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instants philosophie

Les opérateurs du réel

26 Octobre 2019, 15:21pm

Publié par pascal doyelle

Il y a la réalité et puis le réel. Le réel n’apparaît pas dans la réalité, qui n’appairait, elle, que découpée. Découpée par des signes, ceux du langage essentiellement mais à partir de celui-ci il est possible d'installer quantités de domaines dont les plus importants sont les esthétiques et les récits (autrement dit il suffit de signes, cad de rapports, pour discerner « des réalités » en plus, en plus du langage, lequel est déjà en soi la capacité de sur-percevoir.

De sur percevoir mais à condition d'être sorti des mondes particuliers (monde conduit par le groupe qui a créé le langage, les représentions, échanges, perceptions et le tout ritualisé, puisque chacun des groupes devait sa survie à sa cohérence en interne ; il faut être maya pour comprendre le monde maya).

Survient donc le monde en lui-même, unique, universel, le monde donné en dessous des mondes, lequel est acquis par la raison, le logos, autrement dit l'universel, qui doit s'entendre comme universalisations des intentionnalités ; il ne suffit pas d'intentionnaliser n'importe quoi n'importe comment, il faut que ce soit cohérent et régler, sinon on n'y comprend rien, outre que l'on ne peut pas le transmettre aisément, et le système est cette compréhension ; l'universel a pour but l'être, l'idée en soi qui guidera l’ensemble de toutes les idées secondes.

Mais ça ne suffisait pas puisque dans notre réalité, ce sont les individus, un par un, qui doivent s'armer du langage et des signes ; ce qui veut dire des rapports possibles, échappant au groupe (qui gère très bien ou plus ou moins ce qu'il organise mais reste ou est devenu pour nous limitatif).

On remarquera que les sciences se perçoivent, perçoivent leur organisation du monde, relatif à chacun ne son langage propre, technique, à partir de l'unité individuelle (de par son intention même et de par sa perception, qui n'est évidemment plus ordonnée par un groupe mais donne directement dans le monde « là »).

Et donc pour ouvrir encore plus l'accès au donné, il y eut le christique (et dieu auparavant mais qui mettait en forme une nation, le judaïsme). La spécificité du christianisme est l'individualité ; le christ ne vous dit pas « fait ceci ou cela » mais à tout le moins « ne fait pas de mal aux autres » ni à toi-même tant qu'à faire ; ce qui veut dire que l'on sort de la Loi qui vous juge (tel Kafka) et par laquelle vous vous trouverez à peu près toujours coupable, essayant avec courage mais difficulté de vous justifier (de devenir saint, pur, sans erreurs, sans fautes, sans délires).

Le remplacement de la Loi s'effectue par l'Intention. Le christique ne vous oblige pas à une morale, mais vous pose la question ; qu'est-ce que vous voulez Vraiment ?

Et ceci, cette question est d'autant plus portée, que le christ s'en va, il nous laisse là (en précisant je reviendrais et je suis encore là) ; ce qui rend possible que chacun puisse développer son récit … Récit, romans, poésies, esthétiques, artistes, créateurs, vies individuelles, vécus, et en bref que chacun passe de sa vie donnée là, à son Existence propre.

Et si est posée cette question « que voulez-vous vraiment ? » alors on ajoute à la loi une possibilité bien plus grande ; l'intention qui n'est jamais intégralement manifeste, ni exprimée, ni vécue, ni définie (et qui revient de toute manière à et par chacun, sans extériorité, ou plutôt en utilisant toutes les extériorités, à partir du centre qui n'est pas lui-même visible). N'étant pas manifestée ni manifestable, ça entraîne l'angoisse. C'est ce que l'on nomme le réel.

Il y a la réalité, découpée par des signes, qui n’apparaît jamais comme réalité en soi, mais toujours comme réalités multiples, et le réel, par dessous ou derrière ou à l'horizon, qui est ce sur quoi, à partir de quoi ou de qui apparaissent les réalités, toutes découpées.

