Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
instants philosophie

L'amoureux et la distance

18 Février 2024, 16:22pm

Publié par pascal doyelle

Si le tomber-amoureux n’était qu’un assemblage de qualités (de datas, pas de qualités et de défauts, quoi qu’alors ce serait plutôt de défauts), mais il est unifié, cet assemblage. et c’est là, dans cette unification, que ça se tient. 

Or ça se tient d’une structure, ce qui veut dire, ici, d’un rapport. Dont on se doute qu’il est à la fois impitoyablement puissant et profondément inaccessible. Il s’agit d’un rapport, soit donc que l’on se tient “au bout”, “d’un côté”, mais comme c’est un rapport on ne sait de quel bout. de là le vertige. un individu ainsi se perçoit soudainement de l’autre bout. Il se perd, il se perd de vue; il ne sait plus qui regarde, de où il perçoit. l'ensemble de toutes ses facultés est renversé, puisque toutes ses facultés dépendent du champ de conscience, du champ intentionnel ; il n’obtient de références, de repérages, puisque tout repérage naît de et par un champ intentionnel et que l’autre, autrui, un tel ou une telle ont volé le champ intentionnel lui-même, cad tout. 

Tout, tout entièrement volé, mais on ignore en quelle manière et sur quelle trace ; puisque c’est le rapport qui fut volé, et qui est non déterminé ; un rapport est indéterminé ; donc on ne sait pas ce qui a été volé. On a nommé cela le cœur et effectivement c’est le centre, le centre de tout le reste. corps, intellect, affect, âme, tout ce que l’on veut puisque notre être dépend, intégralement, de cette séparation, de cette coupure, de cette ligne de a à z, qui ne laisse rien en dehors, et qui coupe ce corps, cet être en deux, de haut en bas ; sans reste. Sans reste, sauf l'inconscient. l'inconscient, ou plus exactement la pliure qui rend possible toutes les autres, est ce “là” du corps, inerte, massif, creux, pesant, qui ne peut pas être signe ; on peut le signifier mais ce signe ne peut pas l’absorber; le corps c’est un “là” éprouvé et qui n’a pas mot ; tout le reste sera reliable (à d’autres signifiants), mais ce corps est autre que moi, que je, et appartient, bizarrement, au réel. il est, en nous-même, ce qui est au-dehors. 

De là qu’il serait possible de dire que l’on a conscience de ce que l'on a un corps que l’on n’est pas. Que “conscience” soit issue, et produite, par le choix interne du corps qui se “voit” en externe, par un champ intentionnel et est à la fois au-dedans et au-dehors. Que c’est cela que l'on nomme “rapport”, “conscience”. puisque “conscience” implique que l’on voit que l’on voit. (de là qu’il n’y a pas de conscience possible sans une perception, cad un vivant qui perçoit). 

La question de la scission du corps en deux c’est ce que traduit le principe de l’autre-corps ; le corps support de signes ; ce qui est impossible matériellement et ce qui matériellement dispose un “inconscient”, le corps en soi, au sens sartrien en somme, est ce qui est représenté, mais impossiblement, dans et par un inconscient ; ou ; il y a un inconscient parce que le corps bien que signe n’est pas ce signe ; ce signe, ce corps en son signifié, ne peut pas être repris, relié, tissé, cousu dans les signifiants et ce corps-signifié tombe vers le bas, vers l’immédiat. Sauf que l’on peut se coaguler au corps signifié et pressentir (faussement) qu’il y a une unité (figurée par la jouissance hallucinée). 

Remarquons que même si la coupure signifiant corps produit ou à tout le moins rend possible qu’il y ait conscience, cela n’enlève rien à l’indépendance de la conscience ; qui s’installe comme un rapport et donc lequel rapport annule tout le reste ; il l’annule au moins symboliquement (évidemment, puisque le champ intentionnel est fabuleusement perméable et accepte toute perception ou tout affect, qui vienne du corps vivant), mais il neutralise tout autre rapport, au moins en ce qu’il signifie ici et maintenant (sinon, si il, ce rapport qu’est la conscience, ne parvenait pas à saisir en avant de lui-même ce qu’il perçoit hors de tout adn ou de tout langage, ce rapport donc on ne voit pas à quoi il servirait ; de là qu’il crée son champ et qu’il le crée collectivement, en telle communauté, tel monde humain, les mayas par ex, ou qu’il le crée par et pour tout individu qui dans la généralité du groupe, dispose de l’énonciation de son propre champ, peu ou prou, plus ou moins ; déjà les grecs ou les romains et bien sur en accélération avec le christianisme qui consiste justement à donner chacun dans le regard du christique ; prolégomènes aux “confessions” de toute sorte ; d’Augustin à Rousseau, de Montaigne à Descartes ou Sartre ou Lacan, ces deux derniers tentant de saisir à même l’articulation d’un rapport à soi (qu’ils admettent ou non théoriquement la conscience, divan confession ou pas).

Soit donc. Chacun expérimente, intégralement, le sens même de la structure du rapport. Notre être (qui n’est pas un être mais un mouvement) est (forcément) expérimenté (puisqu’un rapport n’existe qu’activement, dans son activité, raison pour laquelle on assiste in situ au cogito, et que chacun copiera en lui-même le dit cogito, de fait, à peine lu et déjà intégré, pour chacun et dans l’historicité, cad dans le temps, et comme cela qui outrepasse le temps).  

Chacun l’expérimente et non seulement dans son corps (qui se révèle vidé, attiré au-dehors et pourtant absolument effectivement là, bien réel, au point que “le-réel” c’est la présence massive impossible, insignifiable du corps, qui est importé non pas dans l'inconscient mais en tant qu’inconscient ; l’inconscient se crée du hiatus in-comblable) mais dans le regard, ou plus véritablement dans l’intention. Si le regard parait tellement essentiel c’est qu’il permet à la fois la perception et la distance ; la voix est plus intérieure, comme le toucher ou l’odorat. le regard figure l’intention ; l’autre, autrui, que me veut-il ? Qu’est-ce que je lui veux ? quel intention et qu’est-ce qui se joue qui, étant non-déterminé, puisque consistant en un regard non seulement par lequel chacun voit autrui, mais chacun se voit soi-même, et enfin le regard en tant que tel ; le regard est nu, qu’est-ce que veut l’exister de lui-même ?

En quoi on rebondira sur « l’insondable décision d’être » (Lacan) se situant au cœur de tout « moi-même ». Tout moi-même ayant à organiser, prévoir, créer le possible d’un habitant d’un corps vivant. Dans le moi-même, dernière grande acquisition du devenir humain, né de la révolution humaniste universelle puis transformée en personnalisation (et personnalisation hyper active, déchaînant toutes les possibilités sur ce monde, qui n’en peut mais), dans le moi-même se joue la question ; que faut-il actualiser ? La jouissance hallucinée et ses indéfinies répétitions ou le réel et le Créé ?

 

Commenter cet article