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instants philosophie

Activisme

15 Mai 2021, 09:11am

Publié par pascal doyelle

Rappelons le principe général ; il se peut que l’on préfère l’absence de tout questionnement, sous le prétexte ou pour la raison que nous sommes jetés dans le monde pour rien et que de toute façon nous ne comprenons rien à quoi que ce soit, et qu’il est inutile de s’interroger plus avant. Pourquoi pas.

Mais à l’inverse on peut admettre qu’il vaut mieux d’hypothétiques réponses exprimées plutôt que l’abandon de questionnements jugés a priori inutiles ; on ne sait de où sort cet a priori (d’une infaillible inconnaissance sans doute) ni comment en juger négativement avant que précisément ils soient exprimés (autant brûler tous les livres). Abandon qui pour le coup ne sert à rien et ne mène nulle part.

Évidemment si l’on continue d’enquêter cela requiert suffisamment d’assurance ou de confiance native, ou naïve, peu importe, et plus simplement que, quoi qu’il en soit, au moins si l’on conduit des réponses, cela peut faire avancer, tandis que l’inverse, le scepticisme généralisé, ne conduit nulle part, en toute certitude.

En somme, si des questions se posent, c’est que des questions se posent…(et qui reviendront de toute manière sous une forme ou une autre, ne demeurant pas du tout dans l’inexprimé). Pourquoi des questions se posent-elles ? Est-il raisonnable d’admettre, sans plus de curiosité, que ce serait en pure perte ?

Et si ces questions se posent bien effectivement, alors de fait il existera une continuité de questionnement, puisque rien ne naît sans raison. La vérité est que c’est le contraire qui est absurde ; « rien n’a de sens » est une proposition très déraisonnable. C’est nier que véritablement il existe au moins un être pour qui rien n’est immédiat et que cette médiateté est factuelle. Le fait même qu’il existe de telles interrogations est probant.

Et enfin on admet ici que ni Moïse, ni Platon, ni Descartes ou Lacan n’étaient des idiots.

Qu’ainsi cette continuité existe déjà et bel et bien.

Bref.

On rappellera ceci qu’auparavant nous vivions dans des tribus, des royaumes, des empires, des civilisations chacune particulière et ne parvenant pas à se communiquer (sinon par décrochages mythologiques et variations, comme dans Lévi-Straus),

tandis que depuis la méditerranée (depuis le monothéisme, les grecs, le christique) il advient que soudainement nous nous apercevons que c’est nous qui produisons des contenus, des mondes humains, des représentations, et qu’il nous faudra, dès lors, bien comprendre comment et pourquoi il est en notre capacité de créer des signes. Et non plus de les recevoir tel un monde donné là, parlé, échangé, ritualisé.

Le monothéisme se signale de ce qu’étant unique et simple, aucune détermination du monde ne peut lui être accolée ; il est une Intention. Impossible également de le confondre avec un absolu général ; il marque individuellement l’origine. Cette différence est considérable puisqu’elle réduit le faisceau au vouloir, ce qui veut dire à l’intention de chacun (et non selon une entité formelle abstraite).

Et de ce fait on rencontre donc face à face

dieu, comme Intention pure et formelle (intention de tous les contenus),

la pensée comme organisation des idées qui sont chacune la distinction d’une intentionnalisation ; la pensée face au monde donné « là », qui « est » par-dessous toute la diversité des mondes humains différents ; à une nouvelle perception on attache un signe, un mot, une phrase, une théorie et il faut alors élaborer telle théorie, telle idée si l’on veut percevoir ce qui ne se trouve pas dans le langage commun, et si l’on veut encore plus ordonner la perception afin de ne rien manquer, du monde, et ne pas perdre le fil de ce qui est intentionnalisé consciemment comme tel ; on sait que l’on produit les idées et il est impératif d’organiser les idées, cad les perceptions (Platon a raison ; les idées permettent de faire surgir sous nos yeux des réalités, naturelles ou humaines ou idéelles, que le groupe ne perçoit pas)

