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instants philosophie

L’inouï

10 Juin 2023, 16:42pm

Publié par pascal doyelle

L’inouï nous étreint et nous rince. On a vu que nous ne sommes pas sans rien.

Contrairement à ces succédanés de justifications développées par et pour le moi, la formulation du sujet tel qu’on l’éprouve depuis grosso modo 2 siècles, mais surtout avec cette accélération formidable des fameuses années soixante (en quoi elles consistent, ces incroyables années soixante), justifications donc du moi qui adore désespérer, jouer au mécréant, au « rebelle » et ne plus croire en quoi que ce soit, ce qui est bien pratique et lui justifie quantité de dérives souvent raisonnables mais parfois tout à fait délirantes, voire idiotes,

bref le moi qui aime croire à l’absurdité du monde, et se prive ainsi des grands, des immenses arcs de conscience qui eurent lieu et dont, pourtant, il est issu, né, causé structurellement parlant et qu’il ne serait pas, lui, le « moi », le moi-même chéri, sans les sujets qui l’ont précédé,

ce moi qui s’ébaudit de sa richesse (très réelle), s’est égaré dans les miroitements. Les miroitements, les images. Or le sujet est, lui, le miroir, et non les images qui se croisent dans le miroir. Impossible d’enfermer le miroir dans quelque image que ce soit ; il requiert un autre système de signifiants, ce qui s’est nommé philosophie, par ex, depuis longtemps (philosophie qui a pu se relancer par Descartes et suivants, en tant qu’ils cherchaient, eux, à délimiter le miroir).

Ne cachons que la difficulté serait d’adapter le sujet ou les grands arcs de structure au niveau des mois eux-mêmes ou de la réalité effective ; si le moi devint une nécessaire liberté c’est afin d’avancer au plus loin possible dans le donné, la vie vécue, le relationnel, les objets et les images, etc.

Bref un niveau avancé de civilisation qui autorise une attention démultipliée et si totalement détaillée ; tandis que dieu, la pensée, le sujet ou le réel habitent en leur haut niveau, mais abstrait en comparaison. Projets, entreprises économiques, industries et professionnalisme, consommation et personnalisation, tout réclame une attention soutenue de tous. Il s’agit d’une industrie généralisée de toute l’activité de conscience possible, de toute l’intentionnalisation possible, de sorte qu’intégralement toute l’humanité, toute l’humanisation, toute la personnalisation sont poussées au plus loin ; tout est totalement réalisé (c’est une des significations du « réel » dans la formule dieu, la pensée, le sujet et le réel ; tout est réal-isé, tout est devenu monde, vie vécue, perception, etc).

Contrairement ainsi la puissance, ou la potentialité du réel (dont le principe est justement le Possible) se déverse dans l’exiguïté de la petite possibilité psychologique (conscient) et psychique (inconscient) et cette énergie non-finie nous a rendu fous ou stupides. Puisque le moi, le moi-même n’a pas les armes, le système, la capacité de signifiants pour marquer les possibilités, qu’il fuit, qu’il refuse d’intégrer, se réfugiant dans le fantasme (individuellement, chacun perd les boulons, se perd de vue, ou collectivement, on recycle à tour de bras les mêmes idéomanies, en gros celles du 19éme).

Et pourtant il y en eut pléthore de sujets ; tous plus imposants les uns que les autres.Qu’ils en passent par dieu, la pensée, le sujet (christique et cartésien et suivants et autres), le réel (et la révolution, et enfin la diversité des moi-mêmes). Et sujets qui offrirent non pas des résolutions mais de possibles résolutions, dont évidemment les moi-mêmes pourraient au moins s’inspirer, afin de créer les leurs, leurs arcs de conscience, de sujets (et non plus de mois, parce que le moi est trop court pour lui-même), et de ces sujets la coordination de tous et de chacun.

Et ainsi la totalité de toute l’expérimentation universelle et individuelle, ce qui veut dire de la singularité (comme pierre centrale de ce qui existe, en tous cas pour nous et dans cette expérimentation même), la totalité se presse contre nos yeux. Mais nous ne percevons plus rien du tout ; il n’y aura pas de méta-organisation humaine, de méta-coordination, qui seules auraient pu réguler la toute-puissance simpliste des égos (qui entraînera à terme la catastrophe écologique généralisée) ; puisqu’en tout moi ne s’élève aucun sujet, celui là même de l’universel et de la conscience de soi. Chacun ne perçoit plus que son faible rayon d’activité énervée, agitée, sans intelligence aucune, sa corruption en un mot. Il n’est aucun moyen de coordonner l’humanité dispatchée en une infinité de petits égos obsédés par leur seule vie vécue. Ou donc ; l’économie est l’idéologie du corps.

