Cercle de la raison et point d’existence
Que la raison se morde la queue, étonnera peu. Elle forme un cercle et entend retrouver son point de départ ayant accompli le tour complet de la réalité, et effectuant sa totale transparence.
Ce qui s’est développé, entre la métaphysique grecque et jusqu’à Descartes ; puisque la théologie intégrait dieu dans un discours, reprenant alors l’intégralité de la pensée, ce qui est plutôt surprenant, comme on a déjà vu ; pourquoi le dieu un unique permet-il d’absorber cette pensée, née dans le polythéisme et l’épopée et la science et les mathématiques ? On a vu qu’il s’agit dans le dieu monothéiste, dans la pensée universelle, dans le sujet christique puis cartésien, d’une seule et même structure ; l’articulation qu’est la conscience, comme champ intentionnel ; l’intention unique (elle est formelle et ne peut être distinguée, puisqu’alors c’est elle qui distingue), la pluri-intentionnalité (chaque idée est une intentionnalisation qui sup-pose le monde donné « là », l’être), l’intentionnalité individuelle (externe, le christique, et puis interne, Descartes, pour ensuite que s’approfondisse ce champ structurel individué intentionnel.
C’est pour cela qu’il faut prendre un horizon de plus grande ampleur, et non pas se limiter à la formalité d’un discours parfait, clos, auto-référentiel.
L’arc de conscience se plante instantanément au cœur de ce qui est ; le présent. Son actualité coïncide absolument, formellement avec le présent lui-même (une conscience existant « en présence de soi » est toujours actuelle, de là que Spinoza se sente éternel et que Kant admet la logique d’un devenir in-fini, tout rapport étant autre et supérieur à ses contenus, sinon il n’en supporterait aucune et disparaîtrait dans ses internationalisations).
Et ce non pas pour abolir la raison, mais justement afin de montrer que celle-ci, tout à fait valide, participe d’un ensemble réflexif bien plus large. Et tout autant ontologique ou métaphysique.
À partir de Descartes de toute manière la philosophie a déjà étendu son rayon et Kant, Hegel, Husserl, et suivant jusque Lacan investiguent dans tous les sens possibles ce « lieu » découvert ou exposé à tout le moins par Descartes.
Rappelons qu’il ne s’agit donc pas de renier la pensée, la raison, l’esprit, l’universel, mais d’ouvrir toute l’ampleur de la réflexivité ; soit non pas l’auto-réflexivité seulement du discours qui s’assure de sa cohérence intérieure, mais la réflexivité, le retour-sur cet être (de même que dieu est retour sur l’intention un, que la pensée est le retour sur la production des contenus de conscience (à quelles conditions, en vue de quoi, etc afin que l’intentionnalité parvienne à se mesurer, contrôler et finalement puisse se créer adéquatement), que le christique et Descartes reviennent sur cet être-autre (qui n’est donc pas un être) que nous sommes (nous ne sommes pas ce dont nous avons conscience, et ayant conscience de nous-même, nous sommes, existons cette conscience et non pas ce « nous-même », aussi la conscience est référée ailleurs et autrement, d’un point-autre-que-soi ; ce que l’on exprime comme « rapport à (soi) dans lequel rapport le « soi » n’est pas une identité mais le rapport lui-même », son activité.
Non pas renier donc, mais étendre la réflexivité ; la réflexivité est déjà lancée depuis, au moins depuis Descartes(et à titre de marqueur et non qu’il l’ait inventé évidemment). Et les analyses déployées quasi parfaites, dans la rigueur et la précision (Descartes, Kant, Hegel, Husserl, Sartre, Lacan, pour les plus avancés, mais également Bergson et Nietzsche et Heidegger ).
Heidegger ne nomme pas pour rien cet être-le-là. Au sens où notre « être » n’est pas le nôtre (et donc pour lui n’est pas un sujet). Et que l’Estre se révèle dans ce rabat (comme un livre). Ici cet être-le-là est un sujet … sauf que ça n’est pas un sujet « humain », mais une structure-sujet (qui comporte, porte, assume et assure que ce soit un je mais qui désigne au lointain une structure étrange, autre, énigmatique ou effarante.
Il faut ainsi s’attendre à ce que cet être qui n’est pas un être (voir Sartre) mais un mouvement s’ouvre comme ou sur une structure tout à fait hyper réelle (qu’il soit, ce rapport, fonctionnel ou dimensionnel, ou si l’on préfère qu’il soit le pivot du monde ou la verticalité antérieure et postérieure au monde, à tout ce qui « est » (déterminé), tel le présent comme puissance, potentialité exclusive.