le christique impose le je en tant que chacun, qui n’appartient plus à un groupe, qui est ce corps qu’il a, et si il l’a, ce corps, alors il ne l’est plus ; ce corps n’est plus signifiant (d’un rituel extérieur) mais est le signifié d’un signifiant que l’on obtient lorsque l’on dit « je » (à l’exemple du christ qui meurt tout-seul, un qui rend possible quantité de uns). Signifié du je qui recule infiniment hors du champ (de là que l’on ne sera plus assigné à une identité, un rôle, une caste, etc).

L’intention christique réintroduit une encore plus grande précision ; ça n’est plus une méta intention qui crée, mais c’est que le méta se déplace sur la tête de chacun (sous l’exemplarité inatteignable mais absorbant notre incapacité) ; si le méta se déplace en et par chaque corps, alors tout se démultiplie ; toutes les intentions (qui sont celles de chacun) se déploieront.

Le méta, cad l’origine du réel, s’instancie ici même du sujet cartésien qui vient inscrire l’acte ici et maintenant, dans l’immédiateté du temps et de l’espace (l’étendue) qui, de ce fait, n’est plus immédiate mais médiate, ou donc articulée ; l’articulation est ici et maintenant (serait-elle ou non le reflet de l’articulation divine, c’est ce que René avance explicitement) ; de là qu’il y ait départ du christ, saint-esprit, église, communauté des croyants, chacun face à la fin des temps, puisque finalement tout sujet sera convoqué dans l’extra-temporalité de l’eschatologie « le temps de la fin a déjà commencé ».

Le méta ne peut pas s’instaurer si le divin reste dans le ciel ou s’il s’installe à demeure sur terre ; le méta se localise là où il existe et le signe de l’extra-réel est laissé à chacun ; en chacun qui dès lors crée, invente, produit le rapport qu’il ex-siste.

Un rapport doit exister en et par lui-même, individuellement. Aussi doit-il être laissé ici même, seul (le relationnel passant comme méta-organisation des individus isolés, ce qu'est une révolution-Constitution, ou le St Esprit si l'on préfère, raison pour laquelle Rousseau était un solitaire...)

En chacune de ces trois occasions cela fait l’effet d’une explosion interne à la conscience, qui se stupéfait d’intégrer cette possibilité d’élaboration ou de création de signes (et cela vaudra également pour la capacité esthétique, poétique, qui acquerront leur indépendance par rapport aux rituels par lesquels, tout en étant esthétiques et poétiques, elles étaient liées). Que cette élaboration soit la pensée ou l’intention et la nouvelle humanité.

Il faut tenir la nouvelle capacité d’individuation (en affirmer la rigueur intentionnelle, ce qui va plus loin que la « morale » ; il s’agit de fonder une civilisation, objectivement et réellement) et il faut tenir la possibilité de la pensée (en soutenant la cohérence). Le relationnel est évidemment au centre (autrui du christianisme ou la pensée, la raison partagée et compréhensible) ; on ne s’élève pas seul, mais c’est parce que l’ensemble monte que chacun en reçoit les capacités.

Ça n’est donc pas que se libère une aptitude spéciale ou un contenu défini mais bien une capacité intègre et intégrale ; l’activité de conscience concerne toutes nos possibilités, tout monde, tout corps, tout vécu, tout relationnel. Ce qui arrivera au fur et à mesure.

L’arc de conscience crée un champ intentionnel, là au-devant dans le monde, le donné, mais également le vécu ou le relationnel, et l’ensemble de l’apparition nouvelle, structurée verticalement par chaque activité de conscience, vient s’y produire ; reprenant le vivant et le donné, la perception et le groupe, le langage et les signes habituels ou communs, bref tout ce qui peut se présenter phénoménalement, cad tout.

