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instants philosophie

Ruse vers l’horizon

26 Novembre 2015, 11:23am

Publié par pascal doyelle

L’arc de conscience est donc ce qui a retourné intégralement l’humanisation. L’humain se définissait jusqu’alors par la communauté (le groupe), le langage et le monde immédiat localisé. Mais autre chose a eu lieu.

On a cru un temps que ce retournement se limitait à l’acquisition de et par le raison ; on ne sait pas trop ce que la rationalité signifiait ; elle n’est somme toute définie que par Kant à peu près telle qu’imaginée par le siècle des lumières, la création d’une épistémologie en propre et tout à fait valide, mais c’était aussi bien oublier que Kant lui-même pensait manifester une suréminence dite transcendantale et ayant en charge l’étrangeté ontologique de notre être ; c’est cette même étrangeté qui reviendra par Nietzsche, Heidegger, Sartre et Lacan, mais entre temps par Husserl qui détaillant considérablement le transcendantal, en le renommant et précisant dans le donné là ici même que c’est l’activité d’un minuscule mécanisme (que pourtant il entoure encore d’un contenu, serait-il privilégié, mais qu’il décrit dans ses structures potentielles, les prolégomènes en somme à l’acquisition des contenus idéels, et prolégomènes décrits qui constituent réellement son apport, et non ses conclusions ou résultats).

Mais par ailleurs en chaque monde humain s’est élaborée tout activement une synthèse, qui tentait de prendre en compte, en l’acceptant, tout le donné là disponible et ayant à légitimer son propre accès de groupe qui parle, échange, vit, perçoit ; de mythologiser son propre monde mais aussi les liens qui l’unissait et tel que la parole (de tous vers tous, de chacun vers l’ensemble) faisait office de trésor commun absolument nécessaire et impératif ; sans communication s’assurant d’elle-même et donc avançant jusque dans le corps de chacun signifié et porté par les autres dans un seul monde parlant, sans ce retour de synthèse le groupe risquait constamment la dissolution.

Mais il se produisit autre chose. Ayant épuisé tous les mondes humains particuliers ou découvrant soudainement une autre astuce, s’est inventé un accès tout à fait différent et il ne consiste pas comme on a apprit à le croire en la « raison » (qui est une traduction tardive du fait Autre qui se produisit, est une interprétation).

Ce qui s’est activé c’est l’arc de conscience (qui n’est pas le conscient) tel qu’il se surimposât intransigeant tout monde particulier, et s’imposât comme structure par dessus tous les occurrences mondaines et tous les langages et tous les groupes humains. Par les grecs, les chrétiens et tout autour de la méditerranée.

On a pris l’habitude de nommer cela l’humanisme ou la raison ou la réflexion ou la liberté, etc. Mais c’est évidemment plus complexe. Humanisme et raison paraissent aplanir la visée vers et dans le donné là du monde, en tant que notre nature humaine, notre corps, du langage. Ce qui fut mis en jeu est bien plus grave et approfondissant, et c’est de cet incompréhensible que se sont tenus les élancements bizarres de la philosophie, de nos esthétiques, de nos politiques ou éthiques, de nos humanisations « humanistes », de nos personnalisations dont chacun dans sa chair, son corps, son moi est, qu’il le veuille ou non, titulaire.

On remarquera que depuis il n’y eut jamais autant d’exploitations et de massacres ; c’est un fait. Les guerres précédentes étaient limitées de par les moyens, les enjeux et les étendues, voir quasi absentes durant des millénaires, étant donné la faible population et les distances et la limite de survie qui restreignait les possibilités comme les ressources. Lorsque la « raison » s’est développée, tout fut décuplé et donc les investissements et les concurrences, jusqu’à la mobilisation totale de toutes les richesses d’une société visant à écraser, dépouiller, annihiler l’autre.

C’est que le surgissement de l’accès Autre qui s’est surimposé aux sociétés humanisées simplement dans leur particularité, chacune séparée, est le déchainement intégral d’un petit mécanisme de rien qui jusqu’alors était absorbé par ses productions - le langage, le groupe, le monde local, les échanges entre soi, sa mythologisation, sa représentation à ses propres yeux, son propre corps - qui était utilisé par ces contenus-là ; chaque contenu de conscience entourait, enrobait, humanisait ou parlait l’arc de conscience, bien au chaud, lové, tandis que sortant l’arc hors de tout monde, la Possibilité même, le Possible, la potentialité, la puissance au sens strict (et non pas irréalisé) se sont déchainés sur le monde, dans l’humain, dans les corps eux-mêmes.

Le strict minuscule mécanisme de conscience est la pointe aiguë qui s’interpose dans le présent même et commence de restructurer toute réalité, parce que recomposant toute énonciation, toute parole, tout langage, mais aussi toute la perception ; en laquelle transformation furent appelés les esthétiques, éthiques, politiques, idéels, etc, qui servirent d’éducation pour cette pointe d’attention hyper précise et attachée, acharnée à couper et découper tout ce qui lui venait sous les yeux.

Évidemment ce qui conquît le monde, la planète, n’est pas la configuration pensée (grecque), dimension-autre (chrétienne), sujet (cartésiens et suivants) mais leur transformation et adaptation en figurations de ces configurations ; soit donc la raison, la naturalité et le moi. Quiconque sur la terre succombe au moi (et comment ne le pourrait-il pas) entraine instantanément son adaptation comme raison, et naturalité, quand bien même il n’aurait pas lu ou se serait instruit de la pensée ou de dieu-le christ ou de Descartes et de la philosophie en général. C’est une structure qui a perforé le monde, le donné, le vécu et le corps ; non pas des « idées » (les idées étaient seulement des mises en forme potentielles de l’arc de conscience passant par-dessus les langages et les mondes humains, les corps et la perception, le localisé et l’immédiat, etc).