L’arc de conscience, le sujet pour Descartes et Kant, la négativité pour Hegel, le champ intentionnel pour les autres, le signifiant ou la coupure que le signifiant crée, impose au corps-vivant (qui n’y comprend rien, ni pulsionnellement, ni émotionnellement, bref rien du tout), cet arc, ce creux, ce trou dans la réalité, cette rupture, ce gouffre on l’a nommé, au plus près, comme rapport ; un rapport en lui-même n’est rien
(rien de déterminé, sinon il ne serait pas un tel rapport ; rappelons que l’arc de conscience est le seul réel que l’on expérimente qui n’a pas d’identité, déterminée, puisque l’arc est ce rapport qui est à lui-même sa propre cible ; il dit « je » ou dieu ou la pensée ou le sujet ou le réel, pour signifier son indétermination en tant qu’activité brute et pure, pure de tout autre déterminité, puisque sinon il ne se rapporterait pas, ni à lui-même, ni aux contenus ; si il a des contenus c’est qu’il est un je, qui, lui, n’est aucun contenu ; de là que la psychanalyse ne parvient pas à atteindre une origine ; le signifiant premier est inaccessible et produit constamment des signifiants seconds, de même le langage).
L’inquiétude du rapport est évidemment sa tension ; puisqu’il est rapport c’est-à-dire mouvement, il n’existe que de ce mouvement ; le moi tente bien de boucher le trou intentionnel par une multitude d’objets (ou autrefois de si grands objets, dieu, l’être, le Un, l’humanité, etc), mais peine perdue.
Lorsque l’arc de conscience est si proche de ce corps (toute communauté, collectif, idéal ou même idéologie se sont retirées) alors livré à lui seul sans aucune notion, image, relationnel, pour lui venir en secours, ou lui tenir la main, cet arc se heurte soudainement au « réel » tel que donné ‘là’ et il le nomme par son nom ; l’existence. L’existence est contingence et ce moi (qui voudrait former cercle avec non pas forcément lui-même, mais avec tout contenu, de telle sorte que son idée ou image ou intention ou volonté ou décision correspondent avec la réalité, la vie, le corps, la satisfaction, etc) est jeté là dans le monde donné et n’y comprend absolument plus rien du tout. Tout l’abandonne, aussi bien l’historicité (et la société idéale, communiste ou libérale) que sa propre vie vécue.
Évidemment lorsque cet arc, individuel, strictement individuel, devient un « moi », cad un ensemble psychologique et psychique (conscient et inconscient) unifié, cette tension cherche désespérément à formaliser le cercle de son attention (qui prend tous les contenus, puisque c’est un rapport, non déterminé et donc absolument ouvert à toutes les influences, le corps, le monde, les autres, le langage, etc) ; et cette unité il en rêve, elle hante ses déplacements d’attention. Identifié psychanalytiquement comme jouissance (satisfaction non seulement rêvée mais hallucinée et à jamais inaccessible, située à la racine de la division, qu’opère le signifiant, dans un corps vivant, qui n’y comprend rien, et qui alimente toutes les pulsions et ensuite tous les désirs, élaborés, et tous les sentiments, y compris la sublimation ; plus on parvient à une sublimation (des pulsions) élevée, plus la jouissance est conjointe à cette élaboration ; de même plus on se vit comme un moi, plus celui-ci doit puiser dans et par cette jouissance (ceci est pure spéculation).
Il n’est aucune raison de penser que l’on ait abandonné le cercle de compréhension ; il s’est seulement agrandi. Ou dit autrement la pensée ne désigne pas seulement un discours auto-normé ; elle applique l’explicitation à tous ses différents ‘objets’.
Qui ne sont pas des objets et n’entrent pas du tout dans la capacité d’un discours objectif ; l’objet effectif de la pensée est l’infini, ce qui veut dire l’indéterminé. Ce qui dans son rapport ne contient rien (et ainsi contient tous les rapports possibles) ; et ce qui pense ce ne sont pas les idées mais les significations. On comprend une idée via d’autres idées, cad d’autres rapports (et les signes ne sont rien d’autre que des rapports, les mathématiques ou les nombres ne sont eux-mêmes que les signes du un, le rapport à lui-même de n’importe quel objet, qui forme « un »). et ces idées sont prises dans un ensemble que l’on nommera Signifiant.
L’ensemble signifiant est ce sujet qui pense les données, le monde, les perceptions, les langages, etc, parce qu’il lui est possible de placer toutes ces idées (et signes) sur un horizon (par ex une science dispose de son horizon propre, et se définit par la limite de cet horizon ; en conséquence de quoi il n’est aucune science qui rassemble tous les horizons objectifs). Et poussant jusqu’au bout cette considération il s’agit de ce sujet-ci, le seul qui soit réel, posé sur le monde, sur la réalité, qui n’adhère pas à cette réalité (puisqu’il est un rapport et donc exclut tout le reste du rapport qu’il est), et dispose là au-devant l’horizon-même, dénommé « réel » ; notion indéterminée (pur positionnement intentionnel, mais que le cercle de conscience n’est pas, qui est, cet horizon, autre que tout) qui prit donc la formulation de dieu, de l’être (du bien, de la pensée de la pensée, du un), du sujet et du réel. Quatre positionnements qui organisent les ensembles signifiants.
Ou plus exactement qui permettent aux consciences de lier les ensembles signifiants dans l’ensemble du Signifiant.
