La structure agissante
Description générale
La sortie du langage
Nous sortons du langage, et notre être est radicalement absorbé par l’énonciation ; ce qui existe, c’est ce qui est nommé. Originellement le langage est le monde partagé par et dans un groupe qui recherche la parfaite intégration ; le mot est la chose, la chose est le mot, le corps est un signe et tout événement doit être réintégré dans la Parole, cad dans les échanges, lesquels eux-mêmes sont composés dans et par et s’imposent comme langage. Le tout est de ne pas laisser échapper des réalités hors du groupe parlé de sorte que chacun sache où il est et que le langage forme un tout synthétique (de tout ce qui apparait dans Ce monde-là particulier et de tout ce qui arrive événementiellement), puisque le groupe est la résolution des réalités et doit assurer sa transmission.
La raison comme rapport hors du langage
Vient que l’on engage soudainement un rapport ; un rapport entre le langage et les choses, les réalités. Au lieu d’être synthétique le rapport est distinctif ; n’existe que ce qui est nommé consciemment en tant que valant pour n’importe quel monde, pour le monde universel unique, lequel est soumis à des contraintes d’auto cohérence (un élément n’est retenu que si il est connu).
Le rapport est ce qui nous délivre la compréhensibilité en général d’un monde unique soumis à des règles et ceci par-dessus le langage, le groupe et le vécu, et invente donc le vrai, le bien et le beau. Autrement dit des rapports composés et analytiques et non plus des unifications synthétiques (qui acceptent les éléments tels quels et les unifient en une vision particulière parlée entre tous).
Le sujet comme sortie hors de la raison
Il se trouve que soudainement on se rend compte que la compréhensibilité qu’offre la pensée, la raison, ne suffit pas à couvrir la réalité, les réalités et que cette Pensée est doublée sur sa gauche par le monde, donné « là », (étendue cartésienne et objet scientifique, selon les mesures et le nombre), et doublée sur sa gauche par le sujet comme origine, antérieure à la pensée elle-même.
C’est par la négative que le sujet s’impose constamment et revient incessamment en divers interprétations de lui-même (même contradictoires envers la raison). Les objectivités scientifiques sont elles-mêmes effets d’un sujet (sauf à se donner pour « vérité » totale, ce qui scientifiquement n’est pas recevable ; la science dit ceci ou cela mais ne peut pas conclure de ceci ou cela à « tout ce qui est », ni ne peut légiférer sur l’être du sujet, sur son unité, sur son être-libre ; du reste la science ou tout discours qui s’y prendrait les pieds, se couperait l’herbe sous le pied justement ; il n’existe de discours que sous les yeux de « quelqu’Un », qui en est forcément extérieur).
La science d’une part et la présence constante du sujet d’autre part, son fondement en toute société humaine comme être-libre (et libération des échanges, de toutes les sortes d’échanges ; passage de « ce qui n’est pas autorisé, est interdit » à « tout est autorisé excepté ce qui nuit à autrui » marque profondément la différenciation, la logique distinctive indéfinie de cet être-libre), ces deux acquisitions ne laissent plus aucune place à l’universel pur mais lance quantité d’universalisations possibles sur le monde, l’humain, le vécu, et évidemment ouvre totalement l’exploration par le sujet d’un monde « là », unique et en lequel il recherche peut-être une unité mais surtout une diversité et produit intégralement ses mondes, ces mondes de mélanges et de complexités.
Le sujet comme structure agissante
Tout cela tient donc par l’effet de la structure intacte du sujet comme être-libre (qu’il soit constitutionnel et démocratique ou idéel et interprétatif, ou aventurier et rimbaldien, ou enfin et pour-nous individuel et psychologiquement un « moi » sous la contenance du moi-même ; la personnalisation qui est acquis et est un devenir en propre qui reprend l’humanisation universelle réalisée historiquement).
Il est donc un devenir en propre du sujet, tel qu’il se sait, s’ignore, s’explore, s’éprouve en quantité de possibilités ouvertes par son statut invraisemblable et impensable. Impensable par la Pensée dite universelle, et intenable pour quelque discours extérieur et objectif qui évidemment éclaire quantité de réalisations, et fournit une considérable connaissance, mais qui ne peut pas agripper le devenir lui-même du sujet, structure agissante pure et simple.
L’exposition totale de tout ce qui est arrivé, partout
Les mésinterprétations du sujet par lui-même ou par des discours extérieurs, sont eux-mêmes pris dans le mouvement de devenir radical ; tout s’expose aux yeux de chacun et se donne à voir. La recollection de toute l’expression (de toutes les cultures), de toutes les explorations, et pour-nous qui nous concerne, de toutes les personnalisations, de toutes les sociétalités et du relationnel humain à fondement individuel, nous renvoie d’une part à cette richesse et d’autre part à « cela qui regarde et observe », la structure agissante elle-même.
Sa faiblesse est sa force
Evidemment elle ne sait rien. Elle est purement formelle et ne contient rien ; et si elle agit (ici ou là, éventuellement ou décidément) ça n’est pas en vue d’une finalisation ou d’une finalité qu’elle contiendrait ; c’est sa forme pure qui structure la perception, l’éprouvé, le connu, recompose les passés et varie dans les avenirs possibles.
Structure absolument positive, qui simplement « est », sans plus, fragile et irrégulière, non saisissable, qui se produit de par la cervelle, s’y ajoute et n’est attachée à rien mais susceptible donc de s’investir en toute occasion, rencontre, de produire un devenir imprévisible. En somme totalement dépendante de tout donné antérieur, mais de ce fait indépendant de tout contenu (puisque le formel n’est rien de composé qui puisse s’enchainer à une composition ; il lui faudrait être « quelque chose » pour s’enclore en un « quelque chose »).
Sa faiblesse est sa puissance indivisible.