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instants philosophie

Le réel extrême

19 Décembre 2020, 09:21am

Publié par pascal doyelle

Il n’y a pas eu de rupture dans la réflexivité ; on nomme réflexivité le retour sur. Au début il s’agit, philosophiquement, du retour par le discours sur lui-même ; il organise ainsi sa cohérence et cette cohérence autorise de produire des intentionnalités qui ne se perdent pas de vue, mais également qui peuvent s’inventer au fur et à mesure ; c’est donc également un principe de création de concepts.

Rappelons que la finalité n’est pas de concrétiser un concept qui soit adéquat au réel ; parce que le réel n’est pas un concept ou alors d’une certaine manière (en tant qu’existant pour un sujet, ce qui revient dire ; un signe). Il s’agit de créer des concepts approchants qui activent l’intentionnalité. De sorte que l’on puisse tenir, littéralement, et d’abord supporter la difficulté de maintenir dans la vision, dans la vue, dans le visible la ou les réalités ; tout vient du sujet et tout y retourne ; et il est à mesurer le gain ou la perte de la vision. Et ce qui vaut aussi bien au point de vue de l’intention, de la morale, de l’éthique, de la politique et ce genre registre ; par exemple l’artiste ou le créateur se doit à une éthique (en magnifiant au-delà de tout exemple il éduque son attention, son intention, jusqu’à son existence même mise en jeu).

Et donc la philosophie augmente la capacité intentionnelle et comme elle est la discipline qui s’occupe du hiatus créé par la disparition des mondes particuliers, au profit du monde donné là (et en attendant la performance christique lorsque le hiatus devient chacun, individuellement, extrapolé par le christ même en dehors de tout donné là, y compris cette vie de chacun comme segment naissance/mort, à partir d’un point externe), alors la réflexivité expose précisément le « là » : le fait de l’être.

Qui dés lors n’est pas le plus grand des étant (comme dira Heidegger) mais le point par lequel tout revient, revient vers nous en tant qu’intentionnalités, ce qui veut dire idées. Le bien, la pensée de la pensée, le Un de Plotin ne sont pas de « gros étants ». c’est se méprendre totalement que de supposer cette étantité (Heidegger veut surtout récupérer, pour lui, la pensée de l’être, mais il est vrai qu’il voit que le fait de l’être est plus grand que tout étant ; et effectivement le fait de l’être, qu’il y a quelque chose, n’est pas de la détermination et ne peut pas être qualifié ; or où il se trompe c’est qu’il pense devoir se passer du sujet, alors que seul l’articulation, le rapport qu’est le sujet peut signifier le fait tel quel, ça ne rentre en aucune idée mais ça se signifie par le rapport qu’est, qu’existe le sujet ; ce que Sartre redimensionnera à sa juste place).

L’être est le fait majeur qui rend possible qu’il y ait intentionnalités, idées et systèmes d’idées ; l’être est l’opérateur, ce qui rend possible les intentionnalités (les idées et donc aussi les systèmes) mais en tant que point de visée de séries d’intentionnalités ; ajoutons que ce qui nous vient alors ce ne sont pas seulement les idées mais l’opération par laquelle (il arrive quelque chose de nouveau). Il n’existait pas auparavant d’articulation maîtresse qui puisse s’attacher et nous inscrire dans le monde. Il existait des dieux ou des principes semi-abstraits, symboliques, mais non pas qui se montraient en tant que rapport ; pour qu’il y ait un rapport effectif il faut soit le monde (grec, des idées), soit le corps (du sujet, emportant toute sa vie comme (entre parenthèses) soit de façon encore plus éloignée l’intention pure et sans rien ; à savoir dieu.

Mais il n’y a pas à « choisir » entre dieu, l’universel pensé, le sujet ou le réel. Ce sont les approches (au moins celles que l’on connaît le mieux, à d’autres de rechercher dans l’hindouisme ou ce qu’ils voudront) qui nous permettent d’accéder aux extrémités, aux extrémités de l’expérience du « réel il y a ». Et ce sont des extrémismes cohérents, puisque le sujet est la structure de cohérence, de possibilité la plus exacte, pointilleuse et rigoureuse (par la structure sujet il y a œuvres, esthétiques ou philosophiques ou éthiques ou politiques ou mystiques ou sciences ou mathématiques, à moins de supposer que tous ces domaines existent « en eux-mêmes », mais alors on ne voit pas ‘où’ ils existeraient ; si ils sont dans le regard, c’est qu’ils sont par le regard, le regard est tout, tout le champ possible offert).