Le Signifiant veut dire que la réalité est articulée et c’est cette articulation (au sens de jointure, de pli) qui est désignée (signifiée) par dieu, la pensée, le sujet et le réel. La décrire comme objet ne permet pas de saisir ce mouvement d’articulation. Aussi tout « objet » (désigné dans et par un discours, il n’y a aucun objet auquel on aurait accès immédiatement ou de par lui-même) est-il un fantasme, le fantasme d’un sujet (pour Lacan la métaphysique, à quoi il identifiait, de manière erronée, la philosophie, cette métaphysique est une hontologie, un « être » signifiant qui croit à son signifié, mais n’existe en vérité que le signifiant).
Le point d’existence c’est ce qui est signifié (par des signifiants et non des concepts, et même se situant la plupart du temps au sommet ou tout au bout des philosophies, des systèmes, ou à leur origine, mais sur le Bord donc de la pensée, la pensée du discours formaté métaphysiquement) et ce signifié est, littéralement, pour tout moi, tout « moi-même », ce-corps (ce corps vivant), ce-crops forme en somme l’horizon natif (il est le « signifié » impossible pour la psychanalyse, en tant que premier signifiant qui les origine tous et qui ne peut pas être pris dans un réseau de signifiant… puisque ce-corps n’est pas lui-même un signifiant… il ne peut entrer en composition avec les autres, et procure la tâche aveugle de tout le réseau). Aussi les déboires des réseaux signifiants (par lesquels on (se) représente, à soi, aux autres, etc), ces déboires se formulent comme des perceptions, des morceaux de réalité, des en-dessous, des impossibilités, ou donc comme la jouissance (hallucinatoire) absolument terrible (à l’approche de laquelle lors d’un cauchemar on se réveille, ce qui veut que l’on s’endort, puisque l’on fuit la proximité de l’horreur).
De même l’extension infinie du signifiant (de l’arc de conscience comme rapport de tous les rapports, le champ de tous les champs) aboutit à dieu, à la pensée et la formulation universelle (démontrant par là même que tout signe est-déjà universel, puisqu’il établit ou même crée des liens), le christique-cartésien du sujet, et enfin du réel (ce à quoi se heurte absolument, formellement enfin les mois, livrés à eux-seuls, face au réel donné « là » existentiel, ou donc à la mort, leur déréliction ou solitude absolue, formelle et donc encore plus absolue qu’absolue pour ainsi dire).
Nous sommes donc parvenus, depuis 3500 ans (dieu, pour fixer une date, sans plus) à rendre manifeste notre être, le formel, en tant que rapport pur et brut et en soi « simple » (puisqu’il n’est pas une détermination, une composition, une complexité mais les commande toutes). L’arc de conscience n’est pas un mot ou une réalité, mais comme l’expose Descartes un fait unilatéral qui n’a aucune commune mesure avec quoi que ce soit (qui appartienne au monde, au corps, aux rêves, etc). Et c’est dans le creux de la pure Possibilité que nous nous sommes avancés (le possible étant le principe du réel même) ; dieu signale la pure intention formelle, l’être ou le sujet ou le réel de même, le formel tel qu’accessible, et accédé (ce qui ne préjuge pas de la dimension formelle, puisque le seul le formel devient ; le déterminé disparaît).
Notre être, cependant, ne se délimite pas à la coupure dans ce corps vivant qu’impose le signifiant, qui est un rapport, cad un mouvement qui se quitte, qui n’est pas les contenus, qui les signifie et use des signes et donc réorganise la perception. Et donc l’action ou la décision ou ce qui devient la représentation (et la transmission au groupe, unifié, mais aussi aux autres, distingués, et enfin se transmet à soi-même, devant organiser cela qui organise, sinon ce champ intentionnel serait dans l’impossibilité de se diriger dans le monde, le donné, la vie, le corps), la représentation puissance deux ; cad qui est activée, littéralement, par l’engagement de chacun ; à la société humaine communautaire (avec quantité de variantes évidemment) se substitue une seconde possibilité ; soit donc l’introduction de l’individu dans l’organisationnel humain ; ce qui aboutit à la révolution qui énonce clairement le passage ; liberté, de chacun, égalité, de tous, et fraternité, cad, en tout, solidarité et surtout coordination qui passe de un à un ; de là qu’il y ait eu acculturation généralisée et individuée depuis la méditerranée, que chacun « pense » au sens large, et ensuite se coordonne ; il n’existe plus une pensée commune partagée mais une articulation ;
et bien sûr, des articulations et encore plus lorsque le pouvoir se « décentralise » par la révolution et l’État citoyen, et la société civile et la mass et puis micro médiatisation puis éventuellement médiation, de chacun à tous, de tous à chacun et de chacun … à chacun, puisqu’il ne faut pas oublier que le rapport à « soi » est un rapport à (soi), ce qui veut dire non à une identité (le moi) mais à une capacité, qui les inclut toutes. Si se multiplient les articulations, alors les moyens de parler, de vivre, de s’organiser, de créer des projets doivent se démultiplier. La quantité de possibles s’est trouvée considérablement augmentée, puisque la structure originelle a créé les rapports formels inédits.
Chacun doit alors puiser dans sa propre propension, propension à exister, ce qui cause divers problèmes et solutions ou absences de solutions ou suppression de la question, par la dépression par ex