La pensée et le réel
Contre badiou
Il faut donc que le divisé est « ce qui est », il n’est vraisemblablement pas d’unité qui serait inerte et fade, mais la multiplicité et non pas une multiplicité roide et indifférente, mais en tant que l’unité surgit constamment et est réellement et effectivement « quelques choses ».
Chaque fois la multiplicité crée des unités et qui sont autant de devenirs dans le devenir général.
Et ce non pas en vue de se réunir en une vérité, un universel, mais en tant qu’existant dans et par une conscience ; ce qui veut dire encore une unité en-plus.
De ce fait il n’est pas de vérité au sens où celle-ci serait une, ne serait-ce un réel condensé et encore moins une vérité qui préexisterait et encore moins une vérité qui serait plus ample et plus féconde que la réalité. Toute vérité est prise dans l’exister qui est, toute vérité est la forme d’un être-libre ; c’est l’être-libre qui en est l’origine et c’est lui qui en est la finalité ; non en tant que l’être-libre porte la vérité, mais au sens où il en produira « quelque autre chose ».
La vérité est donc ce qui transmet l’être-libre et non pas ce qui s’impose au libre ; il faut ainsi en fin de compte que l’on accélère l’être-libre et non pas qu’il soit ramené à la vérité.
Si l’on se tient de la vérité, c’est sur une jambe et cela ne signifie rien puisque l’on ne peut pas avancer, le mouvement n’en est pas compréhensible. Si l’on est libre et utilisant la vérité on assigne à la vérité qu’elle soit la propagation du libre et ainsi on renvoie la représentation à toute-conscience telle quelle.
Autrement dit par là on approuve que la réalité soit (telle qu’elle est). On ne dénigre pas la réalité (puisque de toute manière elle est, de fait). On n’opère pas un tri entre la bonne et la mauvaise réalité (puisqu’ il n’est pas un tel tri dans la réalité et que séparer ce qui ne l’est pas, ne permet pas de comprendre son être). Renvoyer chacun à lui-même est l’institué en propre comme étant absolument démocratique ; une telle pensée ne prétend pas court-circuiter la réalité, mais suppose que la réalité est « ce qui réfléchit », ce qui est déjà en train de réfléchir. Elle ne pense pas, la pensée, être ce qui commandite, mais être prise elle-même dans le mouvement (les mouvements diversifiés) de réflexion, en quoi donc la réalité est multiple, plurielle, singulière, particulière, singulière, totalisante, etc, et en quoi la philosophie est ce qui montre (et non pas démontre, au sens où dans la monstration est contenu les démonstrativités) la réflexivité qui avance.
De sorte que la réflexivité avance partout et se prend et se reprend elle-même ; elle est juste en philosophie exposée et on y tente d’exprimer en conscience réfléchie les consciences réfléchies qui existent. Toute théorie, toute idéologie, toute pensée est elle-même déjà-prise dans la fluxion, la turgescence réelle, pour ainsi dire.
Il n’est donc pas une survenue surnaturelle de la vérité, la vérité est engagée dans une réflexivité bien plus vaste que n’importe quelle pensée, qu’aucune pensée n’incarne puisque le réel est déjà, par définition, incarné ; et il faut donc comprendre les pensées elles-mêmes comme effets de plus grand qu’elles-mêmes ; il serait absurde considérer qu’une partie (la pensée, l’esprit, l’universel) soit plus grand que la totalité de tout ce qui est…
Il s’agit donc de trouver la voie même qu’est le seul réel.
Et ce qui peut concerner tout moi, chacun, est (si l’hypothèse que le moi, la personnalisation st la suite de l’humanisation jusqu’alors fondée en et par l’universel), chacun est en lui-même un type ou une singulière résolution ; en tout moi, puisque d’abord il se-sait libre, existe l’ensemble des fluences du réel ; ce par quoi chacun doit se positionner (et non pas se composer de déterminations extérieures et objectivistes). En cela par exemple, la psychanalyse, lacanienne évidemment, est la théorie la plus réelle qui soit, en approche du réel-même.