Par l’être les réalités sont subsumées dans l’horizon unique, et organisées ; une intentionnalité peut alors naviguer de signe à signe et rendre compte de la perception, mais surtout créer cette perception ; Platon crée la vision via les idées ; l’être grec n’est pas encore relativisé (pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien, question qui ne vient qu’après qu’il y ait un sujet) mais s’impose par sa massivité de cosmos ordonné qui s’élève du minimum au maximum d’organisation dont les idées rendent compte ; et qui doit se tenir ; de même que l’individu vaut de ceci qu’il pense. Dans le christique l’individu vaut déjà en et par lui-même et en et par lui seul ; le christ est le un-tout-seul.

L’idéal philosophique, la cohérence, demeurera et demeure fondamentalement à la base et la source, mais une « cohérence » cela dépend de ce à quoi elle s’applique. Or on a étendu le « donné » qui dès lors contient l’individualité (christique et celle de chacun, St Paul, Augustin, etc inventent la subjectivité) et ensuite (avec Descartes, qui l’inscrit dans le marbre du donné là, l’étendue du monde, et l’incruste de l’infini pur, soit la volonté, autre nom, temporaire, de l’intention, puis qui deviendra l’intentionnalité) le sujet et donc les capacités et les possibilités de toute l‘historicité suivante. Il faut adéquatement étendre la pensée sur ces nouvelles acquisitions ; Descartes, Kant et Hegel.

Si on ne comprend pas que l’on a quitté depuis longtemps la-pensée, comme discours clos (qui en vérité n’a jamais eu lieu sinon dans sa version rationaliste scientiste naturaliste ; pour les grecs la pensée est divine) on ne comprend rien, sinon un tas de systèmes contradictoires plus ou moins. Et non le développement d’une réflexivité qui passe d’une étendue à une plus grande, d’un approfondissement à un autre qui contient le premier et que de cela s’élabore l’arc de conscience ; est-ce que Descartes contredit dieu ? Non. Et Spinoza , pas plus. Et Sartre ? Non plus (qui clôture l’E et le N avec une interprétation de l’en-soi/pour-soi considéré comme l’idéal d’absolu de l’homme).

Et dès lors la réflexivité prendra une autre tournure sans se démettre de son ambition ; à savoir rendre compte à chacun de son être ; il se trouve que cet ‘être’ est plus bizarre que seulement discours conscient de raison (grecque, que cosmos ordonné). Si il y a liberté alors il n’y a pas Ordre. Il y a cependant vérité et liberté ; une liberté qui s’égarerait dans la non vérité s’annule comme liberté ; et qui dit vérité dit réalité ; autrement dit l’articulation générale n’est pas du tout anéantie mais embarquée en une mesure dont l’on peine à saisir l’extension.

Il faut de toute manière sortir de l’idée générale de l’être, qui se prêtait objectivement, comme un objet, un gros objet qui s’offrait à la compréhension par les idées et le système, et sortir afin d’entrer dans le méta système (celui du sujet et de la (méta) liberté, mais la liberté est toujours méta puisqu’il s’agit d’inventer, de créer, et que « ce qui est en plus » est de par le fait ‘méta’). C’est ainsi le système du sur/plus, du réel-en-plus.

Or on a vu et on a dit que le réel-en-plus est évidemment le réel qui compte ; ce qui compte c’est ce qui n’est pas et qui est possible ; sinon pourquoi existerait-il un ‘présent’, sinon pour que le possible devienne possible, de manière globale il y a une réalité (quelle qu’elle soit et quand même bien plusieurs univers ou autres, on ne sait) afin qu’il y ait un possible ; ou donc le réel est le Possible. On ajoute de plus que la capacité effective du réel est le possible du possible ; il faut que le possible, pour affirmer et impacter réellement, soit sa propre possibilité ; que donc le réel puisse s’élever de plus en plus haut, sans que l’on puisse assigner a priori son devenir ; puisque le propre du possible est de réaliser « ce dont on n’a pas encore déjà idée » ou de réaliser « ce qui n’est pas, nulle part ».