Le moi, de ce point de vue, paraît reclus dans la sauvagerie de sa nudité, tant il s’empresse d’être « lui-même », alors même que ne croyant plus en rien il n’en démord pas moins que lui, au moins, il existe. Ce qui est bizarre ; autant dire que « ne pas croire » (ni en dieu, ni à la pensée universelle, ni au sujet et pas du tout au réel, livré au fantasme brut) « ne pas croire » c’est l’articulation méprisable qu’il invente afin, précisément, qu’il puisse s’énamourer de son lui-même ; que ce soit par l’antithèse de son désespoir ou flirtant à hue et à dia d’avec ses objets de désir chéris. En bref il joue la comédie, il fait semblant. D’être.

Parce que sinon il devrait souscrire à dieu, à la pensée, au sujet et au réel ; non pas qu’il ait le choix (mais en même temps quelque peu néanmoins) puisque les quatre sont vrais, en leur mode.

Soit globalement souscrire à l’Intention. Ce qui veut dire que le réel a un sens, celui qu’il est, qu’il existe, et auquel on ne peut échapper puisque sinon on n’existe pas.

L’intention donc, ou le rapport. C’est ce que disent dieu, la pensée évidemment, le sujet (rapport aux autres, christique, et à soi-même, cartésien, et au corps, lacanien, etc), et rapport au réel ; puisque si on s’enfuit du réel, on répète. On répète toujours et encore le même circuit mémorisé. Or ça ne sert pas à répéter, la conscience, mais à actualiser ; échapper au tigre à dents de sabre ou aux conditions infamantes d’existence (et donc faire la révolution) et de toute façon un « moi », quoi qu’il en veuille, invente. Il s’est inventé, par ou contre ses parents, la société, le temps, la mort, pour ou hors du sexe, ou d’une dérivation, par une folie ou une dépression ; on a le choix, non exhaustif.

Un moi ça s’est inventé. Par son enfance, adolescence et même tout vieux et au bord de passer l’arme à gauche.
Dans l’Intention en effet on ne peut pas ne pas inventer.

Tout rapport est incessamment nouveau. Dans la foi, la conversion en l’universel (la pensée), l’égalité ou la liberté (d’autrui et de soi-même), l’égalité et la liberté du sujet, des sujets, il s’impose un progrès incessant, un progrès du dedans de la structure de conscience ; puisque l’on ne parvient jamais à circonscrire la nature même de ce qui est, à savoir que cela existe, Existe, et qu’il s’agit d’un rapport et que le rapport n’a pas de fin ; sa nature même est toujours absolument autre.

C’est ce qui eut lieu depuis la sortie d’Égypte ; dieu nous criant dessus ; « invente, mais invente donc ! » Et le christ ; venez à moi mes petits inventeurs. C’est ce qui eut lieu, et considérablement. Une indéfinité de sujets dans tous les sens et quantité d’œuvres au sens large, éthiques, politiques, esthétiques, littéraires ou poétiques, universelles et individualisées ; c’est la même chose ; avant d’être Rimbaud, il se nomme Arthur, et n’en reste pas moins Arthur, il l’existe même in-finiment plus, et chacun donnant à chacun d’introduire dans son propre Temps tous les Temps possibles. C’est bien pour cela qu’il existe des sujets. Qu’ils se donnent les uns aux autres la Possibilité. La démultiplication du monde, de la réalité, de la vie vécue, du réel, puisque le réel est un rapport et qu’il consiste à devenir, à devenir le devenir.

Aussi est-ce l’inouï.
L’inouï, depuis le début, et jusqu’à nous, et qui peu à peu est saisi et se révèle à lui-même.

