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instants philosophie

La haine fondamentale et la soif du Un

1 Avril 2015, 08:47am

Publié par pascal doyelle

Heidegger cherche donc l’originaire ; le là.

L’être-le-là est l’essence de l’homme mais c’est le lieu par lequel nous sommes, dans le monde donné, ouverts à tout le donné et au-delà ; parce que le là est antérieur, il précède, et ne se localise pas dans un donné parmi d’autres.

Il précède quoi ?

Heidegger considère que l’on est parvenu au bout du bout de l’histoire fausse (en quoi il inclut les juifs, évidemment, les grecs depuis Platon, le christianisme, Descartes, Nietzsche, bref tout le monde … sauf lui ; ce qui est ridicule). Et outre l’absurdité de cette position (qu’il faudrait comprendre, il faudrait en saisir les raisons à partir de ce qu’il découvre effectivement et qu’il interprète faussement) il part de Husserl ; Husserl montre, manifeste, objective (philosophiquement et de là que Husserl tient à ce point à une philosophie scientifique) l’être de l’homme phénoménologiquement. Il décrit notre être comme conscience intentionnelle.

Heidegger se demande « où » est cet être, de quel lieu (ontologique) part cette intentionnalité. Il dit ; cet être intentionnel est « là », ça nait dans un « là », et de dérouler l’expérience extatique de notre activité « là » dans le vécu ou plus exactement de signifié comme notre exister même nous pousse à l'extrémité. Il est en un « là », et dès lors s’ouvre une possibilité interprétative de ce « là ». Heidegger commence donc par décrire le là de tout être de l’homme, le dasein de Etre et temps. Angoisse, temporalité, être-avec, etc, et finalement authenticité et inauthenticité. On ne sait toujours pas très bien ce que « authenticité » signifie

(il est probable ou visible qu’il n’existe aucune authenticité, qu’il n’existe pas de langage qui serait comme le verbe ou la pensée de l’Etre, en tous cas sitôt que l’on tente de définir ce « verbe-langage » on tombe dans des absurdités ou des idioties, idiosyncrasies si l’on veut ; notons bien que le dieu est bibliquement bien au-delà du verbe… le verbe quoi que l‘on fasse ou dise, est second… c’est une récupération que d’identifier le dieu-un au verbe ; on peut s’animer du verbe pourvu qu’on l’ait originé dans le Un, le christ ne dit rien d’autre, d’être le chemin vers, mais absorber le un dans le verbe, est une hérésie, une bifurcation, une élucubration, Maitre Eckhart le sait, et le dit, qui parfait suprêmement la pensée chrétienne entièrement, le Un seul surexiste et n’est pas pris dans l’être).

Et de ce fait, Heidegger, ça ne lui suffit pas, il veut comprendre ce que le là « où » nous sommes signifie, porte, comporte, réalise, entraine. Et il suit alors des tas de cheminements, parce qu’il s’engage, et il a raison mais par le mouvement seulement, dans l’impensé du « là » qui n’appartient à aucune tradition, ni aucune pensée. Il origine donc bien qu’il existe un « là » qui soit très étrange, mais est pris dans l’étrangeté de cet être-le-là, antérieur et autre que tout.

Or il est vrai que le là « où » nous sommes ; ce que notre-être ouvre au sein du donné (et que l’on nomme donc ici outre le donné là (le monde), le « là » du donné), ce que notre être ouvre (à savoir la DimensioN) que ce « là » n’est pas humain.

Ça n’est pas humain, mais non au sens que l’on a pu donner à cette altérité radicale au cœur ou au-delà du cœur de l’humain (ce que tend à porter Heidegger, c’est au-delà de toutes les représentations jusqu’ici rétablies dans le monde, il n’a pas voulu lâcher cette altérité effrayante), on a voulu, comble du vertige qui se mécomprend, lui donner un sens inhumain, voir de négation de l’humain... Heidegger tombe dedans, à plat ventre. Heidegger, c’est une illustration, a voulu remplacer le verbe chrétien et juif par un verbe, un langage plus grand, plus massif ; il s’est doublement trompé, en s’estimant plus grand que ses prédécesseurs, ce qui est ridicule, mais aussi en n’assignant pas le verbe, le langage et la pensée au Un.

Que ce ne soit pas humain ne signifie pas que ce soit infra humain ; ça pourrait bien impliquer le contraire, que c’est en plus de l’humain. Autrement dit que cela existe, cette DimensioN, mais l’humain y compris, et que l’on ait eu raison alors d’identifier cette altérité au divin des grecs, au monothéisme ou à l’infini cartésien ou au Un plotinien.

