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instants philosophie

Sur la piste de la transcendance

12 Juin 2021, 08:14am

Publié par pascal doyelle

Il s’agit d’ajouter une dimension aux quatre autres (la cage de l’espace, trois dimensions, et la durée de la cage, le temps) ; en avançant donc que le présent est la cinquième (dimension).

Ce sur la piste de quoi on retrouve Heidegger et l’être des étant qui n’est pas lui-même un étant (à moins d’envisager une Grosse Réalité qui rassemblerait ou pire unifierait toutes les réalités ; ce qui n’a aucun sens). Ou dit autrement ; si tout ce qui est ce sont des effets alors il existe la cause de tous ces effets ; ou encore le Naturant du Naturé.

Ainsi dans la considération du Naturant il devient possible de remplacer les effets d’effets (ou les effets qui deviennent des causes pour des effets qui deviennent des causes, etc) de les remplacer par la cause elle-même, au moins théoriquement (ou idéalement, on ne sait trop) ; peut-être même de participer à la cause de tous les effets (allez savoir). Spinoza spécialement est celui qui a translaté le problème de la transcendance ; de sorte que la transcendance devient immanente ; à elle-même ; mais alors l’immanent est dans le transcendant ; ni l’un ni l’autre ne sont supprimés, ils translatent ; de même que par Descartes la pensée translate dans le sujet, Descartes lui aussi veut replacer, redistribuer le transcendant, comme tout le monde. Kant et Hegel, Husserl et Sartre translatent le transcendant, qui (depuis Descartes, et ensuite Spinoza, etc) est « ici ».

Ici, oui ….

Mais où ça ?

 

Rappelons que le christique ouvre le jeu, initie l’ontologie du réel pur. Le divin, le séparé, la distance, ce par quoi nous avons une vie vécue, que nous ne sommes pas (nous ne sommes pas seulement un vivant, mais existant, ou si l’on veut un ex-sistant, on pourrait dire ; qui sort du rapport qu’il est, qu’il existe), le divin donc n’est pas venu sur terre, en visite, il s’est incarné et évidemment il est en tant que corps, et, quelle que soit la manière dont on l’entende, comme corps individuel.

Ce par quoi donc il abolit les castes et les catégories ; ni homme ni femme, ni riche ni pauvre, ni esclave ni libre, d’une part et d’autre part le divin lui-même n’est pas, même incarné, identifiable ; à quelque partie du monde, du vécu ou de ce corps ; il renouvelle tout cela, il se propose comme re-Création, la nouvelle création et ce littéralement ; puisque ceci, ce mouvement va renouveler toute conscience, toute conscience de quoi ou de qui que ce soit.

Ce faisant il court-circuite la philosophie, concurrente du christique, qui définit un discours entre parenthèse, suspendu par-dessus la réalité, réalité que la philosophie va synthétiser dans une formulation, objective, dont la cohérence se tire de l’universel ; or on a vu que l’universel est en fait dans l’existence le sujet ; il n’est rien de plus universel que le sujet.

C’est à la formulation du sujet que l’on s’est entendu depuis. Et ceci aboutit à localiser le transcendant ici même.

La chasse à la transcendance est dès lors activée ; Hegel mesure parfaitement que par Descartes la pensée est sujet (ou donc « ici ») et que par Spinoza le réel, tout le réel est donné, ce qui veut dire effectué, effectif, actualisé. Mais le cercle de la pensée hégélien n’existe qu’actualisée par la négativité, l’activité de conscience, dans les deux phénoménologies ; la négativité (le sujet cartésien, le sujet transcendantal sur son plan nouménal, et initialement le sujet christique qui s’est échappé en dehors et montre du doigt toute la réalisation, et ce faisant la re-Crée ; et qui ensuite comme sujet commencera d’analyser strictement ses conditions d’apparition, de naissance, de constitution.

Passant outre donc le dégagement heideggerien (qui réintroduit une universalisation abusive) mais aussi l’hyper-sujet nietzschéen ; tous deux abondant en une vision imaginaire et donc satisfaite, imaginairement comblée, tandis que Sartre et Lacan martèlent que le sujet n’est pas de l’ordre de la satisfaction. Mais de la lutte interne.