Pourquoi des créateurs ? Pour montrer tout ce qui est, certes, mais surtout tout ce qui est possible. Et qui n’est pas. Et ainsi le véritable réel se tient du possible, de ce qui n’est pas encore. Nous sommes de l’ordre du Créé. Et non de l’être, qui est une concrétion, bien utile sans doute (puisque son intentionnalité, l’intention attenante à l’idée de l’être, engage à penser, à produire, fabriquer, inventer des réseaux de signifiants qui sont et seront perçus par des sujets, aucun groupe n’use de la pensée, de la représentation oui, mais la pensée est du sujet, et comme Platon le dit ; la pensée nous donne le monde, sinon on se représente un monde commun, celui de tel ou tel groupe, l’être nous implante dans la formule abstraite et vide mais formelle de « ce qui est là », en dessous de toutes les représentations, et ouvre aux innombrables systèmes, comme autant de facettes du faisceau).

De l’ordre du créé, et donc nous créons ; depuis le dieu un tout-autre, unique et antérieur à tout, jusqu’aux mois, innombrables.

Si le principe est non pas ce qui Est, mais de Devenir, y-a-t-il une raison pour le Créé s’arrête ?
Non. Le principe est alors que même une « relative perfection » atteinte, il existe encore un devenir. À la toute fin des Présents, l’Instant est cela même qui est modifié par tous les présents. Pour illustrer ; dieu n’est pas le même à la fin qu’au début, il lui est ajouté ou il a voulu qu’il lui soit ajouté l’humanité et le devenir continuel de ces êtres qui ne sont pas du tout des anges (et donc parfaits en leur intellectualité) mais il s’est ajouté, à lui-même, des êtres imparfaits étant structurellement libres et qui augmenteront la structure divine elle-même ; « je suis celui qui est en cours d’être », autrement dit « qui existe ». pareillement la pensée ne décrit pas seulement le donné tel que là, ce monde, mais crée les possibilités intellectives des variations potentielles de l’être, tout comme on crée de nouvelles mathématiques (qui ne répondent pas scrupuleusement à telle ou telle application dans le monde donné) ; pareillement l’humanité est l’ensemble des rassemblements potentiels susceptibles de se déployer ; et qui, en l’occurrence, se déploie d’autant lorsqu’elle rend possible que chacun et tous non seulement « se choisissent » (comme dans l’ancienne raison) mais tout fondamentalement lorsque chacun et tous sont donnés au possible même de « se créer, s’inventer » ; c’est ce à quoi l’on assiste depuis la révolution (que ce soit celle de la liberté anglo-saxonne ou la liberté égalité française et de toutes les variantes).

Ce qui est de l’ordre du créé est absolument réel ; il avance plus loin que le donné là ; ce qui est de l’ordre du créé est comme la pensée de dieu avant la création du monde (les rêves de dieu),
a logique de l’être in-fini (les modes infinis de l’être infini),
la sûreté de la liberté qui veut (comment vouloir toutes les intentions structurelles ou décisionnelles ou intellectives ou imaginaires, et de quelle nature sont les relations entre les sujets)
et ainsi la réalisation potentielle ; toutes réalisations qui n’apparaissent que dans et par le créé.

Il nous fut, il nous est donc possible de percevoir l’entièreté de la création (de la création comme absolument continuelle par dieu, mais aussi continuée par les sujets imparfaits) - si l’on est croyant -

ou la totalité ou le début du commencement de tout le Créé, de tout le réel possible, le début de toute la possibilité du Créé (dont nous n’obtenons qu’une relative et faible considération)si l’on n’est pas croyant.

Non pas le simplement réel réalisé, mais le réel possible.

Une esthétique, par exemple, nous fait voir une capacité ajoutée la réalité.
Un
e éthique, une possibilité relationnelle (à soi ou à autrui).
Un
e structure (dieu, la pensée, le sujet ou le réel) un ajout transformateur de tout ; on n’avait pas idée ni imagination du dieu un tout-autre avant qu’il paraisse ; ni de la pensée ni de l’être avant qu’ils se présentent et deviennent notre pensée ; ni du je avant qu’il se montre à tous (le christique) ou à soi-même (le cartésien) ; et les axes nouveaux tournèrent le monde, la vie humaine, la vie vécue ou la conscience de soi.
Puisqu’à chaque fois le rapport s’est énoncé
différemment et distinctement (distinctement mais s’existant lui-même in-finiment, puisque c’est un rapport, et donc toujours difficilement saisissable, puisque l’on ne saisit qu’un seul bout du rapport et donc « rien », sauf le mouvement et le positionnement ; dieu, l’être, le sujet, le réel ; l’intention, l’idée cad le réseau intentionnel, l’intention ici même du sujet et l’exister-autre comme principe, cad comme possible : on y reviendra).