Sauf que Heidegger voit bien que c’est encore plus Autre que ces autres-là déjà connus. Il se tient de Nietzsche par ailleurs. De sinon l’horreur fondamentale, du moins de l’abyssal. Ça n’est pas seulement Un ou Infini ou Dieu-autre (même celui de Eckhart ou le très bizarre dieu cartésien, qui flirte avec l’absurde tout comme le doute entrainait dans les méandres crépusculaires de l’existence égarée, folie, perception déviée, personnages et masques, parapluies mécaniques) ; c’est, l’être-le-là, radicalement et totalement de fond en comble un horrible réel surabondant mais de désordre et de folie interne au réel lui-même. Le réel excède bien au-delà de l’imagination, puisque l’imagination s’emploie à partir de cette empirie, limitée déjà par l’expérimenté, le perçu.

Il revient à Heidegger de laisser sensible à quel degré effroyable le réel est (disons que effroyable est de trop et qu'Heidegger en reste seulement transi, extatique). Il n’est pas exclusivement besoin de convoquer les autres potentiels milliards d’univers, il suffit de bien affronter le désordre et l’épouvante d’exister, la souffrance et le malheur, le n’importe quoi et la déréliction, l’abandon dans le grouillant et la dégradation, et comme toute réalité retombe de là où elle est issue, dans le bazar idiot, c’est de la soupe opaque et sourde. Ça n’a visiblement pas d’ordre ni de sens. Ça est.

C’est somptueux par ici, c’est merdique bien autrement par là-bas, peu importe ; le « est » engendre bien plus et bien plus fortement, puissamment que l’esthétique ou l’éthique ou tout ce que l’on voudra. Le « est », le « là », est incommensurable. Rien ne le mesure, ne le dit, et il ne s’aperçoit qu’aux confins de la conscience du réel qui nous prend, nous superpose, uniquement accessible de la plus a-humaine abstraction, ce qui se nomme une idée. L’idée en tant que le triangle n’existe nulle part, sinon des similis de triangles, mais l’idée de triangle est plus grande, pareillement le « est », le « là du donné » effrayant est une idée perceptible tout au-delà de sa représentation.

Et c’est là-bas que l’on nait, que l’on ex-siste, quelque chose de notre être (et qui seul est vraiment notre articulation au réel) se situe « là », dans l’horrible. Dans le grondement sourd du réel qui emplit tout, puisqu’il est tout, que c’est son aventure, pas la nôtre.

On y participe plus ou moins, et comme Heidegger, comme Nietzsche, voit bien que ça ne peut plus se dire comme étant le Bien ou le Un ou Dieu, il tombe dans la surdimensionnalité dépourvue de tout réfèrent, et cela seul est, le non référent. Du reste Nietzsche comme Heidegger tentèrent de récupérer l’abomination, de lui offrir quand même une belle surface ou une profondeur de la Vérité de l’Etre, on ne sait trop quoi en fait (le langage tellement distordu que l’on n’en peut rien soutirer). Ça n’en a pas, ça existe d’un seul pan démentiel, bien au-delà du langage, il n’y a aucune prise. Sinon la conscience la plus précise possible que l’on en saisira. C’est l’acte de conscience de structure qui s’en saisit sous la forme d’en être-saisi.

Parce que ça ne signifie pas qu’il faille se laisser happer par l’horreur. Enfin chacun décide comme il l’entend. Mais on peut vomir tout ce réel d’une débilité sans faille, cette abomination, et vouloir ici même que le Un soit, que Dieu soit, ou que le sujet soit, ou, bref, ce que l’on voudra (qui se tienne du Un-qui-n’est-pas, qui doit être).

Histoire de contrer cette ampleur délirante de l’être réel, ce nauséeux bordel. Histoire d’être bien guerrier et bien méchant envers ce qui veut nous tuer. Que ça vienne, la haine de ce qui me tue, que je lui crache jusqu’au tréfonds.

Il faut juste ne pas se tromper d’ennemi (ce qui est le cas de Heidegger ; il s’est égaré dans l’infra pensabilité).

Nommons ce qu’il faut vouloir, désirer, appeler, énoncer, formuler, expectorer, énormiser : le Un. C’est neutre, ça ne dit rien, c’est insituable (ça ne mange pas de pain). Et visiblement ça n’existe pas. Et bien que cela soit.

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