Tout sauf l’arc, l’articulation elle-même qui n’y appartient pas et les produit et doit elle-même se signifier ; dire « je suis ainsi », voici l’homme en quelque sorte, et intégrer cette désignation dans le nouveau champ, le champ nouveau lui-même. Mais comme cette désignation implique la structure-même qui produit tous les champs, les conséquences, à chaque fois, sont totales et occupent tous les possibles ; ce qui crée l’historicité ; il y a une progression parce que le positionnement de l’arc de conscience avance sur la surface du réel.

Dit autrement la position ontologique permet de resserrer l’intention, l’attention, le champ intentionnel (qui n’est plus distribué dans un groupe ou donc qu’il faudra bien intégrer chacun en tant que sujet dans un ensemble humain plus compréhensif, serait-il explosé par tous ces sujets) ; tout autant que sont précisés le relationnel et donc le mouvement d’ensemble qui coordonne les consciences (lesquelles ne sont plus liées dans le même-monde, parlé-échangé-ritualisé-perçu). Et cela équivaut à cette proposition ; le réel se déroule ici même et maintenant.

Le méta (le positionnement conscient de chacun et du je pour ce corps, qui n’y peut mais ; le christique crucifie son corps vivant afin qu’apparaisse ce regard tout externe qu’un vivant ne comprend pas dans sa chair, son unité de vivant) le méta est l’introduction de la structure, ce qui veut dire de l’intentionnalisation comme ‘méta’ principe.

Que l’on nomme philosophie, esthétique, raison ou morale ou révolution.

Dans tous les cas ; dieu, la pensée, le sujet ces mouvements doivent produire un ensemble réel d’effets (qui ne sera pas une totalité) et donc non pas telle ou telle partie de la réalité, ni une entité abstraite ; il n’y a aucune entité abstraite dans tous les cas, mais des agissements, des agissements ayant effets et innombrables effets à chaque fois (ce que Hegel nommait l’effectivité) et produire le réel lui-même. Qu’il y ait des effets est le plus surprenant.

Ce que les mois, depuis qu’ils ont basculé dans le monde, le réalisme, le naturalisme (par lesquels seul le donné, cad le passé, explique le donné, présent) ne comprennent plus du tout. Ils ne saisissent plus que le possible est plus grand que le réalisé (s’enfonçant dans les tourbières de l’acquisition seule ou d’une identité imaginée) et que c’est uniquement parce qu’elle est suspendue au possible qu’il y a une réalité.

Seul le je aperçoit quelque réel ; n’importe quel groupe ou identité absorbent et fixent la réalité connue dans ses filets qui s’ordonnent et s’agglutinent dans des échanges intérieurs (intérieurs au groupe et intérieurs à son-monde). Mais la révolution, la science ou l’esthétique requiert des sujets. Puisque ce sont des intentionnalités dans chacune un corps vivant qui perçoivent. Et qui étendent suffisamment l’arc de leur conscience que cette extension produit des œuvres, au sens général (de l’éthique à la pensée, en passant par la science ou la politique).

Et donc dans cette tension nouvelle produisent des mois. Pris chacun dans et par leur sujet, via leur je.

On obtient ainsi l’intention (dieu), l’intentionnalisation (la pensée), et le je (christique, cartésien, puis libre et révolutionnaire, puis selon le moi).

Tout le reste sera tissé à partir non pas de ces idées, images, représentations, mais à partir de ces trois positions.

Ce sont des positions, ce qui veut dire des articulations à propos et dans, ou plutôt sur le réel.

Sur le réel parce que l’on ne pénètre pas dans le réel ; on y est déjà ; et sur quoi l’on existe c’est une surface, une extériorité, l’extériorité absolue, celle de la réalité (tout est manifesté, une réalité non manifeste, n’a aucun sens) ; il ne peut pas y avoir de réalité sans cette exposition ; soit donc, le secret est précisément qu’il n’y en ait pas. Tout est dit explicitement au long des siècles. On ne sait juste pas les lire, les comprendre, les incorporer. Et c’est une position parce que sur cette surface on peut se déplacer. Étant toute externe (et non pas massive ou monolithique ou particulière ou déterminée) on peut glisser d’une position, articulée, à une autre position, articulée.