On a reconnu que ce seul in-fini est compréhensible, et qu’autrement on ne comprend pas du tout ce que par « infini » on pourrait entendre. Ou : le sujet, la structure sujet peut seul se modifier lui-même ; il est un rapport et un rapport ne tient pas en son début ou en son terme mais dans le seul mouvement, et ainsi transformable, rendant ses conditions initiales toujours autres qu’elles n’étaient. Ce ‘pas’ selon le temps lui-même (qui crée ainsi qu’il y ait du « temps » ou de l’espace ou une réalité déterminée dont les déterminations sont précisément le terme du début qui est, a été, sera modifié afin que le rapport grandisse) réalise, rend réelle la performance même qu’un réel il y a afin qu’il soit plus grand que lui-même. Sinon on aboutirait à une sorte d’inertie, dont on ne comprend pas les tenants et les aboutissants (sauf de se fasciner pour un objet mort-né, comme l’être ou la matière ou tel ceci ou cela).

Et c’est ainsi que dieu, l’être, le sujet ou le réel sont des formes absolument mouvantes, parce que le mouvement est tout. Le mouvement n’est pas ce qui est imprimé aux choses ; il n’y a aucune chose avant le mouvement, elles sont dans le mouvement-même. Il n’y a pas un quelque chose qui serait ensuite articulé ; il y a articulation et puis, ensuite, des plis, qui sont les choses. C’est bien pour cela que l’on ne peut pas saisir christiquement quoi que ce soit ; tout fuit entre les doigts. Et c’est probablement la raison pour laquelle la réalité, qui n’est pas substantielle, est seulement une sorte de dispersion qui se surmontant elle-même, produit, à partir de sa fragmentation, des couches de réalisations qui amènent à des « choses » à peut prés stables ; des atomes, des soleils ou des êtres vivants (si l’on se réfère à notre expérience, qui est forcément limitée, on ne sait pas ce que cela donne ailleurs, ou en un autre univers si tel est le cas) ; ces (pseudo) choses ou (pseudo) êtres sont effectivement réels mais seconds ; c’est cette mouvance généralisée qui se rend au fur et à mesure de plus en plus distincte ; il n’y a pas de détermination (cad de réalités) sans distinctions (différenciations) ; qui dit ‘réalité’ dit ‘réalités’ et on a dit, à tort ou à raison, que la réalité était, par hypothèse, infinie ; un océan infini de distinctions.

Peu importe, ici, parce que l’on ne mesure plus selon l’infinité ; on a même dit que le réel est un infini d’infinis ; le réel use de l’infinité, comme catégorie, afin qu’il y ait encore plus d’infini. De rapport. Et que don peut-être, probablement, on en sait pas, le réel est tordu ou distordu sur, vers, par lui-même ; que l’on nomme cela dieu ou autrement c’est à voir. Aussi peut-on dire, si l’on suit cette idée, qu’il se tient dans sa propre visibilité, et que celle-ci comme le un de Plotin, mais plus complexe, se donne à voir afin de grandir… Or cela implique ou présuppose que les choses, les êtres, les sujets soient réellement distincts et autres ; en somme que la logique soit celle de l’altérité absolue ; les choses et les êtres et les sujets ne sont pas distingués « en esprit » ou en idées, ou abstraitement ; ils sont vraiment Autres (ce qui est une manière de dire qu’ils sont réels ça tombe bien c’est le principe même de ce qui est). Ils sont autres signifie pour nous, pour chacun de nous, pour chaque sujet, serait-il extraterrestre, que l’on doit se déployer volontairement, ou pour mieux dire intentionnellement (puisque l’on a passé le cap de croire en la « volonté de type consciente » pour plonger plus avant dans l’ontologie et ce depuis au moins Husserl, sinon Hegel ou même Descartes, dont la volonté n’est pas de se conformer à la pensée, et qui change sans trop bien le préciser le paradigme de l’idée, qui n’est plus une idée idéelle pour ainsi dire, comme en théologie ou scolastique).

