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instants philosophie

Sartre /Lacan

23 Avril 2022, 08:03am

Publié par pascal doyelle

Il faut ainsi dégager l’acquis dernier (Sartre) en tant que conscience certes individuée (au cours d’une existence au sens sartrien) mais bizarrement impersonnelle, et dont le moi est « un objet » parmi d’autres dans le champ universel impersonnel de cette conscience. C’est pour cela que Sartre privilégie le champ plutôt que le je. Et que le je est constamment dépouillé par le monde, les choses, les en-soi, les autres, les regards, ou l’histoire (ultimement marxiste, qu’il veut réélaborer dans et par un tel champ de conscience) ou que Flaubert (et d’autres) sont explosés par leur expérience vécue, ce qu’ils subirent, leurs réactions, et bien que, malgré tous ces dépouillements, « on est ce que l’on fait de ce que les autres ou la vie ont fiat de nous ». Ou inversement que nous sommes soumis à une exigence tout à fait rigoureuse. Une morale qui s’instaure par l’universel seul, de type kantien, et non pas de l’individualité même, par quoi chacun visualiserait le sens de sa vie, la signification de son existence. Ce qui est exprimé quasi parfaitement par ; "Si je range l'impossible salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui".

Une exigence morale, qui jugera votre vie ou que les autres jugeront en définitive. Et le marxisme « horizon indépassable de notre temps », qui suppose le besoin (générique de chacun et de tous) et non pas le désir (libéral et individuel, personnel), la scientificité, la dialectique (qui utilise le sujet et les passions et les choses et les objets produits technologiquement) et l’universalisation (comme seule vérité).

Évidemment l’ampleur tout à fait considérable des analyses sartriennes, qui fouillent jusqu’aux tréfonds de l’existence individuelle, exposent les contraintes qui pèsent, ou les aliénations, et les écarts et les bricolages et les inventions et les sauvetages, sinon les saluts, possibles. Et comme il n’existe qu’un champ universel, il n’y aura pas d’inconscient.

Somme toute l’existence sartrienne est comme un effort, soutenu, toujours plus orienté vers une universalisation ; c’est un humanisme.

Or il s’avère que cet humanisme, cette humanisation généralisée s’est transformé en personnalisation. Aussi des années soixante Lacan retient le moi. C’est aux mois, un par un, qu’il a affaire. Et ça n’est pas rien ; puisque l’évolution, l’augmentation de la complexité et donc une civilisation avancée se doit de laisser entendre que chacun est, personnellement, concerné ; qu’il n’est pas un ouvrier générique ou un employé générique ou que les femmes ou telle minorité puisse obtenir individuellement un potentiel réalisable (c’est ce qui était en jeu dans les « libérations » qui courent le long du 20éme, le devenir, ajouté à l’humanisation, de cette personnalisation). Sartre privilégie donc une version universelle.

La différence Sartre Lacan fonctionne étonnamment comme l’extériorité et l’intériorité de la même forme de conscience ; Sartre se charge de l’extériorité (le regard d’autrui, le corps, le monde, les choses, l’historicité, etc) et Lacan du dedans du moi ; à savoir qu’il aboutira à un pseudo-sujet ; le sujet inconscient, dont il voudrait obtenir la vérité ou plutôt que chacun, chaque un ressente, intuitionne la possibilité (puisque le but est de décoincer le moi, qui « ne se sent pas bien » dans sa peau, dans son rythme de satisfactions, il ne se laisse pas aller à lui-même ; et obtenir le sujet inconscient c’est desserrer l’étreinte (de où qu’elle vienne suivant votre choix de dépression, de névrose, d’obsession, de perversion peut-être, etc, le moi a inventé beaucoup de « solutions » à son équation impossible), mais sans jamais parvenir à la libération, puisque la division, la scission est originelle ; la séparation qu’opère, sur le corps vivant, le signifiant (cad aussi le regard de l’autre ou l’Autre lui-même), n’est pas ce qui arrive à un moi, parce que c’est par là seulement qu’il y a un moi ; de sorte qu’il est toujours second, voire secondaire et irréel (le réel étant l’horreur de la séparation-même).

