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instants philosophie

L'angoisse et l'exigence

28 Octobre 2010, 20:05pm

Publié par zwardoz

Il est une invention démultipliée ; celle du moi : soit l’unification d’un vécu au sein d’un monde ; qui se traite en terme d’identité, et donc investie est cette unification.

Mais le moi est une unification intentionnelle ; il réclame une unité d’intention, d’attention ; il s’emploie selon l’intentionnalité de la conscience de soi. L’intentionnalité est glissante ; elle devient à l’intérieur de son être même ; elle se plie et se déplie, se suppose et se place entre parenthèses, est un tissu louvoyant.

L’intentionnalité sait ce qu’elle veut ; tel objet d’attention ; mais elle ne domine explicitement ni les effets, ni les causes ; elle peut tout autant être portée par ces causes et visualiser vaguement les effets ; elle présuppose constamment un monde antérieur et un monde postérieur à son activité. L’intentionnalité est actuelle et active ; mais elle recèle par essence une inactualité (qu’elle dépose dans le monde, ou dans la mémoire) comme une inactivité (le fondement de son activité ; le corps par ex, l’émotionnalité, la perception même, ses objets tels que là, qui contiennent dans leur apparaitre même les informations sur lesquelles se fonde telle intentionnalité de tel ceci, etc).

L’intentionnalité n’est pas plus capable de saisir le tout ; non seulement le tout de ce qui existe, mais même ne peut saisir le tout, la totalité de telle intention pourtant précise ; elle se focalise sur une unité d’objet (désiré, perçu, imaginé, pensé, etc). Sa limitation est bien sur la nécessité même de son être ; elle est l’action localisée et se disposant à toute espèce d’activité locale. Elle n’est pas une certitude de connaissance, ni même absolument son identité, n’est pas « qui elle est », mais ce moi en lequel elle existe, est un de ses objets.

On voit bien que l’on ne sait pas se dire « soi » ; sinon dans tel ou tel état d’être ; en telle occasion du monde, ou en telle occurrence vécue. On existe donc « soi » en s’imaginant une unité qui tiendra ce qu’elle pourra, mais qui n’a pas de fondement en tant que Une Unité définie ; elle est un ensemble dont seulement telle ou telle actualité affirme la permanence. Pour cette raison, on s’imagine être ; on imagine une solidité, et c’est tant mieux, mais la factualité de cet être est uniquement imaginaire. Non que les qualités ou les défauts sont illusoires, pas du tout, mais c’est leur unité supposée qui les maintient comme étant « moi-même », qui est purement évasive.

Le glissement du moi-même solide en cet être de conscience, qui est le seul fondement actuel, provoque l’angoisse, ou l’exigence, ou la décision, ou l’activité pure ; soit ; des vides éreintants. Puisque c’est se placer sous le seul réel actuel ; plutôt que de se déplacer dans l’identité imaginaire.

Notamment en terme d’action sur le donné, le quotidien, la réalité, qui ne sont approchables que si on les identifie (cette chaise, cette foule, les couleurs, etc) et on ne les identifie que si l’on s’y déplace ; on re-présente la même scène que l’on perçoit, en s’y ajoutant soi-même afin d’y manœuvrer. Que l’on ne puisse plus s’y incruster, et l’ensemble de la scène échappera. C’est toute la re-présentation du monde et de soi dans le monde, qui s’enfuie par un trou ouvert on ne sait où.

S’y emploie alors la panique et la nécessité d’y remédier ; cela même qui est comblé habituellement, dans l’habitude d’être un moi-même, par l’imagination de soi, ou en gros l’image de soi. On remarquera qu’en somme l’image de soi, dans les faits, dans le fait d’y être, dans un monde, ne nous appartient pas ; elle vient-avec le monde, cad encore telle situation (habituelle, connue, répertoriée) de ce monde.