Que l’on ait à passer outre ce que l’on est, est devenu une quasi évidence ; sauf que c’est toujours aussi difficile et même im-possible, n’étant pas une motion du monde ou du vécu mais un arc en plus, ce que l’on fait de ce que le monde ou les autres ou le passé ont fait de nous, le je dans le moi, qui est en plus du moi, le je qui est cela même que doit déplier le moi, d’autant que depuis son acquisition de soi en tant que moi, pur individu, depuis les années soixante par ex qui ont démocratisé la personnalisation, chacun est encore plus le moi qu’il ‘existe’. Le moi doit déplier le je, parce que c’est le je qui a, dans le champ actuel du réel et du présent, créé le moi ; le champ intentionnel ne se produit que dans l’actualité du réel, soit le présent (mais on ignore jusqu’où va le présent). C’est pour cela qu’il dépend de lui-même, de sa capacité à Voir. Il n’existe de personnalité que dans le regard, l’intentionnalité de l’arc de conscience ; ce qui crée le moi ne peut pas n’être qu’une fonction du moi, mais le moi est une fonction du je ; ce qui veut dire non pas le moi fonction d’un universel, mais l’universel créé par un plus grand que lui ; le singulier.

On a vu que ce qui est agissant dans l’universel n’est rien que le rapport ; c’est ce que déroule Hegel ; la vérité n’est pas dans les termes du rapport mais le rapport lui-même (pour Hegel en tant que ce rapport, négativité de l’esprit, bâtit le savoir, de tous les rapports, qui, tous, se placent et se déplacent sur l’horizon du rapport unique de leur système). Que le rapport ait pu prendre la dénomination de négativité cela vaut jusque Sartre (et via l’athéisme « marxisant et humanisant » de Kojève) et tout autant Lacan, qui, dans ce néant comprend « rien du tout », tissage conscient troué en son centre par un vide « qui ne se représente pas », soit donc l’inconscient. Mais de où « rapport » signifie-t-il néant ?

De ce que l’on demeure, malgré tout, dans la perspective exclusive du savoir au sens philosophique, d’une connaissance (objectivisante du discours) ; et de ce que l’on ne prend pas garde que si rapport il y a, alors il est rapport générateur. Évidemment dire ; le centre de ce qui est, est l’intention, ne répond à rien du tout ; sauf que cela indique la logique en tant qu’onto-logique ; ce à quoi l’on parvient en définitive à ceci que le réel existe afin que le possible soit, d’une part et que de plus et surtout (raison d’être de cette raison d’être) que le possible du possible soit, ou si l’on veut que le possible soit plus grand que lui-même … ce pour quoi (et par quoi donc) il est fait. Et un tel possible possible ne peut pas être un être (qui est ce qu’il est) mais un exister, qui n’est pas ce qu’il est ; puisqu’il devient.

Ce qui causait des maux de tête (que l’être soit déjà toujours identique à lui-même alors que tout le monde voit bien que ça se meut, de partout) est en vérité le réel même ; c’est le mouvement qui existe. Mais alors il faut pousser le mouvement tel qu’en lui-même jusqu’au bout ; il y a un Bord (un présent) afin qu’il s’enroule en s’ajoutant à lui-même.

Que le possible soit le possible veut dire que le réel est en cause dans ses effets. Il y a des effets non pas d’une cause, transcendante ou substantielle ou en soi ou infini au sens de parfait, mais il y a des effets afin qu’ils modifient la cause.