Lacan est beaucoup plus proche du réel ; non seulement de fait il est outre la morale (mais pour une éthique), mais la scission du moi qu’il constate et documente et explore dans tous les sens, n’est compréhensible (en tout cas pour nous ici) que dans un champ individuel et singulier de conscience.

On a vu la résolution du champ universel et/ou individuel ; c’est que l’universel n’existe pas en lui-même, mais en tant que rapports entre des signes ; une langue, un langage est toujours universalisant ; ça n’est pas le « bleu » qui « est » mais un signe ‘bleu’ qui désigne quantité de bleus réels (qui par ailleurs sont plus ou moins bleu). Si il existe comme rapport, c’est parce qu’il copie, si l’on peut dire et on le peut, le rapport à soi du rapport ; en quoi consiste « une conscience » ; qui est toujours une ; on ne rencontre nulle part une idée, une pensée qui ne soit pas pensée, par quelqu’un, quelque « un ».

Ça ne veut pas dire que ce soit subjectif. Le subjectif est une partie des capacités du rapport ; une conscience assume et assure aussi bien les émotions que les mathématiques (lesquelles n’existent pas ‘en soi’ mais en tant que rapport ; « un » est le rapport à soi de n’importe quel objet ou donc du « un » à lui-même « deux » c’est deux « un », rapport tout aussi abstrait et vide, et donc tout à fait vrai, ce qui n’est pas dû aux mathématiques mais à l’unité qu’offre tout rapport). Si une conscience peut accéder aux objectivités, c’est qu’elle est plus grande que celles-ci ; le je n’est pas le moi, mais bien plus grand, et la finalité, la logique du je est celle du sujet ; la structure-sujet est seule parfaite au sens où non pas elle serait figé dans une perfection, mais en cela que seule elle est capable de se modifier, et donc la perfection est cette qualité de perfectibilité ; seul cela qui est capable de se modifier est parfait.

L’arc de conscience qui est un rapport saisit très bien les mathématiques ou toute espèce de rapport, ainsi les langages, quitte à en inventer quelques-uns en plus du langage commun ou des variations répertoriés de ce dernier (redéfinissant le vocabulaire, dans une œuvre, une œuvre est le réemploi des mêmes mots ou quelques-uns dérivés).

Lacan s’érige finalement en défenseur du sujet, du sujet inconscient, qui est originellement du côté de l’étrange (voire terrifiant) réel, mais par « réel » il n’entend rien de philosophique ; il est exclusivement dédié, dévoué au moi, aux mois qu’il ne cesse de rencontrer professionnellement et humainement, sur le divan ; il se concentre sur la structure articulée, soit donc les sortes de bouteille de Klein, ruban de Moebius, etc ; et ceci parce qu’il constate le déroulé étrange de ce dont on a conscience ou in-conscience, et que le faisceau de conscience, lui, manque, disparaît ou fait office de roulement, d’axe qui dérive constamment la ligne des contenus, des signifiants ; étant rapport il n’apparaît pas en tant que tel, mais par contre occasionne, cause quantité d’effets.

« Terrifiant » puisque originellement en chacun le rapport, la scission du corps coupé par le signifiant, est une Vue. Une vue à partir d’un point autre, le signifiant désignant un objet séparé, mais ici il est question non d’un objet parmi d’autres, mais du corps ou de l’être-là que l’on est, soit donc de la Chose, celle qui, massive, absorbe toute la lumière dans son obscurité et son absence de quelque « moi » que ce soit, le moi morcelé ou avalé ou perdu à jamais dans un labyrinthe, etc.