Or une telle surface autorise ceci ; des rapports. Il existe un champ donné « là » qui existe et qui ouvre tout le possible. Qu’il y ait une réalité veut dire qu’il y a un champ donné qui existe et qui tisse des rapports. Or d’autre part ce qui est rapport, ce qui existe comme rapport est mouvement. Il n’y a pas de rapport sans qu’il y ait mouvement.

Ce n’est donc pas un hasard ni même un effet que tout ce que l’on a là sous les yeux soit mouvant. Tout ce qui est, est mouvement (le mouvement crée les réalités, et non pas ce qui arrive aux réalités déjà là). Et les choses sont prises de ce mouvement, total, infini très certainement, de l’exister ; on a vu que l’infini est en lui-même plus grand que lui-même ; c’est son but, sa finalité véritable, l’infini est la parabole du Possible brut, de la pure Possibilité (qui ne cesse pas). La matérialité ou l’énergie sont inconsistants ; ils existent et ils tiennent dans la mesure où ils deviennent ; un atome est un ensemble de mouvements (à voir si les particules ne sont pas elles-mêmes des vibrations) plein de vide. Ce qui n’empêche nullement le chat ou le chien d’exister de façon bien consistante ; la consistance est élaborée sur l’inconsistance et les deux se maintiennent dans le mouvement du devenir, qui embarque l’inconsistance dans la consistance et plus loin.

Il est impossible de concevoir une réalité immobile. Et la raison en est qu’une réalité c’est de la détermination et que la détermination ce sont des différenciations. Ceci n’est pas identique à cela, jamais, nulle part. Chaque particule occupe de toute manière un espace, un moment distinct ; l’espace et le temps sont des inventions du réel de distinction ; ce qui veut dire qu’ils existent réellement mais qu’ils ne sont pas la dernière limite, il existe un en-dehors, un contenant plus grand et d’une autre nature ; au sens où l’être est contenu dans l’exister. Si la structure du réel est le rapport, celui-ci est en lui-même purement in-fini (n’est pas tenu par de la détermination).

Ces trois positions en s’accédant déplient du même coup la réalité, la réalisation humaine ; puisque les rapports intentionnels commencent de couvrir la réalité donnée et que les vies sont dorénavant vécues en et par elles-mêmes et pour elles-mêmes. De là qu’il soit tout à fait évident que c’est la réalisation qui s’ouvre. La cause mise au jour, et mise à jour, produit tous les effets.

La réalisation dans tous les sens

La réalisation qui comporte tout autant le Bien que le mal. Ainsi, à terme, le moi, l’obtention de sa propre personnalisation (et son accélération des années soixante, ou l’individualisme du libéralisme ou l’humanisation du communisme) est un Bien, mais qui dit moi, dit obsession, perversion, névrose et psychose, borderline et bipolaire, et une invention psychique considérable (psychanalyse et psychiatrie sont nées au 19éme).

Le christique n’a pas condamné le corps mais l’a investi intégralement et animé du dedans, prévoyant ces faiblesses et ces désordres, ce qui veut dire : lucide (contrairement à ceux qui pensèrent remplacer cette subtilité par une règle écrasante née de et pour le monde réaliste, rationaliste, naturaliste, ce qui veut dire dictatoriale ; l’homme parfait ou raisonné ou tout aussi bien idéal et publicitaire sont, profondément, tous, assujettissant ; le christique sait que l’on va s’égarer, de fait, il n’est pas idéaliste et Descartes n’est pas un perfectionnisme mais un perfectionnement lent et difficile). Jamais il n’y eut de « confessions d’être soi » sinon depuis lors, d’Augustin à Sartre en passant par Montaigne et Rousseau, et mille et une littérature, qui signent les devenirs, les récits.