C’est absolument, cad formellement, ce que signifie liberté. Liberté ne veut rien dire d’autre que la capacité de modifier les causes pour obtenir d’autres effets. Mais l’intérêt de la liberté est-il de permettre d’autres possibilités du monde ? Ou de se vouloir elle-même, d’augmenter son rayon d’action ? On appelle sont rayon d’action par exemple « aimez-vous les uns les autres » ; non par fascination pour l’amour mais parce que la confiance (Kant) rend possible quantité de réalisations … et notamment le bien-être (serait-il minimum, qui, comme on sait fut très peu assuré au fil des millénaires ; ça n’est que depuis 60 ou 70 ans que nous vivons un âge véritablement parfait, et encore non sur toute la planète ni en toutes les nations). De même l’intérêt de la liberté est la création ; on n’est pas seulement libre de choisir ceci plutôt que cela mais de transformer les ceci et cela, d’en créer de nouveaux. C’est même pour et par cette création qu’il y a ici et là des « choix », parce que plus réellement on invente des modifications ; le moi que l’on est n’est pas un résultat du passé mais une invention, une potentielle solution. Mais encore plus loin la finalité de la liberté est la liberté d’autrui ; afin que le cercle du rayon s’agrandisse, certes, mais parce que la liberté qui est un rapport se propage structurellement ; il y a liberté et égalité.

Et obtenant la liberté et l’égalité on parvient à la re/création continuée, au sens de l’apparaître comme « ce qui peut/doit être perçu ». On n’a aucune prescience de Mozart ou de Vermeer antérieurement à ceux-ci. Et après Mozart on sait comme la musique peut exprimer (et donc créer également) l’émotion et le sentiment simplement humains. De même que Marilyn ou Brando réinventeront une version de la femme ou de l’homme et plus généralement les médias s’utilisent afin de créer ce qui sera, suite à leur vision, leur visionnage, des évidences de l’apparaître (des stars aux idoles et ensuite à leurs variantes plus ou moins dégradées, ou dégradantes, et ici et là de nouvelles images, imaginations, récits, etc). Les médias ont créé, sorti de toutes pièces, un monde complet adapté et inventif du moi, de chacune des vies, des vies nouvelles, des vies redécouvertes en tant que personnalisées ; on pourrait même dire le faux-monde de Philip K Dick ou le monde matrixé ; l’apparence de monde qui ne repose, au fond, que sur la conviction, la motivation de chacun (qui comme de bien entendu s’effondre de temps à autre, entre en dépression).

Or on tient ici que les variations de l’apparaître ont pour finalité d’approcher au plus près la structure ; celle qui, précisément, n’apparaît pas, n’apparaît mais est-sue. On a vu la différence entre la connaissance (tel ‘l’universel et la pensée, grecque ou théologique) et le se-savoir qui s’initie par Descartes ; le sujet échappe à la preuve, le cogito n’est pas une preuve, c’est un fait. Et le sujet le-sait ; ce qui veut dire que si l’on intuitionne le sujet, le je, c’est qu’il est signifié. On ajoutera pour rendre encore plus clair ; que le se-savoir contient la connaissance, le connaître ; le se-savoir est ce qui est le-plus-proche du plus proche. Le signe seul. C’est en cela que les esthétiques, les éthiques, les poétiques, etc, qui ne sont pas « de la raison » mais de la signification, et ces différents domaines parlent absolument et souvent bien plus adéquatement aux sujets ; la philosophie, la connaissance est un domaine très spécifique tandis que l’être du sujet (qui n’est pas un être donc) est non seulement beaucoup plus étendu mais infiniment étendu. Il est la source même, l’antériorité, la structure, ou dit autrement le rapport antérieur à tous les rapports.

Or pourtant on n’entre pas dans la philosophie sans se transformer (sinon on ne comprend rien), tandis que l’on peut tout à fait entendre Mozart ou Rimbaud, et commencer instantanément de saisir ; mais ce qui revient à étendre l’incompréhension tout comme la compréhension ; parce qu’en vérité une œuvre n’est pas « si évidente » qu’elle puisse paraître ; que veut ‘vraiment’ dire Mozart ? Que signifie-t-il ? Est-ce si certain que l’on comprenne immédiatement ?