Le moi est prolixe quant à l’invention de dérélictions diverses et variées, variations de résolution du problème qu’il installe historiquement ; c’est son truc, son invention, sa créativité à même le corps, les signes, les vécus, les images, autrui, il invente dans son propre champ intentionnel (dont le « moi » est l’unité synthétique, ou donc le bricolage,ou le signe de signes, puisque son « être » est l’activité intentionnelle de conscience, soit donc un rapport ou comme on dit un « désir ») ; une inventivité des drames du moi, puisque le moi est une nouveauté extraordinaire depuis la révolution et qui s’épanouit à partir des années soixante ; la jointure lacanienne libéralisme /psychanalyse le travaille pour ainsi dire, et il voit bien, très bien que quelque chose de capitalistique arrive aux mois, totalement perdus qui se jettent dans un autre-monde, de signes objets, d’objets signes, et quittant complètement le réel, le réalisme lui-même, auquel parvenait à s’accrocher l’humanisme, forcément, puisque partagé entre tous, chaque un valant tout autre, mais l’hyper libéralisme, l’hyper représentation, le spectaculaire, au sens critique, emporte cette fois ujn par un mais en tant que chacun-tout-seul… tout seul dans son fantasmatique (marchandisé évidemment), et de perdu ils deviennent fous, irréels, indéfiniment perdus.

En vérité on ne saurait dire, ici, s’il existe un sujet-inconscient, un « vrai désir », puisque l’on ne se situe ici pas du tout dans le naturalisme ou le réalisme de la psychanalyse (pas plus qu’on l’on admet seulement la conscience sartrienne impersonnelle, bien que dans les deux cas on en accepte les descriptions sans se clore sur leurs conclusions, clôtures respectives) ; par contre qu’il puisse apparaître, naître, se libérer ou échapper à sa rigidité lors d’une psychanalyse, sans doute. On n’en jugera évidemment pas. L’idée de « vrai désir » est quand même, pour Lacan, exporté de Heidegger, authenticité et autres (Lacan a traduit quelques textes), sauf qu’il ne s’agit pas d’une généralisation, mais du secret de chacun, un par un, et astreint donc à une vérification (le divan).

Ce que décrit Lacan, recourant constamment à la philosophie (et d’autres domaines, puisqu’il touche à cette structure antérieure aux champs intentionnels, autrement dit antérieurement à tout l’humain) c’est aussi ce qu’il critique ; que tout, en dehors de la scission du corps vivant, relève du moi ou de l’imaginaire (image de moi-même en quelque manière) ; y compris les objectivités qui ne peuvent pas entamer l’épaisseur du moi-même, sa densité ; ainsi on fait semblant d’être philosophe ou de croire en ceci ou cela ; le seul réel c’est la scission et tout le reste vient combler ou pour mieux dire souder cette séparation (qui est douloureuse et même horrible, le vivant n’y comprenant rien, sinon une panique). Il n’y a donc pas de résolution pour Lacan sinon un « faire avec » ; si la psychanalyse avance suffisamment, on parviendra à faire avec sa division et même à alléger les soudures, les coutures, les rapiéçages du moi bricolé.

Et cet allégement « arrive » in vivo, au cours d’une séance ou comme une sorte de révélation, un dénouage, une possibilité plus ou moins soudaine ; elle a besoin de cette actualisation, et en présence d’un « autre », d’un point de vue « autre » qui vient matérialiser un vrai et réel signifiant-regard qui est précisément ce signifiant (oublié à jamais) qui un jour nous a scindé le corps, ou nous a coupé le regard, ou nous à bifurqué l’intention. La fausse résolution pour Lacan ce sont toutes les autres ; celles qui prétendent réunir l’intention en un seul regard d’un seul mot. Lacan privilégie en vérité le mouvement ; que cela (la vie éprouvée) puisse continuer de s’écrire (au lieu de se simuler, répéter, angoisser, dégoûter, etc).

