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instants philosophie

Nietzsche, Heidegger et l’altérité

12 Septembre 2015, 09:38am

Publié par pascal doyelle

Ce qui a causé l’impérieuse révolution anthropologique n’appartient évidemment pas au monde, au groupe, au langage (quantité de mondes humains particuliers l’ont précédée), mais est une émergence radicale qui s’est extraite de tout monde clos.

La structure qui s’est activée a brisé tous les mondes et se définit comme réflexivité qui n’est pas la réflexion telle que se l’imaginent la raison, le naturalisme ou le moi (et l’humanisation dont les mois sont eux-mêmes la réflexivité seconde) ; ce qui se nomme réflexivité est le rapport à (soi) duquel on ne sait pas ce qu’est ce (soi). Et pour cause, puisque le (soi) de « conscience de (soi) » est le rapport lui-même en tant qu’il use d’un référent, un contenu quelconque afin de se métaboliser mais au travers de tout contenu ; tout référent est seulement l’occasion de son impérativité.

Autrement dit « conscience » nait instantanément de chaque cervelle et utilise telle ou telle nomination pour se repérer mais aucune de ces nominations n’est la structure elle-même. En ceci « conscience » est la structure absolument Autre et autre que tout ; rien ne lui correspond en aucune manière en quelque monde ou réalité que ce soit.

On a pu interposer entre ce rapport et lui-même la formulation de l’universel ; ou tout au moins ce que la raison, beaucoup plus tard (17éme-18éme) a pu nommer tel, alors qu’en prise directe, cad par les grecs, il s’agissait de la pensée (la pensée est ce qui instancie notre être/dans l’être, alors que la raison s’obnubile de l’objet, reléguant le sujet par devers ; en fait utilisant le sujet cartésien, sans le dire, sans chercher à l’identifier ; la raison use du sujet abstrait ou absenté).

Remplir le rapport qu’est conscience de (soi) d’un contenu, toujours quelconque en comparaison de la puissance structurelle du rapport, par une représentation n’est pourtant pas anodin ; ce qui se délimite lorsque l’on remarque que c’est en nommant l’être que le monde apparait comme monde (comme monde général et non pas comme étant tel ou tel monde, maya ou égyptien, qui sont toujours identifiés et non pas abstraits), et le donné-là apparait par la portée effarante du « là » du donné (quel que soit le donné, le monde humain, la perception, il est un « là » en lequel il est des mondes déterminés), et c’est via le réel qu’il est une réalité.

Autrement dit définir le monde soit permet de reparamétrer l’être, le « là » ou le réel, soit se saisir de l’être, du « là » ou du réel engage immédiatement une autre vision du monde, du donné, de la réalité. Mais depuis qu’il y eut autour de la méditerranée l’hyperbole de la réflexivité vide et formelle, c’est en un seul mouvement que la réflexivité investit la réalité, le monde, l’humanisation, jusqu’à produire la personnalisation au sein de cette humanisation.

Si l’on reprend la plus large vue de l’inversion du Regard qui bascule tout à coup l’absolu tout là-haut vers le Un ici même, il est clair que la précision décisive de la philosophie consiste à se situer sur le Bord du monde ; autrement dit de même que le christique est la réflexivité tout à fait délicate qui vous expulse de l’immédiateté de tel ou tel vécu, pour vous permettre d’adopter (comme fils) un Point de Vue radicalement Autre, de même la pensée grecque restructure ce que plus tard on nommera l’intentionnalisation, les visées opérées par une conscience vers le donné et le là ; on appelle ces restructurations des Idées puis des systèmes qui permettent à chacun de faire varier la conscience qu’il prend là immédiatement de « ce qui est » dans sa vie ou à la vue du monde et d’opérer ou d’être dans la possibilité, la capacité de métaboliser, rendre perceptif et intellectif le rapport au monde, au donné, au vécu et au corps.