Rappelons que la philosophie ne crée pas l’arc de conscience (qui se débrouille pour se réaliser en quantité de domaines) mais qu’elle est la discipline qui veut saisir « ce qui est arrivé » à l’humain, et dépourvu de tout monde donné là, parlé ou lové sur lui-même, et donc jeté dans le Grand Monde, l’universel monde donné « là » (de ceci que la philosophie extrait soudainement l’être, qui est une formule abstraite vide mais sur- efficace … l’être est le « là » de tout donné, le « là » antérieur à tout monde humain particulier qui nous précipite dans l’universel, qui n’est pas l’universalisation de la raison seulement mais le « là » absolument présent partout, l’exister pur ; c’est si l’on veut bien le Un de Plotin et l’exister de St thomas).

Dès que l’on a un moi (ou dès que l’on croit être un moi), on se charge immédiatement de toute l’ampleur du mouvement. On active en soi la pointe acérée de l’arc de conscience qui « fait attention à tout », au moindre fait, signe, perception, et c’est cette engeance, absolument stricte, qui s’est emparée via le moi et n’est plus protégée dans la gangue d’un groupe ou d’un monde, d’une communauté, d’une parole partagée (entre tous et entre les choses).

Engeance parce que le Un activé, l’arc de conscience est bien plus vaste que ce que l’on désigne par la réflexion et la raison et le conscient ; et c’est cette ampleur dont fait fond la philosophie, soit donc non pas seulement la réflexion (de la nature humaine sur elle-même) mais la réflexivité de la structure vers elle-même (l'arc conscience-réel) qui décrit cent fois et originalement et originellement, à chaque fois, l’articulation suréminente incompréhensible et récurrente (puisque d’une structure il s’agit) ; Descartes, Plotin, Lacan ou Nietzsche vise une Altérité si évidemment Autre qu’elle ne rentre pas du tout dans la limitation que l’on a voulut opérer comme raison, humanisme court et psychologie plate ou composite.

Absurde de renier la raison, la naturalité et le moi (cad nous-mêmes … de fait). Et absurde aussi de comprendre l’arc fantastique de conscience comme irrationnel et désigner son altérité comme un fantasmatique règne d’on ne sait quoi ; l’arc de conscience est précis, inventif, créateur, déchainé, hors de tout horizon, puisqu’il constitue les horizons (quels qu’ils soient et y compris les horizons inclus dans tous les mondes particuliers antérieurs, il était seulement enrobé dans le langage-groupe-localisation de chaque monde séparé), mais il ne s’active qu’au contact du réel « là », embarquant toute donnée dans son effort.

L’arc de conscience est incontrôlable ; il passe outre, c’est clair, outre l’humanisation comme humaniste et la personnalisation (il s’en prend au corps, à la satisfaction, au bonheur du corps, du moi dans son corps, le désir dont on fait ses choux gras, est une symbolisation, un symptôme, et effet et non pas cause). Et c’est précisément, très précisément, ce que cible la philosophie ; la stase cartésienne mais tout autant la pensée grecque veulent parvenir à se saisir de « ce qui nous saisit » ; ce qui vient d’outre réalité (et que l’on n’a pas situé ici comme absolu-au-delà mais comme Un-ici-même en tant que Bord du monde ; transcendance dans l’immanence même, en ceci que c’est visiblement plutôt la transcendance, définie structurellement, qui crée, engendre, fait exister l’immanence …).

Contrôler le non contrôlable. Puisque l’arc de conscience est justement « ce qui se précède » ; ce qui se tire de son avenir, et par avenir il ne faut pas entendre seulement le temps et c’est pour cela qu’est requise l’ontologie (c’est encore une réduction, mais très perspicace et éclairante, qui voudrait que la réflexivité, l’arc de conscience se comprenne selon ce qui reste néanmoins une détermination du monde, le temps ; « ça » n’a pas de temps) ; l’ontologie cad la philosophie, soit comme métaphysique, grecque, ou comme dimensionnalité, chrétienne ou comme méta, cartésienne et suite ; seul savoir qui permette de « vouloir saisir » l’insaisi ; « conscience » est ce qui se tient en-avant de soi, puisque le soi est un (soi). Un rapport. Et que rien ne peut pénétrer ce rapport, pas même lui-même.

Et puisque c’est non pas une idée mais une structure, c’est elle encore qui se veut par la structuration nietzschéenne, heideggerienne, sartrienne, lacanienne ; la structure use de tout ce dont elle peut être pour manifester ce qui n’est pas, pour précisément retourner antérieurement selon l’exister en plus de l’être.

Rappelons que la structure est l’arc de conscience ; rapport de (soi) vers (soi), en lequel rapport ça n’est pas le moi, la pensée, dieu qui forment le soi, mais le rapport lui-même qui est son propre (objet)-sujet. Soit donc une forme pure et simple qui est Autre (par rapport à elle-même) et ce sans raison, sans détermination, de manière incompréhensible ; elle ne peut pas être comprise dans un rapport, le rapport revient toujours purement « sans rien » ; ou ce qui est le même l’arc de conscience surgit de la cervelle et aucun contenu ne remplace cet arc, lequel est seulement arcbouté au réel, au brut et donné « là » réel. Il se précède donc en ceci que sa forme, sa nature, son exister est toujours vide et en retour.

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