C’est évidemment, du point de vue de libération philosophique, une anti-philosophie ; mais son but est de libérer non pas mêmes « les mois » mais ce moi, celui qui est actuellement sur le divan et qui obtient, peut-être, cette seule délivrance de son nœud psychique. Il ne s’agit pas de l’idée générale de libération, mais d’un dispositif signifiant qui vous a coupé bel et bien ou plus exactement peut-être d’un signifiant dont vous avez crû à la scission ; parce que cette coupure qu’elle ait eu lieu ou non importe peu, c’est votre interprétation qui vous a fait croire être-vu du dehors ; et croyance à laquelle vous avez affecté un signe ; par quoi cessant de vous prendre pour le centre du monde (comme un enfant ou un vivant qui est au centre de son monde-milieu) vous vous êtes décentré et donc perdu, littéralement perdu de vue, étant perçu par un autre (cad un signifiant qui vous serez appliqué extérieurement, vous tuant, comme vivant et vous transformant en existant.

On comprend, si l’on peut dire, le tourbillon que provoque le signifiant qui représente une conscience qui vous observe ou vous qualifie ; mais on n peut pas situer une conscience, un regard ; on ne sait pas de « où » il regarde ; on voit les mouvements de signes divers mais pas ce qui est à la manœuvre ; l’agencement de signes mais pas l’agent, et évidemment on est, on devient, on est contaminé, on copie, s’identifie à ce regard qui « devient nous », mais autre… ce qui est sidérant (on retrouve le regard d’autrui de Sartre mais Sartre conduit beaucoup d’agressivité envers ce regard, il s’en défend pour ainsi dire, il lutte, puisque pour Sartre le regard explicitement autrui, et non pas « un regard » insituable qui devient moi-même et me prend dans ses filets. Et étant insitué le regard pourra user de beaucoup de signifiants, ordonnés selon une ou des chaînes (de signifiants), organisé « comme un langage » (il faut bien que s’organisent ces signes, sinon ils se disperseraient n’importe comment, en cela le n’importe quoi n’existe pas).

L’objet du désir vient donc souder la scission, imaginairement ; et doit être relancé constamment. Rien ne peut combler le désir, qui n’est pas naturel du tout, mais générer comme dispositif très complexe à partir de ce qui est supposé (imaginé, halluciné) sous le signifiant (qui, prolixe, part dans tous les sens potentiellement ou tourne en rond si on est malheureux).

Ce qui manque à vrai dire (et outre la capacité de résolution de la psychanalyse pour tel moi) c’est donc, pour nous, ici, et suivant plus ou moins Sartre, ce qui manque donc c’est le regard ; ça n’est pas un objet, serait-il petit a, ni signifiant ou un lien signifiant, mais l’acte, l’activité même de « conscience ».

Une conscience ne sait pas qu’elle existe comme conscience ; elle croit qu’elle est un moi et ce moi doit ou devrait ou aurait dû correspondre à quelque chose, à quelqu’un, à une réalité, un contenu, un comble, une plénitude, etc (le moi-signifiant cherche son autre-signifiant, ou une sorte de signifié halluciné). Mais on a vu ici que le régime réel de notre être (qui ne correspond à rien dans le monde, le donné, le vécu ou le corps) est celui de l’insatisfaction et non de la satisfaction. Un arc de conscience n’a aucune correspondance avec quoi que ce soit ; de là qu’il faille décrypter et élaborer et étendre l’intentionnalisation en et par elle-même. Ce qui s’est nommé donc dieu, la pensée universelle, le christique, le sujet, la révolution, le réel.

Sartre pointait toujours très très loin ces illusions du moi, de même que Pascal, inventant le vocable « moi », à propos de Descartes (et se méprenant sur ce qu’il fallait entendre par « sujet », que René ne prononce jamais ; il décrit seulement tout à fait scrupuleusement le dispositif dont il rend compte et qu’il élève jusqu’au champ philosophique) et Pascal donc, de son point de vue, néantise ce moi (en vue donc du dieu théologique, tandis que Descartes promeut un autre dieu unique et christique et libre, celui qui n’est pas l’être, cette Idée, mais la volonté, cad l’intention).