L’innocence nietzschéenne et l’être au-delà du jugement heideggerien s’y opposent frontalement. Le da-sein, l’être-le-là, c’est ce à quoi nous sommes assujettis (et qui supprime le sujet) ; le lieu par lequel l’être apparaît à lui-même, le « là ». Ce qui est vrai, de même la surdétermination par l’altérité du je nietzschéen. Le je est réellement surélevé par le sujet (qui lui semble une volonté en soi, dieu ou la pensée ou la liberté ou en l’occurrence la Volonté, l’énergie). Recherchant à lier dans l’imaginaire ce qui dans le réel est distinct et le plus distinct possible ; la division « sans raison », sans détermination, purement formelle, de chaque je (le je est un rapport qui ne tient ni dans l’initial ni dans le terme du rapport, il ne peut pas se clore).

Dans le même sens, on ne peut pas substituer le da-sein au sujet, da-sein qui serait alors soumis à une Vérité, le Sens de l’être, son caractère divin, qui simule une séparation mais qui n’a aucun point d’impact dans le réel ; le sujet, lui, est effectivement un point d’instanciation. On ne peut pas, plus généralement, on ne peut plus remplacer le sujet ; lui couper court, même sous prétexte d’universel ; de toute manière ça n’est pas ce qui est en cause ; il s’agit bien plutôt du mécanisme du sujet (mécanisme vivant ou existant ou ex-sistant) de telle manière qu’il puisse adhérer et s’instancier dans la dimension de l’Actualisation (de l’Instant infini unique qui déplie tous les instants, le point qui déroule toutes les lignes).

De même que supprimer le sujet dans une société la rétrograde en une infra-complexité. Ce qui vaut pour tout, y compris pour notre propre vie vécue, ou existence ; on ne peut pas se figurer (être ceci ou cela) ; tout ce que l’on se « figure » être, est une articulation dissimulée ; que l’on passe sous silence, que l’on retire des propositions, que l’on ne signifie pas, que l’on enclot en un contenu, sauf lorsque ce contenu fait-renvoi explicitement au je de chacun, l’œuvre, la révolution, une religion, la philosophie, qui redéploient le champ intentionnel à partir d’un point-autre (Nietzsche et Heidegger forcent un tel point-autre mais qui de par son altérité extrême, supposée et imaginée, n’accrochent pas dans le réel du je, que de toute façon ils nient ou renient).

De redistribuer l’attention (que l’on porte à soi, à autrui, à l’œuvre, à la politique, à la poésie, etc) oblige à restructurer le champ intentionnel. Ça ne se fait pas « sans le savoir », sans savoir que l’on met en jeu une petite ou une grande stratégie (peu importe pourvu qu’elle soit une stratégie et non seulement une tactique dont les finalités sont déjà déterminées) ; Rimbaud sait bien ce qu’il Fait. Mais le petit poète mineur lui aussi … pour lui l’œuvre opère en son être vivant, son existence, un véritable bouleversement ; chaque moi mesure, à sa mesure pour ainsi dire, mesure son je (en direction du sujet qui se tient sur la ligne du réel, sur le Bout et le Bord de la réalité ; dans l’Actualisation réelle de sa possibilité).

La démocratie est censée entretenir un grand calcul, qui doit admettre les sujets dans ce calcul, plutôt que de limiter la computation, qui de toute manière ne sait pas intégrer suffisamment la réalité (ni la liberté). C’est contre ce calcul élevé que tous les pouvoirs viendront grignoter leur part et leur égocentrisme, leur pauvre intérêt. L’économie contre la politique.

La fonction christique, tout comme le sujet, ou la pensée assuraient une telle élévation. Il fallait se tenir de plus grand que soi. Mais indéterminé. Restructurant de but en blanc le temps et l’espace et ce qui se rencontre dans le temps et l’espace (dieu et la création, le christique et la fin des temps, la pensée et l’éternité, le sujet et son instant absolu, cad formel ; ces coupes redistribuant le réel dans la réalité et donc démultipliant les accès à ces et des réalités différentes, dépliées, exposées, exprimées).

Contrairement à ce que l’on pourrait supposer ça n’est pas la raison de notre être qu’implique dieu, la pensée, le sujet ou le réel ; c’est au contraire lorsqu’on lui « découvre » une raison, une identité, un marquage que l’on sort de la structure pour imposer un contenu. Aussi les idées structurelles (l’être, le bien, le un, dieu, le sujet, le réel) sont indéterminées.