Évidemment si nous traitons l’inouï dans sa forme structurelle accessoirement et avec indifférence, au profit de la seule réal-isation de l’humanité et de la personnalité, rien en nous n’en sera bouleversé. La réal-isation, ce monde humanisé personnalisé, délimite complètement ce qui, pour le moi, est ; il oublie la dimension structurelle du sujet. Ce que les mois pourtant recherchent, souffrant même de l’impossibilité de réal-iser la structure dans la détermination ; l arichesse de tous les rapports, de tous les objets, de toutes les images, des relations humaines et y compris des vies vécues, ne sont pas au même niveau ; le moi est passionné des contenus des rapports, le sujet du rapport (miroir) lui-même. Pour que le moi puisse au moins un minimum s’ancrer dans la structure (soit donc s’accrocher à dieu, à la pensée et l’universel, au sujet ou au réel) il lui faudrait désenclencher l’arc de conscience hors de l’unité constitutive du moi, qui veut toujours plus concrétiser la matérialité, la corporéité, ou donc la satisfaction (ici dans le monde et la vie vécue), et en regard de quoi le sujet lui semble de porter qu’en une insatisfaction, que le moi ne comprend pas du tout. Il ne voit pas, plus que la dite insatisfaction signifie le miroir et non les images.

Rappel ; le moi pour Lacan continue le désir en tant que désirs (au pluriel), afin que la continuité des signifiants se poursuit (au contraire d’être coincé dans la névrose, ou absenté dans la dépression, qui définit comme manque du manque, et donc n’a plus de désirs ou, névrotique, un seul qui se répète) ; et c’est le réel, dans les trois cas, qui effondre le psychotique, du réel suinte l’angoisse pure, l’horreur, cad la jouissance ; la jouissance (le réel) abolit le désir (et donc les plaisirs, qui sont sensibles et la jouissance, hallucinatoire), la jouissance s’imposant comme effroyable douleur ou terreur incoercible, lorsque dans le cauchemar je m’approche tellement près de la fibre hallucinatoire, qu’elle me réveille (et me réveillant je ne «rendors », je redeviens conscient et oblitère la terreur, l’horreur, le réel, l’angoisse brute) ; la fibre dont j’ai presque touché l’ignoble est le réel-du-moi ; la jointure à laquelle toute conscience, en arc, tend à échapper. Et plutôt que d’élaborer la séparation, le gouffre, la division radicale, la rupture originelle, le moi croit la remplir (par ses objets ou ses images, quitte à la couvrir du fantasme, ce qui est bien, mais en danger de glisser le fantasmatique, dévorateur ; celui qui dit que « tout est possible » du libéralisme économique ou technologique, transhumaniste par ex).d

Dieu, la pensée et l’universel, le sujet et le réel tentent, eux, de retisser la coupure (la castration), d’en percevoir la signification, laquelle est l’inouï. Qui établissent le possible mais délimité, puisque seule la limite permet d’avancer (sans limite, l’indistinct ; avec les limites, le réel sur lequel prendre appui, sinon c’est au fantasme que l’on affaire). On peut évidemment fantasmer et créer du fantasme, mais non pas croire qu’il serait la substance du réel.

C’est bien pour cela que dieu, la pensée et l’universel, le sujet et le réel sont des exigences et non des facilités (de même une œuvre esthétique, etc, est organisée, structurée, poursuivant l’historicité, reprenant le possible acquis par les autres sujets). Il s’agit d’architecturer à partir des arches antérieures. S’attendre à une compréhension objectivante, de détermination et accessible au moi en forme d’objets étalés, démontables, dont on serait la conscience extérieure, sans que soi-même on soit engagé dans la structure du réel, c’est ne pas saisir, parce que le réel on ne peut le saisir mais inversement « on en est saisi ».

Cest la rupture (du donné tel que déterminé, et indique la structure du réel comme étant le possible) qui coupe pareillement l’humain par le signifiant ; et c’est la dite rupture qui est signifiée par l’ensemble de tous les signifiants de dieu, de la pensée, du sujet ou du réel.

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