizon on le nomme dieu, la pensée ou l’être, le sujet christique ou cartésien, ou le réel (ou la réal-isation de toutes les intentionnalités humaines, universelles et personnelles, ou encore le moi dans l'humanisation ou par ex l’existentiel dans la philosophie, Heidegger ou Sartre ou Lacan).
Qu’existent réellement ou pas dieu, la pensée (ou la substance ou le un), le sujet, le réel, peu importe.
Ce qui compte ce sont ces signifiants-là. Lorsque l'on dit je-suis-un-tel, ce moi que l'on est, on signifie "je", qu'on s'en rende compte ou pas. C’est qu’il s’agit de déplier cette identité ; identité qui dans le concret se caractérise telle et telle.
Mais peut-être Pascal n’est-il pas sot du tout ; il se peut que même le sujet cartésien (qui pourtant n’est pas là où il est mais intégralement mouvement, et qui cesse peut-être lorsque cesse ce mouvement, disparaissant dans le temps et présent uniquement au moment d’une coïncidence énonciative « je pense »), que le sujet cartésien soit juste un moi, livré à l’enténèbrement du monde, de la vie ; et que ne s’offre à nous que la seule grâce ; issue d’en haut, et que la transcendance qu’apporte Descartes, ici même et dans la réalité, ne soit qu’une immanence de plus, une illusion et une perte tragique, au jugement perdu, qui ne voit plus rien et s’affirme d’une tautologie, que ce soit celle de René ou de Nietzsche, etc. Tautologie qui est absurde et horrible, si le réel est précisément le rapport et qu’il n’existe que celui du seul rapport unique, universel et formel.
Ce que, donc, vient transformer le christique.
En effet, par le christique on assiste à une mise à jour, radicale, du rapport tel qu’il était engagé par le dieu monothéiste ; l’incarnation dans le monde s’effectue dans un corps, et bien plus en une vie vécue. De sorte qu’ainsi le dieu divin, transcendant, augmente sa vérité en éprouvant le vécu vivant et le vécu humain ; et réciproquement par le christique l’humain acquiert l ‘individualité ; rien ne définit plus l’individualité de telle ou telle caractéristique extérieure (sexe, statut social, esclave ou libre, telle ou telle détermination aléatoire) et aucun des êtres humains n’est collé à son propre vécu mais est amené à rechercher sa propre Intention. Cet échange insère le divin en tant que capacité dans la réalité (qui en elle-même est exclusivement naturelle) et non seulement en s'incarnant, dans la chair, mais en proposant une redéfinition de l'humanité ; qui ne se perçoit plus comme une composition ni même une unité de qualités, de déterminations, mais en tant que rapport, une intention, et en tant que rapport non seulement vivant, mais encore plus existant.
Il est demandé, à chacun donc, que veux-tu vraiment ? Impossible de se fixer sur une idée ou une image ou une représentation de soi-même par soi-même ; le christique viendra court-circuiter la conscience que l’on a de soi puisqu’il s’insère dans cette dés-unité qu’est devenue l’individualité humaine. Que cette individualité séparée se préparait diversement au cœur de l’antiquité, c’est certain ; elle reçoit là , par le christique, sa représentation décisive. D’abord du regard externe absolu qu’est le christique, puis le réintégrant en soi-même. Par la littérature, les esthétiques, Montaigne, Descartes, le citoyen, les romantiques, Rimbaud, ou Nietzsche, le moi des années soixante et comme on l’a vu, originellement pour nous, via la fin’amor du roman courtois ; par qui autrui devient le regard, en ce monde, qui à la fois échappe et re-crée dieu ; il est au moins un point qui ancre l’arc de conscience: autrui, et donc aussi bien ‘soi” ; peut se déployer quantité de rapports nouveaux (par la porte qu’a ouvert le christique ; rappelons que le christique crée la structure via l’égalité, tous un en christ, et qu’il restera à la liberté d’accèder à elle-même, avec Descartes.
Sans doute passe-t-on de "qui êtes-vous, les juifs ?" (il est répondu "une nation, une nation de prêtres) à "qui es-tu, toi, chrétien?" (ayant foi en JC le ressuscité, premier né de la nouvelle création, par qui tout à déjà re-commençé, une nouvelle création donc).