Hegel en passant outre la prudence et la logique de Kant, délimite, encore plus loin que Kant, la réalité en fonction du réel, lui aussi, comme Descartes et suivants (Spinoza en cherchant à restructurer la transcendance universelle, et Leibniz en pensant absolument discerner l’individualité, l’indivis, la simplicité du réel et comment cette simplicité est devenue monde). Kant paramètre la réalité en fonction de ce qui n’est pas actualisable ; soit donc le point de vue qui permet, justement, qu’il y ait un monde, actualisé ; non pas nécessairement qu’il y ait effectivement un monde, mais qu’il soit perçu. De même que le sujet moral, celui qui relève d’une intention qui n’est pas là, qui n’est pas dans le monde, qui impose son propre règne des fins, que toute la philosophie devienne le paramétrage très exact du point de vue réel sur et dans la réalité (il n’y a pas de réalité apparescente sans le point de réel qui n’y est pas).

Hegel supprime l’hésitation ou la précaution de Kant ; pourquoi le nouménal réserverait-il le réel hors du donné ? Tout est effectivement là, il n’y a pas de cachette, d’être réservé. Sauf la négativité.

Pour passer du monde perçu à partir du sujet transcendantal, au monde donné là, il faut penser le fait même d’exister ; Heidegger, archétypiquement. Le fait qui prélude même à la phénoménologie, en tant que pour Heidegger ce qui se donne ça n’est pas la phénoménalité, mais « le monde », ou donc le fait qu’il soit. Le fait d’être des étants plus grand que les réalités. Par quoi on sent bien qu’il voudrait passer dans l’universalisation ; tandis que finalement de la phénoménologie il résulte une dispersion de réalités particulières.

Mais l’universalisation heideggerienne qui fait fond sur l’être, outrepasse le sujet ; or il ne peut pas être nié ; ce qui nie le sujet, cad la rupture du discours et son extension hors la pensée (ce que comprend Descartes), et par quoi justement celle-ci accélère ;

Kant tient encore la transcendance vers le monde (mais dieu aussi est là afin que le monde soit… la fonction de dieu est de créer le monde, de guider un peuple élu, d’envoyer son fils, son double divin et de le réchapper de la réalité, qui est toute-mortelle, mais afin que le divin soit partagé, sinon il serait concentré et peu libérateur). Mais Hegel comprend bien que c’est justement la transcendance qui est en jeu dans la réalité ; que la réalisation est effectivement en elle-même retorse ; non pas tant dans la perspective de nier le divin, la religion, dieu, mais afin d’expliquer, d’amener au plus loin possible la compréhension du donné tel que « là ».

Quel est le « là » du donné ? La philosophie suit sa logique propre ; si on doit faire intervenir le divin, comme unité séparée, alors on ne comprend plus ce que l’on dit et le but est bien de comprendre les tenants et les aboutissants, les effets et les ou la cause.

Or on a toujours remarqué que lors même qu’était convoqué ou invoqué le divin ça n’était pas sans le ramener à une énonciation qui se voulait des plus exactes ; la théologie est et se veut absolument rationnelle. Saint Thomas, parait-il, voulut au terme de sa vie et suite à une révélation, brûler tous ses traités. Comme quoi, donc, il lui apparut que la raison perdait le sens, la signification, la puissance même du divin, de croire à toute force le décrire dans son être même de logos ou méta ou méga logos.

Or il ne s’agit pas du tout de nier le divin en quelque manière que ce soit ; même si véritablement toutes les techniques de la pensée, la technologie du penser, visant à analyser la réalité d’une part et le réel d’autre part, furent mise en place, même alors et à chaque fois le divin, ce qui signifie le « séparé », vient ou re-vient au premier rang et impose sa grâce, sa capacité, sa puissance.

La foi intégrale de Hegel consiste à approuver absolument tout le manifesté, et à retourner celui-ci comme un gant ; il n’y a rien que le mouvement dialectique, dont la dynamique rejoint, au final, hypothétiquement le repos ; toutes les cases sont apparemment cochées, mais en vérité Hegel nous rend la vie incompréhensible ; il y a un reste qui ne passe pas du tout dans le discours.

La négativité qui agit et met en branle tout le savoir, est un vide.

Et donc de toute évidence et vraisemblablement, cad plus logiquement, si le mouvement est, alors il existe et s’il existe il est tout. Le tout est toujours constamment en mouvement, veut dire ; il est toujours plus que lui-même. C’est ce vers quoi il va. Le mouvement n’a alors plus d’autre justification que de parfaire toujours plus sa perfection ; mais alors c’est bel et bien fondamentalement sa véritable justification et non du laisser pour compte.