De même puisque ça n'est plus 'le monde » ou le groupe qui organise mais le sujet, individu, la cohérence est reportée ; elle n'est pas annulée parce que cela reviendrait à ne plus rien y comprendre et à ne rien organiser (ce qui est invivable et on n'y survit pas ou moins bien), mais elle est, cette intention individuelle, reportée et demande non pas qu’elle soit jugée (ce qui la fixerait ou la figerait) mais pardonnée ; à condition que l'on accepte de continuer à jouer le jeu, de se poser, Vraiment, la question « que veux-tu vraiment ? »

Le réel est donc cachée mais en fait caché structurellement, derrière les découpages qui tissent la réalité (en réalités diverses et discernées) ; ce que l'on nommait dieu ou nirvana ou le divin, permettait de relever le réel, angoissant, en une règle apaisante et planifiée et prévoyante ; mais depuis l'intention individuelle chacun est livré au réel nu et sans rien (comme le christ) ; et donc l'apaisement risque fort de tourner au cauchemar.

Si depuis les années soixante nous décuplons les images, récits, esthétiques, musiques, etc, c'est afin de surdécouper la réalité et de se protéger, aussi, de l'angoisse, du réel nu et brut. Ce que les existentialistes avaient bien vu et situé. Et c'est, au travers du déferlement d'images et de récits, le réel qui passe au travers ; typiquement David Lynch (on passe en somme de Hitchcock à Lynch, d'un monde réglé mais menaçant à un monde déréglé et entièrement soumis au mal, noirceur, angoisse, terreur intérieure et finalement qui gagne la totalité de la réalité).

Le problème de la mise à distance du réel opérée par les découpages des réalités (tout ce qui envahit notre vision ; des signes, des images, des objets à foison, des esthétiques, des récits, nous sommes des musées vivants) le problème est que plus on découpe, plus on s'angoisse. On ne peut pas remplir le vide, formel, de l'arc de conscience, qui crée des intentionnalités, par des signes et des (morceaux de) réalité (la réalité « en soi » n’apparaît jamais, elle n'existe pas ; il n'y a pas d'être-en-soi, mais une dispersion ou une étendue de réalités diverses, organisées mais par étages, atome, adn, civilisations etc).

Grecs ou christique il y eut deux sorties des mondes particuliers et donc deux entrées dans la nouvelle anthropologie qui passe outre les mondes séparés qui inventèrent les sociétés humaines, parce qu'ensuite c'est d'autre chose que de mise ne forme culturelle dont il s’agit ; d'une acculturation qui prend sa perception dans le donné (grec) et dans le vécu (christique).

C'est donc aussi une instanciation qui arrive-à la société humaine et qu’elle subit.

Et toute société humaine, si elle est déjà-prise dans la ré-anthropologisation, circule encore en elle-même selon le groupe et le langage originel ; de même tout moi, bien qu'il se tienne du sujet de structure, se ressent encore selon la tribu ; aussi devient-il fou en entendant toutes les voix en même temps (mêlant perception et langage, autrui et soi, imaginaire et réalité) et aussi est-il éjecté hors de toute communauté et isolé, perdu, sans rien, dans la noirceur complète il ne parvient plus même à mener une intentionnalité et s'enferme dans une dé-pression, une absence même de désir, et affronte l'angoisse pure et le réel en soi (il ne peut plus désirer et donc ne peut plus découper le réel en réalités et c'est le réel, cette horreur, qui lui presse tout l’être).

Les opérateurs du réel

On a vu que l'on est passé des mondes particuliers (tous séparés) au monde universel (et unique : les grecs) et du corps selon le groupe au corps individuel (le christique).

Cela veut dire que l'on a segmenté la réalisation historique selon dieu (l'intention), l'être et l'universel, le christique et le sujet et le révolutionnaire, l'altérité (la réalité telle qu'exposée par les sciences ou selon le devenir historique ou l'existence de chaque moi, son vécu) et le réel (la position ontologique «il y a le réel »).

