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instants philosophie

L'être de violence

29 Janvier 2014, 09:51am

Publié par pascal doyelle

Il ne faut pas se cacher les yeux. Ce que la pensée a déchainé ou qu'elle a révélé qui menace, n’est pas une mince affaire, une facilité ou une régulation bien raisonnable.
Qui niera que notre histoire est remplie, déborde d’exploitations, de soumissions, d’abus, de vols et puis de meurtres, tueries, massacres ? N’est-ce pas visible ?


Certes les grecs prévoient ou canalise le possible, la folie de structure, et entourent l’être-de-conscience, en réflexivité ardue tendue, d’une pacification de raison, mais le gouffre est ouvert et il ne pouvait pas ne pas dévaler la pente au sortir des mondes réglés particuliers (le groupe, langage, monde immédiat dans une parole et échange qui millimètrent la régulation constante, renouvelée, d’un monde cyclique ou enroulé).
On a cru que sa nature, son essence se bâtissait autour de la raison. Mais en vérité ce qui est ouvert est l’engeance suprême ; la violence à l’état brut, la pure sauvagerie. Ceci est notre-être.
Comment ce qui est indéterminé souffrirait-il quelque contrainte ou quelque vérité dont il se tiendrait, lui qui sait bien qu’il n’est assujetti à rien. Puisqu’il est le sujet. Celui qui décide.
De ce qui est et de ce qui n’est pas. Sans doute est-ce en partie une illusion, ou plutôt il s’engouffre dans la brèche sans fin, mais dès qu’il soumet telle technologie (serait-ce la raison, la culture ou la science, le droit ou la religion), telle avancée en quelque domaine que ce soit, que se passe-t-il ? Il se déchaine.
De là qu’effectivement c’est une suite de massacres, exploitations, dérives et folies et absurdités. De là que l’on peut installer autant de raison que l’on voudra, tant que cette régulation finalement extérieure de la raison ou de la pacification n’atteint pas cette dureté invraisemblable, n’importe quelle rationalité ou symbolique sera utilisée en et par une intentionnalité furieuse qui dépasse largement n’importe quel raisonnable, respect, compréhension.


Notre-être n’est pas en soi pure violence physique et destruction, mais ses effets puisque cet être n’a pas de rapports déterminés au monde, au donné, au vécu, et aux autres, ces effets dévastent le monde, n’importe quel monde, mais tout autant n’importe quelle personnalisation, n’importe quel moi.
On dira qu’il s’agit alors d’irrationalités…
Qu’entend-t-on par là ? Que cela nait d’un cerveau malade, ou d’un corps démesuré, ou d’un inconscient perturbé ? Mais pourquoi serait-il malade, démesuré, perturbé ? De ses natures physicochimiques ? Ou alors de cela qu’il lui est possible de poursuivre, qu’il mène des finalités délirantes, absurdes, meurtrières : indifférentes et souveraines ?


Mais ça n’est pas le plus bas en nous qui se déchaîne ; c’est le plus haut, le plus élevé, la structure la plus formelle et donc la réflexivité même qui ploie sous son propre poids.

Notre être n'est pas en soi violence physique et destruction, mais notre être est ontologiquement une pure violence vide. Reste à en réaligner la variation.
Parce que si notre être de simplement parler et échanger est déjà cette conscience, alors le décisif, ce qui fait la différence, le décalage, est toujours-déjà notre être, notre être spécifique. On ne voit pas les animaux vouloir la destruction ou l’auto destruction ou l’annulation de leur être ou la destruction des autres. C’est notre structure qui creuse jusqu’au plus loin ; en tous sens. On ne peut pas nier qu’il soit tel. On ne peut pas recouvrir le gouffre de quelques phrases seraient-elles raisonnables ou raisonnées. Encore moins le combler d’angélisme ou d’une saine nature humaine. La violence est, et elle nous frappe en plein centre, au cœur du centre invisible et fondamentalement inaccessible.
Sauf que la philosophie crut détenir le moyen. Ou plus exactement et bien qu’elle interprétât la raison ou la pensée comme un moyen régulateur (elle n’a pas tort mais c’est insuffisant ; on peut user de la raison comme d’une arme à pleine puissance : puisque c’est encore autre chose que la raison qui utilise la raison), plus exactement donc la philosophie est cette invention et révélation qui amène notre être en face à face (ce qui est impossible mais la philosophie ruse, et pour cela elle est incompréhensible à qui n’y est pas, n’y existe pas).
La philosophie ne tend pas un miroir ; il n’est aucune image qui puisse réduire l’ampleur de notre être, elle le décentre. Mais un semblant de miroir, et elle dé/centre notre être, sa violence infinie, elle remplace cet être là où il est. Mais si elle est le début lumineux de ce dé/placement, elle ne peut très exactement le situer en son non-lieu invraisemblable. Par Descartes, Kant, Hegel, Husserl, Nietzsche ou Heidegger, on y approche plus encore… (il ne faut pas se fondre en une lecture compassée et fade de ces explorations en interne de notre-être, mais s’exploser en une lecture brutale et sauvage parce qu’ils sont le chemin, la preuve est qu’ils existent, le fait vaut la Règle ; rien ne pourra faire qu’ils n’aient pas existé).
Pourquoi ?
Parce que la philosophie faisant réflexion sur l’abomination et n’ayant plus de monde particulier, bien au chaud, pour se lover, étant réflexivité sur la réflexivité, compréhension qui ne produit pas seulement une pensée de substitution aux mondes fermés, elle place cet être hors de lui-même, elle le dé/place ; elle annule ou tend à annuler ou à offrir au moins une alternative. Remarquons que cette alternative ne tient pas très longtemps ; elle peut bien occuper quelques uns si persuadés et convaincus, mais elle ne peut pas couvrir toute l’étendue de l’humain, du déchainement.
Que veut Descartes sinon s’assurer plus loin encore que la raison d’être en possession de soi ? C’est tout aussi marquant mais encore insuffisant. A mesure que l’on avance en notre être (et la philosophie a réellement avancé vers le centre effarant de notre être, contrairement aux proclamations des « mécréants »), notre être recule, encore plus menaçant et autre que tout.

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