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instants philosophie

L’homme, la femme, Lacan 

10 Février 2024, 09:53am

Publié par pascal doyelle

 

Compréhension (éventuelle) de Lacan « La Femme n’existe pas »
(ce qui suit ne paraphrase pas exactement la position de Lacan, mais en est un développement; suivant ce que l’on avance depuis le début que la philosophie se déploie dans la série de ses instanciations, de ses positions, qu’elle marque, balise de repères ; l’être, le dieu théologique, le sujet, l’existence, et leurs variations, et que tout le mouvement s’enfile, y compris Lacan)
Pour l’homme ; toutes les femmes et donc une seule.
Pour la femme ; un homme et donc tous les hommes.
L’accès s’effectue par l’universel (les femmes/les hommes)
ou par le singulier (un homme/une femme).
Caricaturalement ça aboutit à l’égoïsme (universel) ou l’égocentrisme (psychique).
Ou encore à rebours à la vérité (universelle - toutes) ou au réel (singulier - un).
Ou la femme est le fantasme de l’homme, l’homme est le réel de la femme.
Sur  le “il n’y a pas de rapport sexuel” ; puisqu’il n’y a pas de signifiant qui permette d’enregistrer le dit rapport (réel) dans le rapport qu’est un signifiant ; on ne peut pas lier le rapport à une chaîne de signifiants (les signifiants se répondent les uns et les autres et forment systèmes ici et là). Mais pas plus que l’on ne peut entraîner son corps, son propre corps, dans un ensemble de signifiants. Ou la chose donnée, cette réalité, qui existe objectivement “là”. Le réel on n’en fait pas le tour. Rappelons ; pour Sartre le donné là est l’objectivité impensable de l’en-soi ; pour Lacan l’objectivité est le rapport au corps qui est innommable, par quoi l’adolescent découvre non seulement qu’il n’est pas le centre du monde (tel l’enfant s’imagine) mais qu’il n’est pas même le même que lui-même ; il est autre au-dedans ; s’ajoute de plus qu’il lui faut, pour séduire, se représenter à autrui (la massivité du corps-autre s’hallucine comme jouissance horrible, destructrice, fusion).

Et donc :
c’est pour cela qu’il n’existe qu’une femme à la fois ;
la-femme universelle n'existe pas, mais -une-  à chaque fois, cad réelle.
Inversement les hommes existent, universellement, en tant qu’existe “l-homme universellement”,
… et donc irréel chacun,
et fantasmant la-femme, universelle ; ce qui ne fonctionne jamais.
Mais telle femme cherche un-homme,
et ça ne marche pas plus.

Évidemment ça n’est pas strictement identique à la physiologie, mais statistiquement relativement ;
et en ce cas, statistique, cela signifie que c’est jusqu'alors plutôt induit des femmes d’une part et des hommes d’autre part. Et ce qu’il s’agisse d’une tendance naturelle ou d’une construction sociétale ou d’un devenir historique (et donc tout à fait possiblement remis en cause) ; admettons donc que Lacan se contente de décrire les “mois”, les personnalités qu’il reçoit ou observe (ce qui n’était pas tout à fait sa position spontanée ; mais ça le chatouillait quand même de ne pas comprendre “le continent noir de la jouissance féminine”, comme disait Freud, en son temps ; mais Lacan, à tout le moins, permet, très largement, de passer par dessus la sexualisation excessive ; en ce sens que la sexuation devient l’illustration de structures plus étendues et plus abstraites, et non plus cette sexuation comme matrice immédiate ininterrogée, que l’on devrait admettre de tout go ; ou donc, le signifiant et tout ça, lacaniens, permettent une vue plus large de la réalité du “moi humain” ou de l’humain-même). 

Précisons encore que ça n’est pas monolithique, ou substantiel (une substance, une essence homme ou femme), mais phénoménologique, d’une logique relative pour ainsi dire (ni homme ni femme ni quiconque ne peut vivre ou se vivre sans logique interne) ; une orientation phénoménologique tendancielle ; c’est et ce n’est pas (non plus) forcément lié à la sexuation. 

Donc. Il ne s’agit pas d’une “essence” affectée en tant qu’homme ou femme ; mais d’une phénoménologie ; et une phénoménologie c’est un ensemble mouvant, fondamentalement adaptatif, qui investit la perception, le sentiment de soi, d’autrui, bref le champ intentionnel tel qu’il s’organise en tant que vivant (il n’existe, que l’on sache, de champ intentionnel que d’un vivant, d’un être vivant). 

Ou si l’on préfère, ça ne signifie pas que un tel ou une telle seront incapables d’universel ou incapable de singularisation, mais en fait plus ou moins ou selon ; c’est une orientation intentionnelle relative et presque, pourrait-on dire, statistique, ou en tous cas proportionnelle ; on est plus ou moins comme ci ou comme ça. Mais c’est une logique, plus ou moins prononcée, par laquelle on unifie terminalement ; et terminalement qui est tout à fait spécifique et absolument abstrait et finalisant, peut-être, et par quoi tel je, tel sujet, tel moi, tel corps, telle mémorisation signifie ( - son existence -) en tant que Bord.