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Le pur possible n'est pas navrant

16 Octobre 2010, 20:43pm

Publié par zwardoz

Le moi peut bien se débattre dans ses perturbations intimes, dans ses labyrinthes psychiques, dans ses déceptions relationnelles, s’imaginer dans l’encart des images mass médiatiques, (on produit industriellement sa nourriture psychologique), s’éprouver comme anxiété et haleine pas fraiche, rien ne fera qu’il ne se découvre un jour non pas un moi, identitaire, mais une personnalisation, un processus dont il faudra bien se demander ; qu’est-ce qui devient par exemple comme un moi, entre autres ?

A partir de cela, il comprendra que son être n’est nullement cet être délaissé ou fade, ce rapiècement, ce bric de broc de souvenirs inventés, cette masse de complications et compilations interprétatives, mais qu’il est, lui, le sujet de ce qui est. Qu’il n’est pour un sujet, que de définir « cela qui est » et rien d’autre que l’être en tant que « ça existe ».

Autrement dit, le sujet, qui se vit comme un moi-même, est un procédé, un processus, un dispositif ; c’est seulement un coup d’arrêt que sa stagnation dans l’empire industriel, sa profusion d’imaginaires, sa recollection des passés de l’humanité dans toutes ces cultures, ces littératures. Le Grand Musée.

Le devenir sujet de l’individualité est tout autre que cet étalement, cette profusion, et quand bien même cet étalement s’enfonce dans l’épaisseur du donné psychique, le devenir du sujet est de détenir universellement ou démocratiquement le possible ; pour le moi il n’est que l’universalité qui puisse le sauver.

Or si l’on observe la multitude d’images de soi, d’identités, de production artisanale ou industrielle de signes collant à la peau, il n’en est pas un millionième qui n’abaisse plutôt que d’élever. Tant on est si certain que le moi-même est, au fond, immédiat à ce corps-là. Les mille trouilles comme les plus grands désirs émergent puis s’écroulent, s’immergent dans le là, tombent dans le monde, et non pas ailleurs.

Comme le centre de gravité est installé au cœur du donné-là du monde, sous l’identité d’un corps, il n’est pas d’âme qui tienne le coup. Puisqu’enfin, l’âme ça n’est pas donné. Pas étonnant que l’on ne puisse déloger psychanalytiquement le moi de son corps, infesté d’images, de signes, et de morceaux du monde, pêchés ici et là ; il est lové au centre du cœur de ce qu’il a vécu. Il veut à tout prix que ça ait un sens, ou que ça prenne forme. Mais il n’est rien de formel, et bien peu de sensé, dans le devenir égaré des morceaux de monde que l’on est devenu.

C’est ailleurs que la forme existe ; elle prend pied sur l’autre versant ; et c’est de l’autre côté qu’elle tire du néant, du bord du monde, en somme du possible pur, qu’elle tire non pas une unité d’elle-même, l’âme n’a plus vraiment de soi, mais qu’elle tire du bord du monde, ce qui doit l’être.

Elle s’assigne à un devoir-être non de soi, illusion moralisatrice, mais un devoir-être envers ce qui est. Objectif et extérieur. Et qui est seul objet et manifestation de passion. Ainsi croit-on que tel autre sera amoureusement ce qui nous tirera de l’égaré devenu de soi …oui… bon, ça s’est très peu vu quand même… Parce que c’est tellement subjectif alors, que n’ayant pas le sceau de la rigueur de l’être, du bord du monde (qui a annulé les prouesses du pseudo- vécu), ça ne peut au final que revenir à la maison, rentrer bien-chez-soi, se calfeutrer ou s’agiter dans son sommeil.

Et comble du malheur se tenir de l’autre côté, ça ne se décrète pas ; ça se décide on en sait de où, ni comment et bien malgré soi ; on est un moi, comme tout le monde, on ne bascule pas sinon d’inconscience et de témérité abusive juste sur le bord à gicler hors du néant constamment.

On l’a voulu de la volonté étrangère, martienne, pas terrestre ; on l’a voulu contre sa « volonté » simplificatrice, la soumise, et du coup comme on ne se soumet au monde, on se perd de vue, sinon de succomber fort heureusement à la confiance, la foi, le goût du possible pur.

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