Mais si nous ne sommes pas un être, qui serait circonscrit, qui nous donnera la saisie de ce (non être) ? Et bien personne ni rien. Ce (non être) ne se connaîtra pas d’abord, mais se signifiera ; il renverra constamment encore plus loin cette saisie et ce sous la forme d’en ‘être saisi’, puisque le propre de toute compréhension est la position, le positionnement d’un horizon qui permet de com-prendre ce que cet horizon subsume ; il n’y a de signes des choses (ou de concepts) que sous l’horizon posé, sous tel ou tel horizon posé (et ça peut être éventuellement un nom ; Nietzsche par ex, mais on comprend bien que Nietzsche n’est pas tel dieu ou la pensée ou le sujet ou le réel ; il existe des opérateurs dits formels, qui s’animent et qui animent de la structure qu’ils manifestent ; leur formulation purement abstraite est en vérité formelle, elle lance le champ de la possibilité. Telle ou telle immédiateté, l’affirmation de la vie par exemple, est déjà fausse ; si on l’affirme on ne l’est déjà plus. C’est cette distance qu’il faut comprendre (et selon sa propre dimension, en tant qu’articulée) et non croire la combler. Dieu, le christique, la pensée ou le sujet n’emplissent pas le hiatus ; ils le créent et le recréent en nous.

Dieu, la pensée, le sujet ou le réel ne désignent aucun « là » immédiat. Ils sont absents, absentés, laissant la place pour notre décision (et non pour la conformité à un être quelconque).

Croire en une immédiateté (outre le désordre logique) c’est se passer déjà de notre consentement, de notre liberté ; on est ceci ou cela, et conséquemment il y a ceux qui l’ignorent et ceux qui savent (les psychiques et les pneumatiques, et leurs variantes, formes parfois bizarroïdes d’élection) ; mais dieu, pensée ou sujet imposent que chacun se-sait et n’est pas sans se-savoir (Lacan y compris, qui, quoi qu’il en dise, n’est pas loin de la mauvaise foi sartrienne, bien que beaucoup plus retors ; mais le réel, de nos existences, est retors ; pense-t-on vraiment que cela puisse être facile ?) ; ainsi le péché originel est ce se-savoir lui-même, par quoi le divin attend que nous nous élevions de par nos existences, douloureuses, que nous nous élevions plus véritablement ; au sens de « plus véritablement que si nous étions demeurés en innocence en Éden ».

L’être ou dieu ou le sujet ou le réel s’imposent comme horizons ; et donc permettent d’ouvrir les champs internes subsumés par le point-autre, l’opérateur. Aussi les intentionnalités, les sujets qui découlent de tel ou tel horizon se constituent comme cohérences. Quoi que vous fassiez , vous serez tenus dans la cohérence, et ignorant tout de l’historicité vous vous connaissez à tout le moins comme « citoyen » ou comme « héros de récit, de roman » assumant cette position là ; vous ne pouvez pas ne pas être au courant. Dépend alors que vous acceptiez ou non ce de quoi vous êtes au courant. Et c’est bien pour cela que « ça tient », au fil d’une vie ou des siècles ; Dieu, l’universel, le sujet et le réel s’imposent comme purs réels distinguant leurs possibilités. Ils sont la structure même de l’historicité, qui est elle-même le champ formel absolu.

Et ce renvoi constant de toute réalité ou réalisation vers la signification se tient de dieu, de la vérité (grecque), du sujet ou du réel. Ou des quatre à la fois. Sans nier qu’il puisse en exister d’autres, inconnus. Des quatre à la fois mais aussi peut-être (et même forcément) d’une unité que l’on ne connaît pas, ni n’imagine, ni ne conçoit, ni n’intuitionne sinon peut-être, éventuellement qu’au plus extrême du plus extrême ; le plus extrême qui vient d’en avant et qui n’est pas nommé ; l’extrémité des structure qui nomme et peut-être qui cherche un nom, qui recherche son signifiant de telle sorte que chacun puisse non pas le penser ou l’imaginer, mais le Voir, ce signifiant. Ce qui suppose le sujet suffisamment autre qui puisse le percevoir. Qu’il soit upgradé, gigantesque mise à jour continuelle.

C’est cela même dont on perçoit une formulation par Descartes ; il fait-voir la forme structurelle dont le regard s’oriente soudainement vers le sujet, dont l’orientation crée le sujet ou ce que l’on nommera comme tel. Auparavant on pensait, ensuite nous devenons ‘je’. Ou comme dit Hegel la pensée devient sujet. De même que Kant a commencé de décrire les alentours du sujet (qu’il nomme transcendantal) ou que les allemands idéalistes tentent de définir comme infini vivant (Hegel synthétisera tout cela ; le sujet est la négativité pure et brute qui articule toutes les notions mais aussi tous les devenirs et tous les domaines ; la négativité donc … mais de toutes ces phénoménologies hégéliennes, qui n’attendront plus que la première mise en forme par Husserl, puis l’incrustation de cet être de structure (qui n’est pas un être, qui n’est pas déterminé) de cet être de structure donc dans un corps individué (Sartre) puis caché en un moi (Lacan, tous deux français, rejoignant Descartes).

