Le bord du réel
Pour résumer, on dira donc que l’invention grecque a consisté à montrer, exhiber ce qui existait déjà dans les mondes humains particuliers dispersés, soit donc la structure-conscience, laquelle était seulement jusqu’alors une fonction à l’intérieur d’une élaboration synthétique (réunifiant le donné là localisé et la présence à soi de tel ou tel groupe humain, qui se symbolisait, se représentait en telle culture de tel monde), et laquelle fonction s émancipe et s’impose comme pivotement unique de n’importe quelle acculturation qui suivra.
Comme il s’agit de notre être réel, la structure- conscience (qui donc existe indépendamment de la cervelle et des divers contenus, des divers mondes humains, de diverses personnalisations), elle se retrouve tout aussi bien par les chrétiens (qui effectuaient une réflexivité à l’intérieur de la réflexivité judaïque qui inventât le dieu un), mais également étant structure, elle ne se limite pas à la philosophie mais se produit comme esthétique, éthique, politique, idéel (mathématique par ex), et plus généralement cette structure qui ajoute à tout langage et à tout groupe humain, fondée qu’elle est sur cet être de conscience qui n’appartient à rien ni à personne, ajoute donc plus généralement une acculturation.
Le monde en-dessous
Puisqu’elle est en cette structure qui est un être-réel, c’est la tension qu’elle provoque sur le Même monde donné là, celui qui existait en-dessous (si l’on peut dire) de tous els autres mondes humains ; pareillement ce qu’elle exhibe c’est notre-être, lequel est identique en-deçà de tout groupement humain, en quelque culture que ce soit ; et c’est ce sol intégral (notre-être plus le monde donné là) qui dorénavant va se développer.
Puisque c’est fondé sur le mécanisme de base (qui s’est extrait de tout monde humain particulier et qui est réellement et effectivement une structure réelle agissante), cela élabore un tissage intentionnalisateur ; qui ne tient, n’existe, ne se produit que s’alimenter de sa propre tension interne (interne, à la structure, et non pas intérieure, ce qui désignerait encore une sorte de « contenu » qui recélerait ordre, sens ou raison ou vérité telle un corpus). La tension interne est agissante, puisque la structure n’existe que telle ; elle est opérative et crée les intentionnalisations ; formulant une machine intentionnelle par-dessus les groupes et les langages.
Or la tension interne ne joue effectivement que si elle abandonne les contenus au fur et à mesure, les vérités, les systèmes, les acculturations ; son seul objet est le réel. La tension qui sort de la cervelle vers le réel. Tension qui ne se retrouve plus dans quelque contenu que ce soit. Et qui est confrontée au donné là (soit la réalité, les réalités, et d’autre part le réel structurel, cette surface vide par quoi l’arc de tension prend appui sur le « là » indescriptible du réel, cette position).
La philosophie produit des contenus électifs qui viennent harponner la réalité et le réel. Les réalités dans leur état de choses telles que là (relativement au monde donné en-dessous et non plus imaginées, ce qui veut dire prises en des synthèses localisées dans des mondes ou des groupes particuliers) et le réel comme articulation fondamentale (et unique) de notre être.
La restructuration de l’interne de la conscience en sa structure
Ce qui signifie donc que c’est notre être qui est éprouvé, décrit, mais aussi engendré de son activisme lui-même ; la philosophie, tandis que dans les autres devenirs intentionnels c’est l’opérativité de notre être qui propose ses contenus hypertrophiés, la philosophie est donc la technique qui appréhende cette technologie engendrée par le donné là, par la « nature », par le là de la réalité-réel, cette technologie, notre-être, qu’elle nomme, décrit, augmente, étend, intensifie, densifie non pas seulement notre réalité (puisque cette réalité se produit suite au développement de notre-être isolé des groupes et des langages), mais qui élabore en interne de cette structure, qui crée cette structure elle-même ; la philosophie veut isoler notre structure là où elle agit (puisque c’est son être même d’agir, étant réflexivité, cad report incessant vers le réel) mais alors elle agit cette structure et comme celle-ci est réflexivement, ce qu’elle « dit » d’elle-même, ce ne sont pas des mots, mais des rapports lancés dans le réel.
Par conséquent ce que l’on « pense », on l’existe ; puisque la « pensée » ce ne sont pas des « idées », mais des extensions, intensifications, densifications de la structure (dans les réalités du monde donné là et sur, vers et dans le réel positionné effectivement).
Comme cette structure-conscience est un être réel, cette navigation-engendrement dans la structure modifie physiologiquement, si l’on peut dire, le réel même de notre être ; c’est une modification dans la structure même qui eut lieu (et a lieu par exemple en et par chaque personnalité). Recherchant la résolution concrète selon le monde et les réalités, et structurelle (cad méta concrète) selon le réel.
Évidemment cette modification de la « substance » même, de ce qui est le plus exactement et précisément notre-être, n’est pas magique, éthérée, idéelle ; la structure ne peut pas être jugée selon une modification du monde (ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas d’effets, puisqu’elle en obtient de considérables effets dans la détermination même), mais proposant un réseau en plus de toute humanisation ou de toute mondanéité, elle se sait par ce réseau (qui n’a aucune autre point de référence que lui-même, soit donc la philosophie.
Les bords de ce qui est
Ainsi l’idée de l’être est absolument la marque, le repère, la cartographie d’un déclenchement structurel, qui étant réflexivité se dit tel, ne ment pas, ne dissimule rien du tout ; cela se donne nu et tel que cela s’auto perçoit ; mais comme cela, cette description se situe dans le structurel même, il est impossible de recomposer cette description autrement que selon cette description même ; on ne peut pas parler, penser au-delà de l’idée de l’être grecque, de la réflexivité infinie chrétienne, du cogito ou de la conscience husserlienne ; pour penser ce qui se montre tel, (et qui est l’ultime à partir de quoi tout le reste s’engendre, il n’est rien, rien du tout en deçà ou au-delà, ce sont les bords du monde, du donné et qui se tiennent en tant que bords)il faut produire une ré-intensification, une nouvelle extensivité ou une hyper densification (ou d’autres encore, un jour), qui puisse penser, ce qui veut dire réfléchir, renvoyer encore plus loin, mais renvoyer au niveau même par lequel « cela », ce mouvement se situe ; on ne peut pas interroger l’idée de l’être, de la réflexivité chrétienne ou du cogito, sans se placer au même niveau, sur le même Bord unique du Réel.