Mais cette opération, christique, nouvelle, met en œuvre quantité de possibilités, jusqu'alors inaperçues, jamais vues, jamais décidées, jamais élaborées et qui réclameront toutes ces catégories, ces facultés ; qui réclameront les 20 siècles qui suivront.
Or comprenons bien que lorsque dieu délègue la Nation aux juifs (ou aux musulmans pour leur part ou l’église aux catholiques), lorsque Platon indique la pensée, c’est tout pareillement que le christique impose à chacun qu’il soit le rapport à (soi) ; peut-on alors caractériser qu’il nous « l’impose » ? Non puisqu’il nous rend à nous-même, de même que dieu rend le peuple à lui-même, la pensée que chacun pense (on ne pense pas à la place d’autrui). Voit-on, dès lors, ce qui arrive ; que c’est le rapport qui se dévoile et qui se déploie et que ça n’est pas évident du tout.
Or pourtant on a dit déjà que le christique lui-même que réalise-t-il ? Que l’activité (divine) est compatible avec le monde, la mondanité du monde, la vie vécue et le corps ; que donc la transcendance est comme ce retirement de dieu, lorsqu’il évide une part de son infinité afin d’y créer l’univers. De toute manière dieu, pensée, sujet ou réel impliquent que la transcendance existe d’abord et qu’ensuite l’immanence.
Qu’il faille conserver la transcendance n’est pas le problème ; le problème est qu’elle s’imposera toujours, puisque notre être est un rapport et que dans la capacité de “prendre conscience” produit quoi que l’on fasse une telle division, lors même que tout moi, ou toute communauté humaine tenterait de combler le vide, l’écart, la distance ; le moi par son fantasme veut recoudre son être-pseudo, son être qui n’est jamais un, qui est coupé par le signifiant et qu'il remplace par son fantasme ; aussi tient-il très fort à l'objet de son désir qui en quelque manière se substitue à son être propre (ce qui est dingue mais que l'on saisit tout à fait spontanément ; on y joue sa vie.
Cet écart, qui rend possible la conscience ou qu’instaure l’arc de conscience dans le monde, mais aussi la vie vécue (et relationnelle) ou encore que cet arc incruste en un corps, vivant, c’est cela qui est décrit, dans son mouvement, par “dieu, la pensée, le sujet et le réel”.
On s'étonnera de la logique interne du devenir ... l'intention unique (dieu), le réseau de toutes les intentions (les idées), l'intention incarnée (le christique), l'intention qui se montre à elle-même (Descartes), la-les réalisations de toutes les intentions (révolution) en et par chacun autant que collectivement (État, entreprises, consommation tout azimut, multitudes d'images et d’imaginaires, etc). C'est donc le rapport (l'arc de conscience, l'intention, la distinction) qui devient ; il crée, forcément, de plus en plus de rapports de plus en plus précis, en produisant quantité de signifiants, et bien sûr s'investissant en tout arc de conscience, toute individualité. Qui assume toujours plus de réalisme, de détail, de définition, d'activité, de transformation.
Dieu manifeste l’Intention première, qui est formelle, ce qui veut dire non composée et ainsi unique, universelle, totale ; tout ce qui est, est extérieur à l’Intention première. Le monde est en dehors de dieu parce que dieu étant Intention pure est de fait et structurellement hors de tout, que même que le rapport ne tient pas aux contenus, dont il est le rapport ; il est in-déterminé, purement réflexivité.
Ainsi tout l’immanent est “dans” le transcendant, qui, pourtant, n’est en aucun cas dans l’immanent. Et ce, en tous cas pour nous ici, puisque la structure du réel est “rapport” et donc non finie ; tout contenu ou toute réalité, toujours limités, sont forcément dans lae caractère formel du réel, que ce soit le présent (cad l'actualisation) ou que ce soit l’arc de conscience (ou le champ intentionnel) ; mais ni le présent, ni la conscience ne se résumeront à quelque réalité ou quelque contenu que ce soit.
Ce surplus, cet en-plus, que génère l’arc de conscience, c’est de ce qu’il est une forme immergée dans les déterminations de réalités, et qu’il ne trouve pas à s’employer ; ce surplus doit ainsi développer ; il y a surplus et donc possibilité de langage, cad de signifiants, dont aucun ne peut posséder sa structure d’origine, et dès lors se pose la question ; qu’est-ce que cet arc de conscience, que l’on ne peut pas réduire et dont l’activité (dans l’actualité de l’exister-même) seule compte ?