On a vu que pour le moi, chacun de nous, la réalité était accessible via un découpage généralisé : tout mot, tout signe permet de situer telle réalité, telle perception, mais que le réel, lui, est inaccessible ; non pas au sens du manque mais de par son excès ; le réel n’apparaît jamais en tant que tel mais est ce à partir de quoi tout apparaît ; et pour nous, être humains, il s'agit de la structure de conscience, et son intentionnalité ; toujours menace la non raison, l'impossibilité,  l’absolu et le formel qui ne sera jamais découpé par les signes, le langage et c'est en cette impossibilité que nous existons ; le reste du temps nous sommes, du verbe être, ceci ou cela ; mais là, dans cet insituable, nous existons, ou donc nous ex-sistons ; il nous est impossible de nous figurer cet exister ; il est donc repérer par ces configurations impossibles de dieu, de l'être, du sujet et du réel.

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Ce qui arrive donc c'est que l'on repère ce à partir de quoi le reste se tient. Ce à partir de quoi il est possible de monter, d'élaborer une intentionnalisation générale de ce qui est donné là. Dieu, l'être, le sujet, le réel.

On part du principe que le présent est le réel. Le reste, tout le reste, se déroule, dans et par le présent. Loin d'être un état donné vague et informe, le présent est la forme même de tout le reste. Cela revient à imposer que le fait d’exister, le « il y a quelque chose », précède la totalité de qui fut, est, sera, ou de toute espèce de réalités ailleurs et autre (d'autres univers par exemple, ou quelque détermination de monde quel que soit ce monde, tous supposent le fait d'exister). Ce qui implique que l'on définisse le réel comme pur et brut activité ; le réel est un rapport et si il est un rapport il n'est pas un rapport qui arrive à quelque chose (d'autre que lui) mais toutes choses adviennent dans et par le rapport ; toutes choses et tout être a pour finalité le rapport lui-même.

Étant rapport il est absolument, cad formellement, transcendance et laquelle transcendance place et déplace toutes les immanences (qui existent évidemment telles quelles, intégralement, en lui ; étant rapport il n'est pas le Un qui se heurte au divers mais le un qui crée indéfiniment de la diversité).

Lorsque l'on dit que le un crée toutes les déterminations il ne s'agit pas d'une causalité de type mondaine (qui n'existe que dans le monde, tandis que le rapport est le Bord du monde, comme du vécu et du corps pour chacun de nous). Dans la forme du un qui se crée constamment en tant que un, en tant que Bord de toutes les réalités, le un s'augmente, s'intensifie, s’accélère, se densifie (et ce autant que nous en communique notre expérience réelle ; selon les grecs (augmentation intentionnelle), le christique (et dieu, intensification), le sujet (cartésien et révolutionnaire), la réalisation (dans tous les possibles du monde, de l’humanisation, et du moi, de la personnalisation dans humanisation universelle acquise).

Suivant la logique que le réel est plus grand que lui-même (sinon on ne voit pas à quoi « servirait » un réel).

Nous nous sommes souvent demandé si le un existe, pourquoi sort-il de lui-même ? Il est parfait et plein et compact et consistant. Mais le un n'est pas l'être … l'être est une notion confuse et mélangée, de sorte qu'au bout des systèmes le un, l'être, le bien, le moteur ou dieu ne se conçoivent jamais mais font-retour ; servent d'opérateurs absolus qui permet de produire tel ou tel système ; ainsi Hegel le dit clairement ; « la-pensée » est vide, son contenu c'est son déploiement (en phénoménologie historique ou en phénoménologie du savoir). Il est clair que le un clos et fermé n'est pas (de même il n'existe aucune réalité qui synthétiserait toutes les réalités, il faut donc que l'unité des réalités soit autre que ces réalités). Si le un fermé n'est pas, ce qui est réellement est le mouvement et si mouvement il y a, alors le mouvement est absolument tout. Le mouvement crée de fait qu'il puisse mouvoir. Si le un est le mouvement cela veut dire qu'il est rapport. Ce qui est rapport n'est pas mais existe, c'est ce qui est placé en rapport qui est ; l'être est « dans » l'exister. L'exister est plus grand que n’importe quel être, et on voit bien que toute détermination est limitée et même que l'on ne pense et ne perçoit que des réalités limitées ; qui ne permettent jamais d’interroger le rapport lui-même. Dire que la réalité est l'énergie, c'est bien mais ne dit littéralement rien, dans le sens du néant, tandis que dire que c'est dieu c'est ne rien dire mais dans le sens de la forme.