La philosophie est donc la discipline qui va réfléchir sur ce qui arrive à l’humanisation, soit donc l’effarante séparation, distinction, division interne au réel. Il n’est rien de bien raisonnable (au sens du 18éme) en ce mouvement d’une ampleur subsonique, infra mentale pour ainsi dire ; l’activité intentionnalisatrice de conscience (délivrée de tout groupe-langage-monde immédiat et localisé) est un déchirement intégral ; aussi n’est-il pas étonnant en soi que le sujet cartésien soit une verticalité absolument incompréhensible ou que le Un plotinien d’une exténuïté fondamentale ou que l’altérité gigantesque nietzschéenne anime jusqu’au délire le monde donné des apparences ; dans tous les cas la conscience en cherchant à se retourner sur son être propre adopte quantité de variabilités ; il faut rompre le simple positionnement rationaliste (hérité de Kant mais à son corps défendant, puisque Kant cherche à établir la structure transcendantale de notre être) qui n’amène dans la réalisation que la raison de réflexion (et non pas réflexive) ou s’use à opposer sujet (caricaturé) et objet (absorbant tout l’être, ce qui est absurde et à quoi contredit toute la pensée, depuis les grecs), et c’est ce que veulent Nietzsche et Heidegger ; recréer une modélisation réflexive qui sache prendre en compte que précisément la réflexivité est une structure sauvage et Autre absolument.

Mais aussi acharnés et exigeant soient-ils Nietzsche et Heidegger ne peuvent pas sortir de la structure découverte depuis la méditerranée, grecque ou christique ; ce ne sont pas des « idées » qui furent découvertes mais une structure qui s’est extirpée de tout monde humanisé, de tout langage et de toute immédiateté ; aussi c’est contre eux-mêmes en quelque sorte qu’au lieu de nier ou reprendre cette structure, ils l’accentuent et la poursuivent plus loin encore.

Cela suppose que la dite structure est une activité qui passe outre tous les systèmes, toutes les idées, mais bel et bien en ceci ; que cette activité est ce qui doit, peut, produira effectivement toutes les idées et tous les systèmes, tous les mondes et tous les vécus, le levier, la pointe qui basculera de la mémorisation de l’être à l’actualité de l’exister brut ; la certitude de la pensée, de la philosophie est au-delà de n’importe quelle énonciation ; et lorsque Heidegger ou Nietzsche inscrivent soit l’Etre au-delà des étants soit la volonté par-dessous les intentionnalisations déclarées, non seulement ils contre-disent toute la pensée occidentale mais surtout ils poussent plus loin les pions sur l’échiquier ; parce que c’est effectivement et réellement que la structure sauvage ontologique est l’Etre par delà les étants et la volonté suréminente aux intentionnalisations déclarées.

La structure, brutal mécanisme effarant, a commencé de réarticuler l’humain et Nietzche et Heidegger voient à quel degré de jonglerie cette distorsion s’est établie ; il faut se tordre la conscience pour passer dans le nietzschéisme et l’heideggérianisme ; ils veulent exposer la dimension (et leur pensée est aussi échevelée que celle des grecs ou du christique).

Ou donc ; la pensée ne se joue pas à deux dimensions, auxquelles la raison ou le rationalisme voudraient la réduire ; contre-disant Descartes, par exemple, qui n’en a rien à faire, puisque, lui, il pense, en trois dimensions, toute contradiction tombe à côté, et il est impossible de contredire la philosophie à strictement parler puisque la structure dans son exploration, l’exploration du Bord, se déploie, s’avance, se déplie, survient en plus constamment d’elle-même sur sa propre ligne et de ligne il n’en est qu’une.

La troisième dimension est l’activisme tel quel de conscience (en laquelle tout moi, chacun, nage éperdument à ne plus s’y retrouver, puisque le positionnement de conscience n’est jamais le un-tel de « je suis un-tel » mais est le je insituable). La pensée a cartographié l’ensemble des déplacements de conscience selon les grecs, le christique, le cartésianisme (qui, on l’a compris, ne tient pas à Descartes René mais René expose le point précis d’application réelle de la structure), de même que soudainement et ouvrant encore autrement le cheminement Heidegger et Nietzsche (ou Sartre ou Lacan, et d’autres), du point situé au plus étrange (depuis Descartes qui nous largue « là » à la surface –étendue du monde unique universel, plantés) et tentant de penser (comme les grecs, comme le christique) Nietzsche et Heidegger se plongent dans la bizarrerie du point à la surface du réel.

Et cette situation est de troisième dimension ; le lourd et épuisant retournement heideggérien, la sidération explosive animant Nietzsche montrent la non humanité de ce qui nous a pris, expulsé, annihilé, intégralement retournés à partir du dedans sans dedans du donné là et du « là » du donné ; ce que l’on nomme le mouvement tournant du réel, réintroduisant la réalité.

Mais cependant faute de demeurer dans la dimension (en réalité les deux dimensions naissent de la troisième), Nietzsche et Heidegger sont dans l’obligation de dénommer l’altérité ; Heidegger croit que l’Etre fait sens par-dessus toutes les significations et Nietzsche croit que la volonté s’oriente par-dessous les intentionnalités.