Qui décide, oriente, dessine formellement, et formellement cela veut dire qui découpe dans la réalité, dans l’hallucination, dans l’existence, dans la vie vécue, en ce corps vivant (comme l’hystérique) ou  dans tout ce que l’on voudra, ressentira, réalisera et qui sera terminalement, virtuellement orienté par et vers le réel ou/et l’universel.

En somme, l'orientation en tant que  (l’universel et/ou la singularité)  constitue le Bord de tout ce que l’on est ; ouvre ou ferme tout ce que l’on perçoit, ressent, pressent, imagine, désire, décide, en bref intentionnalise. Le Bord de ce que l’on est, soit donc son ex-sistence, est absolument tout l’enjeu formel d’exister, l’épreuve. 

Et donc soit on finalise selon l’universel (l’homme) soit selon le réel (une femme, ou mieux cette femme, ou encore plus réellement cet individu). Et en vérité l’un comme l’autre usent du réel et de l’universel.  

On remarquera qu’ici on tente précisément d’aligner l’universel et le réel…de là que l’image du blog présente une femme (en l’occurrence Olivia Wilde) et la quadrature du cercle. Durant des lustres la philosophie a parié pour l’universel (l’homme la raison/ la femme la nature ou la sensibilité, et autres schématismes) ; depuis Descartes on a saisi que le réel n’est pas (seulement ou exclusivement ou même pas du tout pour les athées) en dieu, mais qu’il se passe ici même et maintenant, il se passe, se déroule, s’instruit, s’instancie une articulation réelle et donc effectivement relevant de son exister. trouver l’universel qui correspond au réel, tel est le but. Puisqu’aussi bien l’être, le dieu théologique (onto-théologie, qui n’est pas le dieu christique ou de la bible), la pensée (hégélienne), la raison raisonnante (etc) manquent le réel, visent à côté ; depuis Descartes, Kant, Hegel, Husserl, Sartre et Lacan, on se rapproche, on approche à pas de loup.

Remarquons que dès le christique “homme ou femme” n’a aucune importance, contrairement à ce qui traîne ici et là ; ni homme ni femme, tous un en christ (St Paul, le prétendument sexiste), puisque ce qui compte c’est le regard, cad la conscience-de, qui n’est pas sexuée. C’est aussi absurde que de voir dieu comme un “homme”, éventuellement à barbe blanche. 

Par “cet individu” on veut dire que l’on soit homme, femme ou autre, on peut très bien se considérer en finalité en tant que un, en tant que centre. Et donc se tenir du côté du réel. Et ce centre peut paraître relativement infantile ; si un moi cesse et oublie totalement d’être au centre, il périt, c’est extrêmement dangereux. Or ce centre, qui n’est plus infantile, ouvre sur une réelle et fondamentale objectivité (il n’y a pas que l’objectivité cadrée par l’universel, la science, le droit, la pensée, etc). L'objectivité du donné tel que “là”. 

Chaque réel est tenu en tant que tel et non pas repris et enregistré dans un ensemble de signifiants : en quoi consiste l’universel. l’universel est la cohérence , idéalement, des signifiants qui accroît sa capacité par une telle organisation forte, fut-ce au prix du réel, que l’on caractérise bien évidemment comme “ce qui ne manque pas de clocher” (qui résiste donc) ; le réel (ou la femme ou la chose ou l’objet a) s’échappent, bifurquent constamment. 

De là par exemple que la femme (ou l’œuvre) formulent une mascarade, rendue, pratiquement, indispensable ; la mascarade ne ment pas en elle-même, elle exprime (qui sans quoi n’obtiendrait aucune présentation ; le réel en soi ne peut pas être représenté, contrairement à ce que croit l’universel, ou l’homme). 

Le problème est en somme celui-ci ; le réel ne peut entrer dans l’universel, mais on ne dispose pour décrire le réel que de l’universel. pour le décrire mais aussi pour le vivre, l’organiser, le partager, le communiquer ou le transmettre ; hors de l’universel point de salut, mais le réel ne s’y retrouve jamais.

Pour saisir cela, ce mouvement duel, il faut comprendre que notre être, étant un rapport, ne peut pas se clore dans le réel, mais qu’il croit qu’il se referme dans l’universel ; le réel on n’en peut pas faire le tour ; les signifiants, eux, entendent constamment se relier (c’est leur travail, leur logique). musique notre être est non un être mais un rapport, il renvoie l'autre bout, du rapport, mais on ne sait pas lequel ; le “sujet” s’évanouit, sans pour autant cesser de (se) désigner ; puisque l’arc de conscience, intentionnel, tout se produit en son mouvement ; un rapport, un mot (qui n’existe jamais tout seul, sitôt un mot, sitôt tout un langage) on peut lui en ajouter quantité d'autres ; le mouvement indéfini des signifiants (tout comme l'énumération infinie des nombres, puisque ce ne sont pas les nombres qui sont, mais le rapport, que sont les nombres, qui existe (un / un est le seul et unique nombre).  