Il faut saisir tout l’ensemble ; la pensée universelle montre la particularité du monde, son indéfinie multiplicité, et favorise quantité de systèmes, lors même que l’on croit chaque fois tenir le système-parfait. De même que le christique intègre la pluralité et la division, qu’il prévoit et tout en maintenant le Bien, cad la possibilité originelle, il lance historiquement toutes les difficultés. Ce qui se crée par ces positions ce sont des positions, ou donc des réflexivités.

Dans le retour que l’on opère (sur le monde donné là, sur le corps et la vie individuelle, sur la société et l’humanité, sur le moi et son existence) cela fait re-tour, un nouveau tour à chaque fois qui agrandit le cercle à partir d'un point inconnu, soit le positionnement sur le réel, et donc modifie le bien et le mal mais en tenant fermement le bien, la raison et l’irraison, voire la sur-raison systématique, tout en maintenant la cohérence comme exigence ; il se présente dans la position articulée qui sait parfaitement, intuitionne, obtient la vision de la suprématie, suréminence de structure du rapport sur les contenus et qui se tient au-dehors des contenus, bons ou mauvais, sans jamais perdre le fil ; c’est ce qu’inaugure le christique, à savoir que les erreurs ou les fautes sont relatives, la structure non ; la pensée, que les systèmes sont des versions, mais la vérité est. Le sujet qui nourrit quantité d’intentions parce qu’il est lui l’intention unique.

C’est bien de cela que la littérature, la révolution ou le moi psychique ou vécu, sont des réalisations intimement mélangées. La position qui est transcendante (et non transcendantal au terme de Kant) est au-delà du bien et du mal, si l’on veut, mais dans le champ d’un bien plus grand et sans céder (comme les mirages de la transgression y succombent, comme les images publicitaires nous en abreuvent ; c’est de ne pas tenir les deux bouts de la réalisation qu’ils s’effondrent, ils élisent des parties, des morceaux de vie ou de monde, et prétendent annuler les autres, le sujet non ; tel Nietzsche sous son mode imaginaire).

Dit de plus originellement, de plus initialement, et historiquement pour nous, le christique prévoit notre faiblesse insigne ; le christique occupe un très petit espace et temps, celui près du Bord (et de la mort ou du désespoir) tout le reste est envahi de difficultés et de noirceurs. L’exiguïté du Bord (du monde, de la vie, des signes) est cela seul qui compte, le reste tombe et ne cesse de tomber dans les ténèbres.

La pensée, universelle, tente de combler le vide mais toujours situe ailleurs et autrement le point de réflexion ; l’être, le un, dieu (quel qu’il soit), le sujet (la volonté cartésienne ou kantienne, l’intentionnel ou le pour-soi sartrien) sont ailleurs et tout le reste ne s’avoue visible que de ce point-là. Le positionnement ontologique n’est nullement ce qui viendrait se plaquer sur le monde ou la vie vécue mais est, littéralement, cela qui, seul, a pu les provoquer, les manifester. Sans la révolution aucune humanisation et sans la personnalisation dans cette humanisation pas de possibilités réalisées (pourquoi vivrions-nous dans un monde général et universel sans le moi que l’on est ?)

Aussi existe-t-il, on dirait même préexiste, une pré/ontologie hors/humaine qui a pu pousser toute la réalisation humaine et l’a poursuivie dans tous les coins de la réalisation. Répétons ; le christique prévoit toutes les faiblesses, erreurs, égarements, pertes et fautes graves et cruelles ; la pensée entame la pluralité des systèmes et la visibilité de toute la multiplicité. De même que la Loi, monothéiste, imprime les péchés et la faute, les dérives de la nation (dieu menace les juifs cent fois de la destruction) et les déchéances. Pareillement le moi, haute acquisition, ne saurait nier ses dérives psychiques, toujours catastrophiques pour chacun et si difficiles à contourner, que l’on ne peut jamais éviter.