On ne peut pas, jamais, clore le compte (l’infini est toujours plus grand que lui-même) puisque c’est sa finalité même. Contempler l’infini comme lettre morte est absurde et inutile. La fixité d’un infini parfait n’a pas de sens et ne parle pas du tout à notre être, à moins que l’on veuille se chosifier, se connaître comme une chose morte. L’infini réel est vivant (comme dit « celui qui est vivant »). Et donc vous embarque en sa vie non-finie. Il ne s’agit pas uniquement d’échapper ou de refuser la chosification ou l’aliénation (dans un autre, dans une représentation inerte) mais c’est bien que la chose morte est celle perçue de l’extérieur. La chose morte est vue du dehors mais le dehors ne se nomme pas, ne se désigne pas et voudrait l’enfermer dans les murs de la chose.

L’infini vivant, qui réclame donc non seulement votre participation mais votre activité, vous confie le regard et non la chose. Mais vous conférant le regard lui-même d’une part il exige qu’il soit à la mesure de la tâche (cad infini et capable d’absorber les réalités finies, leur objectivité comme les subjectivités) et d’autre part que vous-même deveniez infinis ; que donc l’infini s’agrandit par votre activité.

On sait que le débat à la suite de Hegel paraît clos ; il a tout réalisé, tout a été pensé de ce qui a été pensé précédemment à sa décision de clore la pensée. Et effectivement il fut de moins en moins question de la pensée elle-même, et bien plus et encore plus du sujet ; de sa constitution. De Descartes à Kant et Hegel (et Fichte et Schelling) on explore toutes les possibilités, et ensuite on se demande ; mais en quoi consiste donc cet agent agissant ? On veut délimiter non plus seulement le champ mondain du sujet (Kant) ou le champ historique du devenir, du devenu (Hegel) mais creuser à même la structure.

Non plus seulement la pensée déployée, mais ce qui déploie ; Husserl (Nietzsche, Heidegger) Sartre et Lacan conduisent la description de la perspective unique qui Voit. La perception se situe bien avant toutes les facultés, on remonte antérieurement aux capacités déterminées, jusqu’à l’indétermination qui rend possible un champ intentionnel (qui porte ensuite tout le reste, toutes nos qualifications, qui excède le monde donné, qui remodèle la réalité et qui au sens littéral scinde notre corps vivant, scission, cad mouvement, par lequel il existe un moi, un je, un sujet).

Et la scission, insatisfaite, est interne, et pas du tout intérieure, l’intériorité relevant de la soudure, du recollage imaginé de notre « être », l’hontologie pour Lacan ; Sartre ou Lacan exposent notre être démembré au grand soleil réel ; de même que dieu, la pensée, le christique, le sujet exposent au-devant toutes les réalisations (et les sciences ou le droit ou la révolution exhibent l’organisation humaine, collective et puis individualisée) et en exigent le renouvellement.

Le surcroît de distinctions, de champs intentionnels, et donc le surcroît de réel. Le réel se déplie dans le rapport qu’est chaque je ; et implicitement, cela ne signifie pas que ce soit restrictif ; si le mouvement est le réel, on peut supposer une hyper-extension du mouvement comme structure et nommée Dimension, dont le champ intentionnel qui est le nôtre n’est qu’une ébauche, une variation, une possibilité, on ne sait ; c’est l’actualisation qui est recherchée absolument et partout, puisque c’est elle qui ex-siste, qui sort de soi afin d’accomplir encore plus de perfectionnement.

On tient donc l’actualisation (qui ne peut s’effectuer que d’un rapport, d’un être en rapport, qui n’est donc pas un « être ») pour la trame même du réel pur et brut ; le devenir est celui de la structure du réel qui se joue chaque fois, non au sens tellement de « il sera » ou de « il ne sera pas » (on a vu que le réel existe de fait et absolument, le néant existe et l’être génériquement existe, tout étant Possible),

mais au sens de « jusqu’où le rapport va-t-il avancer dans le perfectionnement de son Actualité » ?

Aussi propose-t-on non seulement que le réel est en jeu, mais qu’il re / viendra constamment sur sa Possibilité même. Il se renouvelle, s’est renouvelé, se renouvellera. La gradation n’est pas selon l’achèvement de la réalité (puisque l’achèvement de la réalité est la décomposition du composé) ou du déterminé (qui est de fait structurellement limité), ni selon la temporalité (le temps s’étire à n’en plus finir jusqu’à se dissoudre), mais la gradation existe en interne de l’actualité ; il existe, c’est l’hypothèse, une échelle dans le réel même, dans le réel en tant que présent et le présent en tant qu’actualisation ; le présent est, réellement et solidement, la colonne du réel en tant qu’il avance.

Ou si l’on veut, le présent est, en lui-même, complexe et peut-être infiniment complexe. L’unique Instant, qui s’est déplié, est cela même qui devient. Et il est donc possible d’étendre le laps du présent.

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