S’il y a un autre bout (du rapport qu’est une conscience) implique que l’on ne sait jamais “où” l’on est ; on se gargarise de parler d’un point certain, mais en vérité nous sommes déjà bien ailleurs ; il est impossible de fixer dieu ou l’universel ; l’universel revient à l'énonciation non finie de Hegel, à savoir que la pensée pense… et d’énumérer ou d’organiser tout ce qui fut pensé, comme contenu de ce qu’est la pensée. 

La chaîne indéfinie des signifiants doit potentiellement se dérouler librement (et non pas être fixée, clouée à un trauma ou un passé) mais trop librement elle se perd indéfiniment et n’obtient rien ou alors faussement, illusoirement. 

Rappelons que ce qui produit un trou dans la chaîne de signifiant, tombe vers le “là”, le réel, la-chose ; le signifiant est ce qui permet, à chacun, de couper la masse du “là”, et le corps, de chacun, est tel quel ce qui peut bien être signifié (par un signifiant) mais toujours hors de toute chaîne ; le corps est incroyablement massif, repose sur sa propre densité, qui ne peut pas être absorbé par la chaîne des signifiants (ce en quoi consiste l’universel, puisque l’on a vu que tout mot est en soi abstrait et déjà universalisation ; puisque le champ intentionnel qui rend possible tout langage est le champ qui produit tous les raports que sont les signes). 

L’individualité est ineffable. Outre le tomber-amoureux (qui exporte hors de soi l’arc de conscience dans le point qu’est autrui, qui nous manque, et nous déchire, lorsqu’il disparaît) le cas le plus accessible est celui de l'œuvre ; une œuvre, un tableau, etc, est une-chose. Une-chose n’est pas inerte, mais justement l’inverse ; qu’elle nous regarde (et non pas nous qui la regardons de l’extérieur ; se crée donc un extime, un intime externe). Et si elle est suffisamment œuvrée, pour ainsi dire, elle contient une indéfinité de signifiants, théoriquement (mais personne ne pourra prouver jamais le contraire, puisque la série des signifiants ce sont LES séries de signifiants, qui se créeront tout au long de l’historicité ou de notre existence ; il n’y pas qu’une seule chaîne évidemment, pas plus qu’un seul langage ou qu’un seul système de quoi que ce soit). 

De là que Lacan puisse caricaturer la pensée comme hontologie ; c’est une honte de croire que l’universel (quel qu’il soit) puisse absorber la densité du réel. La science et la raison à tout crin provoquent une angoisse profonde. La pensée théorique ou la psychologie en croyant renforcer le moi, en expurgeant le douloureux réel impossible, immonde, horrible, jette le moi dans l’obscurité, ce qui veut dire dans l’inexprimé, le silence. La science c’est très difficile, mais mettre en forme l’inexprimable réclame encore une autre sorte de capacité. Et ne pas mettre en forme l’inexprimable (esthétiquement ou littérairement ou philosophiquement ou selon la religion, etc) est l’infini danger de se démettre ; de n’être plus capable d’organiser autant que faire se peut cet extra-ordinaire. 

Ou inversement que l’on peut finaliser selon l’universel ; le signifiant appelant un signifiant et cherchant à se clore, replier, saisir, posséder. Et sans cette organisation (plus ou moins contraignante … ou contrainte) on ne peut pas exister. 

Soit donc deux règnes, qui sont tout aussi objectifs l’un que l’autre ; l’universel permet de définir tous les objets (qui en dessous sont des choses données là, et non des objets analytiquement découpé et/ou synthétisés) ; le réel permet de percevoir telle chose en son apparaître, le plus complet ou le plus détaillé ou le plus particulier possible. Évidemment cela veut dire que l’objectivité se sert de l’individu, ou que le réel utilise l’universel (sinon ni l’un ni l’autre n’existeraient). Aussi est-il curieux que l’on puisse retrouver selon une structure phénoménologique cette complémentarité. 

Et de fait, on peut rêver de l’autre dans tous les cas. Mais le fantasme (de la femme pour un homme et de l’homme pour une femme) est orienté plus ou moins d’un côté ou de l’autre (et donc des deux mais en proportion). Le fantasme “image” ou le fantasme “de présence” sont aussi irréels et idéalistes l’un que l’autre, selon leur mode.Remarquons qu’il y eut énormément de femmes mystiques ; quelle plus absolue présence que celle de celui qui s’est absenté, le christ ? 

La femme “elle n’est pas toute”, elle n’est pas toute la vérité. Parce que le réel (côté “femme” donc) ne peut pas être enfermé, cerné ; tandis que  l’universel (l’homme) est ce qui n’existe que des limitations. par schématisme (et pour faire une phrase) on dira ; la femme voit tout mais ne le sait pas ; l’homme sait tout mais ne voit rien.

 

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