Ce serait si "simple" alors.

La vérité est bien plus complexe que cela ; Nietzsche et Heidegger, comme on l’a dit, avancent prodigieusement sur le cheminement de l’exploration de la sauvagerie ontologique (et ont besoin de renier intégralement toute l’historicité d’une part raisonnable, qu’ils confondent avec la pensée et le christique, abusivement et absurdement et d’autre part humaine ou humaniste) mais ne comprennent pas comme le Un nous a terrassé et que le Un a déployé sa folie, son délire, son exhaustivité structurelle et que comparativement à la dureté du Un, l’Etre heideggérien et la volonté nietzschéenne sont de pauvres enfants éperdus, désespérés.

Et comparablement Nietzsche et Heidegger veulent plier l’humain et la raison en la dimension ontologique ; que le Un prenne la forme de la volonté ou de l’Etre est précisément le marquage second qui peut s’opérer lorsque l’on quitte que ce marquage se limite à la raisonnabilité ; ni le christ ni les grecs ne furent « raisonnables ».

La pensée grecque et la rupture christique ont déracinés intégralement l’humanisation. Le Un s’est imposé et a déchiqueté de A à Z le corps de toutes les consciences en les créant une par une (par la pensée ou le Point externe christique effrayant) et impitoyablement. Rien, aucun mouvement par la suite n’obtint la puissance invraisemblable de « ce qui distingue », de ce qui dans tout, chaque contenu scinde le contenu de conscience en deux, dont l’une face part s’en reculant par delà tout repère.

Nommer volonté ou Etre ce qui est sans-nom, sans identité, sans détermination permet de reprendre la définition de la structure par un autre biais que celui de la raison, raisonnable, et autre que celui de l’humanisme ; puisque de fait Nietzsche et Heidegger trament un anti humanisme fondamental ; la structure, l’activité structurelle de conscience formelle n’est pas humaine, de fait.

Mais c’est encore nommer l’innommable absolu ; l’Autre intrinsèquement incompréhensible ; c’est encore le simuler et l’inscrire selon telle ou telle faveur ; une mysticologie du langage pour l’un et une hyper intentionnalisation pour l’autre. Rien de tout cela n’est le fond de l’affaire, bien que, comme on le voit, par ces deux là le processus continue de s’approcher de son étrangeté.

En clair l’intrusion du Un ici même n’est pas tant un procédé d’hyper volonté instinctive ou un super Sens métabolique, qu’une logique incoerciblement diffractée et rigoureusement non humaine, non psychologique et pas même « psychique » ; puisque la structure est précisément ce qui échappe hors de la cervelle ; le passage hors du mémorisé ; tout est mémorisation, tout est l’être, excepté cet-être de conscience, arcbouté au présent exclusif.

L’interposition qui eut lieu que la raison (et l’humanisme, cad le naturalisme ou ce qui tient l’humain pour une donnée « naturelle », serait-elle un peu plus élaborée que la nature brute, la psychologisation et toutes les sociologisations que l’on voudra), que la raison donc tient pour simple réflexion du donné sur lui-même, est tout au contraire la survenue de l’Agissement extirpé des mondes humains, qui les a tous créés mais alors recouvert par ces mondes synthétiques, et lorsqu’elle, l’interruption des mondes humains, survient, l’humanisation s’est vue radicalement dépassée par une articulation bien autrement exigeante et excentrée ; aussi diffractée qu’un univers est délirant. Le mécanisme de conscience est aussi fou que cet univers inhumain.

La volonté nietzschéenne comme hyper intentionnalisation ou l’Etre comme surcroit imprononçable de Sens (rigoureusement et hors de l’humain), interprètent et touchent juste en montrant comme l’inhumanité de la structure de conscience avance masquée, par-dessous ou au-delà.

C’est parce que l’on a mélangé la conscience et le conscient en croyant que l’énoncé était l’énonciateur, mais l’énonciateur est le mécanisme le plus invraisemblable soit ; le « ce qui n’est pas » mais ex-siste au travers de représentations qui sont autant de placements et de déplacements sur la surface du réel. Evidemment que le mécanisme de conscience « voit » les déplacements mais les mots et le conscient sont pris dans le jeu le plus étendue, l‘uni plan du réel ; la perception du mécanisme vers le réel passe au travers en plus et au dessous des énonciations. Or cependant c’est ce déplacement vertical non saisissable qu’amène, au-devant, la pensée, la philosophie.

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