Ente la conscience impersonnelle de Sartre (dont l’existence doit pourtant récupérer une individualité, qui cependant n’obtient de validité que sous l’universel, à terme révolutionnaire humaniste et marxiste) et le moi de Lacan qui, si il se libère un peu, se desserre du col pour ainsi dire, n’en demeure pas moins un « moi », il s’agirait bien plutôt de découvrir la voie qui rend à chacun son individualité véritable et une ; une singularité, qui, rappelons-le, débute avec le christique ; même si celui-ci imposait avant tout l’égalité de chacun et de tous tandis que Descartes en affirme l’individualité singulière (douée de plus de ses propres affects, de ses passions jamais rétrogradées mais affirmées et cherchant à les imposer comme assurance de soi, de soi-même, du je bel et bien existant, une « estime mesurée » de qui l’on est, un ancrage, un enracinement très profond, puisque ni plus ni moins il s’agit de créer l’affect, ou les affects, qui correspondent à cet universel existant qu’est le je).

Il faut donc que la structure universelle soit universelle parce que structurelle et non l’inverse, ce qui veut dire que le rapport seul existe, et que tout le reste est, certes, mais un être relatif à, donc, l’exister. Et ainsi c’est doublement qu’il s’agit d’une singularité ; singularité du je et singularité de l’actualisation ; dans la singularité du je vous choisirez, vous déciderez et d’une décision qui n’existera que dans et par cette actualisation de l’existence ; il y a une existence afin que l’on choisisse. Si Sartre pousse la décision existentielle vers l’universel (et de l’extériorité), Lacan impose que la structure, cad le champ intentionnel, existe, pré-existe en quelque sorte à tout ce qui suivra au cours d’une vie vécue ; la scission qu’impose le signifiant au corps vivant est un tel champ intentionnel, qui vous exporte, expatrie, de fait et dès le début.

Pensée grecque et christique, universel et intention, ou égalité structurelle et liberté structurelle ; il s’agit de déployer la structure qui n’est pas les contenus mais cela qui produit des contenus ou plus exactement la conscience, soudaine (qui fait-effet de révélation), que nous produisons ces contenus et se pose donc la question ; qui produit les contenus (ou le monde comme dieu en tant que pure intention autre, Rapport avant tous les rapports, ou la pensée les idées, qui doit se connaître ou à tout le moins se savoir (sans se connaître comme objet, mais se savoir comme principe, ontologie, logique ou logos, etc, ce qui veut dire « se tenir elle-même en tant qu’horizon ») ?

Au moment historique de Sartre et Lacan la structure parvient à une telle proximité qu’elle peut commencer de s’analyser telle quelle ; et spécifiquement elle se heurte instantanément à la chose qui existe, la racine d’arbre de La nausée « ça existe ». de même le moi éprouve immédiatement l’être, l’impossibilité de l’être ; un moi imagine qu’il Est (ne serait-ce qu’en un Objet supposément réalisant la jouissance, la jouissance qui n’existe pas, jamais, nulle part ; des plaisirs qui pallient en remplacement à la jouissance, oui, mais l’étayage, cad le pont imaginaire entre la jouissance (hallucinante) et les plaisirs (hallucinés) est très difficile à instaurer ; le moi doit énormément travailler ce passage ; et parfois dans le manque du manque, ça ne s’effectue plus et il entre en dépression, il ne peut plus même intentionnaliser, ce qui veut dire désirer ; il ne s’invente plus de manque, ou se révèle à lui que tout n’était que constructions, alors que tout désir croit spontanément que l’objet est désirable en lui-même ; il s’avère que non. Ce qui veut dire, soit dit en passant, que le rythme, le régime de la structure de conscience, intentionnelle, n’est pas de désir. On verra.

Et si le moi se heurte soudainement au réel, à l’exister brut, sartrien (ou aux variations heideggeriennes, mais dans l’autre sens) ; puisque le moi voudrait former un cercle, lequel se brise sur le réel tout à fait Autre et tout à fait a-humain ; inhumain pour Heidegger et surhumain pour Nietzsche, et par ailleurs horrible pour Lacan, puisque la jouissance, si elle se réalisait, abolirait tout plaisir, tout désir, toute image, toute intentionnalité, tout corps, bref tout ; la jouissance est infiniment proche pour le psychotique, et donc traverse la réalité et s’impose comme hallucination et indicible ; le dire permettant de passer … à un autre dire, à un autre signe, à un autre désir ; un coinçage est la répétition du « même » désir et non qu’il puisse se réécrire et se réinventer, ce qui fait souffrir.