On n’invoquera que de loin la réalité, soit cet univers qui s’expose tout entièrement mais fondamentalement brutal, violent, disproportionné, invraisemblable, qui n’est pas un cosmos ordonné mais une déflagration effarante.

Et ceci envers et contre les simplifications et les idéalisations ; ni la pensée, ni le christique, le cartésien ou la révolution ne sont des facilités, jamais l’image ne se calque. Ce sont les terrorismes intérieurs ou extérieurs qui voudraient que tout signifiant soit pressé contre son signifié. Contre ces discours écrasants, l’autre inverse veut au contraire que jamais le signifiant ne soit que déterminé , bien qu’il ne faille jamais lâcher que le signifiant soit une loi, ou comme nous disons une Règle.

 

 

La conviction

Or de cette position là on dira qu’elle revient, au final (ce qui veut dire compte tenu de toutes les dispositions d’humanisation ou de personnalisation, sans laquelle humanité ou personnalité le possible s’effondre),

au final donc qu’elle revient à la conviction de la Règle, à ce qui doit revenir à chacun ; non seulement parce que l’on ne convainc personne par la force (on ne force pas quelqu’un à penser ou à se convertir ou à investir la poésie par contrainte) mais parce que la Règle est à un tel niveau instanciée dans le détail, de la perception et du corps, dans le relationnel et l’historicité, d’une civilisation, si complexe, qu’elle ne trouvera aucune mesure plus puissante que l’intention de chacun. Le sujet seul peut tenir le temps.

La révolution dépend des révolutionnaires (en bien et en mal), l’œuvre esthétique du créateur et des destinataires, le relationnel de l’un et de l’autre, etc. L’intervention du structurel, étant donné le nombre de rapports possibles qui en surgissent, revient à cela seul capable de gérer, d’organiser mais surtout d’inventer, de créer ces rapports. La philosophie dépend des philosophes ; comme le devinait Kant, chacun est pris dans un rapport plus grand que l’énoncé (qui apparaîtra peut-être aux suivants).

Et si au travers des désordres générés la structure se maintient c’est de la conviction des je. De la nature même qui est intégrée à l’attention, l’intention prise.

À nous qui sommes en bas

De sorte qu’il faut bien en passer à non pas une division exclusive du bien et du mal, du vrai fixé ou figé et de la pluralité des systèmes et à un scepticisme de bon aloi, de la liberté du moi à ses enfermements psychiques, mais à ce point réel qui génère les possibilités de monde et de ténèbres, d’humanisation et d’inhumanisations, de personnalisation et de dégradation. Et qui se parcourt au final comme historicité, et initialisation du réel brut, du monde empli de difficultés et de contraintes, sous condition de, malgré ceci, positionner la Règle, cad le plus grand rapport possible de la Possibilité.

C’est en ce sens que toute activité, suffisamment instanciée (historiquement) ou cohérente ou manifeste (comme une esthétique) doit être dite infinie ; elle prend appui sur l’absence (de même que dieu est absent, le christ parti, l’idéal universel irréalisé, le sujet nouménal ou pur néant sartrien, etc) et admet cette absence ; elle se sait n’être pas de ce monde, parce qu’elle sait que l’exister est plus grand que n’importe quel monde (quel que soit l’appellation de cet exister, de cet agissement). Aussi le je sait-il qu’il est en sa manifestation tout autant toutes les manifestations possibles ; ce qui veut dire qu’une œuvre, un tableau contient plusieurs tableaux, plusieurs visions, plusieurs regards. Et c’est du tournoiement ou du tourment ou des ténèbres elles-mêmes, intégrées, que se manifeste tel ceci.

Ce qui veut dire que la conviction du plus-grand-rapport est la certitude que tous les autres rapports, seconds et secondaires, en naissent et potentiellement (cad en puissance) en naissent continuellement, de sorte que cette œuvre, cette révolution, cette élévation restent et demeurent en elles-mêmes sur/élevées, in-finies, et le resteront, désignant encore le plus haut, puisqu’elles sont instanciées de ce point en/dehors, et que par elles nous percevons.