C’est que la structure de conscience est non pas une idée mais un corps, dont on a vu que si on ‘a’ un corps c’est qu’il paraît dans le champ d’intentionnalité ; sinon nous serions ce corps, point, et rien d’autre, comme n’importe quel vivant. Les français ne se paient pas de mots ; ils ne voient rien d’autre que le sujet et le corps. Ils ne remplacent ni le sujet ni le corps. Et ils le placent, le situent planté des deux pieds sur le sol du monde (le donné là existentiel, autrui, le regard, l’autobiographie, l’histoire et le groupe dynamique) en tant que moi (celui d’un vivant mais qui signifie) ; l’au-delà du psychologique raisonnable (et adaptatif), l’angoisse profonde pour un corps d’admettre l’articulation de conscience qui arrache et découpe le vivant (qui en souffre absolument dès la naissance, qui n’est à vrai dire presque jamais un vivant mais un existant, ce qui veut dire un ex-sistant, qui sort-de, et ajoutons-nous qui sort du présent, du à-venir, de ce qui existe en-avant, étant admis ici que tout vient d’en-avant).

Il ne se tient pas seul suspendu on ne sait où, ni comment. Il y a un autre terme, puisque c’est un rapport ;

soit le pur et brut présent (dont les plis sont les réalités), et derrière il n’y a rien, sinon l’articulation gigantesque, infinie du présent qui déroule toute la ou les réalités, hypothèse fonctionnelle.

soit le présent comme acte et activité et en tant que dimension tout est ‘au-dedans’ d’une dimension dont on ne connaît les a priori qu’en ces extrémités rarement atteintes par lesquelles on est éjecté soudainement de la-réalité, à partir ou vers ou selon ou peut-être pour le Réel. Comme acte et comme activité et comme créativité ; dont la finalité n’est pas de créer une réalité et puis voila, mais de créer une réalité dans laquelle se crée de la réalité et donc s’augmente le réel, l’acte lui-même ; il est en ce cas de la nature même de ce qui est Acte qu’il provoque, embraie à nouveau et encore des actes, des créativités. Dit autrement on aurait alors affaire à une réalité qui ne cesserait pas de s’inventer, une prolixité. Un univers de myriades de galaxies, de myriades de soleils, de planètes, de toutes sortes de vies.

La logique du réel n’est pas la signification (elle est la logique qui en nous déploie toute la possibilité possible), la logique du réel est la possibilité brute, réellement brute, celle qui se génère comme un univers bruyant et brutal et ensuite s’affine, se distingue au fur et à mesure. La question étant ; jusqu’où l’affinage (comme le fromage), la distinctivité, la subtilité du réel s’avance-t-elle ?

Dieu, l’être, le sujet ou le réel (que ce dernier soit fonctionnel et simplement « là » ou dimensionnel, indiquant qu’il y a une autre-dimension, dans laquelle toutes les autres existent).Ou encore autre chose et autrement. Dont on n’a pas l’idée, de même qu’avant le dieu un unique tout-autre on ne l’imaginait pas, de même l’être ou le sujet ; ça n’était pas de l’ordre de l’imagination ni de la représentation .

Dit autrement ; dieu, la pensée universelle, le sujet ou le réel ne sont pas des idées, mais des tissages de signes (on ne mettra jamais la main sur une « idée », l’objectivité, qui est réelle, est toujours prise dans la cohérence d’un sujet). C’est tout à fait autre chose qui devient et que l’on a nommé structure-sujet (indiquant donc qu’elle est plus réelle et plus cohérente, puisqu’originelle, antérieure et rendant possible qu’il y ait un champ, et ainsi tout le reste qui nous apparaît, jusqu’à ce que la focale du kaléidoscope se resserre sur chaque un).

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