Bref, l’exister brut sartrien (ou camusien) est l’aveuglante évidence de l’altérité absolue du réel ; il en juge selon son moi (qui veut faire cercle désir-objet et donc complétude) mais la vérité du moi est le je … Dieu, la pensée, le christique, le sujet ou le réel sont tous également a-humain. Il faut bien réfléchir à cela et prendre en considération (les juifs ne comprennent rien à l’exigence de dieu, personne ne comprend, les français ne comprennent pas la Révolution, même si ils la veulent ; tout cela est stupéfiant ; Rimbaud est ultra dépassé par sa propre Intention poétique). Le je cible pas le bonheur (le bonheur est requis pour qu’il y ait des mois qui soient susceptibles de leur je, mais pas plus ; le bonheur n’est pas la finalité) ; ce que le je entend, perçoit, Voit dans sa grande vision est tout à fait autre ; et c’est évidemment tout l’intérêt de dieu, de la pensée, du christique, du sujet, de la révolution et du réel.

Aussi l’alter ego des juifs est dieu, tout comme l’alter ego du moi est l’exister sartrien, le « là » du réel tel qu’il existe Autre que le je, or portant si il se comprend bien le je est lui-même absolument effet d’altérité ; un rapport est toujours (toujours) autre que lui-même … on y reviendra.

Mais pour le moment la structure en forme de rapport de l’arc de conscience (rapport qui idéalement voudrait former cercle entre son idée-image-sentiment-plaisir-jouissance-objet etc, et la réalisation, ce qui n’arrive jamais) se heurte au réel (qui est « ce qui ne fonctionne jamais », ou ce qui fait mal) et la notion générique de ce heurt est l’exister, l’altérité de tout ; non pas de tel objet seulement (dont la Chose psychanalytique est la version horrible, ce qui veut dire le trauma, la scission dont on ne revient jamais et qui nous dispose d’un regard, ou donc d’un signifiant, à jamais externe, qui nous enfonce dans une paranoïa fondamentale) mais l’altérité de tout cet univers ; lequel dans le christique est précisément destiné à la re-Création qui sera, puisque le christique est le point absolument autre, autre que tout, qui ouvre de lui seul, étant celui par qui le Père a créé, qui ouvre donc de lui seul la re-Création, selon son corps.

C’est bien ainsi qu’il initie tout ce qui suivra et que, depuis, on recherche ce point-autre, puisque c’est lui qui bascule, qui bascule tout le reste.

Et ici on présente donc que ce point ne bascule pas idéellement le réel, mais est le réel en tant qu’il bascule et que la nature même du réel est de basculer ; ce que l’on résume en ce que seul un « sujet », une structure-sujet est susceptible d’accepter la perfection absolue, à savoir non la perfection inerte, mais la Perfectibilité, puisqu’il existe, le sujet, en tant que rapport lequel seul peut re-venir sur le début ou donc la fin. Initiant donc le Commencement continuel.

Autant qu’il est possible sur un tel sujet évidemment, analyse dont le schéma est l’indétermination, cela même dont il est question, Sartre et Lacan analysent si parfaitement et rigoureusement que l’idée surgit que peut-être partout et à chaque fois la philosophie a très exactement piloté son observation toujours au plus près de « ce qui arrive réellement ». Le champ impersonnel de conscience et le regard-autre insituable, soit donc le signifiant. Et a posteriori on se dit qu’étant donné que l’arc de conscience est un rapport il cherche son organisation structurelle ; positionnant des réels et non seulement des contenus ou des idées ; des réels tels que dieu, l’être, le sujet, le je, le réel soit donc l’organisation interne du réel.

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