Ainsi non seulement la réalité devient mais le réel se modifie en interne selon son axe du présent perpendiculaire au temps ; une œuvre, une révolution se réécrit et se réécrira, il existe un Bord que l’on ne peut pas épuiser ; la Possibilité se lance constamment de l’en-dehors de la réalité. Un « élément réel » telle une œuvre, une élévation, une révolution, une intentionnalité ou une décision contiennent quantité de rapports de structure enchâssés ; que l’on perçoit selon un plus ou un moins, et une perception qui continuellement se rassemblera d’encore plus loin, que l’on actualise proportionnellement (par instructions, littéralement ; il faut apprendre à lire les signes mais aussi les perceptions, la science ou les esthétiques développent la perception, le droit augmente l’identité de chacun, le je dans le moi recherche) et qui ne manifestent pas seulement telles et telles perspectives (qui explorent le monde, le donné, la perception, monte et démonte et remonte toutes les aptitudes de perception, le vécu ou le relationnel, dans le roman, durant plusieurs siècles, etc) mais montrent dans la tête, le regard, l’intentionnalité de chacun comme la réalité, la réalisation, l’intention ou la décision, l’exercice de la liberté ou du jugement sont capables de variations, vers le haut, vers la suréminence, et que l’essence, la structure de notre être est cette modification. Cette signification.

Parce que s’il n’y a plus de monde assuré, partagé et en soi, alors chaque conscience peut différencier, transformer la réalité, la réalisation ; de même que la révolution devient une passion durant deux siècles, ou de même que la psychanalyse découvre, met à nu le noyau caché de chacun ; l’imagination de la « chose désirable », de la jouissance imaginée, qui n’est nulle part mais par laquelle chacun est accroché mais distendu dans la distance du réel, ou alors qui, supprimant cette distance, devient fou ou dépressif ou obsessionnel ou pervers. L’œuvre est suspendue, et n’est pas une chose ; c’est la version nocive qui voudrait coaguler énoncé et vérité, liberté et identité (la liberté est en chacun bien plus grande que son moi, elle est, factuellement, en suspension, cartésienne), chose et désir (qui se confondent imaginairement comme jouissance supposée, imaginée, irréelle, dans la perversion ou qui terrifient le névrosé ou paralysent le dépressif).

C’est dans tous les cas la distance qui offre la multiplicité et aussi la duplicité, la dégradation mais aussi la gradation, sous condition que cette acceptation, admission du donné, du vécu, ne lâche pas le point suréminent qui fondamentalement contredit et contre-dit tout ce qu’il permet de proposer ; pour qu’il y ait la réalité, la vie vécue il faut se tenir au-dehors et non s’y confondre. C’est ce que l’on a compris par la liberté politique ; vous ne déciderez peut-être pas le meilleur, mais ce qui importe c’est que chacun puisse décider, serait-ce le moins bon (pourvu que le cadre ne soit pas annulé) ; le point de vérité ou d’organisation c’est le cadre général ; l’instanciation de la liberté de chacun permet seule de monter le niveau, de chacun et de l’ensemble, lors même qu’elle entraîne la dispersion éventuelle, qui ne manque pas.