L'hypothèse en dessous est celle-ci ; les arcs de conscience, Platon, Descartes ou Sartre, Jésus, les révolutionnaires (dépassés par leur enthousiasme structurel) ne se sont jamais trompés ; ils ne pouvaient pas exprimer adéquatement la forme du réel (ou la forme de leur conscience) puisque le réel ne passe pas « dans » la réalité ; mais ils peuvent indiquer la signification et donc engager chacun à suivre ce parcours, cette description et chacun peut effectivement acter la structure (de « sujet » au sens structurel) en et par lui-même ; c'est même à cette condition là que l'on pense, sinon on ne pense pas, on ne pense pas selon le se-savoir du rapport que l'on ex-siste et on ne saisit pas que quelques-uns réussirent à situer, non pas objectivement mais hyper objectivement, structurellement, le rapport qu'il existe de fait. C'est ce rapport qui est venu au devant, passant outre tout monde particulier, toute représentation ; ce qui vient en plus sur la scène c'est le rapport qui est à l'origine la cause des représentations et qui de ceci accélérera tout le registre de la représentation (qui n'est plus liée à un groupe et peut proposer quantité de vérités, et de perceptions, plutôt que la vérité en soi qui ne peut tenir qu'au sein d'un groupe clos).

De ce que la structure a commencé de se nommer, cela rend possible la démultiplication à partir du noyau intentionnalisateur (dieu, l'être, le sujet, le réel ou leurs substituts, à condition que le formel intentionnel, cad le rapport, soit installé préalablement ; on peut dire dieu-la loi, Jésus-l'amour, l'être-la vérité, le réel-l'altérité).

Il est clair que la mise en marche du structurel ne se fait pas sans qu'il se signifie, qu'il s'introduise dans le monde, le vécu et le corps ; de là qu'il soit grec, christique, cartésien et sartrien-lacanien. Puisque ce signe est un repérage dans le réel, sur le réel, sur la surface du réel (et non une détermination dans le monde qui du reste elle-même n’apparaît, ne nous apparaît que par un signe, quitte à ce que outre ce signe et cette chose aperçue, on puisse, ensuite, rebondir et plus-percevoir ; notamment étendre considérablement, par les esthétiques ou les éthiques ou les politiques, etc, au-delà du langage mais compte-tenu du langage, le langage s'utilise afin d'élaborer des horizons, mais ces horizons se soutiennent d'eux-mêmes à la suite).

Ces « événements » du réel ne se réduisent pas à des survenues universelles ; la pensée n'existe pas « en soi », par contre une conscience qui est un rapport est précisément cela qui existe parce que ce rapport peut se causer... Si l'on recherche la compréhension objective on n'admet que l'universel et la pensée, mais explicitation qui en découle reste limitée ; on ne pourra pas faire entrer dans une argumentation limitée ce qui passe outre l'argumentation et qui décrit une position ; une position (le un plotinien, le sujet cartésien, l'esprit hégélien, etc) est une « longue » argumentation qui signifie, montre, du doigt, la situation de l'arc de conscience, de l'intentionnalité, du sujet, du corps, du réel, etc ; cela qui est « rapport » est très exactement l’explicitation pure et formelle ; parce que ce qui est rapport se déplie de par soi, même si l'on ignore pour quoi. Si on connaissait la finalité elle serait dans le monde et non sur le Bord.

Autrement dit si le rapport existe alors il est tout le réel ; et les choses, les êtres, le donné, les vécus, les corps sont dedans. Mais comme le réel est une forme, cad un rapport, ce qui est « dedans » est dehors … dans l’altérité ; si le réel était l'être, le un clos, fermé, on ne comprendrait pas qu'il y ait un dehors en lui (et on en verrait pas pourquoi le un-clos se produirait comme altérité).

 

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