De même l’œuvre ou le christique ou l’universel au sens d’universalisation potentielle de Kant ; seul ce qui est universalisable vaut et met en valeur, puisque seul il lance la possibilité de rapports intentionnels nouveaux et réels, mais il faut alors prendre ladite universalisation en tant que structurelle, de ce qui n’existe que par les sujets, puisque la forme « sujet » est la plus universelle. Que l’universel soit le sujet n’est pas évident du tout ; puisque l’on réservait jusqu’alors l’universel à la pensée, à la formulation notionnelle, au contenu de conscience comme absorbant sa capacité et par lequel l’individualité connaît et ne parvient à s’élever que via ces contenus ; la pensée lui confère une étendue qu’en lui-même il ne porte pas. Le christique non ; il suffit que vous soyez un sujet, vous êtes déjà in-fini, divin, selon que vous le sachiez selon le plus ou le moins d’une modification qui rechutera mille fois, puisqu’il initie l’articulation existentielle qui ne peut pas se fixer, figer, mais adopter la souplesse requise. De même la morale de Descartes, ou l’inachèvement de la substance effective, corps/esprit, ou plus exactement vécu/je, puisque Descartes entend « produire des effets » et non pas penser selon la seule pensée métaphysique. Plus encore la dispersion ontologique du je par Sartre et Lacan ; qui partent en vérité de nos états évidents et de nos faiblesses ou erreurs, cad de nos expérimentations et explorations telles quelles ; on ne peut retirer ni le monde et autrui, ni le moi et le corps. La précision accrue, l’attention soutenue que le je porte à sa structure, exige de montrer comme l’articulation du je fonctionne dans le vécu et la perception.

Remarquons ; si il est mille différenciations selon le monde (de sciences humaines par ex), ontologiquement cela n’occupe que quelques-uns.

Or il y eut une extension fondamentale du rayon d’activité de l’arc de conscience, l’autre réflexivité qui débute avec Descartes. Ce qui réclame de penser le sujet en tant que tel et implique l’agrandissement de ce que par universel il faut entendre. L’universel de la pensée se supposait distinct et organisant la réalité. Mais si le sujet est le réel alors il est distinct et articulant la réalité, mais ce faisant l’arc est beaucoup plus profond et étendu. L’universel notionnel, la connaissance métaphysique est seulement une tangente de l’arc complet. Et l’arc complet est au-delà de toute compréhension pour l’instant. Que donc il ne s’agit pas seulement de connaître mais d’être saisi de la racine, de l’agissement même du réel.

Si l’agissement n’est pas seulement la pensée (mais peut tout à fait prendre cette formulation) alors il faut positionner l’autre concept qui permettra de prendre le sujet dans un cercle plus grand de même que le sujet est impliqué comme rayon d’action plus grand que la pensée. De Descartes à Lacan c’est le rayon, et le rayonnement du sujet, de la structure intentionnelle (qui embarque aussi bien la pensée que l’esthétique, l’éthique ou le politique ou l’idéel) qui est décrit, et ce sur toutes les coutures. Le concept proposé qui permet de saisir le sujet (qui saisit la pensée, comme sur une poêle) c’est l’exister.

Comme on verra.

Et c’est effectivement la formulation du sujet, et non plus de la pensée, que creusent Sartre ou Lacan, en atteignant l’articulation du dedans, ou que développe la réalisation du moi comme personnalisation généralisée de l’espèce humaine. Ça n’est pas ce qui est vu qui apparaît, mais cela qui voit ; non pas le moi mais le je qui se donne le spectacle, au fond cruel, du moi.

De là que le moi souffre, bizarrement, ou étrangement mais la proximité de la structure de conscience, du je et du moi, son contenu (à qui il voudrait conférer ou de qui il imagine préserver la vie, le caractère vivant, alors qu’il est existant). De même que l’œuvre n’est pas dans l’image mais dans le regard qui voit l’image.

C’est le je, et donc par-dessous le rapport, ce qui existe en tant que rapport, et raison pour laquelle il existe une Existence, ce rapport et ce je qui naît et se modifie : c’est cela que l’on recherche, au travers de tout. Sa structure et ses modifications. Ses aboutissements. Et accessoirement pourquoi aucun contenu, aucun objet, aucune imagination n’y suffisent.

Le point par lequel la réalité devient. Le secret par lequel le réel se montre, et par lequel donc il existe un réel. Puisque, que l’on sache, l’arc de conscience est le seul être qui n’est pas un être, mais un rapport (toute autre réalité est ce qu’elle est, et non pas un rapport qui ex-siste, qui sort du rapport qu’il est).

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